TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE

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Author: Perrault, Claude
Title: Du Bruit
Source: Du Bruit. Et de la Musique des anciens. Extraits des OEuvres diverses de physique et de mécanique (Tome 2) (Leide: Pierre Vander, 1721; reprint ed. Genève: Minkoff, 2003), 151-236.
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[-151-] DU BRUIT et DE LA MUSIQUE DES ANCIENS.

Extraits des OEuvres diverses de physique et de mécanique (Tome 2)

Préface de François Lesure

Par Monsieur PERRAULT, de l'Academie Royale des Sciences, Docteur en Medecin de la Faculté de Paris.

A LEIDE,

Chez PIERRE VANDER Aa, Marchand Libre, Imprimeur de la Ville et de l'Université.

MDCCXXI.

[-152-] [Perrault, Du Bruit, 152] [PERBRU 01GF]

CLAUDE PERRAULT, de l'Academie Royale des Sciences

[-153-]

TABLE GENERALE DU TOME SECOND.

DU BRUIT.

PREMIERE PARTIE.

Où il est expliqué, quelle est l'agitation de l'air qui fait le Bruit.

CHAPITRE I.

Idée de l'agitation de l'air qui fait le Bruit, exposée par six Phenomenes.

CE que c'est que le Bruit, page 163

On y peut remarquer six Phenomenes particuliers, ibidem

I. L'agitation particuliere qui fait le Bruit ne touche que l'oreille, 164

Les autres agitations me la touchent pas immediatement, ibidem

II. Elle se conserve nonobstant les autres agitations qui lui font contraires, ibidem

III. Elle est composée d'un grand nombre d'agitations, ibidem

IV. Les agitations qui produisent des bruits differens ne s'empêchent point les unes les autres, 164. 165

V. L'agitation qui produit le Bruit s'étend de tous côtez, 165

VI. Elle a toujours une égale vitesse, ibidem

CHAPITRE II.

Examen des causes que les Philosophes apportent de l'agitation qui fait le Bruit.

LEs causes de ces Phenomenes ne sont point bien connues, 165

L'opinion des Philosophes, qui croyent que la division de l'air est la cause de l'agitation qui fait le Bruit, n'est pas probable, 165, 166

Les ondes qu'ils ont imaginées pour cels n'y sont pas propres, 166

L'air ne doit point être divisé pour produire le Bruit, ibidem

Il n'est point capable d'ondulation, 167

quoiqu'il fasse ressort, ibidem

L'ondulation n'est point propre à produire le Bruit, 167. 168

quoiqu'elle serve à la continuation du son dans les corps ressonans, 168

CHAPITRE III.

Explication des causes de l'agitation particuliere de l'air qui fait le Bruit, par des hypotheses nouvelles.

LA nature de l'agitation particuliere qui fait le Bruit consiste en deux choses, qui sont, 168. 169

I. La petitesse de l'espace dans lequel elle se fait, 169

II. La vitesse de son mouvement, 170

CHAPITRE IV.

Explication des six Phenomenes du Bruit, par les hypotheses de la vitesse de l'agitation [-154-] qui le cause, et de la petitesse de l'espace dans lequel il se fait.

I. L'Agitation de l'air qui fait le Bruit ne touche que l'oreille, à cause de la petitesse de l'espace dans lequel elle se fait, 170. 171

Elle frappe l'oreille à une grande distance, à cause de sa promptitude, 171

qui prévient la suite de l'air, ibidem

et lui fait faire un même effet que s'il étoit un corps solide, 171. 172

II. L'agitation de l'air qui cause le Bruit n'est point empêchée par les autres agitations, parce qu'elles sont trop lentes, 172.

III. Chaque agitation est composée de plusieurs autres, à cause de sa promptitude qui produit des reflexions conjointes, ibidem

1. Experience pour faire connoitre la force de la reflexion dans le Bruit, ibidem

causée par la promptitude de l'agitation de l'eau, 173

2. Experience pour la force de la reflexion dans le Bruit, ibidem

laquelle est quelquefois sensible au toucher, ibidem

IV. Les differens bruits ne s'empêchent point à cause des reflexions, 174

V. L'agitation de l'air se fait de tous sens dans le Bruit, à cause de la multitude des reflexions, ibidem

et de la multitude des émotions des corps choquez, 174. 175

VI. L'agitation de l'air dans les differens bruits a une égale vitesse, à cause qu'elle a toûjours un même principe, 175

et que la grandeur du Bruit ne dépend que du nombre des particules émûes, ibidem

DU BRUIT.

SECONDE PARTIE.

Où il est expliqué, de quelle maniere la rencontre de deux corps produit l'agitation particuliere qui fait le Bruit.

CHAPITRE I.

Que l'espace, dans lequel se fait le mouvement qui cause le Bruit, est très petit.

LE mouvement, qui cause le Bruit, est proportionné à la nature de l'objet, et à la maniere dont il se fait, 176

La nature de l'objet est sa composition, qui est de Corpuscules, de l'articules, et de Parties, 176. 177

lesquelles sont liées ensemble, ou par une cause de liaison commune, qui est la pesanteur de la partie subtile de l'air; ou par une cause partiuliere, qui est la figure des corpuscules, 177

qui peuvent être divisez, ou absolument quand ils sont rompus, ibidem

ou imparfaitement, lorsqu'ils sont seulement étendus, ibidem

La division imparfaite se peut faire, ou par la rencontre de deux corps solides, dont les parties sont ébranlées, 177. 178

ou par la rencontre d'un solide et d'un fluide, dont il n'y a que les particules qui soient ébranlées, 178

La maniere particuliere du mouvement des corps qui font le Bruit est pareille à celle mouvement qui se fait dans les autres sensations, ibidem

laquelle est un mouvement occulte et imperceptible, 178. 179

pareil à celui par lequel les eaux fortes rongent ce qui se fait dans un très petit espace, 179

[-155-] CHAPITRE II.

Que le mouvement qui cause le Bruit a une extrême vitesse.

LE milieu, dans lequel le Bruit se fait, n'est pas si propose pour la promptitude du mouvement, que le milieu de la vûe, 179. 180

La partie grossiere de l'air est le milieu pour l'ouïe, 180

elle a une compressibilité 180. 181

qui diminue la promptitude du mouvement qui s'y fait pour le Bruit, 181

Cette compressibilité ne cause qu'un petit retardement, ibidem

a cause de la grande vitesse du ressort des particules, ibidem

laquelle est proportionnée à l'extrême pesanteur de la partie subtile de l'air qui en est la cause, 181. 182

elle est d'ailleurs favorable à cette promptitude, 182

en cedant à l'impulsion, ibidem

et en empêchant que l'extrême promptitude de l'impulsion ne cause du vuide, 182, 183

La principale cause de la vitesse du mouvement qui se fait dans l'ouïe est la petitesse des particules, 183

CHAPITRE III.

Que le mouvement des particules ébranlées dans les corps qui se choquent est celui qui cause le Bruit immediatement.

LE mouvement manifeste des corps n'est point la cause de Bruit, 183. 184

parce que souvent les parties d'un corps paroissent sensiblement ébranlées sans qu'il fasse du Bruit, 184

et qu'il fait du Bruit lorsqu'apparemment il n'y a que les particules qui soient ébranlées, 184. 185

Sept conclusions tirées ces principes, 186. 187. 188

CHAPITRE IV.

Des differens genres de Bruit, et premierement du Bruit Simple, dont la premiere espece est le Bruit de Choc.

IL y a de deux sortes de Bruit, 189

Le Bruit de Choc, et le Bruit de Verberation, ibidem

L'un et l'autre est ou simple, ou composé, ibidem

Le composé est ou Continué ou Successif, ibidem

Le Bruit simple se divise en trois autres especes, 189. 190

sçavoir, le Bruit Clair, 190

Le Bruit Cas, ibidem

Le Bruit Sourd, 191

CHAPITRE V.

De la seconde espece de Bruit simple, qui est du Bruit de Verberation.

LE Bruit de Verberation est de deux especes, 191

sçavoir, le Petit, ibidem

et l'Excessif, tel qu'est celui du tonnerre, 191. 192

et celui de l'artillerie, 193

CHAPITRE VI.

Du second genre de Bruit, qui est du Bruit Composé, et de sa premiere espece, qui est du Bruit Continué.

LE Bruit Continué est composé de plusieurs bruits primitifs, 194

dont il y en a un premier, qui est la cause des autres, que j'appelle seconds et troisiemes, ibidem

La continuation du Bruit dépend de la matiere des corps, 194. 195

et de leur figure, 195

Comment le mouvement qui produit le premier Bruit en produit des seconds? ibidem

qui en produisent des troisiemes, ibidem

et des quatriemes, 196

Comment ces mouvemens sont produits? ibidem

dans des barres et dans des lames de metail, ibidem

dans les cordes de metail et de boyau, ibidem

lorsqu'elles sont pincées, 196. 197

lorsqu'elles sont raclées par un archet, 197

lordqu'elles sont frappées, dans le Psalterion, 198

dans le Manicordion, ibidem

[-156-] CHAPITRE VII.

De la seconde espece du Bruit Composé, qui est du Bruit Successif.

LE Bruit Successif est composê de plusieurs Bruits, qui sont tous en même genre, 198. 199

Ses especes sont, le Bruit Rompu, 199

et le Bruit Continu, ibidem

il est different du Bruit Continué, ibidem

il est de deux especes, qui sont, 199. 200

Le Bruit Rude, 200

Le Bruit Doux, ibidem

Les causes de ces deux Bruits, ibidem

Le Bruit Rude en quoi different du Bruit Rompu? ibidem

Le Bruit Doux comment produit? ibidem

En quoi il differe du Bruit Rompu? 200. 201

Il se fait par la seule émotion des particules, 201. 202

CHAPITRE VIII.

Des modifications dont toutes les especes de Bruit sont capables, et premierement de sa Repetition appellée Echo.

TOutes les especes de Bruit sont capables de trois modifications, qui sont, 203

sa Repetition appellée Echo, son Augmentation appellée Resonnance, et son Changement appellé Ton, ibidem

Ce que c'est que l'Echo, ibidem

Comment se fait la reflexion d'un corps à la rencontre d'un autre corps? 203. 204

L'Echo est une partie de la reflexion du Bruit, entendue séparée du reste de la reflexion, 204. 205

CHAPITRE IX.

De la seconde espece de modification du Bruit, qui est de son Augmentation appellée Resonnance.

L'Augmentation du Bruit dépend de la reflexion d'un premier Bruit, 205

et d'une impulsion externe, 206

Le premier et second Bruit, qui font l'augmentation, sont differens dans les differens instrumens, ibidem

Ils sont aussi produits en des manieres differentes, 207.

CHAPITRE X.

De la troisieme espece de modification du Bruit, qui est de son Changement appellé Ton.

CE que c'est que le Ton, 207. 208. 209

Il dépend de la tension des corps resonans, 209

causée par leur matiere, quand elle est homogene, 210

qui fait qu'une corde est ou n'est pas fausse, ibidem

ou par leur figure, quand elle est égale, ibidem

qui produit des battemens égaux, ibidem

dont la rencontre fait les consonnances, 210. 211

et les tons, qui sont composez de plusieurs vibrations, de même que les consonnances, 212

CHAPITRE XI.

Comment le Son est augmenté ou changé dans les differens instrumens de Musique, et premierement dans ceux qui sonnent par le choc, tels que sont les timbres et les cordes.

CHaque son est composé de plusieurs autres sons, qui sont consonnance, et qui ne paroissent qu'un ton, 212

Comment cette consonnance se fait dans les cloches? 213

dans une corde pincée, ibidem

qui fait consonnance, tant par l'assemblage de l'émotion de ses parties, 213. 214

que des parties de la corde avec celles de la table de l'instrument, 215

soit qu'elle sonne seule à vuide, ou qu'elle soit touchée, 216

soit qu'elle sonne avec plusieurs autres, ibidem

Comment cette consonnance se faisoit dans les vases des théatres des Anciens? ibidem

Comment les consonnances ne sont qu'un ton? 216. 217

dans un cloche? 217

dans un trompette? ibidem

[-157-] CHAPITRE XII.

Comment le Son est changé ou augmenté dans les instrumens qui sonnent par la verberation, tels que sont les organes de la voix et les instrumens à vent.

QUe l'augmentation du Bruit se fait, 218

dans la voix, 219

et dans les instrumens à vent, tels que sont les flutes, ibidem

par l'ajustement des reflexions, 219. 220

Ce qui fait les differens tons de la voix, 220

Que ce qui fait l'augmentation du Bruit dans la trompette parlante est, ibidem

l'agitation particulaire de l'air, 220. 221

jointe à l'agitation ordinaire, qui est une impulsion externe, 221

Que ce qui fait l'augmentation du Bruit dans les instrumens à corde, ibidem

et dans les trompettes est, ibidem

la figure, qui consiste dans l'élargissement du pavillion, 221. 222

qui n'opere pas par la raison du levier, 222

mais par la multitude des particules ébranlées, que cette figure fournit, 222. 223

Pourquoi la dilatation de la trompette ne doit être que sur la fin? 223

Que l'augmentation du Bruit se fait plus puissamment dans les trompettes de guerre que dans les parlantes, 223. 224

Invention nouvelle pour augmenter le son des cordes, 224

Comment se fait le changement de ton? 225

dans les trompettes de guerre, ibidem

dans les anches des regales, ibidem

Que la seule augmentation du vent fait changer le ton, 226

quoique souvent elle ne suffise pas, sçavoir, quand la force de l'impulsion doit être jointe à la compression des levres, ibidem

Que l'augmentation du souffle dans la trompette de guerre produit le changement de ton par l'ébranlement des parties de la surface interne, 226. 227

Que dans les autres corps resonnans toutes les parties sont ébranlées, 227

Que le changement de ton dans les flutes se fait principalement par les choses capables de donner ou d'ôter la liberté au passage de l'air ému dans l'instrument, tels que sont, 228

1. Le bouchement de la flute par enbas, ibidem

2. Les oreilles qu'on met aux flutes des orgues, 228. 229

3. Les trous qu'on fait aux autres flutes, 229

4. l'étrecissement du conduit de la flute, ibidem

5. L'augmentation du souffle qui fait prendre l'octave, 229. 230

6. L'espece d'impulsion qui a été appellée externe, 230

Comment le changement de son se fait dans les instrumens à anche? ibidem

dans les chifflement de la bouche, 231

CHAPITRE XIII.

Des instrumens qui ne paroissent point avoir de ton en ont, et de ceux qui paroissent en avoir n'en ont point.

LEs instrumens, qui ont des tons, et qui paroissent n'en avoir point, sont le tambour et le claquebois, 231. 232

Les instrumens, qui semblent avoir quelque ton, et qui n'en ont point, sont la parole de l'homme, 232

Le chant naturel des oiseaux, 233

Le chifflet appellé rossignol du mois d'Août, 233. 234

La trompe à Laquais, 234

La flute d'Allemand, 235

[-158-] DU BRUIT.

TROISIEME PARTIE.

Où il est expliqué, comment l'agitation particuliere de l'air qui fait le Bruit est rendue sensible à l'organe de l'ouïe.

CHAPITRE I.

De la structure de l'organe de l'ouïe.

CE qui appartient à l'ouïe est très obscur, 236

La structure de l'oreille n'a point été décrite par les Anciens, ibidem

Les Modernes ne l'ont fait qu'obscurément, ibidem

parce qu'ils ont parlé de ce qu'ils n'avoient pas vû,! ibidem

L'oreille est ou externe, ou interne, 237

L'oreille externe a deux parties, ibidem

sçavoir, la partie qui est hors le crane, 237

qui consiste en un cartilage, ibidem

en une peau, 238

en un ligament, ibidem

en des muscles, ibidem

et en des vaisseaux, ibidem

et la partie qui est hors le crane, ibidem

laquelle consiste en un cavité ou conduit revêtu d'une peau, ibidem

qui est ordinairement moite par une sueur, qui lui est fournie par des glandes, ibidem

et en un cercle, auquel la grande membrane du tambour est attaché dans les brutes, 239

L'oreille interne est composée de plusieurs parties, qui font, ibidem

la grande membrane du tambour, ibidem

La premiere cavité de l'oreille interne, qui est la quaisse du tambour, 240

qui étant differente dans les differens animaux, ibidem

a plusieurs choses, qui se trouvent dans tous, sçavoir, 241

1. Une membrane, dont elle est revêtue, ibidem

2. Quatre ouvertures, sçavoir, la grande fermée par la grande membrane du tambour, la fenêtre ronde, la fenêtre ovalaire, l'entrée de l'aqueduc, ibidem

3. Les trois osselets, sçavoir, 242

le marteau, ibidem

l'enclume, ibidem

l'étrier, ibidem

De quelle grandeur et substance sont ces osselets? 243

Dans quels animaux se trouvent-ils? ibidem

4. Le muscle, ibidem

à quoi il sert? ibidem

5. La petite corde du tambour, 244

6. L'aqueduc, ibidem

pourquoi ainsi appellé? ibidem

La seconde cavité de l'oreille interne est le labyrinthe, ibidem

qui a cinq parties, sçavoir, 245

le vestibule, ibidem

les trois conduits demi-circulaires, ibidem

qui sont l'horizontal, ibidem

le vertical conjoint, ibidem

le vertical séparé, ibidem

et le limaçon, dans lequel il faut remarquer, 246

Le noyau, ibidem

La membrane spirale, ibidem

L'air implanté, ibidem

Le nerf de l'ouïe, qui est double, sçavoir, ibidem

la portion molle, 247

et la portion dure, qui se divise en trois rameaux, ibidem

le premier, le second, le troisieme, ibidem

Quel est l'organe de l'ouïe dans les oisseaux et dans les poissons? ibidem

[-159-] CHAPITRE II.

De l'usage des parties qui composent l'organe de l'ouïe.

MEthode pour découvrir quels sont les usages de toutes les parties de l'organe de l'ouïe, 248

fondée sur la comparaison des organes des autres sens, 248. 249

Que toute sensation se fait par l'impression de l'image de l'objet, 249

et par la connoissance que l'animal a de cette impression, ibidem

Que toute impression suppose trois choses, sçavoir, ibidem

l'instrument qui imprime, ibidem

la puissance qui l'applique, 249. 250

et la matiere qui reçoit l'impression, 250

Que cette matiere comprend toutes les parties de l'organe, ibidem

les nerfs n'étant point ce qui specifie la sensation, ibidem

mais les autres parties, ibidem

qui font deux officies, qui sont, 251

de défendre le nerf contre les injûres externes, ibidem

et faire qu'il soit touché par l'action de l'objet, ibidem

Que cela se fait par la ressemblance que ces parties ont avec l'objet et avec le nerf, ainsi qu'il se peut remarquer dans la vûe, 251. 252

dans l'odorat, 252

dans le gout, ibidem

dans le toucher, ibidem

qui est de deux especes, sçavoir, ibidem

l'exterieur, ibidem

et l'interieur, ibidem

dont les organes ont des parties differentes pour couvrir les nerfs, ibidem

Que dans l'ouïe la Nature employe les mêmes précautions, 253

ce qui s'explique par la comparaison de l'organe de la vûe, ibidem

où il y a trois sortes de parties, ibidem

Pour l'oeuil, dans le premier genre, qui est pour défendre le nerf des injures externes, on met les paupiers, qui le couvrent et le nettoyent, ibidem

les humeurs, qui le couvrent aussi et le fomentent, ibidem

Les parties de ce premier genre dans l'oreille sont, 254

l'oreille externe, qui couvre le tambour et le tient net, ibidem

l'haleine de la bouche, qui monte par l'aqueduc, ibidem

Dans le second genre, qui est pour faciliter l'introduction de l'image des objets, on met pour l'oeuil les muscles du globe de l'oeuil, qui le tournant vers les objets rendent la cornée tendue, ibidem

et donnent la figure nécessaire au globe d'oeuil, selon la distance des objets, 255

Les parties de ce second genre dans l'oreille sont, ibidem

les muscles de l'oreille externe, qui la tournent vers le bruit, ibidem

et le muscle interne, qui tend le tambour selon l'éloignement des objets et la force des bruits, ibidem

Les offelets qui font comme un ressort servent à cet usage, 256. 257

Dans le troisieme genre, qui est pour faire que l'impression des images se fasse comme il faut, on met pour l'oeuil la consistance des membranes, 257

dont les unes sont transparantes pour introduire les images, 258

les autres opaques pour empêcher l'entrée à la lumiere inutile, ibidem

leur disposition pour l'ouverture de la prunelle, ibidem

Les parties de ce troisieme genre dans l'oreille sont, ibidem

la grande membrane du tambour, ibidem

qui est delicate et seche, pour recevoir aisément l'impression et la transmettre de même,

La quaisse du tambour, qui est très ample, 259

pour empêcher les reflexions, ibidem

Le labyrinthe, dont les grandes détours diminuent la force des reflexions, ibidem

Les membranes, qui assourdissent les cavitez qu'elles revêtent, ibidem

Que l'organe immediat de l'ouïe a analogie avec celui de la vûe, ibidem

Que cet organe a été inconnu jusqu'à présent, ibidem

Que cet organe est composé de deux substances, du nerf et de l'os, 259. 260

de même que l'organe de la vûe est composé du nerf et de l'humeur vitrée, 260

Que la membrane spirale est l'organe immediat de l'ouïe, ibidem

[-160-] tant à cause de sa composition, ibidem

et de sa situation, ibidem

que de sa figure, 261

Que les membranes, qui revêtent les cavitez de l'oreille, ne peuvent être l'organe immediat de l'ouïe, 261. 262

quoiqu'elles reçoivent une portion du nerf de l'ouïe, 262

Que de même que l'impression des images des choses visibles se fait par la partie subtile de l'air au travers des humeurs de l'oeuil, 263

l'impression des images du bruit se fait par la partie grossiere de l'air de dehors au travers des cavitez de l'oreille, qui sont remplies d'air grossier, 264

CHAPITRE III.

Comment l'animal connoit l'impression que les objets font sur l'organe de l'ouïe.

CEtte maniere, qui traite des sens interieurs, est très delicate et très difficile, 265

Je ne prétens traiter l'opinion que j'avance sur ce sujet que comme un probleme, lorsque je dis, ibidem

Que l'ame n'a point de siege principal, 265. 266

Que l'émotion, que les organes des sens souffrent, ne se communique point au cerveau, 266

Que les nerfs ne sont point faits pour cette communication, ibidem

non plus que les esprits, ibidem

Que l'ame, qui est unie à toutes les parties du corps, est affectée par les impressions des objets dans les organes, et non dans le cerveau, 267

lequel n'a point d'autre office que de préparer les esprits nécessaires aux oraganes pour être capables de sentiment, ibidem

Que le passage des images dans le cerveau n'est point nécessaire pour la memoire, 268

y ayant beaucoup de choses que la memoire conserve, et qui n'ont point de figure, ibidem

quoique la memoire se fasse par une représentation, 268. 269

Que l'ame ne se sert des organes corporels que pour être instruite par les sens exterieurs, 269

Que la maniere d'agir des sens interieurs ne se peut expliquer par la mechanique, 270

Que quand les objets laisseroient des traces dans le cerveau, elles ne pourroient pas servir à la memoire, ibidem

Une vipere sans tête et sans coeur cherche et trouve une retraite pour se cacher, 271

Que la memoire et les autres sens interieurs supposent un raisonnement, 271. 272

Que nous raisonnons sans sçavoir que nous raisonnons, et sans sçavoir ce que c'est que raisonner, 273

Qu'il n'y a point de moment dans lequel l'animal ne pense, ibidem

Qu'il y a de deux sortes de pensées, sçavoir, une pensée expresse et distincte, et une pensée confuse et négligée, 273. 274

dans la veille on pense de ces deux manieres à la fois, 274

Quand on dort sans rever on n'a que la pensée confuse, ibidem

Que la perte et la dépravation des fonctions des sens interieurs, qui arrivent dans les maladies, ne signifient point qu'il y ait aucun vice dans les organes, mais seulement que les pensées sont distraites, 274. 275

que la même chose arrive dans le sommeil, 275

Que les dispositions du corps provenantes du temperament, de l'âge, du pays, et cetera ne contribuent qu'indirectement aux fonctions de l'ame, ibidem

laquelle est de nature à agir indépendamment des organes corporels, 276

Que les pensées expresses, qui sont employées aux choses de dehors par les adultes, ne sont occupées qu'aux fonctions naturelles aux enfans, ibidem

que ces pensées ne sont point sans raisonnement, 276. 277

Qu'elles deviennent ensuite confuses et négligées, à cause de la facilité qu'elles aquierent par la longue habitude, 277

Que la longue habitude a le pouvoir de faire exercer les fonctions naturelles sans la pensée expresse et contre la volonté, ibidem

Que la mouvement du coeur est volontaire de sa nature, quoiqu'il paroisse nécessaire, ibidem

de même que celui des paupieres, qu'il [-a160-] ne nous est pas possible de retenir, quoiqu'il soit volontaire, 278

Qu'il y a une volonté expresse, et une confuse, ibidem

Ce que peut l'habitude dans les animaux, 278. 279

Que nous pensons à beaucoup de choses, sans sçavoir que nous y pensons, ibidem

Tous les animaux dès le moment de leur naissance voyent les objets renversez, 279

de même que les louches ne s'apperçoivent point qu'ils pensent incessamment à s'empêcher de prendre un objet pour deux, ibidem

Que ceux qui sont accoutumez à se servir de lunettes à deux verres convexes ont aussi besoin d'employer de ces sortes de pensées, 279. 280

Que la pensée n'est pas plus nécessaire pour la conduite des choses de dehors que pour celle des fonctions naturelles, 280

Si les plantes ont des pensées, 281

Quelles sont les fonctions naturelles des animaux? ibidem

Que les fonctions naturelles des plantes n'ont point besoin de la pensée, 281. 282

Qu'il y a de deux sortes de raisonnement, sçavoir, 282

un raisonnement interne, confus, et habituel, ibidem

et un raisonnement externe, ibidem

Que le raisonnement externe est particulier à l'homme, ibidem

quoique les bêtes en ayent quelque usage, 283

étant capables des connoissances universelles, ibidem

CHAPITRE IV.

Du jugement que l'animal employe pour éviter les erreurs, dans lesquelles le sens de l'ouïe peut tomber.

LA connoissance, que les sens supposent nécessairement dans les animaux, suppose aussi un raisonnement, 284

parce que les sens supposent un jugement, ibidem

Il y a de deux sortes de jugement, 285

sçavoir, un jugement habituel, ibidem

et un jugement distinct, ibidem

qui est plus particulier à l'homme, ibidem

Le toucher, la vûe, et l'ouïe ont plus besoin du jugement que les autres sens, ibidem

Le toucher en a encore plus affaire que les deux autres, ibidem

pour distinguer les differens degrez du chaud et du froid, ibidem

dans les differentes saisons et dans les differens climats, 285. 286

Experiences que le jugement et le raisonnement distinct ont inventées pour cela, 286

et pour être assûré que le soleil est aussi chaud en hiver qu'en été, ibidem

Que l'agitation de l'air ne rafraichit point de soi, 286. 287

Que la fourrure n'est pas capable d'échauffer, 287

Que les doigts croisez ne touchent qu'un bâton, quand il semble qu'ils en touchent deux, ibidem

Que ceux à qui la main a été coupée ne sentent point la douleur au bout les doigts qu'ils croyent y sentir, 287 288

Que le jugement habituel et confus suffit à la vûe, 288. 289

Qu'il suffit aussi à l'ouïe, 289. 290

pour ne se pas tromper à l'apparance de la distance des choses qui font du bruit, 290

et à l'apparence de l'endroit d'où le bruit vient, ibidem

Que dans quelques rencontres le jugement habituel n'est pas suffisant pour empêcher d'être trompé à la connoissance du bruit, 290. 291

comme quand en se bouchant les oreilles on entend un bruit comme d'un torrent, 291

on quand en se les bouchant avec les doigts, où l'on a pendu quelque morceau de metail, il paroit resonner avec beaucoup plus de force qu'il n'en a en effet, ibidem

Ce que le jugement habituel de l'ouïe est capable de faire, 292. 293

[160b] TABLE GENERALE DE LA MUSIQUE DES ANCIENS.

ON ignore diverses choses de l'Antiquité, et pourquoi, 295

La Musique des Anciens est peu connue, ibidem

Temoignages dont on se sert pour faire connoitre quelle a été cette Musique, ibidem

Ces témoignages se détruisent les uns les autres, ibidem

Pourquoi on tient cachez les mysteres de cette Musique? 295. 296

En quoi consiste la Musique? 296

L'Harmonie ignorée par les Anciens, ibidem

Que contient la Musique des Anciens? ibidem

Sa définition quelle? ibidem

Ce que c'est que leur Harmonie, ibidem

A quoi ils donnoient le nom de Musique? ibidem

Leurs divers genres de Musique quels? ibidem

Les parties de la Musique harmonique? 297

Ce qu'étoient les Sons, ibidem

Qu'appelloient-ils Intervalle? ibidem

Ce qu'étoient les Systemes, ibidem

Leurs deux especes, ibidem

Les Genres, et leurs especes, ibidem

Ce qu'étoient les Tons? ibidem

Pourquoi ainsi appellez? ibidem

Ce qu'étoient les Muances, et en combien de manieres elles se faisoient, 297. 298

La Melopée, ou le Chant, et ses parties, 298

Auteurs qui ont écrit de la Musique, ibidem

A quoi se rapporte ce qu'ils en ont dit? ibidem

Comment ils consideroient les Systemes? ibidem

Maniere dont Aristoxene les explique, ibidem

A quoi leur servoit le nombre des sons? ibidem

Differences et divisions des Systemes selon eux, ibidem

Consonnances comment considerées par les mêmes? 299

Quelles étoient ces consonances? ibidem

Deux especes de Systemes selon Plutarque, ibidem

Quels ils font? ibidem

Differences des consonnances et des dissonances ignorées des Anciens, ibidem

Quelles sont les plus belles consonnances? ibidem

Elles ont été ignorées des Anciens, 300

La Musique des Modernes est au-dessus de celle des Anciens, ibidem

Entêtement des admirateurs de l'Antiquité, ibidem

La Musique des Anciens manque de préceptes, ibidem

Elle étoit fort imparfaite, ibidem

Leur Modulation quelle? ibidem

Leur Tetracorde et celui des Modernes quels? ibidem

La Musique des Anciens n'étoit que pour le simple chant, 301

Qu'est-ce que Plutarque dit des Inventeurs de la Musique? ibidem

Que dit Aristote de certains instrumens de Musique? ibidem

Qu'étoit proprement la Musique des Anciens? ibidem

Quelle étoit la Symphonie du temps de Moïse, de Saül, et de David? 302

Cette Symphonie est soutenue, et par qui, ibidem

En quoi consiste la composition harmonieuse? ibidem

Les Tambours et les Cymbales quels instrumens? ibidem

Qu'étoit la composition de la Musique des Anciens? ibidem

[-c160-] Les Vers des Anciens quels? ibidem

Ce qui ne nous reste de leur Musique sur quoi fondé? 303

Les argumens des Auteurs en faveur de la Musique des Anciens sur quoi fondez? ibidem

L'instrument appellé par Daniel Symphonin quel? ibidem

Quand en usage, et comment fait? ibidem

La Symphonie comment définie par Cassiodore? ibidem

En quoi consiste la véritable Harmonie? 304

A qui inconnue? ibidem

La Symphonie des Anciens quelle? ibidem

Celle des Nations barbares en quoi consiste-t-elle? ibidem

Son essence où renfermée? ibidem

Autre espece de Symphonie parmi les Anciens quelle? ibidem

Le Plein-chant quelle Symphonie? ibidem

Comparaison prise de cette Symphonie, ibidem

Qu'est-ce qu'Horace entend par Symphonie? 305

Qu'est ce qu'en dit Aristote? ibidem

Deux especes de Symphonie selon ce Philosophie, ibidem

Qu'étoit que magadizein? ibidem

Les cordes des instrumens de Musique comment considerées par Plutarque? 306

Le Magadis ou le Barbiton quel instrument de Musique suivant Athenée et Horace? ibidem

Combien de cordes il avoit? ibidem

A quoi étoient-elles employées? ibidem

Comparaison et proverbe tirez de cet instrument, ibidem

Il étoit composé de deux flutes, ibidem

Quelles étoient ces flutes, et de quoi faites? 307

Qu'est-ce que les Anciens appelloient Symphonie? ibidem

Avec quoi s'accordoient les cordes du Magadis? ibidem

Qu'est-ce que chanter selon deux modes? ibidem

Quels modes peuvent être chantez ensemble? ibidem

Difference entre le Symphonon et l'Antiphonon des Anciens, ibidem

Qu'est-ce que l'Antiphone? 308

Si les Anciens ignoroient la composition à plusieurs parties, ibidem

Que la connoissance des consonnances est très facile, ibidem

Qu'est-ce qu'Horace entend par le mêlange des Clarions et des Trompettes? ibidem

Que la variation des consonnances a été ignorée des Anciens, ibidem

Si Longin a parlé des consonnances et des dissonances, 309

Comment il distingue les sons, et qu'est-ce qu'il entend? ibidem

Que dit Ciceron des ports de voix? ibidem

Qu'entend Platon par le nombre des divers sons? ibidem

La Musique des Anciens n'étoit point à plusieurs parties, ibidem

La Mandore quel instrument? 310

Comment on en jouoit? ibidem

Qu'est-ce qu'en dit Horace? ibidem

En quoi consiste la principale partie de la Musique des Anciens? ibidem

Que dit Platon de la cadence et de l'Harmonie? ibidem

Qu'appelle-t-il Harmonie? ibidem

Qu'entend-il par le mot de Panharmonie? ibidem

Qu'entend Euclide par le quatrieme genre d'Harmonie? 311

De quoi étoit composée l'Harmonie des Anciens? ibidem

Qu'entend Seneque par un Choeur de Musique composé de plusieurs voix, qui ne rendent qu'un seul son? ibidem

Si l'Harmonie des Anciens étoit aussi parfaite que celle des Modernes, ibidem

Qu'est-ce qui faisoit le principal agrêment de la Musique? ibidem

Que les Modernes ne sont pas bien disposez pour juger de ce que les Poëtes anciens ont dit de la Musique, 312

L'Harmonie des Modernes quelle? ibidem

Elle est bien differente de ce qu'en dit Horace, ibidem

Ses grandes douceurs inconnues aux Anciens, 313

Il étoit défendu chès les Anciens de rendre la Musique trop agréable, ibidem

Effets merveilleux de la Musique des Anciens, ibidem

Les Anciens étoient fort contens de leur Musique, ibidem

Diversité des gouts dans les differens Peuples, ibidem

Que la passion ne doit point affoiblir la justesse du jugement, ibidem

Qu'est-ce qu'on peut dire du gout et des ouvrages des Anciens? ibidem

[-160d-] Qu'est-ce que l'on doit croire de leur Peinture et de leur Sculpture? 314

En quoi different un Sculpteur et un Peintre? ibidem

Ce qu'il y a de difficile dans la Peinture, ibidem

Les Anciens ont ignoré le fin de la Peinture, ibidem

Ils n'observoient point de regles dans leurs bas-reliefs, ibidem

Ils étoient peu avancez dans les secrets de la Peinture, ibidem

En quoi consistoit l'excellence de leur Peinture? 315

La Peinture des Chinois quelle, et en quoi elle consiste? ibidem

Les ouvrages des bêtes en quoi differens de ceux des hommes? ibidem

Quelle partie de la Musique et de la Peinture ont cultivé les Anciens? ibidem

Manieres dont la Musique et la Peinture nous peuvent toucher, ibidem

Pourquoi les Musiciens et les Peintres de l'Antiquité pouvoient faire de si grands miracles avec si peu d'art? 316

De quoi ils ne se sont point mis en peine? ibidem

Que faisoient-ils dans leurs Pieces de Théatre? ibidem

Differens jugemens sur les ouvrages de Peinture? ibidem

Differens effets que produit la Musique, 317

Diversité des gouts sur les ouvrages de Peinture et de Musique, ibidem

Si les Musiciens de l'Antiquité se servoient des accords, ibidem

Qu'est-ce qui plaisoit le plus aux Anciens dans la Musique? 318

A quoi ils appliquoient leur esprit? ibidem

Les gouts differens dans certains siecles et dans certaines nations, ibidem

Exemple de cela au sujet du garum, ibidem

La Musique à plusieurs parties est méprisée, 319

Elle devient ennuyeuse et importune, et à qui, ibidem

A qui elle est agréable et satisfaisante? ibidem

Les Maitres de Musique ont changé leur maniere de composer, et pourquoi, 320

La Musique des Modernes retourne à la simplicité de celle des Anciens, ibidem

Si ces raisons alleguées pour et contre la Musique seront reçùes, ibidem

Que disent les Partisans de l'Antiquité en faveur de la Musique? 321

Que soutiennent leurs Antagonistes? ibidem

Recapitulation de ce qui a été dit sur la composition à plusieurs parties, ibidem

[-161-] DU BRUIT.

AVERTISSEMENT.

IE me sers du mot de Bruit au lieu de celui de Son, parce qu'ayant à parler en general de la qualité exprimée par ces deux mots, j'ai crû que celui de Bruit, qui, si je ne me trompe, est le mot du genre, devoit être plûtôt employé que celui de Son, que je crois signifier une espece de bruit: car tout son est bruit, mais tout bruit n'est pas son. On ne dit pas proprement le son d'un canon, d'un carrosse, ni d'un moulin, parce que ces bruits ne sont point de l'espece désignée par le mot de son, qui signifie une espece de bruit, dont la durée surpasse celle du coup qui l'a produit; et le mot de bruit est presque toûjours accompagné d'une épithete, comme de resonnant, d'éclatant, de sourd ou de confus, ces épithets étant la difference qui détermine le mot general de Bruit à ses especes.

Je crois que ceux qui n'approuvant pas d'abord cette distinction, jugeront après la lecture du Traité qu'elle est nécessaire, et que des exactitudes de cette nature, qu'il est permis de négliger dans les discours où l'on n'approfondit pas les choses, doivent être employées quand il s'agit d'un détail tel qu'est celui dans lequel on est obligé de descendre en traitant des Sciences.

Pour satisfaire à ce que ce détail demande, j'ai été contraint de prendre encore une bien plus grande licence, en inventant des noms pour les differentes especes de bruits et de sons, qui n'en ont point encore en nôtre Langue; et j'espere que l'on trouvera que les noms de Bruit Simple, de Bruit Composé, de Bruit Successif, de Bruit Rompu, de Bruit Continué, de Bruit Continu, de Bruit de Choc, de Bruit de Verberation, et de Bruit Excessif, dont je me sers, m'étoient absolument nécessaires, pour n'être pas obligé de repeter incessamment de longues circonlocutions, dont j'aurois eu besoin pour signifier toutes ces choses differentes.

[-162-] J'ai encore une autre avertissement à donner, qui est, que je suppose quantité de choses qui ne sont ni prouvées ni expliquées dans ce Traité, comme ce qui appartient aux deux parties que je mets dans l'air, l'une subtile, et l'autre grossiere, ce qui appartient aux causes de la Pesanteur des corps, de leur Ressort, et de leur Dureté, aux proprietez des corpuscules dont tous les corps sont composez, et à d'autres semblables hypotheses auxquelles je ne m'arrête point, parce que ces choses sont expliquées ajsès au long dans le premier Traité du premier Tome de ces Essais. Je ne repeterai point aussi ce que j'ai mis dans la Préface touchant la maniere dont les differens Ouvrages contenus dans ce Recueuil sont écrits et composez. Je prierai seulement le Lecteur de n'être pas rebuté des redites qui se trouvent en plusieurs endroits, et de considerer qu'un nouveau Systeme ne pouvoit être employé à l'éclaircissement d'une matiere aussi obscure qu'est celle du Bruit, sans le soin que j'ai pris de tenir toûjours présente à l'esprit l'image de mes hypotheses, en la renouvellant à toutes les occasions, par l'application que je fais de leur notion generale à tous les faits particuliers qui se rencontrent. Je souhaite que ce soin puisse paroitre inutile: car je me désie beaucoup non seulement de l'obscurité du sujet que je traite, et du peu de lumiere que je me sens capable de lui donner, mais sur-tout de l'impatience des Lecteurs, qui, ainsi que je prévois, auront bien de la peine à donner à cette lecture l'attention qu'elle demande, et qu'elle ne semble pas meriter, à cause du peu d'utilité que la resolution des Problémes qu'elle contient peut apporter, la plûpart n'étant que pour l'explication des premiers Principes, que l'on suppose ordinairement dans les Arts, et que l'on ne se soucie guere de connoitre: car enfin pour estimer et pour rechercher ces sortes de connoissances il faut avoir dans l'ame une certaine disposition, qui est assès rare, et que j'appelle une liberalité et une magnificence d'esprit, qui fait qu'on n'épargne et qu'on ne plaint point la peine et le travail que coutent les choses qui ont beaucoup de noblesse et d'élevation, quoiqu'elles n'ayent que peu d'utilité, telles que sont toutes les nouvelles pensées et toutes les découvertes curieuses, qui se pourroient trouver dans un Traité de la nature de celui que j'ai entrepris.

Ceux donc qui voudront bien donner le temps et l'attention nécessaire à la lecture de ce Traité, sont encore avertis, que s'il [-163-] arrive que contre l'intention que j'ai eue de m'exprimer avec toute la modestie que l'on requiert dans les discourses paradoxes, on trouve qu'en quelques endroits j'aye manqué de satisfaire à ce devoir, ce n'a été que par mégarde; et je prie les Lecteurs d'avoir meilleure memoire que moi, et se souvenir de la protestation que je fais ici, que je ne veux point faire passer mes opinions pour meilleures que d'autres, et que je ne prétens les fonder que sur la probabilité, qui peut rendre les choses problématiques.

DU BRUIT.

PREMIERE PARTIE.

OU IL EST EXPLIQUÉ, QUELLE EST L'AGITATION DE L'AIR QUI FAIT LE BRUIT.

Chapitre I.

Idée de l'Agitation de l'air qui fait le Bruit, exposée par six Phenomenes.

[Ce que c'est que le Bruit. in marg.] I'Appelle Bruit l'effet d'une agitation particuliere, que la rencontre de deux corps produit premierement dans l'air voisin, et presque en même temps dans un plus éloigné, et jusque dans l'organe de l'ouïe.

L'explication de cette definition, qui est tout le sujet de ce Traité, consiste en trois choses, qui sont de sçavoir, quelle est cette Agitation particuliere de l'air; comment la rencontre de deux corps la produit; et comment elle est rendue sensible à l'animal par l'organe de l'ouïe.

[On y peut remarquer six Phenomenes particuliers. in marg.] L'Agitation de l'air qui est cause du Bruit est si particuliere, que ses Phenomenes n'ont rien de ce qui est commun aux autres agitations de l'air: j'en observe six entre autres, qui sont assès remarquables.

[-164-] [I. L'Agitation particuliere qui fait le Bruit ne touche que l'oreille; in marg.] Le premier est, que l'air agité par le vent, par un éventail, par un éolipyle, et par les autres causes de cette nature, qui se rapportent toutes au mouvement d'un autre corps qui pousse l'air, ne frappe point l'organe de l'ouïe, quoique cette agitation pousse les autres corps avec une impetuosité capable d'arracher les arbres et de renverser les maisons. Au contraire, l'agitation qui fait le Bruit le plus souvent ne touche que l'oreille, et ne cause aux autres corps les plus mobiles aucune émotion sensible, quoiqu'elle fasse impression sur l'oreille à un très longue distance: en sorte que la flamme d'une chandelle et la plume la plus legere ne paroissent point du tout agitées à deux doigts d'une cloche que l'on entend de deux lieuës.

[les autres agitations ne la touchent pas immediatement. in marg.] Or quand je dis que les agitations ordinaires de l'air ne frappent point l'organe de l'ouïe, j'entens que ce n'est pas cette agitation causée immediatement dans l'air, laquelle est appellée vent, qui fait impression sur l'organe de l'ouïe: car elle ne fait impression que sur l'organe de toucher; mais que c'est une agitation d'une nature tout-à-fait differente: car si le vent fait du bruit, ce bruit n'est causé immediatement qui par les corps qu'il a frappez, ainsi qu'il fera expliqué dans la suite.

[II. Elle se conserve nonobstant les autres agitations qui lui sont contraires. in marg.] Le second Phenomene est, que les agitations ordinaires de l'air s'empêchent les unes les autres: car un grand vent, qui fait mouvoir l'air avec violence vers un endroit, empêche le mouvement d'un moindre vent qui vient de cet endroit; mais l'agitation qui cause le bruit se conserve nonobstant les autres agitations de l'air qui lui sont contraires, en sorte qu'elles n'empêchent presque point sa promptitde, et ne diminuent pas beaucoup sa source.

[III. Elle est composée d'un grand nombre d'agitations. in marg.] Le troisieme Phenomene est, que quoique les differentes agitations de l'air qui font les bruits differens frappent distinctement l'oreille sans se confondre, chaque agitation, qui fait son bruit particulier, est composée d'un infinité de differentes agitations qui naissent d'une premiere, et qui jointes et confondues toutes ensemble composent un seul bruit: ce qui se fait par des reflexions conjointes, que tous les corps voisins produisent, étant frappez par la premiere agitation de l'air: en sorte que tous ces corps en étant agitez produisent chacun une autre agitation; et toutes ces agitations se joignent avec la premiere pour aller frapper ensemble l'organe de l'ouïe. C'est par cette raison qu'un tambour au milieu d'une campagne a un son tout-à-fait different de celui qu'il a quand en le battant on vient à passer le long d'une muraille. Or j'appelle ces sortes de reflexions conjointes et confuses pour les distinguer des reflexions distinctes qui forment les échos, que l'on discerne et que l'on entend séparées du premier bruit, dont l'écho est la repetition.

[IV. Les agitations qui produisent des bruits differens ne s'empêchent point les unes les autres. in marg.] Le quatrieme Phenomene est, que les agitations differentes, que le choc different de divers corps peut causer en même temps en plusieurs [-165-] endroits, ne s'empêchent point les unes les autres: car elles viennent toutes ensemble frapper l'oreille sans confusion, et sans que la plus forte empêche la plus foible, ni que celle qui vient d'un côté s'oppose à celle qui vient du côté opposite.

[V. L'agitation qui produit le bruit s'étend de tous côtez. in marg.] Le cinquieme Phenomene est, que les agitations ordinaires de l'air suivent la direction du mouvement qui en est la cause: ainsi un soufflet, un éventail, un éolipyle ne poussent l'air que devant eux; mais l'agitation qui cause le bruit s'étend non seulement en rond comme l'agitation de l'eau, mais de tout sens et de tous les côtez où s'étend le milieu dans lequel elle est faite, soit que ce soit l'air, soit que ce soit l'eau.

[VI. Elle a toûjours une égale vitesse. in marg.] Le sixieme Phenomene est, que dans les agitations ordinaires de l'air le mouvement est prompt à proportion de l'effort que fait la puissance qui le cause: ainsi un grand vent va plus vite qu'un moindre. Mais l'agitation qui fait le bruit a toûjours une égale vitesse, soit qu'elle se fasse avec un grand ou avec un petit effort; ainsi qu'il est aisé de le connoitre par l'Experience que l'on fait du son de deux cloches et du bruit de deux pieces d'artillerie de differente grandeur: car ces choses faisant les unes un très grand bruit, et les autres un beaucoup moindre, parce que ces bruits sont causez par des puissances tout-à-fait inégales, ils ne laissent pas d'avoir une vitesse absolument égale: et lorsque la grosse cloche et la petite sonnent ensemble, et qu'un canon et un pistolet sont déchargez en même temps, on les entend toûjours ensemble, quelque longue que soit la distance, dans laquelle on les peut entendre.

Chapitre II.

Examen des causes, que les Philosophes apportent de l'Agitation particuliere qui fait le Bruit.

[Les causes de ces Phenomenes ne sont point bien connues. in marg.] CEs Observations sur l'agitation de l'air, qui donnent quelque idée de la nature de cette agitation particuliere qui produit le bruit, par la grande difference qu'on remarque entre ses proprietez et celles des autres agitations de l'air, ne fournissent pas néanmoins encore une connoissance bien distincte, parce qu'elles ne sont que des effets qui dépendent de la maniere particuliere de cette agitation, qui est ce que l'on cherche.

[L'opinion des Philosophes, qui croyent que la division de l'air est la cause de cette agitation, n'est pas probable. in marg.] Quelques uns des Philosophes modernes croyent, que le particulier de cette agitation consiste en ce que l'air, qui dans les agitations ordinaires est seulement poussé et remué par les corps qui l'agitent, est coupé et comme brisé dans l'agitation qui cause le bruit. Mais supposé qu'on entende ce que c'est que l'air coupé ou brisé, il n'est pas [-166-] aisé de comprendre que l'air, lorsqu'il est coupé ou rompu, fasse plus de bruit que quand il est simplement frappé; un morceau de bois ou de pierre ne fait pas plus de bruit par le coup de marteau qui le brise, que par celui qui le frappe rudement sans le briser: car quelle peut être la raison qui fait que cet air coupé agite l'air et frappe l'oreille à deux lieuës de lieu où il est coupé? Ceux qui croyent que le son d'une flute vient de ce que l'air est coupé par le trenchant de la languette sur lequel il est poussé, n'y ont pas assès pensé; puisque l'experience fait voir, que pour faire sonner la flute l'air doit frapper directement et perpendiculairement le trenchant de la languette, qui pour effet doit avoir une épaisseur considerable; en sorte que si l'on fait cette languette trop trenchante, la flute ne sonne point.

[Les ondes qu'ils ont imaginées pour cela n'y sont pas propres. in marg.] Pour expliquer un peu mieux par cette hypothese la maniere dont l'air agité par les corps qui se choquent produit et fait continuer cette agitation jusqu'à une très grande distance, les Anciens et les Modernes disent, que l'air divisé et coupé par le choc de deux corps fait des ondes qui se continuent jusqu'à l'organe de l'ouïe, de la même maniere que l'eau d'un lac, qui étant divisée par la chute d'une pierre proche de l'un de ses bords fait des ondes qui se continuent jusqu'à l'autre bord qu'elles vont frapper. Cette comparaison est fort specieuse; car elle fait clairement entendre comment un corps fluïde étant poussé fait passer fort loin l'effet de cette impulsion, quoiqu'obeïssant, comme il fait, au choc qu'il reçoit, il ne semble pas être capable d'en continuer l'effet comme feroit un corps solide, tel qu'est un bâton, qui étant poussé par un bout pousse par l'autre de la même maniere qu'il a été poussé par la partie opposite: car l'impulsion faite à l'eau continue ainsi son effet, parce que l'eau, qui s'éleve autour de la pierre qui la divise, pousse en se rabaissant l'eau voisine, et la fait élever; et cette partie de l'eau élevée en retombant ensuite en fait élever une autre, ce qui se continue fort loin, et après avoir diminué par degrez, cesse enfin tout-à-fait. Or la même chose arrive à l'agitaion qui fait le bruit, laquelle s'étend à une distance qui n'est point infinie, et elle ne fait point en un moment.

Mais ces petites convenances, qui se rencontrent entre les effets de l'agitation que cause une pierre jettée dans l'eau, et les effets de l'agitation qui arrive à l'air par le choc de deux corps qui font du bruit, n'expliquent pas les principaux Phenomenes de l'agitation particuliere dont il s'agit, et il y a bien des choses qui y repugnent.

[L'air ne doit point être divisé pour produire le bruit. in marg.] Premierement, la division de l'air que l'on suppose, est une chose absolument opposée à ce qui est requis pour l'effet dont il est question: car l'air ayant comme il a une si grande fluïdité, que lorsqu'il est poussé il se fend et se divise aisément, en sorte que les parties poussées, au-lieu d'en pousser d'autres devant elles, se retirent derriere le corps qui les pousse; il est évident que la divisibilité de l'air nuit absolument, [-167-] au-lieu d'être favorable à l'impulsion et à la continuation du mouvement d'une partie de l'air à l'autre; ce qu'il faut nécessairement supposer dans le bruit.

[L'air n'est point capable d'ondulation, in marg.] En second lieu, cet ondoyement ou fremissement que l'on se figure se faire dans l'air, ainsi qu'il se fait dans l'eau, est une chose qui ne paroit pas possible. L'ondoyement suppose que les corps où il se fait a une surface plate, sur laquelle un autre corps plus leger et plus subtil est étendu; en sorte que ce dernier suit les mouvemens d'élevation et de dépression qui se font à la surface du corps ondoyant, et cette surface est la seule partie qui est capable d'ondoyement. Or rien de cela ne se trouve dans l'air, qui n'est non plus capable d'ondoyement que la partie de l'eau de la mer située au-dessus de l'éspace, au-delà duquel l'enfoncement des plus grandes vagues ne peut parvenir: et il me semble que cette partie de la mer est par cette raison semblable à l'air qui nous environne, et dans lequel nous sommes comme plongez: car il n'y a personne qui puisse concevoir, que si l'on faisoit au fond de la mer une impulsion capable de causer des ondoyemens, si elle étoit faite en sa surface, cette impulsion se pût faire ni se continuer et porter son effet bien loin, comme elle feroit par le moyen des ondoyemens qui se font en la surface; parce que les causes de l'ondoyement ne se rencontrent point en cet endroit.

[quoiqu'il fasse ressort. in marg.] Pour faire valoir cette comparaison on pourroit dire, que la vertu élastique de l'air, qui fait qu'il peut être comprimé, et ensuite revenir en son premier état, ainsi que fait un ressort, lui peut faire faire quelque chose de semblable à l'ondoyement de l'eau, lorsqu'étant comprimé par l'impulsion, cette vertu élastique le fait non seulement retourner en son premier état, mais elle le fait même passer plus loin: car cela peut causer une reciprocation capable de faire qu'une impulsion n'agissant immediatement que sur un endroit, elle passe de là à un autre, et par ce moyen se continue bien loin.

[L'ondulation n'est point propre à produire le bruit, in marg.] Quoique l'ondoyement de l'eau soit tout-à-fait different des vibrations qui arrivent aux ressorts, on veut bien avouër que les reciprocations d'un long ressort, tel que pourroit être un fil d'acier trempé et tourné en vis en maniere de cannetille, pourroit faire un effet en quelque façon pareil à celui des ondoyemens de l'eau; mais c'est en cela que le ressort de l'air n'est pas propre à expliquer l'agitation particuliere qui arrive à l'air dans la production du bruit, et c'est aussi pour cette raison que je dis en troisieme lieu, que le mouvement d'ondoyement causé dans l'air par son ressort ou autrement, supposé que l'air soit capable de cette espece de mouvement, n'est point propre à expliquer les causes du bruit, parce qu'il produiroit un effet tout-à-fait contraire à ce qui arrive dans le bruit: car le propre des causes du bruit est de faire que l'agitation de l'air lui fasse frapper l'oreille de la même maniere que les corps qui font du bruit se frappent l'un l'autre, [-168-] c'est-à-dire, que quand des corps qui font du bruit se frappent dix fois, on entend dix coups, et que quand ils ne se choquent qu'une fois, on entend dix coups, et que quand ils ne se choquent qu'une fois, on n'entend qu'un coup. Or cela n'arrive point dans l'agitation, qui par le mouvement d'ondulation est transportée d'un lieu en un autre: car une pierre, qui étant jettée dans un étrang ne frappe l'eau qu'une fois, fait que les ondes vont frapper les bords cinquante fois; et un ressort ondoyant repete ses vibrations cinquante fois, quoiqu'il n'ait été frappé qu'une fois.

[quoiqu'elle serve à la continuation du son dans les corps resonnans. in marg.] Je sçai bien qu'on m'objectera, que le son, qui dans les corps resonnans comme une cloche ou les cordes d'un luth se conserve long temps, quoique ces corps n'ayent été frappez qu'un coup, ne se peut expliquer que par la raison de l'ondoyement, et j'en demeure d'accord: mais je dis que ce n'est point l'ondoyement de l'air qui fait cet effet dans les corps resonnans, mais que c'est l'ondoyement des corps mêmes, ainsi qu'il sera expliqué dans la suite, quand je parlerai de la maniere dont ce genre de corps agite l'air pour faire durer long temps le bruit causé par un seul coup.

Ceux donc qui disent que l'agitation de l'air qui fait le bruit est toûjours pareille au mouvement des corps qui se choquent, disent quelque chose, à mon avis, de plus raisonnable; mais il ne disent pas assès: car comme (ainsi qu'il a été remarqué) tous les mouvemens des corps qui agitent l'air ne font pas du bruit, et qu'il y a beaucoup de causes capables d'émouvoir l'air avec beaucoup de violence qui n'y excitent presque point de bruit, et qu'au contraire, des mouvemens très legers causent souvent des bruits très éclantes et qui se font entendre bien loin, il faudroit dire en quoi consiste le particulier du mouvement qui se rencontre dans les corps lorsqu'ils font du bruit, et comment cette maniere particuliere d'émotion des corps peut être commune à toutes les especes differentes de choc, qu'il faut supposer dans toutes les especes de bruits, qui sont presque infinies. Et c'est ce que je souhaiterois que ceux qui sont capables de penetrer dans ces sortes de connoissances voulussent approfondir; pour les y convier je vais en attendant dire ce que j'en pense.

CHAPITRE III.

Explication des causes de l'Agitation particuliere de l'air par des hypotheses nouvelles.

[La nature de l'agitation particuliere qui fait le bruit consiste en deux choses, qui sont. I. La petitesse de l'espace dans lequel elle se fait, in marg.] MOn opinion est, que cette agitation si particuliere, qui produire le bruit doit se rencontrer et dans les corps qui se choquent, et dans l'air qui en est émû, pour ensuite pouvoir frapper l'organe de l'ouïe, consiste en deux choses; sçavoir, dans la Petitesse [-169-] de l'espace, et dans la Promptitude du temps dans lequel elle se fait. Quand je dis que dans l'agitation qui cause le bruit le mouvement se fait par un petit espace, je n'entens pas parler de l'espace qui est depuis l'endroit où les corps se choquent jusqu'à l'oreille: car cet espace peut être très grand: mais l'espace dont j'entens parler est celui dans lequel chaque particule de l'air est remuée, de maniere que la premiere particule de l'air qui est remuée par le choc des corps, et la derniere qui frappe l'organe de l'ouïe, de même que toutes les autres qui sont entre-deux, ne parcourent chacune qu'un très petit espace: ce qui n'est pas dans les autres agitations de l'air: car dans le vent chaque particule de l'air est remuée par un très long espace, de même que dans le mouvement d'une eau courante; au-lieu que ce petit espace que je suppose dans le mouvement de chaque particule de l'air, lorsqu'il se fait du bruit, est pareil à celui de parcourent de petites boules arrangées sur un plan en ligne droite, lorsqu'ayant poussé la premiere, on fait qu'elle remue la derniere en remuant toutes celles qui sont entre-deux: car pour faire que la derniere soit ainsi remuée par la premiere, le moindre espace que l'on se puisse imaginer suffit. Je me sers aussi de la même comparaison pour expliquer l'autre condition nécessaire à l'émotion qui cause le bruit; et pour faire entendre comment la promptitude du mouvement y est nécessaire, je dis que de même qu'il arrive que si l'on pousse la premiere boule lentement, on aura de la peine à faire que la derniere soit remuée, parce qu'il arrivera que les boules d'entre-deux se détourneront: et qu'au contraire, si cette premiere est poussée avec une extrême vitesse, cela n'arrivera pas, parce que les boules d'entre-deux n'auront pas le temps de se détourner: par la même raison les parties de l'air, qui se doivent pousser l'une l'autre pour transmettre jusqu'à l'oreille l'agitation que font les corps qui causent du bruit, doivent avoir un mouvement très vite, afin qu'elles n'ayent pas le temps d'esquiver, ainsi qu'il sera expliqué dans la suite.

Je me contenterai donc de dire à présent ce qui appartient aux effets de cette Promptitude extrême de l'air remué dans un espace extrêmément petit, et comme on peut apparemment attribuer à ces deux choses tous les Phenomenes particuliers de cette agitation particuliere dont il s'agit, après avoir fait reflexion sur ce qu'un mouvement extrêmément prompt est capable de faire.

Il y a deux choses, à mon avis, auxquelles on doit attribuer une grande partie des effets surprenans qui se voyent dans la Nature; sçavoir, la subtilité des particules, et la vitesse du mouvement. Mais ces effets nous surprendroient beaucoup moins, si nôtre esprit étoit accoutumé à supposer ces qualitez aussi extrêmes qu'il est nécessaire, et comme il est très facile de le faire; car par exemple qu'y a-t-il d'incomprehensible dans l'effet du choc d'un fer contre un caillou, [-170-] qui enflamme de petits portions de fer, par lesquelles tous les autres corps inflammables peuvent être enflammez ensuite, si l'on suppose que par le choc de ces deux corps il se fait un froissement, par lequel des particules sont séparées et reduites à une extrême tenuïté; que cette extrême tenuïté est capable de faire introduire ces particules entre les intervalles qui sont entre d'autres particules, et par ce moyen en les divisant leur faire aquerir la même tenuïté, et ainsi les rendre capables de produire une pareille division, et faire aquerir aussi une même tenuïté à d'autres particules à l'infini: car cette supposition fait voir, qu'un corps enflammé en brule un autre, parce que la tenuïté de ses parties, qui sont devenues telles par la division, est capable d'en diviser d'autres de la même maniere, et leur faire aquerir une pareille tenuïté, supposé qu'elles soient remuées avec une même vitesse.

[II. et la vitesse de son mouvement. in marg.] Or la vitesse du mouvement n'a pas un vertu moins incroyable pour augmenter les puissances. On sçait combien la force de la pesanteur est augmentée dans le corps par la vitesse de leur mouvement, et qui si un même marteau frappe plus fort étant manié par une main plus forte, ce n'est que par la raison qu'une main plus forte la remue avec plus de vitesse. Ainsi si l'on suppose cette vitesse extrême dans le retour des particules que le choc a froissées dans les corps qui font du bruit, ce retour étant causé par le ressort qui se rencontre dans tous ces corps, il ne sera pas difficile de concevoir, que cette extrême promptitude des particules émûes dans les corps par le choc peut leur faire produire une pareille promptitude dans les particules de l'air, et les mouvoir avec une vitesse qui du moins approche de la leur, à proportion de la resistance que ces parties de l'air trouveront avoir à cette promptitude. Mais si l'on suppose encore, que ce mouvement se fait en des particules très petites, il sera aisé de comprendre que sa vitesse peut être extrême; la grandeur des corps étant ce qui apporte plus de resistance au mouvement, ainsi qu'il sera expliqué dans la seconde Partie. Il s'agit donc à présent d'expliquer les Phenomenes du Bruit par ces deux qualitez.

CHAPITRE IV.

Explication des six Phenomenes du Bruit par les hypotheses de la Vitesse de l'agitation qui le cause, et de la Petitesse de l'espace dans lequel il se fait.

[I. L'agitation de l'air qui fait le bruit ne touche que l'oreille, à cause de la petitesse de l'espace dans lequel elle se fait. in marg.] LE premier Phenomene est, que l'agitation particuliere qui fait le bruit, lorsqu'elle frappe l'oreille, ne paroit faire aucune impression sur les autres corps, que les autres agitations de l'air émeuvent [-171-] puissamment, et que néanmoins elle frappe l'oreille à une grande distance. Ce Phenomene a deux parties. A l'égard de la premiere, l'agitation qui fait le bruit ne touche que l'oreille, parce que la petitesse de l'espace, que le mouvement de cette agitation parcourt, ne donne pas lieu à cette agitation de faire aucune impression sur les autres corps qui les émeuve sensiblement, quoique cette émotion imperceptible soit suffisante pour faire impression sur les parties delicates dont l'organe de l'ouïe est composé.

A l'égard de la seconde partie du Phenomene, l'agitation particuliere dont il s'agit frappe l'oreille à une grande distance, parce que sa promptitude est telle qu'il n'arrive point à l'air ainsi agité ce qui lui arrive dans les autres agitations, qui se faisant avec moins de promptitude ne peuvent pas aller bien loin. La raison de cela est, que la fluïdité de l'air le fait ceder si aisément au corps qui le pousse, et il se retire si promptement à côté pour passer derriere et prendre la place du corps qui s'avance pour le pousser, que l'action de ce corps est éludée par la retraite de l'air qui esquive: de sorte qu'il est nécessaire que la promptitude du mouvement, qui cause cette agitation, soit telle qu'elle prévienne celle que l'air a pour esquiver: car supposé que le mouvement du corps qui agite l'air soit plus prompt pour le pousser que celui de l'air n'est pour esquiver, il est évident que la partie de l'air, laquelle est poussée immediatement par le corps qui fait du bruit, sera contrainte de suivre la vitesse du mouvement que ce corps lui donne, et qu'elle fera le même effet sur l'autre partie de l'air: en sorte que ce même mouvement se continuera de la même façon jusqu'à l'oreille, toutes les parties se poussant les unes les autres avec une vitesse égale, ou du moins qui n'a que peu de déchet sur un très long espace. Or ce déchet a deux causes; l'une est la compressibilité de l'air, qui fait qu'il cede en quelque façon au coup, quoiqu'il n'esquive pas; l'autre est, que les particules dont le retour frappe l'air, quoique presque infinies en nombre dans chaque bruit, quelque petit qu'il puisse être, doivent pousser encore en plus grand nombre de particules de l'air, à cause que l'agitation qui fait le bruit se fait autour de l'endroit où les corps se choquent de tous sens: ce qui apporte quelque resistance au mouvement du retour des particules des corps choquez; et c'est de ces deux causes que procede le retardement qui arrive dans le transport du bruit, qui n'est pas vite comme celui de la lumiere, lequel se fait dans un milieu qui n'est pas capable de compression comme celui du bruit, ainsi qu'il sera expliqué dans la suite.

[et lui fait faire un même effet que s'il étoit un corps solide. in marg.] Aristote fait mention de la nécessité de cette vitesse du corps, qui agite l'air dans la production du bruit; mais il ne la met pas comme nécessaire absolument dans toute sorte de bruit, mais seulement dans celui qui se fait par le choc d'un corps solide et de l'air, ainsi qu'il arrive quand on le frappe avec une houssine ou avec un fouët, supposant [-172-] avec raison que cette promptitude fait faire à l'air le même effet qu'il seroit s'il étoit un corps solide. Mais il me semble que le besoin, que l'air a de devenir comme solide pour recevoir le coup du corps qui lui doit faire faire du bruit, se rencontre avec autant de nécessité dans toute sorte d'autre bruit, où cette même solidité doit être supposée, pour faire que l'impulsion causée par le choc de deux corps solides puisse avoir son effet jusqu'à l'oreille.

[II. L'agitation de l'air qui cause le bruit n'est point empêchée par les autres agitations, parce qu'elles sont trop lentes. in marg.] Pour expliquer le second Phenomene, je dis que cette vitesse, que je suppose dans l'agitation particuliere qui est cause du bruit, fait qu'elle n'est point empêchée par les autres agitations de l'air, parce que leur mouvement est sans comparaison plus lent: en sorte que la vitesse du mouvement que l'air a dans le vent n'étant presque rien en comparaison de celle qu'il a lorsqu'il est agité par les causes du bruit, ce mouvement du vent n'ajoute rien à celui qui fait le bruit et ne diminue rien qui soit sensible, si ce n'est qu'une très longue distance rende considerable ce qui dans le vent ne l'est de soi que très peu.

[III. Chaque agitation est composée de plusieurs autres, à cause de sa promptitude qui produit des reflexions conjointes. in marg.] Le troisieme Phenomene est, que chaque agitation qui fait son bruit particuliere est composée d'une infinité de differentes agitations, qui naissent de la premiere, et qui jointes et confondues toutes ensemble composent un seul bruit. Je dis que cela arrive, parce que cette promptitude si soudaine de l'agitation de l'air lui donne une telle force, qu'elle est cause que s'étendant comme elle fait de tous les côtez elle frappe non seulement l'oreille, mais même tous les autres corps; et la promptitude ayant dans la percussion une force incroyable, il est aisé de comprendre qu'il se fait une reflexion, que j'appelle conjointe, qui cause dans l'air la reproduction d'une infinité d'autres agitations, qui composent le bruit, et qui font que la même colision de deux corps excite des bruits differens, selon que la nature des corps voisins, qui sont cette reflexion conjointe, est differente. C'est pour cela que les lieux sont appellez sourds ou resonnans et retentissans, par la differente disposition des corps voisins, qui font reflechir diversement l'air agité par la premiere collision et poussé contre leurs surfaces.

[I. Experience pour faire connoitre la force de la reflexion dans le bruit, in marg.] Pour faire connoitre quelle est la puissance de la promptitude qu'il faut supposer dans l'agitation causée par le choc des corps qui font du bruit, il y a une Experience qui me semble assès particuliere et assès convaincante, qui est de frapper deux cailloux ou deux morceaux de fer l'un contre l'autre, étant plongez dans un vaisseau plein d'eau: car on remarque que leur choc rend dans l'eau un son tout-à-fait different de celui qu'ils font entendre lorsqu'ils se choquent dans l'air, et que ce son est celui non du fer ou du caillou, mais de la matiere dont le vaisseau est fait: en sorte que s'il est d'argent, le son est pareil à celui qui se feroit si l'on frappoit le vaisseau d'argent avec le caillou; et s'il est de bois ou de terre, il rend le même son que si l'on frappoit le [-173-] vaisseau de bois ou de terre avec un caillou, quoiqu'on n'y touche point de tout.

[causée par la promptitude de l'agitation de l'eau. in marg.] La raison de cela est, que la promptitude, avec laquelle l'eau est poussée dans le choc des deux corps qui y sont plongez, étant extrême comme elle est, et l'eau ne pouvant à cause de cette promptitude esquiver assès vite, il arrive qu'elle pousse les côtez du vaisseau et les frappe de la même maniere qu'elle a été frappée par les corps qui se sont choquez; et ainsi l'argent frappé par l'eau qu'il contient au dedans, et remué par ce choc, remue et agite l'air d'alentour qui le touche, et qui porte à l'oreille le son de l'argent, et non celui des cailloux.

J'ai apporté l'exemple de cette Experience du changement du son qui arrive aux corps par l'agitation qu'ils causent aux corps voisins, et je l'ai prise de la collision faite dans l'eau, parce qu'elle donne connoissance de la chose plus manifestement que lorsqu'elle est faite dans l'air: car quoique deux cailloux choquez dans un vaisseau d'argent vuide ne laissent pas d'avoir un autre son qu'ils n'ont étant choquez hors du vase, il est vrai que ce son argentin qu'ils ont, est bien plus remarquable quand le choc est fait le vase étant plein d'eau, à cause que l'eau est un milieu plus grossier que l'air, et par cette raison étant frappé par les cailloux, il refrappe l'argent plus rudement que l'air ne peut faire.

[II. Experience pour la force de reflexion dans le bruit, in marg.] Il y a encore une autre Experieuce, par laquelle il paroit quelle est la force de l'agitation particuliere de l'air pour causer la reflexion, et comment l'effet de cette force se fait non seulement sur l'organe de l'ouïe, mais même sur celui de toucher, par le moyen duquel nous sentons quelquefois l'émotion que le bruit cause dans des corps, que le coup qui fait le bruit ne sçauroit avoir ébranlez que par la reflexion. [laquelle est quelquefois sensible au toucher. in marg.] Il n'y a, je crois, personne qui n'ait éprouvé quelquefois que le son d'une trompette, d'un tambour, ou d'une basse de violon lui excite un fremissement dans la poitrine. Or cela ne se peut faire que par la communication que l'air contenu dans la poitrine a avec l'air exterieur, dont l'agitation causée par le bruit est capable d'émouvoir le diaphragme, puisque cette émotion est sensible au toucher; et il faut remarquer que tous les tons d'une trompette et d'une grosse corde de violon ne causent pas ce fremissement de la poitrine; mais que ce ne sont que ceux qui sont causez par une tension qui se rencontre être pareille à la tension du diaphragme: car cela fait voir que cet ébranlement des parties du diaphragme n'est point causé par l'émotion ordinaire de l'air, telle qu'est celle du vent; parce que si cela étoit, ce fremissement se feroit par le son le plus fort de quelque ton qu'il pût être, et non pas par un certain ton qui est ordinairement un des plus graves: la raison de cela est, que le ton grave se faisant par le relâchement de l'organe qui fait le son, (ainsi qu'il sera expliqué dans la suite) il est [-174-] évident que la membrane du diaphragme est disposée comme il faut pour avoir une pareille tension à celle qui fait un ton grave dans l'instrument, étant une partie molle et lâche en comparaison des autres corps capables de produire quelque ton; et la vérité est que les reflexions des tons semblables se joignent et se fortifient mutuellement.

[IV. Les differens bruits ne s'empêchent point à cause des reflexions. in marg.] Le quatrieme Phenomene se peut expliquer par le précedent: car les differens bruits causez par des chocs differens ne s'empêchent point les uns les autres, à cause que par le moyen des reflexions que chaque choc produit, si quelques unes des lignes directes de l'agitation que le choc a causé dans l'air, sont empêchées par d'autres lignes contraires, elles sont aisément suppleées par une infinité d'autres lignes obliques, qui apportent à l'oreille la même espece d'agitation que la ligne droite, qui est empêchée par une contraire, lui apportoit. L'écho, qui fait un bruit quelquefois plus fort que n'est le premier bruit qui l'a produit, donne à connoitre quelle est la force de la reflexion dans le bruit: car elle fait une représentation qui n'est pas moins vive que celle qui se fait dans les choses visibles par le moyen des miroirs; et elle l'est même quelquefois davantage: ainsi que les rayons ramassez par la reflexion dans les miroirs ont le pouvoir de rendre la lumiere reflechie beaucoup plus forte que celle qui vient directement du corps lumineux. Cela se remarque bien évidemment dans le tonerre et dans le coups de canon, où souvent l'écho est sans comparaison plus fort que le premier coup, lorsque le premier coup étant fort éloigné, la reflexion se fait en des endroits plus proches, et qui sont disposez avantageusement pour ramasser ensemble un grand nombre de reflexions faites en un même temps.

[V. L'agitation de l'air se fait de tous sens, à cause de la multitude des reflexions, in marg.] Le cinquieme Phenomene est, que l'agitation particuliere qui fait le bruit s'étend de tous les côtez, et non pas selon la direction des corps qui se choquent, ainsi qu'il arrive aux autres agitations, où l'air ne va que du côté que le corps qui l'agite est remué. Ce Phenomene se peut expliquer par deux raisons: la premiere est celle des deux Phenomenes précedens; sçavoir, la multiplicité des reflexions conjointes, qui fait que les obliques suppléent au défaut des directes. [et de la multiplicité des émotions des corps choquez. in marg.] L'autre est, que cette agitation se fait ainsi de tous sens, parce que les corps qui se choquent pour faire du bruit souffrent le plus souvent eux-mêmes une agitation de tous les côtez; tous les corps qui font du bruit ayant leurs parties liées d'une telle maniere, que l'ébranlement, qu'une partie souffre quand elle est frappée assès fortement pour faire un bruit considerable, se communique à toutes les autres, et les ébranle assès pour être capables d'émouvoir l'air qui les environne et qui les touche de tous les côtez. Ainsi quand un mur est si peu épais, qu'il peut être assès ébranlé par les coups qu'il reçoit d'un côté pour faire que les parties de l'autre côté soient émûes, on entend le coup de l'autre côté: autrement on ne l'entend que par des reflexions conjointes [-179-] faites contre d'autres corps. C'est par cette raison que quand on veut empêcher que le bruit d'une chambre ne s'entende non plus au travers d'une cloison qui est fort mince, qu'au travers d'un gros mur, on la fait vuide par le milieu; afin que ce petit mur étant discontinué, l'émotion des parties d'un des côtez ne se puisse communiquer aux parties de l'autre côté, comme elles font quand les deux côtez de la cloison sont joints et continuez.

[VI. L'agitation de l'air dans les differens bruits a une égale vitesse, à cause qu'elle a toûjours un même principe, in marg.] Le sixieme Phenomene est, que l'agitation qui fait le bruit a toûjours une égale vitesse, soit qu'elle se fasse avec un grand ou avec un petit effort. Ce Phenomene a aussi besoin de l'explication des causes de cette agitaiton particuliere, parce que ces causes (ainsi qu'il se verra dans la suite) consistent dans le mouvement de plusieurs particules, dont le nombre seul fait la grandeur du bruit, la force, que chacune des particules a pour la vitesse, étant toûjours égale.

[et que la grandeur du bruit ne dépend que du nombre des particules émûes. in marg.] Ainsi le mouvement des particules qui font le bruit d'un canon n'étant pas plus fort dans chacune, que celui de chacune des particules qui font le bruit d'un pistolet, il est aisé de juger que le bruit de l'un, quoique plus grand, ne doit pas être entendu plûtôt que le bruit de l'autre, qui n'est plus petit que parce que les particules émûes ne sont pas en si grand nombre. Un plus grand nombre de particules n'est point aussi plus capable de surmonter les causes du retardement de leur mouvement qu'un moindre, et les proportions de ce retardement ne suivent que celles de l'espace dans lequel le mouvement se fait: en sorte que si douze cens toises retardent le bruit du temps de sept secondes, deux mille quatre cens toises le retardent de quatorze secondes: ainsi qu'on en a fait l'experience par le moyen de deux pendules tenus l'un autant éloigné de l'autre que le premier l'étoit d'un canon, dont l'Observateur qui tenoit le premier pendule voyoit le feu de trois secondes avant que d'en ouïr le bruit, lorsque l'Observateur qui tenoit le second pendule n'oyoit le bruit que six secondes après en avoir vû le feu.

DU BRUIT.

SECONDE PARTIE.

OU IL EST EXPLIQUÉ, DE QUELLE MANIERE LA RENCONTRE DE DEUX CORPS PRODUIT L'AGITATION PARTICULIERE QUI FAIT LE BRUIT.

Chapitre I.

Que l'Espace, dans lequel se fait le mouvement qui cause le Bruit, est très petit.

[Le mouvement, qui cause le bruit, est proportionné à la nature de l'objet, et à la maniere dont il se fait.] COmme toutes les sensations se font par l'impression de l'objet sur l'organe, et que cette impression suppose un mouvement, il y a apparance que ce mouvement doit être proportionné à la nature des corps, et à la maniere particuliere dont ils sont remuez pour causer la sensation.

Il a été dit ci-devant pour l'explication des Phenomenes particuliers du bruit, qu'il faut supposer que l'espace dans lequel se fait l'agitation particuliere qui le cause est extrêmément petit, et que ce mouvement aussi doit avoir une extrême promptitude. Il s'agit à prêsent de trouver les raisons qui peuvent fonder la probabilité de ces hypotheses. Je cherche les raisons de la premiere hypothese dans l'examen que je vai faire de la nature et de la constitution des corps, dont la rencontre et le choc peuvent faire du bruit, et dans l'examen que je ferai ensuite de la maniere particuliere dont les corps sont émûs pour cet effet. Je commence par la constitution des corps.

[La nature de l'objet est sa composition, qui est in marg.] Tous les corps étant composez de corpuscules extrêmément petits, il n'est pas difficile de concevoir que ces corpuscules sont premierement assemblez pour former des corps un peu moins petits, que j'appelle les particules; que de ces particules d'autres corps un peu plus grands, que j'appelle les parties, peuvent encore être composez; [de corpuscules, de particules, et de parties, in marg.] et que ces parties de même que les particules et les corpuscules ne sont [-177-] point visibles: en sorte que les parties que nous pouvons discerner dans le corps, quelque petites qu'elles soient, sont encore beaucoup plus grandes que ces parties invisibles que je suppose.

[lesquelles sont liées ensemble, in marg.] On peut encore supposer, que la liaison mutuelle des corpuscules qui compose les particules, et la liaison que les particules ont entre elles, de même que celle qui fait que les parties sont attachées ensemble, doit être attribuée à la pesanteur de la partie subtile de l'air, qui pousse et serre les corpuscules, les particules, et les parties les unes contre les autres, [ou par une cause de liaison commune, qui est la pesanteur de la partie subtile de l'air, in marg.] cette pesanteur, suivant les hypotheses que j'ai expliquées ailleurs, étant la cause commune de la connexion et de la consistance de tous les corps qui ont d'autres causes particulieres de leur differente liaison, qu'il est raisonnable d'attribuer aux differentes figures, tant des particules, que des parties, selon qu'elles ont des faces plus plates et en plus grand nombre; [ou par une acues particuliere, qui est la figure des corpuscules, in marg.] supposant que la differente disposition de ces faces donne moyen à cette pesanteur commune d'attacher les particules et les parties plus ou moins fermement les unes les autres.

Car l'on ne doit point trouver étrange, que cette pesanteur de la partie subtile de l'air, qui fait la consistance inébranle des marbres et des diamans, soit la même qui fait la consistance si peu constante des corps les plus tendres et les plus fluïdes: car comme la même pesanteur agissant sur des leviers est plus ou moins facile à surmonter, selon qu'ils sont differemment disposez, la differente disposition des faces des parties peut aussi rendre la même pesanteur de la partie subtile de l'air plus ou moins capable d'apporter de la resistance aux causes de la séparation des parties et des particules.

[et qui peuvent être divisez, in marg.] Or cette division ou séparation des parties, dont les corps sont composez, et qui leur arrive lorsqu'ils se rencontrent et qu'ils se choquent, se doit entendre en deux manieres: [ou absolument quand ils sont rompus, in marg.] car alors ils peuvent souffrir ou une division absolue, dont il ne s'agit point ici, laquelle se fait lorsque le corps est actuellement divisé et rompu, [ou imparfaitement lorsqu'ils sont seulement étendus. in marg.] ou une division imparfaite, qui n'est proprement qu'une extension faite par le seul éloignement des parties, qui est tel qu'aussi-tôt que la cause qui produit cet éloignement cesse, les parties se rapprochent d'elles-mêmes, y étant poussées par la puissance de la pesanteur que je suppose dans la partie subtile de l'air; et cet effet est ce que l'on appelle le ressort.

[La division imparfaite se peut faire, in marg.] Cette séparation et cette division imparfaite se fait encore en deux manieres, qui ont rapport aux differentes causes de cet ébranlement, et à la differente disposition des corps dont les parties sont differemment liées: [ou par la rencontre de deux corps solides, dont les parties sont ébranlées, in marg.] car quand les corps qui se rencontrent sont tous deux solides, et qu'ils se frappent rudement, souvent tout le corps et en même temps toutes les parties et les particules sont secouées et ébranlées à la fois, ainsi qu'il arrive quand on secouë un boisseau plein de bled, où tous les grains séparément sont ébranlez à la fois. [ou par la rencontre d'un solide et d'un fluïde, dont il n'y a que les particules qui soient ebranlées. in marg.] Mais quand la [-178-] rencontre se fait entre deux corps, dont l'un est solide, et l'autre leger et fluïde comme l'air, quelque rudement qu'ils se choquent il n'y a jamais guere que les particules de la surface qui soient ébranlées: ainsi qu'il arrive au même boisseau plein de bled quand il est frappé par le vent, qui ne remue que les grains de dessus.

Il faut encore supposer, qu'il n'y a que le mouvement des particules qui soit cause immediatement de l'agitation particuliere de l'air qui fait le bruit, le mouvement des parties n'y contribuant qu'etant qu'il cause quelquefois celui des particules excité par la seule vertu de leur ressort, qui fait que lorsqu'elles ont été froissées et pliées dans la rencontre des corps qui se choquent, elles retournent en leur premier état avec une telle promptitude, que les parties de l'air qu'elles frappent n'ayent pas le temps d'esquiver et de se détourner, sont contraintes de frapper avec la même promptitude celles qui sont devant, et celles-là les autres jusqu'à l'organe de l'ouïe.

Cette hypothese sera expliquée plus amplement dans la suite. En attendant on en tirera cette consequence, que les particules étant d'une petitesse extrême, le mouvement qu'elles ont dans le froissement qui les plie, et dans le retour que leur ressort cause, de même que celui qu'elles donnent à l'air qu'elles poussent, doit être fait dans un espace extrêmement petit; soit qu'elles soient froissées immediatement par le coup des corps qui se choquent, ou par l'ébranlement qui arrive aux parties en consequence de celui de tout le corps, l'ébranlement des parties étant capable de produire celui des particules, de même que celui du corps est cause de celui des parties.

[La maniere particuliere du mouvement des corps qui font le bruit est pareille a celle du mouvement qui se fait dans les autres sensations, in marg.] Pour ce qui est de la maniere particuliere dont les corps sont remuez pour causer la sensation, elle peut servir à l'explication de la petitesse de l'espace, dans lequel se fait le mouvement qui cause le bruit, si l'on suppose, ainsi qu'il est fort probable, que cette maniere d'émotion particuliere se rencontre dans l'ouïe de même que dans les autres sens: car il n'est pas difficile de comprendre, que le mouvement, qui est particulier à tous les corps qui contribuent à quelque sensation que ce soit, est très petit, et se fait en un très petit espace.

[laquelle est un mouvement occulte et imperceptible, in marg.] Comme les corps souffrent de deux sortes de mouvemens, dont il y en a un grand, qui est manifeste, par lequel tout le corps et les parties que l'on peut y discerner sont émûes, et un autre très petit et non apparent, par lequel les seules particules sont ébranlées; il faut concevoir, que ce dernier mouvement est celui par lequel les objets se rendent sensibles. Ainsi quand un corps fait sentir à la peau sa chaleur, ce n'est point le mouvement par lequel le corps approche de la peau qui produit la sensation dans l'organe; mais c'est un autre mouvement qui paroit si peu, qu'il ne passe point pour un mouvement, quoiqu'il soit suffisant pour séparer et éloigner les particules [-179-] les unes des autres par la rarefaction causée par sa chaleur.

Ainsi quand les sels qui font le gout de chaque chose penetrent la langue, ou que les vapeurs odorantes s'infinuent dans les membranes du nez, ce n'est point le mouvement par lequel les sels liquifiez passent dans les pores de la chair de la langue, ni celui par lequel la vapeur entre dans les pores des membranes du nez, qui produit la sensation; mais c'est le mouvement imperceptible, par lequel les particules des organes des ces sens sont remuées, chacune d'une maniere particuliere et conforme au mouvement des particules de l'objet: [pareil à celui par lequel les eaux fortes rongent ce qui se fait dans un très petit espace. in marg.] de même que quand les eaux fortes brulent le papier et le linge, ce n'est point parce qu'elles s'imbibent et qu'elles penetrent dans les pores de ces substances par un mouvement manifeste, car l'eau commune les penetre ainsi sans les bruler, mais c'est parce que les sels dissolutifs et corrosifs, qu'elles contiennent, sont capables d'exciter un mouvement imperceptible et plus subtil que n'est celui qu'elles ont en entrant dans les pores formez par les intervalles des filets, et de penetrer les filets mêmes.

Tout de même le mouvement, que l'oeuil apperçoit dans les corps qui changent de place, n'est point celui qui fait la sensation de la vûe, mais c'est le mouvement imperceptible des particules de l'objet, qui étant ébranlées par la lumiere ébranlent les particules du milieu, par lequel la vision se fait, et ensuite les particules de l'organe de la vûe.

Or il n'y a point, ce me semble, de raison pour laquelle il faille changer cette analogie dans ce qui appartient à la maniere dont se fait la sensation de l'ouïe; et la pensée, que tous les Philosophes ont eue jusqu'à présent, que le mouvement manifeste des corps qui se choquent est la cause prochaine et immediate de l'agitation particuliere de l'air qui fait le bruit, ne peut, ce me semble, avoir d'autre fondement que le peu d'attention que l'on a eu dans l'examen qu'on a fait des choses qui appartiennent à cette matiere.

Chapitre II.

Que le mouvement qui cause le bruit a une extrême vitesse.

[Le milieu dans lequel le bruit se fait n'est pas si propre pour la promptitude du mouvement que le milieu de la vue. in marg.] POur expliquer la seconde hypothese, qui est de la vitesse du mouvement qui fait le bruit, je dis que ce mouvement se peut considerer en deux manieres: car on le considere ou dans l'objet, dans lequel les particules premierement ébranlées agitent l'air ensuite, ou dans l'air, qui étant ainsi agité frappe immediatement l'organe de l'ouïe. La même chose se fait dans la vûe, où il y a un premier [-180-] mouvement des parties de l'objet émûes par la lumiere, et un second dans le milieu qui se rencontre entre l'objet et l'organe. La difference qu'il y a entre les manieres d'agir de ces deux sens est, que le second mouvement dans la vûe a plus de vitesse que dans l'ouïe, dans laquelle on remarque un retardement qui n'est point sensible dans la vûe, où le mouvement, qui se fait de l'objet à l'organe dans un espace presque infini, paroit se faire en un moment. Et la raison pour laquelle cela n'est pas ainsi dans l'ouïe est, que quoique le mouvement des particules de l'objet fût également vite dans ces deux sens, les substances qui leur servent de milieu sont de nature tout-à-fait differente.

[La partie grossiere de l'air est le milieu pour l'ouïe; in marg.] Car comme cette substance, dans laquelle nous sommes, que nous respirons, et que l'on appelle l'air, n'est point une chose simple, mais composée de deux substances, l'une plus grossiere, l'autre très subtile, l'on peut croire avec quelque raison, que la partie subtile est celle qui sert de milieu à la vûe, et que la grossiere est le vehicule par lequel les corps transmettent leur émotion qui cause le bruit jusques à l'oreille. Les Experiences qui se font dans la machine du vuide confirment cette oeconomie, qui distribue ainsi une partie de l'air à un sens, et une autre partie à l'autre sens: car lorsque par le pompement on n'a l'aissé dans le recipient qu'une très petite portion de l'air grossier, et qu'il n'est presque plus rempli que de la partie subtile, on s'apperçoit que le bruit d'une horloge, que l'on fait sonner dans le recipient, ne s'entend qu'à peine, quoiqu'alors on y voye aussi-bien les choses qui y sont enfermées qu'avant qu'on eût ôté l'air grossier.

Ainsi le brouillard, par lequel l'air est rendu plus grossier, ne nuit pas à l'ouïe, comme il fait à la vûe, et le vent qui n'agite que la partie grossiere de l'air n'empêche point l'effet que les objets font sur la vûe, comme il empêche, ou du moins comme il change l'impression que l'agitation qui cause le bruit doit faire sur l'organe de l'ouïe.

[elle a une comprehensibilité, in marg.] Or ces deux substances ne sont pas seulement differentes par la subtilité, elles le sont encore par beaucoup d'autres qualitez essentielles: car la partie grossiere n'étant proprement que l'amas d'une infinité de particules que les corps qui sont sur la terre laissent sortir par leurs évaporations, ces particules ont les mêmes qualitez que les corps terrestres que nous connoissons. Entre ces qualitez il y en a trois qui font au sujet; sçavoir, une pesanteur qui serre ces particules les unes sur les autres, une figure sphérique ou approchante de la sphérique qui les rend fort mobiles, et une compressibilité qui fait qu'elles ne resistent pas absolument à la percussion. Et il faut supposer que cette compressibilité, de même que les deux autres qualitez, n'est que mediocre.

[-181-] Dans la partie subtile de l'air l'incompressibilité et la pesanteur sont extrêmes: car la grande profondeur et la grande hauteur, qu'elle a au-dessus de la terre sur laquelle la partie grossiere, qui est ce que l'on appelle l'athmosphére, ne s'éleve pas beaucoup, la rend très pesante; et son incompressibilité vient de ce qu'elle n'est rien autre chose qu'un amas de corpuscules simples, qui étant presque indivisibles et immediatement joints les uns aux autres, ne sont pas capables de s'approcher davantage comme les autres corps, qui bien-qu'ils soient composez de particules qui se touchent immediatement par quelques endroits, elles en ont aussi beaucoup d'autres par lesquels elles ne se touchent pas, et qui se peuvent approcher étant poussées avec force.

[qui diminue la promptitude du mouvement qui s'y fait pour le bruit: in marg.] Il ne faut donc pas trouver étrange, si l'émotion que la lumiere produit dans les objets passe si promptement jusqu'à l'oeuil, les particules du milieu étant serrées comme elles sont et tout-à-fait incapables de compression, et si les particules du milieu, qui transmettent à l'oreille l'émotion qui fait le bruit, étant compressibles et cedant chacune quelque peu au coup qui les pousse, elles ne peuvent empêcher qu'il ne se perde quelque chose du mouvement qu'elles ont reçû, lorsque tous ces petits dechets, que chacune des particules souffre, composent une somme considerable dans le tout.

[cette compressibilité ne cause qu'un três-petit retardement, in marg.] Mais bien-que cette compressibilité de la partie grossiere la rende moins propre à conserver toute la vitesse qu'elle reçoit des particules de l'objet, que n'est la partie subtile qui n'en laisse rien perdre du tout; elle ne laisse pas d'en conserver assès étant émûe avec la vitesse incroyable du retour des particules des corps froissez, pour émouvoir non seulement l'organe de l'ouïe, mais même les corps voisins, et y produire des reflexions.

[à cause de la grande vitesse du ressort des particules, in marg.] Car il faut remarquer que la puissance du ressort, qui est la cause du mouvement que les particules ont dans leur retour, est telle qu'il n'y a rien qui égale la vitesse qu'elle produit, le mouvement que les choses les plus pesantes ont dans leur chûte n'étant pas capable de l'égaler. La raison de cela est, que la puissance du ressort n'est rien autre chose que celle de la pesanteur de la partie subtile de l'air, ainsi que je l'ai expliqué dans le Traité du Ressort: et il n'est pas difficile de concevoir combien cette pesanteur est grande, si l'on considere que c'est elle qui resiste à la séparation des particules des corps les plus durs; et que la difficulté, qu'il y a à rompre le porphyre et les diamans, ne vient que de la difficulté qu'il y a à forcer la resistance que cette pesanteur apporte à la séparation de leurs parties.

[laquelle est proportionnée à l'extrême pesanteur de la partie subtile de l'air qui en est la cause: in marg.] Or la pesanteur de la partie subtile de l'air surpasse de beaucoup la pesanteur de tous les autres corps, par la raison que toute la pesanteur, qui est dans chacune des particules de cette substance qui occupe au-dessus de la terre des espaces presque infinis, est unie et ramassée [-182-] pour agir tout ensemble sur chacune des particules auxquelles elle fait avoir ressort ici-bas; au-lieu que chacun des corps, dont nous pouvons éprouver la pesanteur, n'agit que par sa pesanteur particuliere, n'étant point aidé par la pesanteur des autres corps.

[elle est d'ailleurs favorable à cette promptitude, in marg.] Pour ce qui est de la compressibilité de la partie grossiere, si elle est capable d'apporter quelque retardement au mouvement que le retour des particules lui donne, elle y est favorable d'ailleurs en beaucoup de choses; premierement elle aide à la continuation du mouvement en ce que sans elle il faudroit nécessairement que toutes les particules de l'air qui sont entre l'objet et l'oreille fussent remuées en un même instant: ce qui apporteroit une resistance bien plus grande au mouvement, que si l'on suppose la compressibilité de ces particules: [en cedant à l'impulsion, in marg.] car la particule de l'air poussée par le retour de la particule du corps choqué, quoiqu'elle cede en quelque façon à ce mouvement à cause de sa compressibilité, elle ne laisse pas de pousser celle qui est devant elle, tant par la raison qu'elle ne cede pas absolument, que parce que la vertu de ressort, qu'elle tient de sa compressibilité, lui donne une reaction, par le moyen de laquelle elle ne perd presque rien de l'impression qu'elle a reçûe du mouvement, et qu'elle la donne à celle qui est devant elle très peu differente de celle qu'elle a reçûe: de même qu'une raquette frappant une balle, parce que l'une et l'autre ont beaucoup de compressibilité et de ressort, la raquette fait plus d'effet avec une legere impulsion, que ne feroit un battoir d'acier trempé et une balle de la même matiere avec une impulsion plus grande.

[et en empêchant que l'extrême promptitude de l'impulsion ne cause du vuide. in marg.] En second lieu, cette compressibilité de la partie grossiere de l'air, qui la rend capable d'être resserrée, la rend aussi capable d'être étendue. Or cette faculté de s'étendre lui est nécessaire pour remplir le vuide qui arriveroit nécessairement, lorsque l'air est poussé par le retour de la particule du corps qui fait le bruit: car la vitesse de cette impulsion étant telle, que l'air qui est poussé n'a pas le loisir de retourner par les côtez pour passer derriere la particule du corps qui le pousse, il se devroit trouver un vuide en cet endroit, si les particules de l'air qui sont plus proches ne le remplissoient en s'étendant dans cet espace; ce qu'elles font facilement, parce que toutes les parties de l'air grossier étant ici-bas comprimées par la pesanteur de tout l'air qui est au-dessus, elles ont une grande propension à s'étendre dans les espaces qui leur sont laissez vuides, ainsi que l'on éprouve lorsqu'en tirant le piston de la machine du vuide on lui donne le moyen de s'étendre. Il est donc, ce me semble, assès facile de comprendre, que les particules de l'air, lesquelles sont à côté de la particule du corps qui en s'en retournant frappe la particule de l'air qu'elle a devant elle, venant à s'élargir et s'étendant dans l'espace que la particule du corps laisse en s'en retournant, elles empêchent qu'il ne s'y fasse du vuide; et cette extension se faisant par le moyen de leur ressort, [-183-] dont la promptitude est extrême, il arrive qu'elles demeurent comme immobiles à l'égard des autres particules qu'elles soutiennent, et qu'elles empêchent de retourner en arriere, et d'esquiver à côté pour venir occuper la place, qui demeureroit vuide lorsque la particule du corps qui a été placée s'avance en retournant pour pousser l'air.

Il est donc vrai, que cette compressibilité ne retarde que très peu le mouvement de la partie grossiere de l'air, et s'il y a quelque difference entre le mouvement que la partie subtile reçoit des objets entant qu'ils sont visibles, et celui que la partie grossiere reçoit des mêmes objets entant qu'ils produisent le bruit, elle n'est point tant dans la plus grande ou la moindre vitesse, que dans la maniere du mouvement, lequel selon des hypotheses probables est dans les objets visibles un mouvement circulaire fait sur le centre de chaque corpuscule sphérique de la partie subtile de l'air; au-lieu que dans les objets qui font du bruit le mouvement se fait avec un changement de place, que le corpuscule de la partie grossiere de l'air souffre en s'avançant vers l'oreille; mais l'un et l'autre conviennent en ce que leur mouvement est très vite. [La principale cause de la vitesse du mouvement qui se fait dans l'ouïe est la petitesse des particules. in marg.] Or une des principales raisons de la vitesse du mouvement qui cause le bruit est la mobilité des corps qui le produisent, laquelle est très grande à cause de l'extrême petitesse des particules dont ils sont composez, et qui sont les seules parties qui causent le bruit, cette petitesse étant si extrême, qu'elle ne permet pas qu'ils ayent une liaison bien forte les uns avec les autres: car de même qu'il est plus difficile d'arracher un grand arbre qu'une petite herbe, il est aisé aussi de concevoir que le moindre attouchement est capable d'émouvoir les corpuscules; et que la puissance extrême de la pesanteur qu'il faut supporter dans la partie subtile de l'air les trouvant avoir si peu de resistance au mouvement, les doit remuer avec une vitesse extrême quand elle produit le retour qu'elles ont par la vertu de leur ressort, dont la pesanteur de la partie subtile de l'air est la cause.

Chapitre III.

Que le mouvement des particules ébranlées dans les corps qui se choquent est celui qui cause le bruit immediatement.

[Le mouvement manifeste des corps n'est point la cause du bruit, in marg.] POur achever d'expliquer les hypotheses de la promptitude et de la petitesse du mouvement dont il s'agit, il reste à faire voir que le mouvement qui cause le bruit immediatement n'est que dans l'agitation imperceptible des particules des corps qui se rencontrent, et que le mouvement manifeste du corps entier et des parties visibles n'y contribue que parce qu'il est quelquefois cause du mouvement des particules. Pour appuyer la probabilité de ce Probléme, je me sers [-184-] de quelques Experiences, qui contiennent des Phenomenes propres à confirmer ce qui a déja été dit sur ce sujet, parce qu'ils sont expliquez, ce me semble, assès commodément par ces hypotheses.

Je dis donc qu'il y a quelque raison de croire, que le seul mouvement imperceptible des particules froissées dans la rencontre des corps est la cause immediate du bruit, s'il est vrai que quelquefois, quoique les parties d'un corps soient sensiblement ébranlées, il ne se fait pourtant point de bruit, et s'il est vrai aussi qu'il se fait quelquefois du bruit sans que les parties soient émûes. J'ai pour cela deux Experiences.

[parce que souvent les parties d'un corps paroissent sensiblement ébranlées sans qu'il fasse de bruit, in marg.] Lorsque la corde d'un luth ou d'un clavecin cesse de sonner, si l'on approche doucement l'ongle pour la toucher, on la sent fremir, et ce fremissement n'est autre chose que l'émotion des parties causées par l'ébranlement de tout le corps de la corde: car il faut supposer qu'alors cette émotion continue encore suffisamment pour se faire sentir à l'ongle, mais trop foiblement pour émouvoir les particules avec une vehemence qui soit capable de les froisser de la maniere requise à la production du bruit.

Or pour être assûré que l'émotion que l'on sent à l'ongle est une émotion qui doit être distinguée de l'ondulation est des vibrations de toute la corde, j'ai fait l'Experience en un très grand volume. J'ai tendu une corde à boyau de la longueur de trente pieds, afin que les vibrations de toute la corde fussent assès grandes pour n'être pas nécessairement confondues avec les vibrations des parties, ainsi qu'elles sont quand la corde est courte, où l'on ne sent que les ondulations que toute la corde a allant et venant comme un pendule, et en effet j'ai trouvé qu'on remarque aisément que l'ongle est frappé par des coups que la grande corde donne, et que l'on peut compter, que ces coups qui sont les vibrations de toute la corde sont composez chacun d'une infinité d'autres petits coups, qui sont si serrez l'un contre l'autre, qu'on ne les peut compter, ne faisant qu'un fremissement: et il n'est pas difficile de concevoir que ces petits coups sont ceux que causent les vibrations des parties.

[et qu'il fait du bruit lorsqu'apparemment il n'y a que les particules qui soient ébranlées. in marg.] L'autre Experience, qui fait voir que quelquefois des corps font du bruit sans qu'il y ait aucune émotion dans leurs parties, et que ce bruit se fait par le seul ébranlement de leurs particules, est, que lorsque des balles d'arquebuse sont tirées elles font un chifflement dans l'air presque toûjours pareil, quoiqu'elles soient de matiere differente, en sorte qu'une balle de plomb et une balle d'argent ne rendent point de son different; ce qui fait voir que ce n'est point le mouvement des parties qui cause ce chifflement: car si les parties étoient ébranlées elles feroient des bruits differens, ainsi qu'il arrive quand on fait sonner des timbres de differente matiere, un timbre d'argent et un timbre qui seroit de plomb ayant des sons differens, à cause que la [-185-] differente nature des corps provient de ce qu'ils ont des parties differemment liées ensemble, ce qui leur fait avoir plus ou moins de fermeté et de roideur, et par consequent un son plus ou moins éclatant; cela fait voir aussi que l'émotion que ces balles souffrent, lorsqu'étant frappées par l'air qu'elles choquent elles produisent un chifflement, n'est l'émotion que des particules, puisque le son que cette émotion cause est pareil dans les unes et dans les autres; car cette parité de son vient de ce que les particules de tous les corps sont moins differentes les unes des autres que les parties; par la raison que les particules étant plus simples, elles n'ont point ces differentes liaisons et ces differentes compositions, qui rendent les parties capables de sons differens.

Il y a encore beaucoup d'autres Experiences propres à insinuer la probabilité de ce même Probléme de l'agitation des particules des corps, lesquelles sont les seules causes immediates du bruit: car il y a beaucoup d'apparence que dans les échos, qui sont quelquefois un très grand bruit, il n'y a que les seules particules qui soient émûes, le bruit des échos étant toûjours pareil au bruit dont ils sont la repetition; ce qui ne seroit pas, si les parties des corps sur lesquelles la reflexion se fait étoient émûes; puisqu'étant des corps differens, elles devroient rendre des sons differens lorsqu'elles sont ébranlées; au-lieu que les particules, qui sont presque toûjours semblables, et qui ont une mobilité et une facilité à être ébranlées, que les parties n'ont point, ne forment aucun son qui leur soit particulier, mais se conforment aisément à celui des autres corps qui leur communiquent leur émotion.

C'est par ces hypotheses que j'explique les Phenomenes ci-devant rapportez des corps choquez dans l'eau, et ceux de la double cloison: car quand deux cailloux sont choquez dans un vase d'argent vuide sans le toucher, il se fait un resonnement qui augmente seulement le bruit que les cailloux font ordinairement étant frappez l'un contre l'autre, sans en changer l'espece, à cause que l'air étant émû par le choc des cailloux avec la promptitude particuliere à l'émotion qui fait le bruit, n'émuet que les particules de la surface interne du vaisseau d'argent, et il ne les émuet que de la maniere qu'il a été émû par le retour des particules des cailloux; mais quand dans ce même vase étant rempli d'eau on frappe les cailloux l'un contre l'autre, on oit sonner le vase comme s'il étoit frappé par les cailloux; parce que l'eau étant un corps beaucoup plus solide que l'air, l'émotion qu'elle reçoit du choc du caillou la fait frapper contre l'argent avec assès de force pour en émouvoir non seulement les particules, mais les parties mêmes, et cette émotion des parties est la cause du son particulier de chaque corps, ainsi qu'il a été dit.

Tout de même quand on frappe contre un mur, quoiqu'épais, le bruit s'entend de l'autre côté, parce que toutes les parties étant ébranlées, [-186-] celles qui sont à l'autre côté émeuvent les particules dont elles sont composées, et dont le retour agite l'air de la maniere requise pour produire le bruit; mais quand le mur est vuide par le milieu, étant composé d'une double cloison, le coup que l'on donne ne s'entend point à l'autre côté, parce que l'émotion des particules de la surface interne de la cloison, qui est frappée, ne sçauroit émouvoir par le moyen de l'air enfermé entre les deux cloisons que les particules de la surface interne de l'autre cloison, bien loin de pouvoir émouvoir celles de sa surface externe; ce qui seroit nécessaire pour faire passer le bruit du coup jusqu'à l'oreille.

Tous les Phenomenes des instrumens de Musique, qui sonnent par le vent, s'expliquent aussi fort commodément par cette hypothese de l'émotion des seules particules, ainsi qu'il sera dit dans la suite.

[Sept conclusions tirées de ces princpies. in marg.] On peut conclure de ce qui a été dit. I. Que quand deux corps font du bruit en se choquant par un mouvement visible, ce n'est point ce choc qui cause immediatement l'agitation de l'air qui fait le bruit; parce que ce mouvement se fait par un trop grand espace pour pouvoir être cause des Phenomenes particuliers que l'on y remarque, et que pour ces mêmes effets il ne se fait pas aussi avec assès de promptitude.

II. Que ce sont les seules particules invisibles qui frappent l'air avec un mouvement invisible aussi, et qui a une vitesse extrême, lorsque par une espece de contrecoup, qui suit le coup par lequel les parties ébranlées ont causé un froissement qui a plié les particules, elles retournant à leur état naturel par la puissance du ressort.

III. Que bien-que les corps entiers, qui par un mouvement visible se choquent avec promptitude, fassent ordinairement plus de bruit que ceux qui se choquent avec un mouvement plus lent, il ne s'ensuit pas de là que ce mouvement qui fait le choc soit celui qui remue l'air immediatement pour faire le bruit; car si cela étoit, le bruit seroit toûjours proportionné à la vitesse du mouvement visible des corps entiers qui se choquent, il arrive souvent néanmoins que des corps qui se choquent fort lentement font un grand bruit. Les choses que l'on racle, quoique le racloir soit conduit lentement, ne laissent pas de faire beaucoup de bruit. Un archet bien appuyé sur la corde, quoique tiré lentement, produit un son fort éclatant; parce que les particules du corps raclé, de même que celles du racloir, ne laissent pas d'être pliées par le frottement mutuel de ces deux corps, quoiqu'il ne soit pas fait avec promptitude, et il importe peu avec quelle vitesse les particules sont pliées et tendues, pourvû-que la detente soit prompte; le chien d'un fusil, soit qu'il ait été bandé avec promptitude ou lentement, a toûjours la même promptitude dans sa detente.

IV. Que le mouvement du ressort dans chaque corps étant de deux especes, et y ayant un ressort manifeste, dans lequel une partie d'une [-187-] grandeur considerable, après avoir été ou pliée, ou étendue, ou comprimée, retourne à son premier état par un mouvement visible et évident; et un ressort imperceptible, qui se fait dans des particules si petites, qu'il est impossible de s'appercevoir de leur compression ni de leur retour; le ressort manifeste ne peut être forcé que par un effort considerable; mais l'obscur n'a besoin que d'une legere impulsion, parce que chaque corps, même en la moindre partie, étant composé d'une multitude presque infinie de particules, si l'impulsion est petite, elle ne remuera qu'une petite quantité de particules, dans lesquelles il se fera toûjours une flexion, une extension, ou une compression, et presque au même moment un retour causé par la vertu du ressort.

V. Qu'il y a deux moyens d'émouvoir de de plier les particules dont le retour produit le bruit: l'un est l'émotion des parties, de laquelle l'émotion des particules s'ensuit; et cet ébranlement des parties requiert le choc des corps durs, solides, et pesans, et suppose un ressort dur et manifeste, qui rend les parties capables d'une secousse et d'un fremissement vif et vehement propre à secouër et froisser les particules dont elles sont composées, et lesquelles par un ressort plus doux et imperceptible produisent immediatement le bruit. L'autre moyen est l'émotion des particules, que l'agitation de l'air émû avec une promptitude extrême produit, telle qu'est celle que le retour des particules émûes par d'autres causes est capable de produire. Et il faut encore ajouter, que l'émotion des particules dans tous les corps est apparement beaucoup plus facile que celle des parties; parce qu'il arrive souvent que cette émotion immediate des particules n'a pas moins de force pour produire un grand bruit, que l'émotion qui provient du choc deux corps solides, ainsi qu'il sera expliqué en parlant du bruit du tonerre et de celui des échos. La raison de cela est, que cette émotion immediate des particules étant causée par l'émotion de l'air, il est aisé de concevoir, que l'air émû avec la vitesse requise peut émouvoir un bien plus grand nombre de particules, touchant comme il fait tous les corps qui environnent ceux dont le choc l'a émû, que les corps qui se choquent n'en ont émû immediatement en eux-mêmes par le choc.

VI. Que l'extrême promptitude, avec laquelle les particules des corps froissez frappent l'air en retournant à leur état naturel, est capable non seulement de lui faire émouvoir l'organe de l'ouïe, mais aussi d'émouvoir les particules des corps voisins, en sorte que ces particules des corps voisins peuvent encore par la vitesse de leur retour émouvoir l'air de la même maniere, pour aller frapper l'oreille dans cette seconde émotion, avec une force presque aussi grande qu'est celle qu'il a dans la premiere émotion: ce qui fait que cette seconde émotion, que j'appelle la reflexion conjointe, fait une partie considerable [-188-] du bruit: car il faut considerer qu'il y a deux sortes de puissances dans les corps, qui leur donnent la force de remuer d'autres corps; l'une leur est propre et essentielle, qui dépend de leur être, telle qu'est la pesanteur et la dureté, qui font qu'un corps étant poussée peut en pousser un autre avec d'autant plus de force qu'il pus de pesanteur et de dureté. L'autre puissance, qui n'est dans les corps que comme une modification de leur être, et qui leur est accidentelle, est la figure et le mouvement, qui sont des choses qui peuvent augmenter infiniment la puissance propre et essentielle, et qui font par exemple qu'un maillet de bois poussant un morceau de bois mis entre les deux parties d'une buche à demi fendue aura plus de force pour pousser ces deux parties en les séparant l'une de l'autre, si le maillet descend sur le morceau de bois avec promptitude, et si les côtez de ce morceau de bois sont deux plans inclinez l'un vers l'autre; que si un morceau de fer bien pesant, mais sans mouvement, étoit mis sur un morceau de fer bien dur, mais quarré, introduit dans la fente de la buche. Or il faut supposer que les particules, dont le retour frappe l'air pour produire le bruit, peuvent être froissées par ces differentes puissances, et que l'air, qui est un corps leger et peu ferme en comparaison des autres corps, a assès de force pour émouvoir, pour séparer, et pour plier les particules des corps durs et solides, lorsqu'il les choque, étant poussé avec une extrême vitesse, telle qu'est celle du ressort.

VII. Que le grand bruit des échos ne se peut aisément expliquer que par la facilité que le particules des corps ont à être émûes, et qu'en supposant que lorsque les corps solides souffrent par un grand coup une grande émotion de toutes leurs parties, et que de là il s'ensuit aussi une émotion de toutes les particules dont les parties sont composées, il n'y a que les particules de la surface qui touche l'air qui puissent causer l'agitation particuliere dont il s'agit, et que par consequent les causes, qui sont capables d'émouvoir ces particules situées en la surface exterieure, sont capables de produire un aussi grand bruit, que les causes qui émeuvent les corps entiers et toutes les particules, qui font tant dans toute leur profondeur que dans leur surface externe.

Voilà en general quelles sont les causes de l'agitation particuliere que l'air souffre dans le bruit. Il reste pour achever cette seconde Partie de faire voir que par cette théorie on peut rendre la raison probable des effets qui se remarquent dans toutes les especes de bruit, afin que l'explication probable des Phenomenes établisse plus clairement la probabilité des hypotheses.

[-189-] Chapitre IV.

Des differens genres de Bruit, et premierement du Bruit Simple, dont la premiere espece est le Bruit de Choc.

[Il y a deux sortes de bruit. in marg.] JE fais deux especes de Bruit, dont la difference consiste dans la nature diverse des corps qui se frappent l'un l'autre; car ou la percussion est de deux corps solides, et j'appelle le bruit qu'ils font Bruit de Choc; ou la percussion est d'un corps solide et de l'air, et je l'appelle Bruit de Verberation, parce que le mot verber en Latin signifie un corps flexible, avec laquel on peut frapper un autre qui est plus ferme. [Le bruit de choc et le bruit de verberation. in marg.]

Mais il faut entendre que la percussion, par laquelle le retour des particules des corps solides frappe l'air pour produire immediatement le bruit, est differente de la percussion, par laquelle un corps solide entier et l'air se frappent mutuellement, et que j'appelle verberation; parce que la percussion de l'air faite par le retour des particules qui produit immediatement le bruit, se rencontre dans tous les genres de bruit, et que la percussion de verberation n'est propre qu'à ce genre, dans lequel elle est la cause du froissement des particules, dont le retour fait la percussion qui produit immediatement le bruit, ainsi qu'il sera expliqué ci-après plus au long en parlant du bruit de verberation, tel qu'est celui de la voix des animaux, celui des flutes, celui des vents, celui du tonerre, et generalement de toutes les agitations causées par les corps solides quand ils frappent l'air, ou qu'ils en sont frappez avec violence.

[L'un et l'autre est ou simple, ou composé. in marg.] L'un et l'autre de ces bruits est ou Simple, ou Composé. Le simple est celui qui étant produit par un seul coup ne frappe aussi l'oreille qu'un seul coup; tel qu'est le bruit de choc d'un marteau dont on frappe sur une enclume, ou le bruit de verberation d'un fouët qui frappe l'air. Le bruit composé est celui qui frappe long temps l'oreille, soit qu'il dépende d'un ou de plusieurs coups; ce qui fait deux especes de bruit; j'appelle l'un Bruit Continué, et l'autre Bruit Successif. Le bruit continué est celui, qui quoique produit par un seul coup frappe long temps l'oreille; parce que ce coup en produit plusieurs autres, qui se suivent de si près qu'il ne paroit point interrompu, tel qu'est le son d'une cloche, ou d'une corde de luth. Le bruit successif est celui qui est produit par plusieurs coups, qui se suivent aussi de si près qu'ils ne semblent point séparez, tel qu'est le bruit d'un carrosse qui roule promptement, celui d'une trompette, ou d'une flute, ou d'une voix qui fait un long cri.

[Le bruit simple se divise en trois autres especes, sçavoir, in marg.] Le bruit simple n'est ainsi appellé que par comparaison aux autres: [-190-] car absolument tout bruit (ainsi qu'il a été dit) est composé d'une infinité de reflexions conjointes capables de produire dans l'air des agitations disposées à se joindre avec la premiere qui les a fait naitre, en sorte que toutes ensemble elles ne composent qu'un seul et unique bruit. C'est de cette composition néanmoins que se prenent quelques unes des differences du bruit simple: car il arrive que la même choc des corps qui font le bruit le produit different par la differente disposition des lieux voisins, sur lesquels la reflexion se fait. De là naissent les especes de Bruit Clair, tel qu'est celui de la voix dans un lieu ouvert et dégagé; de Bruit Cas, tel qu'est celui de la voix enfermée dans un masque. Les autres especes se prenent de la nature des corps, et de la multitude des particules froissées en un petit espace, qui font le Bruit Aigu et Tintant, comme d'un marteau sur une enclume, et le Bruit Sourd, comme d'un marteau sur un fer chaud; et enfin le Bruit Excessif, tel qu'est celui de tonerre et de l'artillerie, qui sont excessifs à cause de la grande multitude des corps qui sont frappez.

[Le bruit clair. in marg.] Le Bruit Clair et le Bruit Aigu et Tintant ont les mêmes causes; car ils se font, lorsque les parties froissées par la rencontre des corps qui se choquent sont toutes, ou la plûpart, capables de ressort, et et que pour produire par le retour soudain des particules l'agitation nécessaire au bruit elles agissent seules, et sans que les particules des parties voisines, qui ne sont point choquées, soient émûes: car quoique les parties voisines soient ébranlées, ainsi qu'il paroit quand on frappe sur une enclume où il y a des grains de sable que l'on void sautiller par l'ébranlement de toute l'enclume, néanmoins les particules qui composent ces parties ne sont point ébranlées; et c'est ce qui fait qu'une enclume ne sonne pas comme une cloche, par la raison que sa forme épaisse et massive ne permet pas à ses parties d'être ébranlées avec la vehemence nécessaire à l'ébranlement des particules.

[Le bruit cas. in marg.] Le Bruit Cas se fait, lorsque l'air agité par les particules froissées dans le choc des corps rencontre fort près de l'endroit où se fait le choc un corps concave et sourd, dont quelques particules sont aisément remuées et froissées, en sorte qu'elles produisent par leur retour quelques autres agitations, qui se joignant à la premiere la rendent differente en quelque façon de ce qu'elle seroit sans cette adjonction, qui n'est point un retentissement, parce que les parties de ce corps concave ne font point d'ondulation. Par exemple dans la voix, lorsque les deux parties qui composent la glotte étant agitées par la sortie prompte et vehemente de l'air contenu dans la poitrine, les particules, dont chaque partie de la glotte est composée, et qui sont la plûpart capables de ressort, retournent après avoir été froissées, et frappent l'air avec la promptitude de leur ressort, cela fait un bruit clair et net, qui devient cas, quand l'air agité rencontre le masque, dont il émeut aisément quelques particules, parce qu'il est proche, et parce [-191-] que les differentes agitations que ces particules font capables de produire se trouvent ramassées dans la cavité du masque; mais parce qu'il est un corps sourd, dont les parties sont difficiles à ébranler, ou qu'il n'a pas une figure commode pour une reflexion éclatante, il ne mêle au bruit clair de la voix qu'une reflexion sourde, qui la corrompt et l'obscurcit.

[Le bruit sourd. in marg.] Le Bruit Sourd se fait, quand les corps qui se choquent n'émeuvent qu'un très petit nombre de parties, parce qu'ils n'en ont que très peu qui soient capables de ressort, et assès bien unies pour soutenir le coup, et n'y pas obeïr trop facilement, la plûpart étant penetrées par une substance fluide, qui empêche la jonction intime des corpuscles, dont les parties sont composées, et fait qu'elles sont lâches et incapables de retourner à leur premier état quand elles ont été comprimées. Ainsi le fer chaud ne produit qu'un bruit sourd; parce que les parties dont il est composé étant mal-unies à cause du mêlange et de l'interposition des corpuscules fluïdes du feu, il n'a que très peu de ressort. Par la même raison la laine et les autres corps spongieux ne rendent qu'un bruit sourd quand on les frappe, à cause de l'air, qui étant entre les parties les empêche de se toucher et de s'appuyer les unes les autres pour soutenir le coup; car le coup n'agissant pas selon toute sa force, ne peut froisser et plier autant de particules qu'il en faudroit pour faire un bruit clair et tintant.

Chapitre V.

De la seconde espece du Bruit Simple, qui est du Bruit de Verberation.

[Le bruit de verberation est de deux especes, in marg.] LE Bruit de Verberation (ainsi qu'il a été dit) est on simple, ou composé. Je ne parle à présent que des simples, me reservant à traiter des composez lorsqu'il s'agira des instrumens à vent. [sçavoir, le petit, et l'excessif, tel in marg.] Le bruit de verberation simple est ou petit, ou excessif: j'appelle ainsi le bruit du tonerre, et celui de l'artillerie; parce que quoique ce bruit ne differe point essentiellement des autres bruits de verberation, son idée néanmoins paroit avoir quelque chose de si particulier, qu'il semble devoir faire une espece à part; je le place entre les bruits de verberation, parce qu'il se fait par la percussion que produit la rencontre d'un corps flexible tel qu'est l'air, et d'un corps solide tels que sont tous les corps que l'air agité par une soudaine rarefaction frappe en même temps: car de même que le bruit d'un coup de fouët est un bruit de verberation fort petit, à cause de peu de particules que l'air émeut dans un aussi petit corps solide qu'est un bout de corde: [qu'est celui du tonerre, in marg.] le bruit du tonerre et de l'artillerie est un bruit de verberation excessif, à cause [-192-] du nombre innombrable de particules de corps solides, qui sont ébranlées par une agitation de l'air aussi grande, aussi vite, et aussi violente qu'est celle que peut causer la soudaine rarefaction d'une grande exhalaison, ou d'une quantité considerable de poudre à canon, ou de la poudre appellée or fulminant.

Je suppose donc, que quand un fouët frappe l'air, et qu'il claque, ce n'est point parce que le fouët froisse l'air, car l'air froissé ne fait point de bruit; mais c'est l'air qui froisse les particules de fouët et qui les plie, en sorte que par leur retour elles frappent l'air avec une vitesse tout autre que n'est celle avec laquelle elles ont été frappées, et qui seule est capable de produire l'agitation particuliere qui fait le bruit. Tout de même quand l'exhalaison ou la poudre à canon s'enflamment, quelque soudaine que soit l'impulsion qu'elle cause par la rarefaction, il n'est pas aisé de concevoir, qu'elle ait assès de vitesse pour faire que les parties de l'air se puissent pousser l'une l'autre assès vite pour prévenir la vitesse de la fuite qui leur est si naturelle; mais je comprens aisément, que cette vitesse de l'impulsion, que la soudaine inflammation de la matiere rarefiée cause à l'air, le va faire frapper avec assès de force contre la terre, les bâtimens, les arbres, les rochers, les eaux, et les nuées épaisses, pour en froisser les particules; et que de tous ces corps les particules innombrables froissées en même temps poussent l'air par leur retour, et l'agitent de la maniere propre à faire le bruit en tant d'endroits, que l'oreille en est frappée avec une force tout-à-fait extraordinaire.

Car quoique lorsqu'il se fait un éclat de tonerre, ou entende le bruit fort haut au-dessus de nous, où il ne paroit point qu'il y ait de ces corps solides que je suppose nécessaires à la production du bruit; il est vrai qu'il ne se trouve jamais quand il tonne, que l'air ne soit rempli de nuées épaisses, qui étant composées d'eau peuvent être estimées avoir quelque solidité, si l'on compare leur substance avec celle de l'air: car il faut remarquer, que les coups de tonerre, que nous entendons au-dessus de nous, sont foibles, et vont se fortifiant par les échos causez par la reflexion des corps qui sont proches et plus solides que l'eau des nuées: mais les coups qui sont forts et soudains ne s'entendent point en haut, mais près de nous; parce qu'ils ne sont point causez par l'air frappant les nuées, mais frappant les corps solides qui sont près de nous.

Ce qui fait juger que le bruit du tonerre se fait ainsi, est qu'un seul éclair est presque toûjours suivi d'un grand nombre d'éclats redoublez en cent differentes manieres et differens en force: car l'éclair n'est rien autre chose que la lueur du feu de l'exhalaison enflammée, en sorte que si cette inflammation se fait lentement, et qu'il ne se rencontre point de nuées assès épaisses et assès proches, l'éclair n'est suivi d'aucun bruit, la soudaineté de l'inflammation étant cause de la [-193-] promptitude de l'impulsion de l'air, qui seule est capable de froisser les particules de l'eau suspendue dans les nuées, desquelles l'exhalaison est environnée. Or lorsque les éclairs ne redoublent point, on ne peut pas donner d'autre raison du redoublement du bruit que font les éclats qui suivent le premier coup, qu'en supposant que l'impulsion causée par le retour des particules de l'eau des nuées froissées dans ce premier coup cause un pareil froissement dans les particules des corps voisins, lesquelles étant froissées en plus grand nombre dans des corps plus solides que ne sont les nuées produisent ordinairement un plus grand bruit, qui va quelquefois en s'augmentant, selon que le hazard fait qu'il y a des lieux disposez plus favorablement que d'autres pour la reflexion.

[et celui de l'artillerie. in marg.] Le bruit de l'artillerie est different de celui du tonerre, en ce que l'inflammation de la poudre se faisant dans un lieu enfermé, c'est-à-dire, dans un canon, qui est un corps plus solide que n'est l'eau des nuées, et ce corps étant ordinairement proche de la terre et des maisons, le premier coup est toûjours plus fort à proportion de la reflexion de ses échos, que dans le tonerre: car il faut concevoir, que le premier bruit du canon est causé par le froissement des particules, non seulement du metail dans lequel la poudre est enfermée, mais aussi des particules de tous les corps voisins, que l'air agité par une reflexion conjointe, produite par le retour des particules du canon, froisse et ébranle puissamment, et que le bruit seroit beaucoup moindre sans cette reflexion: car l'experience fait voir, que le petard d'une fusée, quand elle creve en l'air, ne fait pas la moitié du bruit qu'il fait quand il creve sur terre à une égale distance; par la raison que quand il creve dans l'air, il n'y a que le retour des particules du carton crevé et du bois de la baguette, qui lui est attachée, qui cause dans l'air l'agitation particuliere qui fait le bruit; et quand il creve à terre, il y a beaucoup de corps solides fort proches qui fournissent un grand nombre de particules à froisser, soit par la premiere impulsion de la poudre qui rompt le carton, si la rupture se fait fort près de terre; soit par la seconde impulsion causée par le retour des particules froissées dans le carton rompu, par laquelle les corps qui se trouvent assès proches sont suffisamment ébranlez pour faire une reflexion capable, étant jointe au premier bruit, de l'augmenter considerablement.

[-194-] Chapitre VI.

Du second genre du Bruit, qui est du Bruit Composé, et de sa premiere espece, qui est du Bruit Continué.

[Le bruit continué est composé de plusieurs bruits primitifs, in marg.] POur ce qui est des Bruits Composez, celui que j'appelle Continué, parce qu'il frappe long temps l'oreille, quoique causé par un seul coup, est composé de plusieurs bruits primitifs, qui ne sont point faits par reflexion, et dont il y en a un premier qui est la cause de tous les autres. [dont il y en a un premier, qui est la cause des autres,que j'appelle seconds et troisiemes. in marg.] Ce premier est immediatement excité par le retour des particules qui sont à l'endroit où le corps est frappé; par exemple, quand un marteau frappe sur un timbre, il fait d'abord un bruit pareil à celui qu'on entend quand il frappe sur une enclume, qui est un bruit tintant et aigu, que l'oreille discerne dans un timbre séparément, et comme distinct du bruit resonnant, qui suit immediatement ce bruit aigu. Or ce premier bruit est causé par les particules que le coup du marteau touche immediatement, et qu'il a froisiées et pliées. Les autres bruits, qui se joignent à ce preier, et qui durent long temps après, sont produits par le reste des particules de tout le corps resonnant, qui sont émûes ensuite. Et il est aisé de juger que cela est ainsi par ce qui arrive quand on frappe une cloche; car si par exemple on frappe une grosse cloche avec une clef, on n'en tire qu'un son aigu, qui est celui que les seules particules touchées par la clef sont capables de produire. Et si l'on entend un bruit sourd et grave au ton de la cloche, il est causé par une émotion legere de toutes les particules de la cloche. Cela étant supposé, il reste à expliquer ce qui cause le froissement des autres particules, dont le retour fait la continuation du son, et qui ne sont point touchées par le marteau.

[La continuation du bruit dépend de la matiere des corps, in marg.] La matiere des corps, qui rendent un son resonnant que j'appelle Continué, tels que sont les cloches, les cordes des instrumens de Musique, et les autres corps de cette même nature, doit avoir une facilité à faire ressort, qui dépend de ce que la disposition de ses particules est telle, que les corpuscules dont elles sont composées étant joints par-tout d'une même maniere,ainsi qu'ils sont ordinairement aux corps homogenes, elles sont capables d'une flexion, d'une extension, et d'une compression pareille en toutes leurs parties; ce qui fait qu'une partie étant froissée et comprimée, cette compression se communique aisément aux autres parties, ainsi qu'il arrive à l'eau, dans laquelle l'agitation d'une partie ne se communiqueroit pas aux autres, si sa substance étoit heterogene: car une mare, qui seroit remplie d'eau mêlée de pierres, de branches d'arbres, d'herbes, et d'autres choses non fluïdes, ne seroit pas capable de faire des ondes et des vagues, [-195-] comme elle feroit n'étant remplie que d'eau pure; en sorte que dans une mare remplie d'eau épaisse et bourbeuse, parce qu'elle est en quelque façon homogene, l'agitation d'une partie se communiqueroit plus facilement aux autres, qu'elle ne feroit dans la mare remplie d'eau claire, et par consequent plus fluïde et plus mobile, mais mêlée avec d'autres corps de differente nature.

[et de leur figure. in marg.] La figure est encore une autre cause à considerer dans les corps resonnans: car elle doit être telle, que rendant les corps pliables elle puisse donner lieu à un ébranlement des parties, qui soit capable d'ébranler les particules. Ainsi le metail d'une cloche, qui au-lieu d'avoir une figure mince et étendue seroit ramassé comme une enclume, ne sonneroit que comme une enclume.

[Comment le mouvement qui produit le premier bruit en produit de seconds? in marg.] Il faut donc concevoir, que lorsqu'un timbre est frappé d'un coup de marteau, il lui arrive quatre differens mouvemens. Le premier est celui dont il a déja été parlé, sçavoir, celui qui a été causé par le froissement des particules qui sont immediatement frappées par le marteau. Le second est l'ébranlement que ce coup donne à tout le timbre, et dont s'ensuit l'ébranlement de ses petites portions, que j'appelle les parties; ce qui lui arrive à cause de sa forme qui est mince, de même que l'ébranlement des particules se fait par la disposition de sa matiere, qui est homogene: et j'appelle cet ébranlement de tout le timbre le mouvement ovalaire; car tout le timbre se plie de telle façon lorsqu'il est frappé, mais principalement quand c'est par un corps aussi dur et aussi pesant qu'un marteau, que la partie frappée s'approche de celle qui lui est opposée, et fait éloigner les deux côtez: et cela fait que le timbre, qui avoit une figure ronde, devient de figure ovale, et qu'ensuite il arrive, que comme les parties déplacées dans ce changement de figure tendent à reprendre leur premiere situation, elles le font avec une impetuosité qui les pousse au-delà de leur place; en sorte que la compression, qui avoit d'abord été au droit du coup, se fait par les côtez, et l'extension au droit du coup: ce qui se continue comme dans les pendules par plusieurs vibrations reciproques, qui se diminuent insensiblement et finissent enfin. [Qui en produisent des troisiemes, in marg.] Le troisieme mouvement est celui de l'ondoyement, que les parties souffrent en consequence du mouvement ovalaire: car je suppose que dans ces changemens de figure, où le timbre de rond devient ovale, et d'ovale rond, il se fait des secousses dans les petites portions que j'appelle parties, et que ces secousses sont fort promptes et fort pressées les unes contre les autres, en sorte que tout le timbre fremit, et fait comme de petites ondes, dont le mouvement est assès prompt pour émouvoir et pour froisser les particules: car ces ondes sont quelquefois tellement visibles dans des verres à boire, quand on presse le doigt sur leur bord en tournant, qu'elles font remuer l'eau qui y est contenue, et sautiller une épingle courbée et mise sur le [-196-] bord du verre: et elles sont quelquefois si violentes, qu'elles font casser le verre, sans qu'il soit autrement frappé que par le son, ainsi qu'il sera expliqué dans la suite. Mais quelque petites que soient ces ondes, elles sont encore trop grandes, et ne se font pas avec assès de vitesse pour faire du bruit; et en effet on les apperçoit assès souvent dans le verre où l'eau fremit, sans qu'il se fasse aucun bruit; ce qui fait connoitre, qu'il faut supposer un mouvement encore plus vite, que n'est celui des parties ondoyantes.

[et des quatriemes. in marg.] Le quatrieme mouvement est celui des particules, qui étant froissées par la flexion, qui arrive aux parties ondoyantes dans le fremissement de tout le timbre, se remettent en leur premier état par la vertu de leur ressort particulier, et frappent l'air avec une vitesse capable de faire du bruit; ce qui suppose la disposition requise dans la matiere, ainsi qu'il a été dit. Or pendant que le fremissement des parties continue avec violence, le froissement des particules ne cesse point; et c'est de là que vient la continuation du son des corps resonnans, qui est composé du premier mouvement causé par le retour des particules froissées par le coup du marteau, et du mouvement de la quatrieme espece, qui est celui du retour des particules froissées par le mouvement de la troisieme espece, qui est le mouvement des parties ondoyantes. Mais la promptitude, avec laquelle tous ces mouvemens se suivent, fait que l'on ne s'apperçoit pas des intervalles qui les séparent, et que le son paroit continu.

[Comment ces quatre mouvemens sont produits in marg.] Ce qui a été dit des quatre differens mouvemens, qui arrivent au timbre frappé d'un marteau, se peut aisément appliquer à la plûpart des autres corps resonnans, qui ne different guere du timbre que par la figure, ayant la principale condition nécessaire pour être resonnans, qui est une liaison égale des parties homogenes: [dans des barres ou dans des lames de metail, in marg.] car une lame ou une barre du metail tinte au premier coup, par l'effort de ce coup elle se plie dans toute sa longueur, et ondoye à sa maniere, et cet ondoyement secouant et froissant les particules leur fait produire dans leur retour cette agitation particuliere, qui fait continuer le son.

[dans les cordes de metail ou de boyau, in marg.] Les cordes de metail et de boyau tendues sur les instrumens ont quelque chose de particulier dans la maniere de produire leur son étant pincées: car quoiqu'elles souffrent un ondoyement et un fremissement dans leurs parties, qui cause le froissement des particules, dont le retour fait la continuation du son: il est vrai que le premier coup, qui cause le pliement de toute la corde et l'ondoyement des parties, est different de celui qui le cause dans les timbres, et dans les autres corps qui resonnent étant frappez: [lorsqu'elles sont pincées, in marg.] car dans le pincement d'une corde, au-lieu du coup que les corps qui resonnent à la maniere d'un timbre reçoivent d'un autre corps dur et solide, c'est la corde qui se frappe, s'il faut ainsi dire, elle-même. On sçait que le pincement d'une corde consiste dans la tension et l'allongement qu'elle souffre étant poussée, et [-197-] dans la detente qui suit, lorsqu'on la laisse soudainement retourner à son premier état. Cela se fait avec un effort, qui la faisant passer outre vers la partie opposée la contraint encore de retourner; ce qui se continue par plusieurs vibrations ou secousses, qui font aller et venir la corde assès long temps. Ces secousses, qui occupent toute la longueur de la corde, ont analogie avec les mouvemens de compression et de dilatation, qui font le mouvement ovalaire, et que le coup de marteau produit dans tout le timbre, et elles causent l'ondoyement des parties de la corde, dont l'ébranlement et le froissement des particules s'ensuit.

[lorsqu'elles son raclées par un archet, in marg.] Quand les cordes sont raclées par un archet, comme dans les violons, dans les violles, et dans les lyres; ou par une rouë, comme dans les vielles; ou par une ceinture, comme dans les archiviolles; les particules, dont le retour produit le bruit, sont émûes et pliées à-peu-près de la même maniere que dans le pincement, si l'on considere que l'effet de l'archet et de ce qui l'équipolle est de retirer la corde à plusieurs reprises, et qu'à chaque fois que la corde échape, il lui arrive la même chose que quand elle est pincée par le doigt ou par la plume d'un sistre ou d'une mandore, ou par celle du sautereau d'une épinette; c'est-à-dire, qu'alors elle souffre les mêmes secousses et les mêmes ondoyemens, qui ne different de ceux du pincement, qu'en ce qu'ils n'ont pas le loisir de durer si long temps, parce qu'aussi-tôt que la corde a échapé à l'archet, elle est aussi-tôt reprise à cause de l'apreté gluante de la colophone de l'archet.

Les ondoyemens sensibles qui arrivent aux cordes pincées, non plus que ceux qui se remarquent dans les timbres, dans les cloches, et dans les autres organes qui sonnent par la percussion, ne sont point la cause immediate du son qu'ils rendent: cela s'explique par cette Experience; lorsque la corde d'un clavessin qui a été pincée cesse de sonner, et qu'elle continue encore à avoir une émotion dans tout son corps et dans ses parties, laquelle se connoit à l'ongle, par le moyen duquel on sent un fremissement manifeste, qui n'est (ainsi qu'il a été dit) que le mouvement des parties, il arrive une autre chose fort considerable, qui est qu'alors, quoiqu'on touche la corde si legerement de l'ongle, que cet attouchement ne seroit pas capable de lui-faire faire aucun bruit, si elle n'avoit ce mouvement qui lui reste, cet attouchement ne laisse pas de la faire sonner: car il est difficile de comprendre, que lorsque cet attouchement excite ce nouveau bruit, ce soit en faisant recommencer les vibrations de toute la corde et de ses parties, cet attouchement étant aussi leger et aussi delicat qu'il est; et principalement si l'on considere la maniere dont il se fait, qui est d'approcher l'ongle en sorte qu'il ne frappe point la corde, mais seulement qu'il en soit frappé; car il est constant que cette maniere de toucher une chose, qui se remue toute entiere à la façon d'un pendule, est plûtôt capable d'arrêter ou diminuer son mouvement que de l'augmenter; [-198-] il faut donc concevoir que cet attouchement, qui est proprement une percussion de la corde contre l'ongle, ne fait du bruit que parce qu'elle donne au mouvement, qui reste dans les parties, un moyen de secouër les particules avec la vehemence requise à l'émotion qui fait du bruit, et il est évident que ce ne sont point les vibrations visibles de la corde, ni les ondoyemens que l'on sent par le fremissement qui se fait sur l'ongle, qui produisent le bruit; puisque tous ces mouvemens sont encore dans la corde lorsqu'elle cesse de sonner; mais que ce sont les particules dont il y en a un grand nombre d'émûes dans chaque partie ondoyante, et qui ne le sont plus assès puissamment pour faire du bruit, si elles ne reçoivent une nouvelle percussion par la rencontre de l'ongle; car on ne peut pas dire que cette rencontre de l'ongle puisse faire, que les vibrations visibles ou les ondoyemens que l'on sent sur l'ongle soient plus vehementes et capables de produire du bruit, ainsi qu'il a été dit. Et l'on peut conjecturer de là, que toute sorte d'émotion des parties n'est pas capable d'émouvoir les particules; de même que les particules peuvent être émûes sans que les parties le soient, ainsi qu'il sera expliqué dans la suite.

[lorsqu'elles sont frappées, in marg.] Entre les differentes manieres qu'il y a de tirer le son des cordes des instrumens, celle qui fait sonner les cordes du psalterion et du manicordion est celle qui a le plus de rapport avec la maniere de faire sonner les timbres, les cordes du psalterion étant frappées avec un bâton comme les timbres le sont avec un marteau. [dans le manicordion, in marg.] La façon, dont elles sont frappées dans le manicordion, a quelque chose de particulier. Il est appellé manicordion, à cause que ses cordes sont lâches, n'étant tendues selon le ton qu'elles doivent sonner que lorsqu'elles sonnent par le moyen du fer attaché à chaque marche de l'instrument, qui leve, tend, et frappe la corde en même temps.

Chapitre VII.

De la seconde espece du Bruit Composé, qui est du Bruit Successif.

[Le bruit successif est composé de plusieurs bruits, qui sont tous d'un même genre. in marg.] LA seconde espece de Bruit Composé est appellée Bruit Successif, à cause qu'il est produit par plusieurs coups successifs, dont l'air est frappé par le fréquent retour des particules froissées qui font plusieurs bruits. Il n'est point essentiellement different du bruit simple, mais seulement par la sensation, qui conçoit plusieurs bruits comme si ce n'en étoit qu'un: il ne differe aussi du bruit continué, qu'en ce que les bruits, dont le bruit continué est composé, sont differens en espece, le premier bruit causé par le coup de marteau d'un timbre, et [-199-] par la detente d'une corde pincée, étant fort different des autres qui le suivent, et qui font la continuation du son. Mais les coups qui composent le bruit successif frappent tous l'oreille d'une même façon; car toutes les secousses des membranes de la glotte qui fait la voix, celles des parties d'une anche qui fait sonner un hautbois, celles des parties des levres qui font sonner un hautbois, celles des parties des levres qui font sonner une trompette, et celles des particules de la languette d'une flute sont toûjours les mêmes dans toute la durée du son; cette durée consistant dans la succession de plusieurs bruits pareils, qui paroissent n'en être qu'un, à cause que l'oreille ne distingue pas les coups, et n'apperçoit pas leurs intervalles, ou du moins elle ne le fait qu'avec beaucoup de peine, et cette difficulté est plus grande en quelques unes des especes de ce bruit, que dans les autres.

[Ses especes sont in marg.] Ce bruit a deux especes, sçavoir, le Bruit Rompu et le Bruit Continu.

[le bruit rompu, in marg.] Le Bruit Rompu, que j'appelle ainsi à l'imitation de Virgile, qui dit que la trompette a un son rompu, est celui où les intervalles par lesquels les differens coups sont séparez, se remarquent en quelque façon, tel qu'est le bruit d'un racloir, qui s'échapant et se rattachant à plusieurs reprises au corps raclé le frappe de plusieurs coups successifs; celui de grondement des chiens, des voix rauques, des ailes des grosses mouches, d'un archet quand il frotte les grosses cordes; celui des bourdons des trompettes est des hautbois est aussi de cette espece.

[et le bruit continu; in marg.] Le Bruit Continu est celui, où les intervalles qui sont entre les coups dont la suite fait la continuité du bruit sont si petits qu'on ne les peut appercevoir. [il est different du bruit continué; in marg.] Il differe du bruit, (dont il a été parlé ci-devant, et que j'appelle continué) en ce que le bruit continué est causé par un seul coup, qui outre les particules qu'il ébranle à l'endroit où il frappe le corps resonnant, il se trouve qu'une infinité d'autres particules sont ébranlées ensuite par l'ondoyement des parties de tout le corps resonnant, que ce premier coup ébranle; cet ondoyement des parties étant cause de l'ébranlement des particules, qui font continuer le bruit aussi long temps que l'ondoyement des parties dure et continue de la maniere nécessaire pour ébranler les particules, jusqu'au point de les froisser et de les plier assès pour faire que leur retour pousse l'air avec la promptitude nécessaire à l'emotion de l'air, laquelle cause le bruit.

Mais le bruit continu n'est point produit par un seul coup, qui soit capable de causer l'ébranlement de tout un corps, parce que ce bruit n'est rien autre chose qu'une suite continue de plusieurs petits coups égaux et d'une même espece, qui ébranlent chacun si peu de particules, qu'elles ne feroient point continuer le bruit, si un coup ne suivoit l'autre immediatement.

[il est de deux especes, qui sont le bruit rude, et le bruit doux. in marg.] Le Bruit Successif Continu est de deux especes; l'un est Rude, l'autre [-200-] est Doux: car quoique le rude et le doux ne soient differens que par le plus et par le moins, ils ne laissent pas d'être capables de faire des especes differentes, par la raison que quoique les causes qui font le bruit, que j'appelle Rude, puissent, étant beaucoup diminuées, le rendre doux; il est pourtant vrai qu'il ne peut être appellé doux qu'en comparaison de la rudesse qu'il a, lorsque ses causes agissent avec toute leur vigueur. [Les causes de ces deux bruits. in marg.] Ces causes, qui font la difference essentielle de ces deux bruits, sont, que le bruit doux se fait par l'émotion des particules seules, et le rude est produit par l'émotion des parties et des particules. Cela néanmoins doit être pris de telle sorte qu'il faut entendre, que lorsque dans ce Traité il est parlé du bruit causé par l'émotion des seules particules, cela signifie que l'émotion des parties n'est pas essentiellement nécessaire à cette espece de bruit, et que s'il arrive que par l'augmentation de la cause de l'émotion les parties viennent aussi à être ébranlées, elles le sont si foiblement, qu'en comparaison de l'émotion, que les parties des corps souffrent dans les autres bruits, elle n'est que comme rien.

[Le bruit rude en quoi different du bruit rompu? in marg.] Le bruit rude n'est different du bruit rompu que parce qu'il est continu; c'est-à-dire, que les coups dont il est composé sont si serrez, qu'on n'en peut appercevoir les intervalles; et ce qui le fait rude est quand les coups sont violens et fréquens tout ensemble. Ainsi quand on mene un racloir lentement sur une pierre dure et polie, supposé qu'il soit capable de l'entamer, il fait un bruit rompu, et l'oreille n'apperçoit pas seulement les coups séparément, on void même qu'il laisse des traces sur la pierre en maniere d'ondes éloignées les unes des autres: mais quand on le mene fort vite, il fait un bruit continu rude, et les traces qu'il laisse sont fort serrées. La même chose arrive quand on tire un archet lentement sur une corde peu tendue, car alors il fait un son rompu; mais quand on le tire promptement sur une corde fort tendue, il fait un son rude et continu.

[Le bruit doux comment produit? in marg.] Le bruit continu doux se fait par une suite de coups peu violens et serrez les uns contre les autres, par lesquels les particules d'un corps sont ébranlées par une cause dont l'action n'est point interrompue. Le bruit d'un ruisseau, ou d'un vent doux, ou d'une flute est de cette espece; car les petits flots qui se choquent, le vent qui se glisse doucement entre les arbres, et l'air pressé par une étroite ouverture, qui va ensuite heurter la languette mince et déliée d'une flute, sont des causes qui ne font d'effort qu'autant qu'il en faut pour ébranler les particules, dont la petitesse est capable d'un mouvement très prompt, et la continuïté de l'action de ces causes fait qu'une particule n'est pas plûtôt revenue à son état naturel par le moyen de son ressort, quelle est repliée de nouveau presque au même instant. [En quoi il differe du bruit rompu? in marg.] Cela n'est pas ainsi au bruit rompu, qui quoique produit par la continuïté de sa cause ne peut avoir des intervalles si petits entre ses coups; par la [-201-] raison que les particules n'étant ébranlées qu'en suite de l'ébranlement des parties, la grandeur de ces parties fait que leur ébranlement ne peut avoir la promptitude nécessaire à la continuïté qui paroit dans le bruit continu et doux, où le plus souvent les particules sont ébranlées immediatement, et sans que les parties soient aucunement émûes.

[Il se fait par la seule émotion des particules. in marg.] Cette maniere particuliere de produire le bruit, sçavoir, par l'émotion des particules froissées, sans que les parties soient presque ébranlées, fait la difference qu'il y a entre le bruit des autres instrumens et celui des instrumens à vent compris sous le genre de flute, tels que sont les flageolets, les flutes douces, les flutes d'Allemand, les prestans, et les bourdons ou flutes bouchées des orgues: car il faut concevoir, que les corps resonnans, qui sont ceux dont on fait les instrumens de Musique, produisent leur bruit, que l'on appelle proprement son, en deux manieres. Les uns sont resonnans de leur nature par l'homogeneïté de leur matiere, et par la liaison uniforme de leurs parties, ainsi qu'il a été dit; tels que sont les instrumens qui resonnent par la percussion de deux corps solides, ainsi que font les timbres, les violons, et les luts, lorsqu'ils sont frappez par le marteau, par l'archet, ou par le doigt; les autres, qui sont compris sous le genre de flute, et qui sonnent par la percussion de l'air contre un corps solide, ne sonnent que par le moyen d'une certaine figure cave capable de reflexion, par laquelle ils produisent un son qui ne dépend point de leur matiere, comme celui des autres, dans lesquels on void que les timbres d'or, d'argent, de cuivre, de fer, d'étain, de plomb, de verre, de terre cuite, de bois, et des cordes de boyau, et des cordes de métail produisent des sons particuliers et si differens les uns des autres, que de deux cordes, dont l'une est d'or, et l'autre de cuivre, l'une sonne presque l'octave de l'autre, quoiqu'elles ne soient point differentes ni en figure, ni en grandeur, ni en tension; au-lieu qu'une flute, de quelque matiere qu'elle soit faite, rend toûjours presque le même son, étant très difficle à l'oreille de remarquer quelque difference entre les flutes qui sont d'argent, d'or, de cuivre,. de plomb, de bois, ou de carton.

La raison de cela est, que les corps resonnans par leur matiere produisent leur bruit par l'ébranlement de leurs parties, par lequel les particules sont aussi froissées: et cette émotion des parties se fait differemment selon la differente liaison qu'elles ont les unes avec les autres, et cette differente liaison est ce qui fait la difference des matieres: mais les instrumens resonnans par leur figure ne produisent leur bruit que par l'émotion des seules particules, situées en la surface interne de la cavité de l'instrument, et cette émotion n'est point causée comme dans les autres instrumens, par le coup violent d'un corps dur et solide, capable d'ébranler tout le corps de l'instrument et faire ondoyer toutes ses parties, mais par l'impulsion de l'air émû par un [-202-] premier bruit, laquelle émeut et froisse les particules de la surface interne de la flute. Or ce premier bruit causé par le retour des particules de la languette de la flute, lesquelles sont froissées par le choc de l'air poussé dans le conduit de la bouche de la flute, quoique foible, est assès puissant pour faire une reflexion sur la surface interne de la flute, et pour en émouvoir et froisser toutes les particules, l'émotion, que le retour des particules cause dans l'air, étant aidée par celle du vent poussé dans la flute.

Ce qui fait donc que les flutes, de quelque matiere qu'elles soient, rendent toutes à-peu-près un même son, est que les particules de la surface du corps, qui sont les seules choses qui sont émûes dans les flutes quand elles sonnent, ne sont que très peu differentes dans toutes les flutes, quoique de matiere differente; et qu'il n'en est pas de même des parties des corps qui font des sons differens, quand ils sont frappez dans les autres instrumens, parce que les partices des corps differens sont differentes.

Pour me faire croire qu'il n'y a guere que les particules de la surface interne des flutes qui soient ébranlées, j'ai deux raisons. La premiere est, que l'impulsion de l'air, qui passe par le conduit de la bouche d'une flute, n'est pas capable d'émouvoir les parties du reste de la flute, puisqu'elle sonne avec la même facilité, de quelque matiere qu'elle soit faite, la difference de la matiere étant cause de la differente mobilité des parties. La seconde raison est, qu'on fait cesser aisément le son d'un instrument resonnant par la percussion, lorsqu'on le touche; parce qu'on arrête l'ondoyement de ses parties, et qu'il n'y a point d'autre raison pourquoi cela n'arrive point à une flute, si ce n'est que l'ébranlement des particules dans le bruit qu'elle fait est indépendant de celui des parties, qui est le seul qui peut être arrêté par l'attouchement. Or il est constant par l'experience, que non seulement l'attouchement de la main, qui fait cesser le resonnement d'une cloche et d'une corde qui sonne, n'empêche point une flute de sonner, mais aussi qu'une flute épaisse d'un pied, ou cent fois davantage, si l'on veut, ne sonne point autrement que si elle n'avoit qu'une ligne d'épaisseur, et qu'une flute bouchée étant enterrée ou plongée dans l'eau rend le même son que quand rien ne la touche; ce qui n'arriveroit pas, si le son qu'elle doit faire dépendoit de l'ébranlement de ses parties; mais il sera parlé de toutes ces choses dans la suite.

[-203-] Chapitre VIII.

Des modifications dont toutes les especes de Bruit sont capables, et premierement de sa Repetition appellée Echo.

[Toutes les especes de bruit sont capables de trois modifications, qui sont l'écho, la resonnance, et le ton. in marg.] APres avoir expliqué quelles sont les differentes especes de Bruit, il reste à parler de ce qui est commun à toutes les especes, et qui sans changer l'essence, par laquelle elles sont distinguées, leur apporte seulement quelque modification; je remarque que cela consiste en trois choses, qui sont sa Repetition appellée Echo, son Augmentation appellée Resonnance, et son changement appellé Ton.

[Ce que c'est que l'écho. in marg.] La repetition du bruit appellé écho n'est rien autre chose que l'effet d'une partie de la reflexion du bruit, que l'oreille apperçoit distinctement séparée du reste de la reflexion. Il a été ci-devant assès souvent parlé de la reflexion; mais parce qu'il n'y a point de bruit où la reflexion soit si sensible que dans l'écho, j'ai differé jusqu'à cet endroit d'expliquer comment j'entens qu'elle se fait, tant en general dans tous les corps quand ils se choquent, étant remuez avec promptitude, qu'en particulier dans l'air lorsqu'étant agité par les causes du bruit il va choquer d'autres corps où il fait reflexion; et je crois que la maniere de l'expliquer par la vertu du ressort, que je suppose dans tous les corps, est plus claire et plus facile que pas une autre.

[Comment se fait la reflexion d'un corps à la rencontre d'un autre corps? in marg.] L'opinion commune est, que la reflexion qui arrive à un corps, lorsqu'étant remué avec promptitude il en rencontre un autre, se fait, parce que son mouvement est continué, nonobstant la rencontre de l'autre qui demeure ferme; car l'on suppose qu'alors le corps remué ne communiquant rien de son mouvement à l'autre, et par consequent n'en perdant rien, il le continue, et ne fait que changer sa direction.

Mais comme il est certain qu'il n'y a point de corps visible qui ne s'enfonce étant comprimé, il n'est pas aisé de comprendre qu'un corps remué ne perde quelque chose de son mouvement à la rencontre d'un autre, et que celui qui est rencontré ne reçoive quelque chose du mouvement de celui qui le rencontre, à cause de la compression mutuelle qui leur arrive: car celui qui est remué s'enfonçant dans l'autre, il ne peut pas pendant cet enfoncement continuer son mouvement avec la promptitude qu'il avoit avant la rencontre, à cause de la resistance que le corps enfoncé apporte à l'enfoncement; et l'enfoncement, qui se fait dans le corps rencontré, ne se peut pas aussi faire sans qu'il souffre quelque mouvement.

Je trouve donc qu'il est croyable que le corps reflechi perd quelque chose de son mouvement, et que celui contre lequel la reflexion se [-204-] fait en reçoit une partie qui lui est communiquée, en sorte que tant s'en faut que cette perte et cette diminution de mouvement, non plus que cette communication qui s'en fait d'un des corps à l'autre, doive empêcher la reflexion, il me semble au contraire qu'on peut dire qu'elle y sert, et je trouve qu'elle le fait en deux manieres.

La premiere est, que par cette perte de mouvement le corps, qui frappe et qui rencontre, est rendu plus capable du nouveau mouvement qu'il doit aquerir dans la reflexion, en sorte qu'il est même quelquefois nécessaire qu'il perde entierement son premier mouvement pour en recommencer un nouveau; parce que ce nouveau mouvement est quelquefois absoulment contraire au premier. La seconde maniere, par laquelle la diminution du mouvement, qu'un corps avoit avant la reflexion, sert au nouveau qu'il aquiert dans la reflexion, est, que la compression, qui cause cette perte de mouvement, donne occasion à l'action du ressort du corps comprimé de repousser le corps qui comprime, et cette action se fait avec une force égale à celle du mouvement qui a causé la compression: car plus un corps est poussé avec force contre un autre, et plus il rejaillit avec force, parce que la compression étant plus forte, plus l'impulsion du corps jetté a été violente, la force du ressort est aussi plus puissante, parce qu'elle est proportionnée à la compression.

Or comme il y a de deux sortes de ressort dans tous les corps, (ainsi qu'il a été dit) sçavoir, un ressort manifeste, qui consiste dans le retour des parties comprimées, et un ressort imperceptible, qui dépend de la compression des particules: il se fait aussi une reflexion invisible dans l'air, qui est encore differente de la reflexion manifeste des autres corps, en ce que les parties de l'air, qui frappent et froissent les particules dont le retour cause la reflexion, ne sont pas les mêmes qui retournent: car de même que la partie de l'air poussée par le retour de la particule froissée dans le corps qui fait du bruit n'est pas celle qui va frapper le corps où se fait la reflexion, mais qu'elle ne fait que pousser celle qui est devant elle, et celle-là encore une autre, en sorte que toutes les autres parties de l'air jusqu'au corps reflechissant se poussent les unes les autres; ce n'est pas aussi la partie de l'air, dont le corps reflechissant est frappé, qui retourne dans la reflexion, et qui va frapper l'oreille: car la derniere partie, qui a frappé le corps reflichissant, ne fait que froisser les particules de la surface de ce corps, lesquelles par leur retour l'ont poussée, ou même une autre, si l'air est dans quelque autre agitation: et cette partie poussée par le retour des particules du corps reflichissant en pousse d'autres, et celles-là encore d'autres jusqu'à l'oreille.

[L'écho est une partie de la reflexion du bruit entendu séparée du reste de la reflexion. in marg.] Pour ce qui est de la reflexion qui produit l'écho, ces hypotheses étant établies, il n'est pas difficile d'en expliquer les Phenomenes, et de faire voir comment selon la differente disposition des corps, qui environnent [-205-] l'endroit où se fait le choc des corps qui produisent le bruit, cette reflexion fait des effets differens: car lorsqu'il y a tout à l'entour beaucoup de corps, qui à raison de l'homogeneïté de leurs parties ont leurs particules uniformement mobiles, tels que sont des murs, ou des lambris, dont les surfaces sont égales, la reflexion se fait si puissamment, que le bruit devient un son resonnant, lorsque les corps, sur lesquels la reflexion se fait, ne sont pas beaucoup éloignez. Mais si ces corps étant à une longue distance se trouvent tellement disposez, que la reflexion ne soit point empêchée, s'il arrive qu'entre ces corps éloignez propres à la reflexion , et le lieu où le premier bruit est produit, il ne se rencontre point de ces corps, alors la reflexion se partage, en sorte que le bruit s'entend d'abord composé, comme il est ordinairement de l'agitation directe de l'air jointe aux autres agitations qui proviennent de la reflexion des corps plus proches; et après quelque espace de temps on etend un second bruit causé par le reste de la reflexion qui se fait contre les corps éloignez. Et parce que l'éloignement suppose du temps pour le mouvement de l'air qui se fait dans le bruit, il n'est pas difficle de concevoir pourquoi la repetition tarde quelque temps, de même qu'il est aisé de comprendre pourquoi la repetition se fait séparément du premier bruit, si l'on suppose qu'il y a un long espace, dans lequel il ne se rencontre point de corps propres à faire la reflexion.

Chapitre IX.

De la seconde espece de modification du Bruit, qui est de son Augmentation appellée Resonnance.

[L'augmentation du bruit dépend de la reflexion d'un premier bruit, in marg.] L'Augmentation du Bruit, qui est la seconde espece de sa modification, et dont il s'agit ici, n'est point celle qui dépend de l'augmentation de chacune de ses causes; par exemple, l'augmentation de l'effort avec laquel on frappe sur un timbre, ou le redoublement de la force avec laquelle on souffle dans une trompette, qui augmente le bruit de ces instrumens, n'est point l'augmentation que j'entens: mais c'est celle qui resulte de l'assemblage de plusieurs causes differentes, sçavoir, lorsque l'effort du choc ou du souffle est secondé par une autre cause qui augmente l'effort de ces deux premieres. Or cette augmentation, que j'appelle Resonnance, peut avoir deux causes; la premiere est la reflexion, par laquelle plusieurs impulsions differentes sont assemblées de telle sorte qu'elles contribuent à un même et unique son; et en cela cette augmentation de bruit ne differe de l'écho, qu'en ce que la reflexion qui est coupée dans l'écho est conjointe et continue dans l'augmentation du bruit. La seconde cause [-206-] est une impulsion, [et d'une impulsion externe. in marg.] que j'appelle externe, pour la distinguer de celle qui produite par le retour des particules pliées et froissées par l'attouchement des corps, laquelle est interne et essentielle au bruit, cette seconde qui vient de dehors ne faisant qu'aider et augmenter l'effet de la premiere. On void un exemple de cette cause dans l'impulsion de l'air quand le vent est favorable, et dans le mouvement de tout un corps resonnant, qui aide et augmente en quelque façon l'impulsion que les particules causent par leur retour, ainsi qu'il arrive quand une cloche sonne étant ébranlée: car alors elle fait plus de bruit que quand elle est simplement frappée par le marteau: et de même qu'une fleche décochée par un Archer qui court sur un cheval va plus vite que quand l'Archer ne bouge point, l'impulsion du retour des particules froissées par le battant de la cloche pousse aussi l'air avec plus de force, lorsque la particule même est encore poussée par le mouvement de tout le corps resonnant, que le balancement de la cloche produit.

[Le premier et second bruit qui sont l'augmentation sont differens dans les differens instrumens. in marg.] Pour entendre en general ce qui appartient à l'augmentation du bruit, qui est remarquable dans les instrumens qui sonnent par la percussion et dans les instrumens à vent, il faut remarquer que le son de ces instrumens, de même que celui de tous les corps, consiste dans un premier bruit, qui en produit un second, et que c'est principalement de ce second que dépend l'augmentation du bruit. Or l'un et l'autre de ces bruits sont differens dans divers instrumens: car le premier bruit dans les instrumens à vent est different du premier bruit qui a déja été établi dans les instrumens qui resonnent par la percussion, en ce que le coup, qui dans les instrumens qui resonnent par la percussion, en ce que le coup, qui dans les instrumens de percussion produit le premier bruit par l'ébranlement des particules que le marteau touche immediatement et qu'il froisse, est aussi la cause du second bruit par l'ébranlement de toutes les autres parties de l'instrument: par exemple, le coup de marteau, qui ne touche immediatement que les particules du timbre, qui sont à l'endroit sur lequel il tombe, et dont le froissement produit le premier bruit, ébranle aussi en même temps toutes les parties du timbre, et cet ébranlement des parties cause l'ébranlement des particules qui produisent le second bruit. Ainsi quand on secouë un arbre, on ébranle les branches, qui sont comme les parties, et l'ébranlement des branches cause l'ébranlement des feuilles, qui sont comme les particules. Mais dans les instrumens à vent le premier coup, qui est le frottement de l'air sur les parties qui font le premier bruit, telles que sont les levres serrées dans la trompette, la languette dans la flute, les côtez de l'anche dans le hautbois, n'ébranle le plus souvent que les particules de la surface de ces parties, qui font le premier bruit, lesquelles par d'autres coups, qui sont ceux de leur retour, poussent l'air contre les particules de la surface interieure de l'instrument, et le retour de ces dernieres particules [-207-] froissées produit le second bruit en poussant et agitant l'air contenu dans la cavité de l'instrument.

[Ils sont aussi produits en des manieres differentes. in marg.] Dans les trompettes le premier bruit est produit en deux manieres, sçavoir, ou par les seules levres serrées, comme dans les trompettes de guerre et dans les cors de chaffe; ou par tous les organes de la voix ou de la parole, comme dans les trompettes parlantes et dans les piboles. Dans les hautbois le premier bruit est produit par l'ébranlement simple des deux parties de l'anche, qui de même que les membranes de la glotte dans la voix ne battent que l'air, et ne sont battues que par l'air: dans les anches des regales, par le battement de la languette sur le demi-canal de l'échalotte; dans l'instrument qui fait parler les marionnettes, par le battement de la languette qui frappe alternativement les deux côtez du bâton fendu; et dans les flutes, par le frottement de l'air contre la languette. Mais je parlerai de toutes ces choses plus au long dans la suite, ne s'agissant ici que d'expliquer, comment l'assemblage des reflexions et l'impulsion de tout le corps resonnant, qui sont les deux causes de l'augmentation du bruit de laquelle il s'agit, produisent cet effet.

Comme l'assemblage des reflexions peut être de deux sortes, sçavoir, celle qui se fait des tons semblables, qu'on appelle Unisson, ou des tons differens, laquelle fait les autres consonnances; il faut premierement parler de ce qui appartient au Ton, qui est la troisieme espece de modification du bruit.

Chapitre X.

De la troisieme espece de modification du Bruit, qui est de son changement appellé Ton.

[Ce que c'est que le ton? in marg.] LE nom de Ton explique assès bien la nature de la chose qu'il signifie, parce qu'il en exprime la principale cause, qui est la tension; le ton étant ou grave, ou aigu, selon que le corps sonnant a une differente tension: car il faut supposer premierement, que le ton aigu se fait lorsque les particules froissées qui font le bruit sont fort serrées les unes contre les autres, et que le mouvement d'ondoyement, quand il y en a qui cause leur froissement, a ses secousses fort promptes et fort vehementes; qu'au contraire le ton grave dépend de ce que les particules froissées sont séparées par de plus grands intervalles, et que le mouvement des parties ondoyantes, qui cause ce froissement, est plus foible et plus lent. En second lieu il faut supposer, que les particules froissées sont plus serrées, et que le mouvement des parties ondoyantes est plus prompt et plus fort, plus le corps qui sonne fait des ondes plus petites: et que de même ces ondes sont plus petites, [-208-] plus le corps est tendu, et qu'elles sont plus grandes, plus le corps est lâche. Il s'ensuit donc qu'à proportion que le corps est tendu, ses parties sont flechies par des ondes plus petites et remuées plus promptement et plus puissamment; que cette maniere d'ondoyer cause un froissement de particules plus prompt, plus fort, et plus serré, et que cette sorte de froissement de particules est la cause de ton aigu. Pour cette raison une cloche plongée dans l'eau rend un son beaucoup plus grave que dans l'air: car l'eau apesantissant ou alentissant ce mouvement d'ondulation par lequel la cloche fremit, elle empêche que les particules ne soient pliées et froissées en si grand nombre dans chacune des parties qui ondoyent. Et en effet on void que les reciprocations d'un ressort sont beaucoup plus lentes dans l'eau que dans l'air.

Mais pour ôter toute l'obscurité que cette explication pourroit avoir, à cause de la prévention dans laquelle ceux qui suivent les opinions reçûes sont sur ce sujet, il faut supposer que ce que j'appelle vibration, ondoyement, et battement dans les corps qui resonnent, ne se doit pas entendre comme à l'ordinaire de ces battemens visibles, que les cordes ont allant et venant d'un côté et d'autre quand elles ont été pincées, et qui font paroitre à l'oeuil la corde être double: car ces battemens, tant ceux qui sont très visibles dans les cordes, que ceux qui sont de la même maniere quoique peu visibles dans les autres corps resonnans, ne contribuent rien à l'impulsion interne, qui fait le bruit; parce que ce mouvement est de tout le corps resonnant, et le mouvement qui est la cause interne et immediate du bruit n'est l'émotion que des parties et des particules: car il faut concevoir que dans les organes resonnans il y a (ainsi qu'il a déja été dit) trois mouvemens distincts. Le premier, que j'ai appellé Ovalaire, est de tout l'organe, tel qu'est celui qui arrive à la cloche quand elle est frappée, et à la corde quand elle est pincée; car par ce mouvement toute la cloche se plie et devient ovale, et la corde qui a été pincée et tirée se jette par sa détente à l'opposite, et forme aussi une espece d'ovale: de maniere que ce premier mouvement agite par plusieurs reprises tout l'organe. Le second mouvement est celui d'ondoyement, qui se fait par un pliement, qui arrive aussi à tout l'organe, mais qui se fait en beaucoup plus de parties, en sorte que toute la circonference de la cloche et toute la longueur de la corde, outre la courbure ovalaire, ont encore plusieurs replis qui les font ondoyer et fremir, ainsi qu'il est expliqué dans la Figure qui suit. Le troisieme mouvement est celui des particules, dont les parties ondoyantes sont composées, et c'est ce dernier mouvement qui produit simplement le bruit, les autres n'y servant qu'entant qu'ils produisent ce dernier, le mouvement ovalaire étant la cause de celui d'ondulation, de même que celui d'ondulation est cause de celui des particules. Mais il faut supposer que les battemens qui causent le mouvement ovalaire, lesquels [-209-] sont visibles dans les cordes, et même en quelque façon dans les grandes cloches, et qui se font aussi sentir fort distinctement à l'oreille, principalement dans les cloches, ne sont point ceux qui par leur lenteur ou par leur fréquent mouvement font le ton grave, ou le ton aigu; car quoique ces battemens soient plus lents dans les grandes cloches qui sonnent un ton grave, que dans les petites qui en sonnent un aigu, parce qu'en effet ces battemens visibles de tout le corps resonnant sont la cause des battements invisibles qui arrivent aux parties; il est pourtant vrai qu'ils ne produisent point immediatement le ton, et que cela n'est dû qu'au mouvement invisible des parties, qui est le mouvement d'ondulation: la raison de cela est, que ce mouvement visible n'est point assès fréquent; qu'il est trop discontinué; et que l'oreille remarque aisément qu'entre ces battemens il y a un son continu, qu'il est absolument nécessaire d'attribuer à une autre cause. L'assembage et la rencontre de ces battemens lents et rares, comme ils sont, ne sçauroit aussi produire les consonnances, lesquelles resultent d'un mêlange plus exact et plus parfait que ne peut être celui des parties aussi grandes et aussi étendues que sont celles que ces battemens de tout le corps resonnant marquent: car ce mêlange des sons qui produit les consonnances est pareil à celui des couleurs, qui de deux differentes, par exemple du bleu et du jaune, en produisent une troisieme, sçavoir, le verd, pourvû-que les corps qui ont ces couleurs soient divisez en des parties si petites, qu'elles puissent être exactement mêlées; car la vérité est, que le mêlange ne fait point cet effet, si les parties sont assès grandes pour pouvoir être vûes distinguées séparément.

[Il dépend de la tension des corps resonnans, in marg.] La tension ou le relâchement des corps, qui produit ou la force et la vehemence jointe à la fréquence des petits battemens des parties, ou leur foiblesse jointe à leur lenteur, est donc la cause du ton aigu, ou du ton grave: mais il faut considerer cette tension et ce relâchement ou comme absolus, ou comme ayant rapport à la grandeur du corps tendu: cela fait qu'une même tension absolument prise fait des tons differens à proportion de la grandeur du corps tendu. Ainsi deux cordes tendues par un même poids, dont l'une est d'un pied, par exemple, et l'autre de demi-pied, sonneront diversement, et la plus grande sonnera l'octave en bas de la plus petite. La même chose arrive par la même raison dans tous les corps, mais elle est plus remarquable dans ceux qui resonnent; car une grande cloche, une longue barre, une longue lame de métail, une longue flute, et generalement tous les corps étendus, quoiqu'ils ayent une même tension, étant d'une même matiere sonnent un ton plus grave que ceux qui sont petits et ramassez, et ces differences de tons sont moins sensibles dans les corps dont le son est sourd, ainsi qu'il sera expliqué à la fin de cette seconde Partie, en parlant du tambour et de l'instrument appellé claquebois.

[-210-] Quoique la disposition des corps soit la principale cause du ton qu'ils sonnent, sçavoir, selon que leur tension et leur roideur plus grande ou moindre, selon la condition de leur matiere, est capable de faire que ce mouvement des parties ondoyantes soit plus ou moins prompt, plus ou moins serré, plus ou moins vehement, et plus ou moins capable de produire l'impulsion des particules que j'ai appellé l'impulsion interne; il y a néanmoins des rencontres, où le changement de ton dépend aussi de l'impulsion externe, qui étant plus ou moins forte dans un même instrument est capable de lui faire changer de ton. Cela arrive dans les instrumens à vent, dont le principal son dépend davantage de la reflexion du premier bruit, que de l'ébranlement premier causé immediatement dans les parties et dans les particules des instrumens sonnans par la percussion, tels que sont les cloches et les instrumens à corde, ainsi qu'il sera expliqué dans la suite, en parlant des instrumens à vent.

[causée par leur matiere, quand elle est homogene, in marg.] Les corps resonnans étant composez (ainsi qu'il a été dit) de parties homogenes, et leur substance ayant par cette raison une grand égalité, s'il se rencontre que leur figure ait aussi cette égalité, telle qu'est celle qui se rencontre dans une cloche, qui dans sa circonference est d'une égale épaisseur, ou dans une corde, qui est d'une égale grosseur dans toute sa longueur, les ondoyemens ou battemens, que ces corps souffrent par l'ébranlmenet que leur cause le coup qui les frappe, ont une égalité fort juste; et cette égalité est de telle importance, que si une corde de métail est torse le moins du monde, et qu'elle se trouve mise sur les chevalets du clavessin autrement qu'elle n'étoit quand elle a été tirée à la filiere, cette inégalité fait qu'elle ne peut jamais être bien accordée, et c'est ce qui la fait appeller fausse. [qui fait qu'une corde est ou n'est pas fausse. in marg.] La même chose arrive par la même raison aux cordes à boyau, qui sont fausses, quand elles sont ou plus grosses ou plus dures en un endroit qu'à l'autre; la cause de cet effet est expliquée à la fin du Chapitre.

[Ou par leur forme, quand elle est égale, in marg.] Il faut donc supposer que la figure des corps resonnans ayant cette égalité convenable, il arrive toûjours qu'une certaine tension produit des battemens égaux entre eux, dont le nombre a aussi toûjours le même rapport à la tension, et par consequent au ton; [qui produit des battemens égaux, in marg.] en sorte qu'un certain ton a un nombre certain de battemens en un certain temps; par exemple, si une corde d'un pied tendue par un poids de cinq livres fait avoir cent battemens en une seconde à chacune de ses parties, une corde d'un demi-pied leur en fera avoir deux cens, suivant les raisons qui ont été données des differens tons, qui font que la promptitude des vibrations cause le ton aigu, et leur lenteur le grave. [dont la rencontre fait les consonnances, in marg.] Or c'est sur cette égalité de battemens proportionnée à la tension que sont fondées les consonnances et les dissonances: car les consonnances se font, quand les battemens de deux sons ont une telle [-211-] proportion qu'ils se rencontrent souvent; mais quand les battemens sont tellement disproportionnez qu'ils ne se rencontrent jamais ou que très rarement, il se fait une dissonance. Par exemple, dans deux cordes qui ont une même tension et une même grandeur, dont par consequent les battemens se font en même temps, l'unisson se fait, parce que tous les battements se rencontrent. De même quand les cordes sont tendues, ou sont longues une fois plus l'une que l'autre, il se fait une octave par la rencontre des battemens, laquelle se fait de deux, l'un à l'égard de la corde qui sonne haut, et à tous les battemens à l'égard de celle qui sonne bas; et ainsi les autres consonnances se font selon les differentes proportions des rencontres plus rares ou plus fréquentes.

Or une des raisons, par lesquelles les consonnances plaisent, et qui fait au sujet, est le secours et l'aide, que les agitations des corps qui produisent le son se donnent l'une à l'autre dans les consonnances en se perfectionnant et fortifiant mutuellement: car il faut supposer, que cette rencontre des battemens ne fait pas seulement effet sur l'oreille, mais que les corps, dont les sons font un accord, agissent aussi l'un sur l'autre; et cela se reconnoit par des effets sensibles, tels que sont les fremissemens qui arrivent à une corde quand on en sonne une autre qui est d'accord avec elle, ou quand un verre fremit et sonne lorsqu'on en fait fremir et sonner un autre avec lequel il est d'accord. Cette sympathie a deux causes; la premiere est la mobilité, qui a été supposée dans les parties et dans les particules de tous les corps, mais principalement des corps homogenes et resonnans, ces particules étant aisément émûes par la force qui est inséparable de la promptitude du mouvement, quand cette promptitude est telle qu'elle est dans les particules qui agitent l'air pour produire le bruit. La seconde cause est la rencontre de deux causes, qui concourent à la production d'un même effet; car de même qu'on ébranle enfin une grosse cloche avec de très legeres impulsions souvent repetées, quand on les menage assès bien pour faire qu'elles se rencontrent avec l'impulsion que la pesanteur de la cloche lui donne pour retourner d'un côté à l'autre; par la même raison la rencontre des battemens dans les consonnnces fait qu'ils s'augmentent l'un l'autre fort aisément. C'est par cette raison qu'un casse un verre quand en criant dedans au ton qu'il sonne on mesure tellement les élancemens de la voix, que l'on fait rencontrer ses impulsions avec les battemens et les vibrations que le verre souffre en sonnant; en sorte qu'un lui cause enfin un ébranlement assès fort pour le casser.

C'est aussi par cette raison que la figure ronde d'une cloche et du tuyau d'une trompette, et l'égalité d'une corde qui est par-tout d'une même grosseur, en rend le son plus agréable, cette uniformité de figure étant cause de l'uniformité des vibrations, laquelle assemble une [-212-] grande quantité de mouvemens pareils, capables par cette raison de se fortifier les uns les autres, et de s'unir pour concourir plus puissamment à la production d'un même effet. Et c'est le manque de cette uniformité de figure, qui fait qu'une corde est fausse.

[et les tons qui sont composez de plusieurs vibrations, de même que les consonnances. in marg.] Or la rencontre des battemens, laquelle produit les consonnances dans deux organes, tels que sont deux cordes, deux cloches, deux flutes, deux voix, fait aussi le même effet dans chaque organe, parce qu'il se fait des battemens differens dans leurs differentes parties, lesquels s'assemblent pour former le ton, qui est different selon la differente composition; le ton grave étant composé d'un plus grand nombre de battemens differens faisant consonnance, que le ton aigu, ainsi que je les vai expliquer.

Chapitre XI.

Comment le son est augmenté ou changé dans les diffrens instrumens de Musique, et premierement dans ceux qui sonnent par le choc, tels que sont les timbres et les cordes.

[Chaque son est composé de plusieurs autres sons, qui font consonance, et qui ne pa roissent qu'un ton.] IL est donc constant, que non seulement le concours des vibrations pareilles, qui peuvent produire un unisson, sert à rendre le son plus fort et plus agréable, mais que celui des vibrations differentes, quand elles produisent des consonnnces, y contribue aussi beaucoup. L'experience le fait voir dans les tuyaux des orgues, desquels on met plusieurs sur une même marche pour un seul ton; car si tous ces tuyaux sont à l'unisson, ils ne font pas tant de bruit que quand il y en a à l'octave, à la double octave, à la quinte, et à la tierce. Ainsi quand on écoute attentivement le son d'une cloche ou d'une trompette, qui sont les instrumens de Musique qui font le plus de bruit, on y remarque un assemblage de plusieurs tons qui font un accord, et qui de même que dans l'orgue ne composent qu'un seul ton en apparence.

Pour concevoir de quelle maniere cela se fait, il faut supposer ce qui a déja été dit, sçavoir, que tout bruit est composé tant du premier bruit produit des particules froissées dans les endroits par lesquels les corps choquez se rencontrent, que par le retour de celles qui presque en même temps sont froissées par d'autres causes, telles que sont ou la reflexion des corps voisins, ou l'ébranlement que les parties immediatement choquées causent ensuite aux particules de tout le corps, ainsi qu'il arrive dans la percussion des corps resonnans; en sorte que tout bruit, quoique simple en apparence, est en effet un systeme et un assemblage d'une infinité de bruits partiaux, qui en composent un total, où l'on ne remarque point de confusion, à cause de la liaison que tous ces bruits partiaux ont ensemble; par la raison qu'entre [-213-] tous ces bruits il y en a toûjours quelqu'un, qui prévalent sur les autres specifie le bruit total et lui donne son caractere.

[Comment cette consonnance se fait dans une cloche, in marg.] Cette specification a été expliquée ci-devant dans le détail des causes des differentes especes de bruit. Pour ce qui est du ton, qui dans le bruit des corps resonnans fait une des principales parties de sa specification, outre sa principale cause, qui est la tension ou le relâchement de l'organe, il a encore celles de l'assemblage des sons partiaux, qui faisant consonnance ensemble se fortifient assès pour prévaloir sur les autres et pour specifier le bruit total. Ainsi quand une cloche est émûe par les causes qui produisent le pliement invisible de ses particules, il faut supposer qu'alors il se fait de plusieurs sortes de sons, sçavoir, un que j'appelle Total, produit par le mouvement de toutes les particules prises ensemble, et qui s'entend distinctement, et plusieurs autres que j'appelle Partiaux, produits par le mouvement des particules de chacun des cercles dont le son de la cloche est composé, et qui ne s'entendent point distinctement et séparément l'un de l'autre, ni du son total.

Or cela se fait ainsi, parce que tout l'instrument fremissant par des ondoyemens differens dans chacun des cercles dont il est composé, d'autant qu'ils sont de grandeur differente, ces ondoyemens, qui ne produisent qu'un seul son partial dans chaque cercle, en composent un total par la consonnance qu'ils sont ensemble, étant par cette raison disposez à se joindre aisément et à se fortifier mutuellement, et il arrive que les sons produits par des cercles dont les tons sont discordans s'obscursissant l'un l'autre, on ne doit ouïr distinctement que le son des cercles qui sont d'accord ensemble, dont il ne resulte qu'un seul son total, ainsi qu'il se void clairement dans les orgues, où l'assemblage des tuyaux de different ton sur une même marche, quand ils sont consonnance, ne produit qu'un seul ton.

[et dans une corde pincée, in marg.] Quand une corde est pincée, il lui arrive la même chose; (ainsi a déja été dit) car alors toute la corde se pliant en arc tantôt d'un côté, tantôt d'un autre par plusieurs fois, elle a un mouvement general pareil à celui que la cloche a, quand étant frappée elle se plie toute, en sorte que de ronde elle devient ovale; [qui fait consonnance, tant par l'assemblage de l'émotion des parties, in marg.] mais outre ce mouvement de tout l'organe, les parties de la corde en ont chacune un particulier, de même que les parties du cercle de la cloche ont aussi chacune de leur, et ces mouvemens particuliers, qui ont chacun leur ton different, se joignent ensemble par la vertu de la consonnance pour produire le son total, qui est le ton de toute la corde.

[Voyez TABLE III. Figure 17. [PERBRU 02GF] * in marg.] Il faut donc se figurer, que la corde I A O étant pincée elle est attirée vers A; que sa détente la porte vers B; qu'elle retourne ensuite vers A, et après encore vers B, et ainsi qu'elle va et vient plusieurs fois comme un pendule; que le secouëment de sa détente, outre ce balancement et ce pliement qui lui donne une espece de figure ovale, [-214-] la fait encore plier en cent endroits, et la fait ondoyer; et qu'enfin chaque partie ondoyante, telle qu'est la partie A C, la partie F G, D E, H I, est encore pliée en mille endroits, en sorte que ce dernier pliement est celui qui froisse immediatement les particules, dont le retour est la cause du bruit, quoique chaque partie, comme les parties A C, F G, H I, qui font un son partial, differe l'une de l'autre; de maniere que les parties qui sont vers le milieu, comme la partie A C, sonnent un ton plus grave que celles qui sont vers les extrêmitez, telles que sont les parties D E, H I, parce que la corde est plus tendue et plus roide vers le chevalet, ce qui rend le fremissment plus vif, et lui fait secouër et plier un plus grand nombre de particules dans un petit espace; et qu'enfin l'émotion des parties qui font consonnance, telle qu'est celle de A C, qui fait Ut, par exemple celle de F G, qui fait Sol, c'est-à-dire, la quinte, celle de D E, qui fait Ut à l'octave de A C, et celle de H I, qui fait Sol à l'octave de F G, s'assemblent pour produire le son total de la corde entiere qui est son ton.

[Voyez TABLE III. * Figure 18. [PERBRU 02GF] in marg.] Il est tout de même assès aisé de concevoir que la même chose se fait dans une cloche, sçavoir, qu'étant frappée vers O, cette partie s'approche de N, et que ce cercle ainsi et tous les autres qui composent la cloche prenent une figure ovale; Que chaque cercle est encore plié par un grand nombre de parties qui le font ondoyer; Que ces parties ondoyantes sont de grandeur differente dans les cercles differens; Qu'elles ont chacune un son partial, dont l'assemblage fait une consonnance, de laquelle resulte le son total, qui est le ton de la cloche; Que le cercle N O sonnant Ut, ce son se joint au son du cercle S T, qui sonne la quinte du cercle N O, et au son des cercles V X, et P Q, qui sonnent les octaves des cercles N O, et S T.

Cet assemblage de tons differens, qui n'en composent qu'un, fait son effet principalement dans les tons graves, et on ne les apperçoit pas si bien dans les tons aigus. Cela se remarque fort sensiblement dans les orgues, où les differentes compositions, qui font ce qu'un appelle le plein jeu, le nazard, le cornet, ont toutes le même son dans les marches d'en-haut; en sorte qu'il est difficile de distinguer le cornet du plein jeu, ce qui n'est pas dans les marches du milieu, et dans celles d'en-bas, où le jeu de cornet fait tout un autre effet que celui de nazard ou de plein jeu. La raison de cela est, que les tuyaux des marches d'en-haut étant des organes fort courts, leurs parties ondoyantes, qui sont nécessairement en un très grand nombre, ne peuvent pas être assès differentes les unes des autres pour produire des sons differens, dont un seul ton soit composé, comme dans les organes qui sont plus longs, où la grandeur de l'espace donne lieu à des ondoyemens assès grands pour faire que la difference en puisse être sensible. C'est ainsi qu'un filet de soye composé seulement des filets [-215-] imperceptibles, que le ver a filez, paroit un filet simple, et qu'au contraire l'on void distinctement dans un cordon de soye les filets dont il est composé.

J'ai autrefois fait par hazard une experience, qui a beaucoup servi à me faire remarquer cette distinction des differens sons partiaux, qui entrent dans la composition du ton d'une cloche. Je me rencontrai en un endroit où une cloche sonnoit la quinte en haut du ton qu'elle avoit dans les autres lieux. Cela se faisoit apparemment par la disposition fortuïte du lieu et du temps, laquelle étoit accommodée avec une telle justesse pour reflechir ce ton avec force, et si peu propre à reflechir les autres, qu'il prévaloit absolument et déterminoit l'accord et le son total au ton de cette quinte: car pour ce qui est du pouvoir que la disposition du lieu et du temps a pour augmenter la force de certains tons, il n'y a je crois personne qui n'en ait fait l'experience, et qui n'ait quelquefois remarqué qu'en certains lieux en parlant ou en chantant il y a un ton, qui est sans comparaison plus fort que les autres, et qui frappe l'oreille avec étonnement toutes les fois que la voix y passe.

[que des parties de la corde avec celles de la table de l'instrument, in marg.] Outre cette composition de plusieurs tons, qui dans un même corde concourent à en produire un seul, il s'en rencontre encore une autre, quand la corde est tendue sur la table de l'instrument: car alors le son de la table se joint aussi au son de la corde; parce que la corde communique son mouvement à la table, et l'ébranle de sorte que les parties et les particules de la table sont secouées et froissées de la même maniere que les parties et les particules de la corde le sont. Cela se fait par le moyen des chevalets, qui étant ébranlez par la corde qu'ils soutiennent, ébranlent aussi la table sur laquelle ils sont posez; à quoi il faut ajouter la mobilité qu'il est nécessaire de supposer dans la table, et la conformité que sa substance doit avoir avec celle de la corde; car la table d'un instrument doit être d'un bois qui ait des fibres droites et égales comme les cordes. En effet on observe, que de même qu'une corde ne sonne pas bien, si elle n'est parfaitement égale, la table ne resonne pas aussi, quand elle n'est pas par-tout d'une épaisseur uniforme et proportionnée à la longueur des cordes, qui lui répondent quand l'instrument a des cordes de longueurs differentes, comme le clavessin. C'est pourquoi les Ouvriers ont de coutume de faire passer les tables qu'ils font pour les luts entre deux barres de fer exactement paralleles, pour être assûrez qu'elles sont égales par-tout; et pour les clavessins, ils prenent garde de les rendre plus minces au droit des petites cordes.

La table ayant donc les mêmes mouvemens que la corde, sçavoir, un mouvement general de toute la table, et des mouvemens particuliers de toutes ses parties, qui sont inégaux, étant plus grands et plus lâches dans les parties du milieu, et plus petits et plus vifs vers les [-216-] extrêmitez et proche des chevalets; comme ces mouvemens particuliers ont des sons differens, il est aisé de concevoir que ceux qui sont semblables aux mouvemens particuliers, qui produisent le son total de la corde, s'y joignent pour l'augmenter, et que les autres demeurent obscurcis par les raisons qui ont été dites.

[soit qu'elle sonne seule à vuide, ou étant touchée, in marg.] Lorsque dans un instrument, où les cordes ne sonnent pas toutes à vuide, on en touche quelqu'une, et que l'accourcissant on la fait changer de ton en changeant les vibrations particuliers qu'elle a dans chacune de ses parties, les vibrations de la table, qui (ainsi qu'il a été dit) dépendant de celles de la corde, changeant aussi, et s'accommodent ainsi à celles de la corde, la table étant alors aussi comme accourcie: car il faut concevoir, que quoique les parties du manche ne soient pas aussi mobiles que celles de la table, elles ne laissent pas de l'être assès pour contribuer au resonnement de la corde; ce qui se peut aisément juger par l'experience, qui fait voir qu'une corde qui étant attachée au chevalet d'un lut par un bout, et par l'autre à quelque autre chose qu'à son manche, n'a guere que la moitié du son qu'elle auroit si elle étoit attachée au manche, par la raison que la table et le manche n'étant qu'un corps continu, l'un ne peut être ébranlé que l'autre ne le soit en quelque façon; et il arrive, que quoique, lorsqu'on touche la corde sur le manche, il n'y ait que le manche qui soit accourci, le même effet ne laisse pas d'être produit que si la table étoit accourcie.

[soit qu'elle sonne avec plusieurs autres, in marg.] Quand on sonne plusieurs cordes ensemble, elles ne laissent pas de resonner toutes aussi-bien que quand il n'y en a qu'une, parce que chaque corde trouve dans les differentes vibrations, qui sont dans chacune des parties de la table, ce qui lui est nécessaire pour l'augmentation de son bruit; par la raison que les vibrations particulieres des parties de la table, qui ne font pas consonnance avec une corde, la font avec une autre; et que toutes les vibrations, qui sont perdues quand il n'y a qu'une corde qui sonne, parce que leur dissonance les rend inutiles, sont employées à fortifier le son des autres cordes qui sont pincées avec elle.

[Comment cette consonnance se faisoit dans les vases d'airain des théatres des Anciens? in marg.] C'est sur ce fondement que les Anciens ont inventé la maniere d'augmenter le son de la voix des Comédiens, qui chantoient dans leurs théatres, par le moyen des vaisseaux d'airain, qu'ils y plaçoient en rond et distans également de l'endroit où étoit celui qui chantoit: car ces vaisseaux étoient accordez chacun à l'un des tons où la voix de l'homme peut s'étendre; afin que la voix se reflechissant dans tous ces vases, ceux qui se rencontroient à l'unisson de la voix, ou qui étoient accordez pour y faire quelque consonnance, pûssent par leur ressemblance ou par leur porportion convenable en augmenter la force.

[Comment les consonnances ne font qu'un ton in marg.] On pourroit demander, pourquoi les vibrations circulaires des cloches [-217-] et des trompettes étant dans chaque moment comme infinies en nombre et en differences, il se forme un ton plûtôt qu'un autre, c'est-à-dire, pourquoi des cercles s'unissent plûtôt les uns que les autres; par exemple, pourquoi le premier, le troisieme, le cinquieme, le huitieme, le dixieme, le douzieme, et le quinzieme s'unissent plûtôt pour former le ton, que le second, le quatrieme, le sixieme, le neuvieme, l'onzieme, le treizieme, et le seizieme, ces deux systemes étant pareils, et les tons qui les composent étant également disposez à s'unir par la vertu de la consonnance, pour former un seul ton déterminé par les trois octaves qui entrent dans cette composition. Mais la raison n'est pas difficile à trouver suivant mes hypotheses; [dans une cloche in marg.] car pour ce qui est des cloches, il est aisé de juger que les cercles de l'endroit où la cloche est émûe plus puissamment, sont ceux qui déterminent le ton de la cloche; parce que ceux qui ont rapport, et qui par consequent font consonnance avec ces cercles, se joignent avec eux et en fortifient le ton; ce qui se reconnoit par ce qui arrive à une grosse cloche, qui étant frappée par le bas rend un son plus grave, et vers le haut un plus aigu; parce qu'étant frappée par le bas, les cercles le plus puissamment émûs sont les plus grands, et lorsqu'elle est frappée par le haut, ce sont des cercles plus petits. [et dans une trompette? in marg.] A l'égard des trompettes de guerre, le premier bruit, sçavoir, celui qui est formé par le retour des particules des levres, fait que quoique l'agitation de l'air enfermé dans la trompette frappe et émeuve tous les cercles, il arrive que ceux qui sont capables de faire un ton qui ait consonnance avec le ton des levres, sont ceux qui s'y joignent et qui l'augmentent. Par la même raison le ton de la voix dans les trompettes parlantes ébranlant les cercles qui lui sont à l'unisson, à la quinte, à l'octave, et cetera avec plus de force, déterminent ces cercles à contribuer à l'augmentation de son bruit plûtôt que les autres. Ainsi la trompette ayant des cercles infinis et tous differens en grandeur, il y en a toûjours de propres à s'accorder avec tous les tons que la voix peut former et qui sont capables d'en augmenter la force.

Par cette théorie de l'union des differentes cercles qui produisent les tons dans les trompettes, suivant les consonnances qu'ils sont capables de former, il est aisé de rendre raison, pourquoi dans la premiere octave des trompettes le second ton qui s'y peut former est la quinte, et non pas la quarte; et pourquoi au-dessus de cette quinte le troisieme ton n'est pas une quinte, mais une quarte: car le second ton ne sçauroit être une quarte, parce que la quarte sur la basse ne fait point consonnance; et le troisieme ton ne sçauroit être une quinte sur le second, parce qu'il feroit une dissonance avec la basse, sçavoir, une neuvieme: au-lieu que faisant une quarte sur la quinte, cette quarte soutenue par la basse qui est à l'octave fait une consonnance, qui forme ce ton fort [-218-] aisément, et lui donne beaucoup de force par l'union de plusieurs tons capables de faire consonnance.

Par ces mêmes raisons on peut encore expliquer, pourquoi dans la seconde octave des trompettes on sonne tous les tons, au-lieu que dans la premiere on ne sonne que la quinte: car la raison, pour laquelle dans la premiere octave les tons hors la quinte ne sonnent point, est, que ces tons qui sont formez par les levres n'ont pas dans le bas de la trompette un assès grand nombre d'autres tons avec lesquels ils puissent faire consonnance: mais tous les tons que les levres forment dans la seconde octave en trouvent suffisamment, parce qu'ils les peuvent prendre dans toute l'étendue de la trompette. Les trompes courtes, telles que sont celles dont les Vachers se servent, ne sonnent qu'un ton par cette même raison, leur grandeur n'étant pas suffisante pour fournir des sons qui fassent consonnance avec plusieurs tons.

Chapitre XII.

Comment le Son est augmenté ou changé dans les instrumens qui sonnent par la verberation, tels que sont les organes de la voix, et les instrumens à vent.

[Que l'augmentation de bruit se fait in marg.] IL reste à expliquer suivant toutes ces hypotheses ce qui appartient aux effets de l'augmentation et de la modification du bruit, qui se remarquent dans les organes de la voix des animaux et dans les instrumens à vent, dont le son de même que celui de la voix dépend principalement de l'impulsion de l'air reflechi, mais qui suppose aussi quelque émotion dans les parties, quoique la principale émotion soit des particules; ce qui fait (ainsi qu'il a été dit) la difference du bruit des instrumens sonnans par le choc et par la percussion, où toutes les parties sont ébranlées, et des instrumens sonnans par la verberation, où il n'y a que peu de parties qui soient émûes, sçavoir, seulement celles qui sont à l'extrêmité de la surface interne.

Car il faut concevoir, que l'augmentation du bruit et le ton se font en deux manieres dans la voix et dans les instrumens à vent. La premiere est par l'ébranlement de quelques unes des parties, lesquelles quoiqu'en petit nombre ne laissent pas de produire les mêmes effets que dans les instrumens où toutes les parties sont émûes, en formant par exemple un ton aigu lorsqu'un plus grand nombre de parties et de particules est émû dans un petit espace; et elles ne laissent pas d'augmenter tout de même la force du son, lorsque le vent étant poussé avec plus de force les parties et les particules sont aussi émûes plus puissamment. L'autre maniere de changer et d'augmenter le son dans [-219-] les instrumens à vent a encore quelque rapport avec celle qui produit ces modifications dans les instrumens qui sonnent par la percussion, en ce que la grandeur des instrumens produit les tons plus graves; par la raison qu'il s'y fait une émotion d'un plus petit nombre de parties et de particules à proportion de la grandeur de l'instrument, à cause que le vent passant avec moins de force et de vitesse dans les grands instrumens, son effort est plus languissant.

[dans la voix in marg.] La voix est un bruit de verberation, que l'air enfermé dans la poitrine excite en sortant avec violence en frottant les deux membranes dont la glotte est composée; en sorte qu'il en ébranle les parties, et en froisse les particules, dont le retour cause une agitation dans l'air capable de faire impression sur l'organe de l'ouïe. Or cet air agité avec la promptitude, qui est particuliere au ressort des particules, va frapper dans la cavité du palais les particules des membranes qui le revêtent, et le retour de ces particules produit une nouvelle agitation, qui est ce que l'on appelle la reflexion: or cette reflexion causée par un si grand nombre de particules froissées dans tout le palais fait l'augmentation du premier bruit causé par le froissement des particules de la glotte, et la modification de ce bruit ainsi augmenté se fait par le mouvement des levres et de la langue, qui sont les organes qui donnent la forme aux accens de la voix, et aux syllabes dont la parole est composée.

[et dans les instrumens à vent, tels que sont les flutes, in marg.] Le son des instrumens à vent, qui dépend de l'augmentation d'un premier bruit reflechi, tel qu'est le son des flutes, est pareil au son de la voix, en ce qu'il se fait par l'impulsion de l'air serré en sortant par le fente de la bouche de la flute, qui va frapper le tranchant de la languette, dont il ébranle les parties et les partiules, qui par la promptitude de leur retour agitent l'air avec une force capable d'ébranler un assès grand nombre d'autres particules au dedans de la flute, pour faire que leur ébranlement cause l'agitation de l'air qui fait le son de la flute. [par l'ajustement exact des reflexions. in marg.] Mais ce son semble être different de celui de la voix, en ce qu'il dépend d'un ajustement des parties de la flute tellement exact qu'il n'y peut manquer la moindre chose sans le faire cesser: car si la languette est un peu plus tournée ou en dehors ou en dedans qu'il ne faut, ou qu'il se rencontre la moindre fente dans le canal, par-où quelque peu de l'air puisse s'échaper, elle ne sonne point. On peut néanmoins croire que les mêmes conditions se doivent aussi rencontrer au son de la voix des animaux, et que les muscles du larynx sont faits pour l'ajustement de la glotte et de toutes les parties qui composent la cavité de la bouche; parce que s'il manque quelque chose à cet ajustement, la voix ne se fait point. Cela se remarque aux enfans, qui crient quelquefois d'une telle maniere que la voix leur manque tout à coup, quoiqu'ils continuent à faire les efforts nécessaires pour leur cri; car il y a apparence que cela arrive par quelque [-220-] convulsion ou quelque autre manquement des muscles, qui fait que quoique les parties de la glotte et ses particules soient agitées suffisamment par l'impulsion de l'air sortant de la poitrine pour produire le son de la voix, elles ne le font pas néanmoins faute de cet ajustement, qui consiste dans un certain rapport que toutes les parties émûes doivent avoir les unes aux autres, et qui peut faire que leurs mouvemens s'aident mutuellement pour se fortifier par la ressemblance qu'ils ont ensemble, et qui les fait unir et concourir à la production d'un même effet. Ainsi quand on souffle dans une clef, dans un chiflet de Chaudronnier, ou dans une flute d'Allemand, on ne fait point sonner ces instrumens, si l'air poussé par la bouche ne frappe les bords de l'ouverture du tuyau d'une telle maniere, qu'un nombre suffisant des particules émûes d'un pareil mouvement dans la cavité du tuyau ne s'unissent à cause de leur ressemblance, pour faire un effort capable de frapper l'oreille.

C'est par cette raison que dans les forêts le bruit de l'écho s'augmente beaucoup lorsque les arbres ont toutes leurs feuilles, et que le retentissement qui s'y fait au commencement de l'été cesse en hiver quand les feuilles sont tombées: car cela arrive par la raison, que dans le nombre infini des feuilles, qui ont des situations differentes, il s'en trouve toûjours une quantité suffisante disposées de la maniere nécessaire pour recevoir beaucoup d'impulsion de l'air qui fait le bruit, et pour la renvoyer à l'oreille d'une même maniere.

[Ce qui fait les differens tons de la voix. in marg.] Pour ce qui regarde le ton de la voix, il est bas et grave quand la glotte fait une fente bien longue: car alors la longueur de l'une et de l'autre membrane qui composent la glotte rendant chaque membrane lâche et peu tendue, leurs ondoyemens sont rares et lents, d'où il s'ensuit que les parties émûes ne froissent les particules que loin à loin, ce qui fait le ton grave; le ton aigu se fait par des causes opposées.

[Que ce qui fait l'augmentation du bruit dans la trompette parlante est in marg.] L'augmentation du bruit est fort remarquable dans la trompette parlante. Sa structure n'est pas beaucoup differente de celle des trompettes ordinaires; mais l'instrument est beaucoup plus grand, ayant jusqu'à quinze pieds de long, et étant gros à proportion: mais son embouchure est autrement faite, étant fort large et formée de telle sorte que les levres entieres peuvent être enfermées dans la trompette, et y avoir la liberté de leur mouvement pour y former les paroles. La maniere dont elle augmente la voix quand on parle dedans n'est point differente de celle par laquelle le palais augmente le premier bruit de la glotte, qui est la mobilité des particules qui sont en la surface de sa cavité, contre laquelle l'air agité par le retour des particules de la glotte froissée et contrainte est poussé par l'effort de l'haleine de poumon.

[l'agitation particuliere de l'air; in marg.] Quoique l'agitation ordinaire de l'air (ainsi qu'il a été dit) n'ait pas le pouvoir d'empêcher celle qui est particuliere au bruit quand [-221-] elle s'y trouve contraire, ni de l'augmenter fort considerablement quand elle lui est favorable, elle ne laisse pas de produire quelque effet. Les cloches sonnent autrement quand l'agitation ordinaire que leur balancement cause dans l'air est jointe à l'agitation particuliere que le retour des particules froissées y produit. Le vent favorable aide aussi à faire aller le bruit plus loin, et à l'en empêcher quand il est contraire. Et cette agitation ordinaire de l'air fait à-peu-près le même effet pour augmenter le bruit, qu'elle fait pour augmenter l'activité de feu: car bien-qu'il soit certain que la vitesse du vent n'est pas comparable à celle qu'ont les particules subtiles de la matiere ignée, par laquelle elles s'insinuent dans les intervalles des corps qui s'embrasent; l'experience fait voir néanmoins que l'impulsion du vent ne laisse pas de contribuer beaucoup à l'impulsion des particules ignées.

[jointe à l'agitation ordinaire, qui est une impulsion externe. in marg.] Cela étant supposé, il est aisé de concevoir que l'agitation particuliere de l'air, causée tant par le premier froissement des particules de la glotte, que de celles qui sont froissées dans le palais par reflexion, peut être aidée par l'agitation ordinaire que l'impulsion des poumons produit, et lui faire faire de nouvelles reflexions dans la cavité de la trompette, lesquelles peuvent être capables de causer quelque augmentation au bruit.

[Que ce qui fait l'augmentation du bruit dans les instrumens à corde in marg.] Cette augmentation du premier bruit est encore remarquable dans les instrumens sonnans par le moyen des cordes, qui sont attachées et tendues sur une table dont une cavité est couverte, tels que sont les luts, les violons, et les clavessins: car le premier ébranlement, tant de la corde, qui se délâche après avoir été pincée, que de la table de dessus, dont les parties sont agitées par l'ébranlement des cordes, cause une agitation à l'air enfermé dans la cavité, qui allant frapper la surface interne de la cavité en émeut les parties, et ensuite les particules, dont le retour frappe encore l'air, et son agitation jointe à la premiere agitation de la corde et à celle de la table de dessus compose un son bien fort et bien puissant; c'est par cette raison que les ouvertures et les roses que l'on fait à la table de dessus augmentent encore ce son, en donnant liberté à l'air agité au dedans par les particules, qui sont à la surface interne des deux tables et des côtez, de continuer son agitation jusqu'à l'oreille.

[et dans les trompettes est in marg.] La figure de toutes les trompettes contribue aussi à cette augmentation de bruit; car elles sont étroites vers l'embouchure, afin que les parties et les particules qui doivent faire la reflexion étant proches, elles soient plus aisément frappées et émûes. [la figure, qui consiste dans l'élargissement du parillon in marg.] Au contraire elles vont en s'élargissant vers la fin, pour donner moyen à l'air enfermé de frapper avec liberté une plus grande quantité de l'air exterieur, après avoir augmenté son agitation par la multiplication de toutes les reflexions, qui se sont faites dans la longueur du conduit, et par l'étendue [-222-] du corps qui doit faire la reflexion, que la dilation du pavillon a aggrandi et rendu capable de plus de reflexion: joint aussi que cette dilation forme des cercles de differente grandeur, sur chacun desquels il se fait une reflexion uniforme, qui produit un même ton, et une reflexion differente dans les differens cercles, laquelle produit aussi des tons differens; et de là il arrive que les tons qui font consonnance s'assemblent et se joignent pour produire un son plus fort, ainsi qu'il a été expliqué.

[qui n'opere pas par la raison du levier, in marg.] Quelques uns ont tâché de trouver une autre raison de la force étonnante que la dilatation du pavillon a dans les trompettes pour en augmenter le son, par la comparaison d'un autre Phenomene, qui est encore plus surprenant: c'est celui de l'augmentation de la force que la pesanteur des liqueurs a, quand elles sont enfermées dans un tuyau qui s'élargit tout-à-coup par le bas: car si l'on emplit d'eau par exemple un tuyau de vingt pieds de long et de la grosseur d'un pouce, ce tuyau étant enté dans le trou du bondon d'un tonneau plein d'eau, l'eau de tuyau, qui pesera environ vingt livres, aura la force de pousser dehors le fond du tonneau chargé de cinq cens livres; mais quoiqu'on élargisse le tuyau par en-haut, quand même il le seroit assès pour contenir vingt fois plus pesant d'eau, il n'aura pas plus de force pour pousser, et il en aura même moins si la longueur est diminuée.

Quelque rapport qu'il semble y avoir entre les effets que produisent l'élargissement de la trompette et celui d'un tuyau étroit enté dans un tonneau, quand on sçait par quelle raison l'eau qui pese dans ce tuyau a tant de force, il n'est pas difficile de voir qu'il ne s'ensuit pas que l'air agité dans un pareil tuyau doive faire le même effet. La pesanteur d'une petite quantité d'eau enfermée dans ce tuyau agit de la même maniere qu'un petit poids dans une Romaine, lorsqu'il est mis loin de l'appui, et que le bras de la balance est fort allongé; car de même que ce long bras a une grande force, à cause que pour faire monter le grand poids par un petit espace le petit poids est contraint d'en parcourir en descendant un bien long; tout de même pour forcer le fond du tonneau et le pousser dehors seulement d'un demi-pouce, par exemple, l'eau doit descendre dans le tuyau étroit de deux ou trois pieds.

Or rien de semblable n'arrive lorsque l'on parle dans le bout étroit d'une trompette, et la force de l'impulsion, capable de remuer l'air qui la liberté d'en sortir, est tout-à-fait differente de la force qui se rencontre dans la pesanteur de l'eau enfermée dans un tonneau.

[mais par la multitude des particules ébranlées. in marg.] La maniere dont j'ai déja expliqué l'effet du pavillon, suivant l'hypothese que j'ai établie de l'impulsion externe, est ce me semble assès facile à comprendre; mais j'ajoute encore pour l'expliquer plus clairement, que supposé, comme il est vrai, que la force de l'agitation [-223-] de l'air pour faire un grand bruit vienne du grand nombre des particules émûes, et de la grande promptitude de leur mouvement, comme cette promptitude est toûjours égale dans toute sorte de bruit, (ainsi qu'il a été expliqué) il est aisé de concevoir, qu'un bruit qui est petit à cause du peu de particules, que la collision de deux corps qui se frappent en peu d'endroits a émûes, peut s'accroitre par une seconde émotion, que souffrent un grand nombre d'autres particules agitées par la reflexion du premier bruit. La raison de cela est, que le retour des particules froissées dans le premier bruit ayant une promptitude extrême, elles remuent l'air avec une promptitude pareille, ou qui n'est guere moindre. Or cet air ainsi poussé ayant le pouvoir de pousser les corps voisins avec une égale force, il s'ensuit que l'élargissement du pavillon lui donnant et lui présentant un plus grand nombre de particules pour être frappées, un plus grand bruit en doit être produit.

[Pourquoi la dilation de la trompette ne doit être que sur la fin? in marg.] On ne peut pas dire que si cela étoit il n'y auroit qu'à faire d'abord la trompette fort large, afin que l'impulsion, qui fait le premier bruit, le fît grand par l'émotion d'un grand nombre de particules: car il faut concevoir, que cette impulsion qui fait le premier bruit consiste (ainsi qu'il a été dit) en deux choses. La premiere est l'agitation de l'air causée par le retour des particules émûes dans l'organe de la voix. La seconde est l'agitation de l'air causée par l'haleine poussée dans la trompette. Or la premiere agitation étant causée par le retour des particules émûes dans l'organe de la voix, elle a à la vérité cette promptitude, dont la force est extrême, mais les particules émûes sont en petit nombre; au contraire la seconde agitation causée par l'impulsion de l'haleine est l'émotion d'une grande quantité d'air, qui a bien le pouvoir d'émouvoir les particules de la trompette, de même qu'elle a émû celles de l'organe de la voix, mais elle ne le peut qu'à une très petite distance: ainsi il seroit inutile d'élargir la trompette proche de l'embouchure, et au contraire il est nécessaire qu'elle soit étroite en cet endroit, pour avoir des particules assès proches de la bouche pour pouvoir être émûes et froissées par l'effort de l'haleine: car il arrive que l'impulsion de ces particules froissées au haut de la trompette se joignant à l'impulsion de celles qui ont été froissées dans l'organe de la voix, elles vont frapper plus bas avec la force qui leur est naturelle une grande surface, où elles sont capables d'émouvoir un grand nombre de particules; mais ce qui aide beaucoup à produire cet effet est l'impulsion externe.

[Que l'augmentation du bruit se fait plus puissamment dans les trompettes de guerre que dans les parlantes. in marg.] Dans les trompettes de guerre et dans les autres trompettes de ce genre, telles que sont les cors de chasse et les saqueboutes, le bruit est augmenté à-peu-près de la même maniere que dans les trompettes parlantes, mais c'est avec une force sans comparaison plus grande; car le premier bruit qui reçoit augmentation dans les trompettes de guerre, [-224-] qui n'est rien autre chose que le bruit qui se peut faire avec les levres fort serrées, est de soi beaucoup plus foible que le premier bruit qui reçoit augmentation dans les trompettes parlantes, qui est le bruit que tous les organes de la voix joints ensemble peuvent faire avec tout l'effort dont ils sont capables; ce petit bruit néanmoins dans les trompettes de guerre reçoit une augmentation, qui lui fait surpasser de beaucoup le bruit de la trompette parlante.

La raison de cela est, que la trompette de guerre étant beaucoup plus étroite, les parties de la cavité qui font reflexion, sont beaucoup plus proches de l'endroit où se fait le premier bruit, ce qui rend (ainsi qu'il a été dit) cette reflexion incomparablement plus puissante pour faire un grand effet; et ce conduit étroit rend aussi l'impulsion externe, causée par l'air envoyé du poumon, beaucoup plus puissante.

[Invention nouvelle pour augmenter le son des cordes. in marg.] De même que l'impulsion externe du souffle peut beaucoup dans les instrumens à vent pour l'augmentation du bruit, celle qui cause le mouvement de tout le corps resonnant ne fait pas un moindre effet. Ainsi la pesanteur d'une cloche, qui dans son balancement la fait mouvoir toute entiere avec une plus grande force, rend les impulsions du retour des particules plus vives et son bruit plus fort. C'est par cette même raison que la maniere que l'on a inventée depuis peu de charger les cordes à boyau, rend leur son beaucoup plus fort: car le fil de métail trait, dont elles sont toutes entortillées, donne de la vehemence à toutes les vibrations qui augmente l'impulsion du retour des particules froissées, et cela se fait sans changer le ton du son qui est produit, parce que la maniere de se remuer n'est point changée dans les parties, la roideur ou la flexibilité du corps resonnant n'étant point changée.

Et c'est par ce principe que les cordes faites d'or trait dans les clavessins rendent un son presque une fois plus fort, que celui des cordes de cuivre, n'y ayant point de matiere si ductile et si pesante que l'or: une corde d'acier rend aussi un son plus foible qu'une corde de cuivre, parce que l'acier est moins pesant et moins ductile que le cuivre; c'est encore pour ce même effet que l'on charge avec de la soudure le bout des languettes des anches des orgues, sçavoir, pour rendre leur son plus fort, en rendant leurs vibrations plus vehementes.

Cette invention pour augmenter la force du son me semble plus considerable que celle des trompettes parlantes, à cause de la nouveauté du principe, qui n'est point la reflexion, comme dans les trompettes, où l'augmentation du bruit se fait de la même maniere que dans les autres lieux retentissans, ce nouveau principe étant une puissance ajoutée, capable de fortifier l'impulsion qui cause la flexion des parties et le froissement des particules: car cette impulsion étant rendue plus forte, l'agitation particuliere de l'air, qui cause immediatement le bruit, est rendue plus efficace, quoiqu'elle ne change point de nature, le ton n'étant point changé; de même que dans un pendule le [-225-] temps des vibrations ne change point, quoiqu'il soit chargé d'un plus grand poids, qui lui donne le pouvoir non d'aller plus vite, mais seulement de frapper avec plus de force. Il faut encore ajouter une autre raison, qui fait que le fil de métail étant sept ou huit fois plus long que la corde, il est tellement lâche que ses parties ni ses particules ne souffrent aucune émotion dans ses vibrations, qui soit capable de causer aucun bruit; en sorte qu'il n'y a que la corde qui en puisse produire, et elle n'en peut produire que celui qui est naturel à sa tension, l'entortillement du fil de métail n'étant pas capable de lui causer aucune roideur ni aucune dureté, qui la dispose à souffrir l'ébranlement d'un grand nombre de particules dans un petit espace, qui est la cause qui fait le ton plus aigu, ainsi qu'il a été dit. Il arrive donc que ces sortes de cordes ont la vigueur et la vehemence qui fait le ton aigu, sans produire le ton aigu, toute cette vehemence n'allant qu'à augmenter la force du son, sans changer le ton.

[Comment se fait le changement de ton in marg.] Le changement de ton dans les trompettes de guerre, et celui qui se fait dans les trompettes parlantes ont des causes plus differentes, que l'augmentation de leur bruit: car dans la trompette parlante le ton dépend absolument des organes de la voix, qui sont les seuls qui produisent le ton que ces trompettes sont capables de faire. Mais le changement de ton dans la trompette de guerre dépend de deux choses qui doivent concourir. [dans les trompettes de guerre, in marg.] Le premier est la compression des levres, qui de même que les deux membranes de la glotte, selon qu'elles sont ou plus ou moins serrées, produisent un ton plus ou moins aigu. L'autre est la differente force de l'impulsion du vent des poumons, qui sert aussi à produire les differens tons, la forte impulsion aidant à rendre le ton plus aigu, et la moins forte étant plus propre à le rendre grave.

[dans les anches des regales. in marg.] Il y a des experiences qui établissent la vérité de ces deux causes L'action des anches des regales, qui produisent leur son par l'agitation des parties qui les composent, a rapport avec l'action des levres dans la trompette de guerre: car ces anches font un ton plus ou moins aigu selon la grandeur de l'ouverture de la languette, qui, lorsqu'elle est plus courte, et par consequent plus roide, et qu'elle a aussi par cette raison ses battemens plus fréquens, produit un ton plus aigu, quelque foible que soit l'impulsion qui peut causer ces battemens; et elles n'ont point besoin d'un long tuyau pour faire un ton grave, comme elles en ont besoin pour augmenter la force du son, ainsi qu'il se void dans les orgues; et les differens jeux d'anche ont un bruit ou plus fort ou plus foible suivant la grandeur du tuyau qu'un leur donne: car la même anche, qui ayant un tuyau très court dans le jeu appellé regale fait peu de bruit, en fait un très grand quand on lui a ajouté un long tuyau, qui va en s'élargissant pour faire ce que l'on appelle le jeu de trompette.

[-226-] On a vû il y a quelque temps à Paris un homme allant par les rues chantant et imitant par la seule compression des levres si parfaitement bien tous les tons d'une trompette, qu'il n'y manquoit que la force du son, qui dépend des reflexions faites dans la cavité de la trompette.

[Que la seule augmentation du vent fait changer le ton, in marg.] Pour ce qui est du changement de ton produit par la seule augmentation du vent, cet effet est fort visible dans les flageolets, les flutes d'Allemand, les cornets à bouquin, et les serpens, qui prenent l'octave par la seule augmentation du souffle. J'ai une flute, dont les Sauvages de la Gadaloupe jouënt, avec laquelle sans trous on fait tous les tons de la trompette, par la seule augmentation du vent; en sorte que le vent étant poussé fort foiblement, elle fait un ton grave qui passe à l'octave pour peu qu'on pousse plus fort, et quand on augmente le souffle peu-à-peu, on va à la quinte au dessus, et puis à la quarte, et après à la tierce majeure; après quoi si l'on augmente encore le vent, on la fait monter de ton en ton comme un clairon.

[quoique souvent elle ne suffise pas, sçavoir, quand la force de l'impulsion doit être jointe à la compression des levres. in marg.] Il n'est pas difficile d'être persuadé, que dans la trompette de guerre le concours de ces deux causes du ton est nécessaire, si l'on considere que dans la trompette parlante on peut faire tous les tons, tant les graves que les aigus, avec si peu d'impulsion d'haleine que l'on veut; et que cela se fait ainsi, parce que cette trompette ne contribue qu'à l'augmentation du son, et non pas au changement du ton. Mais il n'en est pas ainsi de la trompette de guerre, où il n'est pas possible de former certains tons qu'avec une certaine force; en sorte que lorsqu'on veut qu'une trompette sonne doucement, on est contraint de lui ajouter une sourdine, qui est un tampon, avec lequel on bouche à demi le commencement du pavillon; car la sourdine fait, que quoique les particules et même les parties du haut de la trompette ayent été ébranlées avec la force nécessaire à la production de tous les tons, l'air agité au dedans avec cette force ne peut pas faire cette agitation au dehors avec la même force. [Que l'augmentation du souffle dans la trompette de guerre produit le changement de ton par l'ébranlement des parties de la surface interne. in marg.] Or pour concevoir par quelle raison l'augmentation du souffle rend le ton plus aigu, il n'y a qu'à se souvenir, que l'émotion des parties qui cause un ondoyement prompt et serré, par lequel un grand nombre de particules sont ébranlées en un petit espace, fait le ton aigu: car il est évident que la forte impulsion de l'air est capable de produire cet effet: et cela fait qu'un est obligé de supposer que dans le son des trompettes il se fait une émotion des parties bien plus fortement que dans les flutes, et que dans cet instrument l'air poussé soudainement par l'haleine les peut ébranler, et leur causer un ondoyement considerable et plus fort, à proportion que cette impulsion est rendue plus forte, et ainsi faire changer le ton.

Mais dira-t-on, si cela étoit ainsi, il arriveroit que lorsqu'une cloche ou une corde seroient frappées plus ou moins fortement, elles [-227-] devroient changer de ton, la vehemence du coup ou moindre ou plus grande, qui est capable d'émouvoir les parties avec des forces differentes, devant faire de differens effets et produire des tons differens, ce qui se trouve n'être point véritable; parce que la force des coups, dont on frappe une cloche ou une corde, n'est point capable d'en faire changer le ton, mais seulement d'en augmenter ou d'en diminuer le son.

Pour répondre à cette objection, qui tire une consequence de la comparaison qu'on fait de l'émotion des parties que le coup cause dans les cloches et dans les cordes, avec l'émotion que l'haleine poussée avec violence produit dans les trompettes, il faut faire voir la difference qu'il y a entre ces deux émotions. Cette difference est, que dans le son des cloches et des cordes tout le corps et toutes ses parties sont émûes ensemble: mais dans les trompettes il n'y a que quelques parties de la surface interne qui soient ébranlées: et c'est ce qui fait qu'une trompette, quoiqu'empoignée de la main et entortillée de cordons et de banderolles, ne laisse pas de sonner; ce qu'une cloche ni une corde ne sçauroient faire pour peu que quelque chose les touche.

[Que dans les autres corps resonnans toutes les parties sont ébranlées. in marg] De cette difference il est aisé de conclure, que les corps qui sonnent par l'ébranlement de toutes leurs parties, étant toûjours ébranlées d'une même maniere, quand la grandeur de leur corps est pareille, c'est-à-dire, que les ondoyemens de la cloche et de la corde étant toûjours d'une même espece dans une même grandeur, ils doivent toûjours rendre un même ton, quelque difference qu'il puisse y avoir dans la vehemence du coup qui les émuet; de même que les pendules, qui, parce qu'ils se remuent tous entiers, ont leurs vibrations toûjours proportionnées à leur grandeur, quelque difference qu'il puisse y avoir dans le vehemence de leur mouvement, laquelle est proportionnée à leur pesanteur. Mais les parties de la trompette quand elle sonne n'étant émûes que dans la surface interne, leur ondoyement n'est proportionné qu'à la violence du souffle qui les ébranle diversement. L'experience peut aisément confirmer cette théorie, si l'on veut monter dans un clocher pendant un grand vent: car on entendra assès distinctement qu'à mesure que le vent s'augmente et se diminue par des bouffées differentes, il tire des cloches qu'il frappe un son different, et qui est beaucoup plus aigu quand il s'augmente; et il est aisé de juger que cela arrive ainsi, parce que le vent n'ébranle que les parties, ou même les particules qui sont en la surface, et n'a pas cette force qui fait que toutes les parties du corps resonnant sont ébranlées à la fois, ainsi qu'il arrive dans la percussion faite par un corps dur et solide; en sorte que le grand vent, qui peut émouvoir un plus grand nombre de particules dans un certain espace, est capable de produire un ton aigu, de même que quand il est moindre, il produit un ton [-228-] grave; parce que dans ce même espace il émeut un moindre nombre de particules.

[Que le changement de ton dans les flutes se fait principalement in marg.] Le changement de ton dans les flutes douces, flageolets, flutes d'Allemand, bourdons, et flutes, principalement d'orgues, se fait d'une maniere peu differente de celle des autres instrumens; car elle a rapport avec la maniere d'accorder les cordes, en ce que le ton dans les flutes, de même que dans les cordes, dépend de la longueur et de la grosseur de l'organe; une grande flute de même qu'une grande corde faisant un ton grave, et les trous dans les flutes, qui en ont, ne servant qu'à les accourcir quand on les laisse ouverts, et à les allonger quand on les ferme. [par les choses capables de donner ou d'ôter la liberté au passage de l'air émû dans l'instrument, tels que sont in marg.] La raison de ce changement de ton dans les flutes n'est pas aussi beaucoup differente de celle qui fait le changement de ton dans les autres instrumens, la raison commune (ainsi qu'il a été dit) n'étant rien autre chose que la vigueur qui se rencontre dans l'émotion de l'instrument, laquelle agite beaucoup de particules dans un petit espace pour le ton aigu, et la paresse ou langueur de la même émotion pour le grave: en sorte que la grandeur de l'espace, que l'air poussé dans une longue flute a à parcourir, diminuant l'impetuosité qui aide et qui augmente celle que les particules froissées au tranchant de la languette ont causée par leur retour, l'émotion qui doit agiter les particules du dedans de la flute n'est pas assès forte pour en agiter une grande quantité en un petit espace: et cela fait le ton grave; au-lieu que la flute étant courte ou percée, l'air passant avec plus de liberté, il conserve toute sa vigueur avec laquelle il agit sur toutes les particules du petit espace qui est au haut de la flute et vers le commencement de son mouvement; et cela fait le ton aigu.

[1. Le bouchement de la flute par en-bas. in marg.] La probabilité de cette théorie est confirmée par tous les Phenomenes de l'accord des flutes: car les flutes bouchées, telles que sont les bourdons des orgues, sonnent l'octave de ce qu'elles sonnent étant débouchées, ou l'unisson de ce qu'elles sonneroient si elles étoient une fois plus longues: parce que l'air n'ayant pas la liberté de sortir par l'extrêmité qui est bouchée, et par cette raison passant dans la cavité de la flute avec moins d'impetuosité, il n'en émeut les particules que loin à loin, et par des espaces proportionnez à la longueur du chemin qu'il fait en allant jusqu'au fond de la flute, et retournant par le même chemin. Et cela est si vrai, qu'il n'y a rien de plus juste que la proportion qu'il y a du ton d'une flute bouchée à sa longueur; car cette justesse est telle, que le ton qu'elle sonne n'est jamais entierement à l'octave du ton qu'elle a étant débouchée; parce qu'il en faut déduire ce que l'ouverture de la bouche de la flute diminue à l'espace que l'air a à parcourir et au retardement qu'il souffre lorsqu'il retourne pour sortir par cette bouche.

[2. Les oreilles que l'on met [-229-] aux flutes des orgues. in marg.] Les appendices appellées oreilles, que l'on met quelquefois aux deux côtez de la bouche des flutes des orgues, servent à leur donner [-229-] un ton plus grave; parce qu'elles empêchent que l'air, qui dans les flutes bouchées est contraint de ressortir tout par la bouche, ne le fasse avec tant de liberté: mais ces oreilles, qui servent aussi à accorder les flutes débouchées, et qui leur font avoir un ton plus grave, plus elles sont serrées contre la bouche de la flute, donnent à connoitre, que l'air agité dans ces sortes de flutes pour faire du bruit n'en sort pas seulement par l'ouverture du bout d'en-bas et par les trous, mais qu'il en sort aussi une partie par la bouche de la flute; et que generalement tout ce qui empêche l'air de sortir avec liberté rendant sa force moindre, parce qu'elle consiste dans la promptitude de son mouvement, rend le ton plus bas et plus grave.

[3. Les trous qu'on fait aux autres flutes. in marg.] Aux flutes qui ont des trous, ceux du dessus de la flute sont disposez par des espaces capables de faire le changement de l'intervalle chacun d'un ton; ceux qui sont dessous font des demi-tons, étant situez entre deux des trous de dessus. Mais il y a une autre maniere de changer les tons, et de faire des demi-tons, des quarts de tons, et d'autres intervalles aussi petits que l'on veut, par la differente position des doigts, qui bouchant un ou plusieurs trous au-dessous de celui qui est débouché, rendent le ton un peu plus grave.

[4. L'étrecissement du conduit de la flute. in marg.] Il se fait encore une autre chose pour donner un ton plus bas aux flutes sans les allonger, et sans aggrandir les espaces d'entre les trous; on fait que la cavité de leur tuyau va toûjours en s'étrecissant vers le bas, cet étrecissement étant capable d'empêcher l'air de sortir avec liberté. Tant cette liberté de s'échaper, que l'on ôte ou que l'on donne à l'air, ne manque jamais à changer le ton, en changeant la force qu'il a d'ébranler les particules, et même quelquefois les parties situées en la surface interne des instrumens à vent.

[5. L'augmentation du souffle qui fait prendre l'octave. in marg.] L'augmentation du souffle a aussi quelquefois le pouvoir de changer le ton en faisant prendre l'octave en en-haut: ce qui se fait apparemment par l'ébranlement des parties du dedans de la flute: car quoiqu'il ait été dit que dans le son des flutes les seules particules du dedans de l'instrument sont froissées sans que leur émotion soit causée par l'ondoyement des parties, ainsi qu'elle l'est dans le son des autres instrumens, il faut entendre seulement que cet ondoyement des parties n'est pas absolument nécessaire pour le son de la flute, et que quand le souffle est fort doux, la flute sonne sans que les parties soient presque émûes; mais il n'y a rien qui empêche de croire que le souffle violent, qui fait prendre l'octave à un flageolet, et qui fait former tous les tons à la flute de la Gadaloupe, ne puisse donner assès de force à l'air émû par le retour des particules froissées dans la languette, pour émouvoir puissamment les parties de la surface interne, et causer des ondoyemens capables de produire un ton plus aigu, par l'émotion d'un nombre de particules qui soit double de celui des particules qui étoient dans la même cavité, lorsque le souffle mediocre [-230-] ne causoit presque aucun ondoyement dans les parties.

Cette émotion des parties est à la vérité extraordinaire, parce que le son des flutes ne se fait ordinairement que par le moyen de la reflexion; et dans la reflexion du bruit (ainsi qu'il a été dit) il n'y a guerre que les particules qui soient émûes. Mais nous avons des experiences qui empêchent de douter que l'agitation particuliere que l'air souffre dans le bruit, quoique causée principalement par le mouvement des particules, ne soit capable non seulement d'agiter d'autres particules dans la surface des corps voisins, sur lesquels la reflexion se fait, mais même d'y émouvoir quelques unes des parties. Cet effet est sensible dans le mouvement d'une corde, qui fremit visiblement, lorsque dans un autre instrument on en sonne une à laquelle elle est parfaitement accordée à l'unisson. Nous sentons aussi assès souvent (ainsi qu'il a déja été dit) un fremissement dans nôtre estomac, que nous connoissons être causé par un certain son d'une basse de violon, ou de quelque autre instrument dont le son est fort vigoureux; ce qui ne se peut faire que par l'ébranlement des parties, celui des particules étant un mouvement fait dans un trop petit espace pour pouvoir être apperçû par un autre sens que par celui de l'ouïe.

[6. L'espece d'impulsion qui a été appellée externe, in marg.] Il n'est pas encore difficile de concevoir, comment l'augmentation de l'impulsion externe faite par le souffle peut donner de la force à l'agitation particuliere de l'air causée par le retour des particules, si on la compare à l'activité, que le vent donne au feu par le pouvoir qu'il a d'augmenter le mouvement, par lequel les particules enflammées s'insinuent entre les particules inflammables, quoique ce mouvement des particules enflammées, de même que le mouvement de l'air agité de la maniere particuliere qu'il a pour produire le bruit, soit d'une autre espece que le mouvement qui se rencontre dans le vent.

Le changement de ton dans les hautbois et dans les autres instrumens à anches se fait autrement que dans les flutes, en ce que la cavité du tuyau est beaucoup plus étroite, et que l'on est obligé de fermer beaucoup plus de trous au-dessous de celui qu'on laisse ouvert. La raison de cela est, que le premier bruit du hautbois, qui se fait par l'ébranlement et l'ondoyement des deux corps solides qui font les deux parties de l'anche, étant beaucoup plus fort que le premier bruit des flutes qui se fait par l'air qui bat contre le tranchant de la languette sans la remuer, demande une plus grande contrainte et un obstacle plus puissant au vent, pour empêcher qu'une grande quantité de particules étant froissées dans chaque partie de la cavité de l'instrument, le ton ne demeure toûjours aigu. Cela est si vrai, que les especes d'anche, où l'ébranlement des deux parties de l'anche est si fort, qu'elles battent l'une contre l'autre, telles que sont les anches des regales, ne sont point propres à mettre aux hautbois: toute [-231-] la longueur du tuyau du hautbois, qui, les trous étant bouchez, peut faire baisser jusqu'à plus de deux octaves dans un cromorne avec son anche ordinaire, n'étant pas capable de faire baisser seulement de deux tons avec une anche de regale.

[dans le chiflement de la bouche in marg.] Le chiflement de la bouche se fait avec les levres, de la même maniere que la voix et le chant se font avec les membranes de la glotte, et de même aussi que le son des flutes est produit par le moyen de leur languette, sçavoir, par le froissement des particules causé par le frottement de l'air: mais il en est different en ce qu'il n'est point augmenté par la reflexion d'aucune cavité, telle qu'est celle du palais pour la voix, ou celle du tuyau pour les flutes; et c'est en cela que le chiflement a quelque rapport avec le son des anches des regales, qui sans être enfermées dans des tuyaux de longueur differente produisent leurs differens tons, lorsque l'on allonge ou que l'on accourcit la languette.

La maniere qui fait le changement de ton dans le chiflement lui est commune avec la voix, avec le premier bruit des trompettes produit par la compression des levres, et avec celui des anches des regales, sçavoir, par la proportion de l'ouverture, par laquelle l'air est poussé, et dans la circonference de laquelle les particules sont froissées par le passage de l'air: car cette ouverture fait un ton grave étant élargie, à cause que les parties sont alors plus lâches, et un aigu quand elle est étrecie, à cause que les parties sont plus fermes et plus capables de causer le froissement d'un grand nombre de particules en un petit espace; et aussi par la raison que le vent de la bouche a plus de force pour les ébranler, étant resserré par une ouverture plus étroite.

Chapitre XIII.

Des instrumens qui ne paroissant point avoir de ton en ont; et de ceux qui paroissant en avoir n'en ont point.

[Les instrumens, qui ont des tons, et qui semblent n'en pas avoir sont le tambour et le claquebois. in marg.] IL y a des instrumens où le ton est si obscur qu'il est difficile de le discerner autrement que par la comparaison de plusieurs de leurs sons ouïs successivement. Le tambour est de cette espece, de même que le claquebois, qui est un instrument ainsi appellé, parce que ces differens tons sont produits par des bâtons de longueur et de grosseur differente: car il est difficile de dire quel est le ton d'un tambour, et de l'exprimer avec la voix, lorsqu'il est battu tout seul: mais on s'apperçoit de la difference du ton de deux tambours, qui ont une grandeur et une tension different, quand on les bat immediatement l'un après l'autre. Tout de même quand on ne frappe qu'un des bâtons [-232-] du claquebois, il n'est pas aisé de juger de son ton, comme quand on en frappe plusieurs les uns après les autres.

Or le changement de ton dans ces instruments se fait de même que dans tous les autres, sçavoir, selon la differente maniere du froissement des particules émûes dans les parties ondoyantes par l'ébranlement de tout le corps resonnant: car lorsque ces parties, desquelles le ton dépend principalement, sont fort serrées les unes contre les autres à cause de la promptitude et de la vehemence des secousses qui font l'ondoyement, le ton est aigu; et la petitesse du corps ondoyant, sa dureté, et tout ce qui le rendant tendu, peu lâche, et moins pliable le fait ondoyer par des parties plus petites, sont les causes qui produisent cette promptitude et cette vehemence des secousses, en sorte que plus un tambour est grand, et moins tendu, et plus les bâtons du claquebois sont longs, plus ces corps sonnent un ton grave; parce que leurs parties ondoyantes sont plus grandes, plus lâches, et moins capables d'une vibration prompte et vehemente.

Mais la difficulté, que l'on a à remarquer dans ces instrumens les differens tons, vient de ce que leur ton dépendant de l'ébranlement des parties ondoyantes de tout le corps resonnant, cet ébranlement, qui est petit dans une peau et dans du bois, de même que dans toutes les autres matieres heterogenes qui ne resonnent point, ne sçauroit faire qu'un très petit effet; le plus grand ébranlement, et qui cause presque tout le bruit dans ces sortes de corps, ne dépendant guere que des particules froissées immediatement par l'attouchement des deux corps qui se choquent: car il arrive que cet attouchement immediat est toûjours le même dans tous les tambours et dans tous les bâtons du claquebois, quoiqu'ils soient de grandeur differente, parce qu'ils sont frappez par un même maillet: mais cela n'arrive pas ainsi dans les corps que l'homogeneïté de leur substance rend fort resonnans; car des cloches de differente grandeur, quoique frappées par un même marteau, qui froisse immediatement toûjours un même nombre de particules, rendent des sons manifestement differens, à cause que les parties, dont la tension differente à proportion de la cloche fait les tons differens, ont une telle mobilité, qu'elles sont puissamment ébranlées par le coup du marteau, pour faire que le froissement du grand nombre de particules causé par l'ébranlement de toutes les parties du corps resonnant fasse toûjours un plus grand bruit, que n'en peut faire le froissement des particules ébranlées par l'attouchement immediat que le coup de marteau y cause.

[Les instrumens qui semblent avoir quelque ton, et qui n'en ont point in marg.] Il semble y avoir encore une maniere de changer le ton; mais ce changement, tout au contraire de celui du tambour et du claquebois, est plus en apparence qu'en effet: cette maniere dépend des accens et des inflexions, telles que sont celles de la voix, quand on lit, quand on recite, et même quand on parle simplement, lorsque c'est avec un [-233-] accent remarquable, comme il se void en certaines nations.

[Le chant naturel des oiseaux. in marg.] Cette maniere est encore propre et particuliere au chant naturel des oiseaux et au jeu de quelques instrumens de Musique, tels que sont celui que l'on appelle vulgairement trompe à Laquais, et cette espece de chifflet, qui à Paris est appellé rossignol du mois d'Août: car dans toutes les inflexions qu'ils ont, lesquelles font une si grand diversité de sons, il ne se trouve pas en effet que l'espace d'un quart de ton soit parcouru; ou plûtôt il faut dire qu'il n'y a point de ton en effet, et que ce n'est que la diversité de l'articulation qui rend ces inflexions differentes, par la differente promptitude de l'impulsion de l'air, par ses entrecoupemens, et par toutes les autres modifications, qui peuvent être diversifiées en des manieres infinies sans changer de ton.

Ainsi dans l'inflexion de la parole de l'homme, et dans celle du chant naturel des oiseaux, les particules de la glotte, et même ses parties sont toûjours émûes presque d'une même maniere, son ouverture n'étant differente que quand il y a variation de ton; la variation des accens ne venant que du plus grand nombre des particules qui sont émûes dans la cavité de la bouche et des narines par l'augmentation de l'impulsion de l'haleine, qui fortifie le mouvement de l'agitation que l'air a reçûe par le retour des particules de la glotte, et qui le rend capable de froisser dans toutes ces cavitez plus de particules par le moyen de la reflexion; mais cela se fait néanmoins de telle sorte que le ton n'en est point changé, la reflexion n'étant jamais capable de changer le ton que dans les flutes, où le premier bruit se fait par l'émotion des particules plûtôt que par celle des parties, comme il arrive dans la voix et dans les anches des regales, où le premier bruit causé par l'ébranlement des parties de la glotte et de la languette est trop fort, pour souffrir que son ton soit changé par la reflexion qu'avec beaucoup de difficulté, ainsi qu'il se fait dans les hautbois.

[Le chifflet appellé rossignol du mois d'Août. in marg.] Par la même raison dans les instrumens, où le ton n'est aussi capable que d'un très petit changement, les accens, qui font la difference des sons que l'on y remarque, ne sont principalement differens que par la difference de l'impulsion de l'air. Ainsi dans le chifflet appellé rossignol du mois d'Août, où au lieu du tuyau, qui a accoutumé de recevoir les reflexions, desquelles dépend le changement de ton dans les flutes, il y a une cavité large proche de la bouche du chifflet, dans laquelle il y a de l'eau, le chifflet ne sçauroit changer de ton, parce qu'il est constant que la grandeur de la cavité dans laquelle la reflexion se fait demeure toûjours la même, le different mouvement de l'eau qui y est contenue n'étant capable d'en changer que la figure, et non d'en augmenter ou d'en diminuer la cavité; et le gazouillement, par lequel ce chifflet imite le chant des oiseaux, n'est causé que par le mouvement de l'eau agitée par la partie de l'air qui est poussée au dedans; et ce mouvement de l'eau, qui rend celui de l'air [-234-] inégal et entrecoupé, a le pouvoir de produire un ébranlement dans les particules du dedans de la cavité tout-à-fait different de celui qui y seroit causé par l'impulsion uniforme, qui s'y fait lorsqu'on y souffle, l'eau étant vuidée; mais les differences de cet ébranlement ne vont point à faire changer le ton, mais seulement à modifier le son, le rendant tantôt continu, et tantôt entrecoupé en plusieurs differentes manieres, selon que le hazard fait que l'eau est diversement agitée par le souffle.

[La trompe à Laquais. in marg.] La trompette de Bearn, qu'on nomme à Paris trompe à Laquais, dont on jouë la tenant appuyée contre les dents entrouvertes, est un petit instrument d'acier, du milieu duquel il sort une petite branche déliée qui a ressort, et que l'on frappe avec le doigt pour lui faire rendre un son fremissant, modifié par le mouvement de la langue et par l'ouverture de la bouche, que l'on rend tantôt plus tantôt moins grande, pour diversifier un bourdonnement sourd qu'il produit. Or cet instrument n'a point d'autre ton que celui du ressort qui est toûjours le même, parce qu'il en rend toûjours un proportionné à sa longueur et à sa roideur, qui ne change point dans le jeu. Et comme ce ton est causé par les particules que les parties ébranlées par la détente du ressort émeuvent et froissent, sa modification bourdonnante se fait, parce que l'air agité par le retour des particules émûes dans le ressort en va émouvoir d'autres dans la surface interne de la cavité de la bouche, lesquelles faisant plus ou moins de reflexions, et l'air sortant avec plus ou moins de liberté, selon que la bouche est plus ou moins ouverte, il se fait des sons differens en autant de manieres que la bouche a des ouvertures, et que la langue a des situations differentes; mais toutes ces modifications ne sont pas capables de surmonter la puissance qui détermine le ton de la petite branche d'acier: car ce ton étant causé par l'ébranlement de toutes les parties de son corps homogene, il a besoin que la cavité qui le modifie ait d'autres dispositions que n'en peut avoir la cavité de la bouche, par la même raison qu'une anche de metail (ainsi qu'il a été dit) a besoin d'un canal bien plus long et plus étroit pour la faire changer de ton qu'une anche de hautbois, qui étant faite de feuilles de palmier est un corps heterogene, dans lequel peu de parties sont ébranlées, de maniere que le son qui en est produit est plus facilement modifié: car pour ce qui est des differens mouvemens que la langue peut avoir pour modifier le son de la petite branche, il ne peut produire d'autre effet dans la cavité de la bouche, que l'eau dans la cavité du chifflet appellé rossignol du mois d'Août; c'est-à-dire, que ni le mouvement de la langue ni celui de l'eau ne peuvent par leur differente situation faire changer la grandeur de la capacité du dedans de la bouche au jeu de la trompe, ni augmenter ou diminuer celle du ventre du chifflet au jeu du rossignol: et ainsi ni l'un ni l'autre ne sont point capables de changer le ton de [-235-] ces deux sortes d'instrumens: car quoique dans le jeu de la trompe à Laquais ceux qui en jouënt fassent quelquefois des tons differens, en sorte qu'on y entend des chansons; il est pourtant vrai que ces tons ne sont faits en aucune façon par l'instrument, et qu'ils ne sont formez que par la bouche du Musicien. On peut être aisément persuadé de cela, si l'on prend garde qu'il y a un ton qui domine toûjours comme un bourdon auquel on entend quelques tons mêlez: car il n'y a que ce bourdon qui appartienne à l'instrument; et pour ce qui est des tons, peu de personnes sont capables de les produire; parce qu'il faut pour cela donner une configuration particuliere au gosier, qui est très difficile.

[La flute d'Allemand. in marg.] Dans le jeu de la flute d'Allemand tout le contraire arrive, n'y ayant rien de si aisé que de lui faire changer de ton, et toute la difficulté étant de la faire sonner. La raison de cela est, que le ton dépend de l'instrument, qui rend toûjours un ton grave ou un aigu, selon que ses trous sont ou bouchez ou ouverts; et que c'est l'ajustement de la bouche du Musicien qui fait parler simplement la flute: mais dans la trompe à Laquais il n'y a qu'à frapper la petite branche d'acier pour faire sonner l'instrument, qui ne sçauroit manquer de sonner le ton qu'il a, et qui n'est point capable de le changer.

Je crois que ces exemples pris de toutes les especes de bruit étant expliquez comme ils le sont par les mêmes hypotheses, peuvent suffire pour faire concevoir de quelle maniere et par quelle force la rencontre de deux corps produit l'agitation particuliere de l'air qui est cause du bruit. Chacun peut voir qu'il ne seroit pas difficile de pousser plus loin l'application des causes de beaucoup d'autres effets qui se remarquent dans les differens corps, tant simples qu'organizez, qui sont capables de produire des bruits differens: mais je crois qu'on n'aura pas trouvé mauvais que je me sois un peu étendu dans ces exemples, et que j'aye épargné cette peine, quoique legere peut-être, à ceux qui l'auroient voulu entreprendre.

[-63-] [Perrault, Du Bruit, 63; text: Table III. I, H, E, D, G, F, C, A, B, O, Figure 17, page 213, 18. R, P, Q, V, X, S, T, N, O, 214] [PERBRU 02GF]


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