TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE

Data entry: Alexis Witt
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Fn and Ft: RAGPAR TEXT
Author: Raguenet, François
Title: Paralèle des italiens et des françois
Source: Paralèle des italiens et des françois en ce qui regarde la musique et les opéra (Paris: Jean Moreau, 1702; reprint ed. Genève: Minkoff, 1976).

[-f.air-] PARALELE DES ITALIENS ET DES FRANÇOIS, EN CE QUI REGARDE LA MUSIQUE ET LES OPÉRA

A PARIS, Chez Jean Moreau, ruë Saint Jacques, à la Toison d'or, vis-à-vis Saint Yves.

M. DCII

Avec Approbation et Privilege du Roy.

[-f.aijr-] APPROBATION de Monsieur de Fontenelle, de l'Academie Françoise.

J'Ay lû par ordre de Monseigneur le Chancelier le présent Manuscrit, et j'ay crû que l'impression en seroit tres-agréable au Public, pourveu qu'il soit capable d'équité. Fait à Paris ce 25. Janvier 1702.

FONTENELLE.

PRIVILEGE DU ROY.

LOuis par la grace de Dieu Roy de France et [-f.aijv-] de Navarre: A nos amez et feaux Conseillers, les Gens tenans nos Cours de Parlemens, Maîtres des Requêtes Ordinaires de notre Hôtel, Grand-Conseil, Prévôt de Paris, Baillifs, Sénéchaux, leurs Lieutenans Civils, et autres nos Justiciers qu'il appartiendra. Salut, Jean Moreau, l'un des Imprimeurs de nôtre bonne Ville de Paris, Nous ayant fait supplier de luy permettre l'impression d'un petit Ouvrage intitulé, Paralele des Italiens et des François en ce qui regarde la Musique et les Opéra: Nous luy avons permis et accordé, permettons et accordons par ces Presentes d'imprimer ou faire imprimer ledit [-f.aiijr-] Livre en telle forme, marge caractere et autant de fois que bon luy semblera pendant le temps de quatre années consecutives, à compter du jour de la datte des Presentes, et de le vendre ou faire vendre et distribuer par tout notre Royaume, Faisant défenses à tous Libraires, Imprimeurs et autres dans ladite Ville de Paris seulement, d'imprimer vendre ny debiter ledit Livre sous quelque prétexte que ce soit, d'impression étrangere ou autrement, sans le consentement de l'Exposant ou de ses ayans cause, à peine de confiscation des Exemplaires contrefaits, de mille livres d'amande contre chacun des contrevenans, applicable un [-f.aiijv-] Registres de la Communauté des Libraires de notre bonne Ville de Paris, le tout à peine de nullité d'icelles; du contenu desquelles Nous vous mandons et enjoignons de faire joüir l'Exposant ou ses ayans cause, pleinement et paisiblement, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchemens contraires. Voulons que la copie desdites Presentes qui sera imprimée au commencement ou à la fin dudit Livre, soit tenuë pour dûëment signifiée, et qu'aux copies collationnées par l'un de nos amez et feaux Conseillers et Secretaires, foy soit ajoûtée comme à l'Original: Commandons au premier notre Huissier ou Sergent [-f.aivr-] tiers à Nous, un tiers à l'Hôtel-Dieu de Paris, l'autre tiers audit Exposant, et de tous dépens, dommages et interests; à la charge de mettre, avant de l'exposer en vente, deux Exemplaires en notre Bibliotheque publique, un autre dans le Cabinet des Livres de nôtre Château du Louvre, et un en celle de notre tres-cher et feal Chevalier Chancelier de France le Sieur Phelypeaux Comte de Pontchartrain, Commandeur de nos Ordres, de faire imprimer ledit Livre dans notre Royaume et non ailleurs, en beau caractere et papier, suivant ce qui est porté par les Reglemens des années 1618. et 1686. et de faire enregistrer les Presentes és [-f.aivv-] de faire pour l'execution des Presentes toutes significations, défenses, saisies, et autres actes requis et necessaires, sans demander autre permission, et nonobstant clameur de Haro, Chartre Normande, et Lettres à ce contraires: Car tel est notre plaisir. Donné à Versailles le 19. jour de Février, l'an de grace mil sept cent deux, et de notre Regne le cinquante-neuviéme. Par le Roy en son Conseil, Le Comte.

Registré sur le Livre de la Communauté des Imprimeurs et Libraires de Paris conformément aux Reglemens.

Signé, P. Traboüillet, Syndicat.

Achevé d'imprimer pour la premiere fois le 23. Février 1702.

[-1-] PARALELE DES ITALIENS et DES FRANÇOIS en ce qui regarde LA MUSIQUE ET LES OPERA

IL y a un si grand nombre de choses en quoi les François l'emportent sur les [-2-] Italiens en ce qui regarde la Musique; et il y en a un si grand nombre d'autres en quoi les Italiens ont l'avantage sur les François, que je ne pourrois me resoudre à en faire le détail, si je n'étois persuadé qu'il est absolument necessaire d'y entrer pour faire un paralele juste, et porter un jugement exact des uns et des autres.

Les Opéra sont les plus [-3-] grands ouvrages de Musique qu'on ait coûtume de faire entendre; ils sont communs aux Italiens et aux François; c'est là où les uns et les autres se sont le plus efforcez de faire briller leur génie; c'est pourquoi ce sera sur ces sortes d'ouvrages que je ferai principalement rouler le paralele: mais il y a bien des choses qu'il faut distinguer pour cela; la langue Italienne, et la langue [-4-] Françoise, dont l'une peut être plus favorable que l'autre pour la Musique; la composition des piéces de Théatre que les Musiciens mettent en chant; la qualité des Acteurs; celle des Joüeurs d'Instrumens; les différentes espéces de voix; le Récitatif; les Airs; les Symphonies; les Choeurs; les Danses; les Machines; les Décorations; et toutes les autres choses qui entrent [-5-] dans la composition des Opéra, et qui contribuënt à la perfection du spectacle: car il fuat examiner toutes ces choses en particulier pour bien juger lesquels l'emportent des Italiens ou des François.

Nos piéces de Théatre sur lesquelles les Musiciens travaillent, sont fort audessus de celles des Italiens; ce sont des piéces régulieres et suivies; quand on ne feroit qu'en [-6-] déclamer les paroles sans les chanter, elles plairoient autant que les autres piéces de Théatre qui ne se chantent point; rien n'est plus spirituel que les Dialogues qui s'y trouvent; les Dieux y parlent avec toute la dignité de leur caractére; les Roys, avec toute la Majesté de leur rang, les Bergers et les Bergeres, avec le tendre badinage qui leur convient; l'amour, la jalousie, [-7-] la fureur, et les autres passions y sont traitées avec un art et une délicatesse infinie, et il y a peu de Tragédies ou de Comédies qui soient plus belles que la plûpart des Opera qu'a fait Quinault.

Les Opéra des Italiens, au contraire, sont de pitoyables rapsodies sans liaison, sans suite, sans intrigue: leurs piéces ne sont proprement que des [-8-] canevas fort minces et fort maigres: toutes les Scênes y sont composées de quelque Dialogue ou de quelque Monologue trivial au bout duquel ils fourent quelqu'un de leurs plus beaux Airs qui en fait la fin. Ces Airs sont tres-souvent des Airs détachez qui ne sont point du corps de la Piéce, et qui ont esté faits par d'autres Poëtes ou séparément, ou dans la suite de [-9-] quelque autre Ouvrage. Quand l'Entrepreneur d'un Opéra a assemblé sa Troupe dans quelque Ville, il choisit pour sujet de son Opéra, la Piéce qui luy plaît, comme Camille, Thémistocle, Xercès et cetera mais cette Piéce n'est, comme je viens de le dire, qu'un canevas qu'il étoffe des plus beaux Airs que sçavent les Musiciens de sa Troupe: car ces beaux Airs sont des selles [-10-] à tous chevaux, ce sont des déclarations d'amour faites d'une part, et acceptées ou rejettées de l'autre, des transports d'Amans contens, ou des plaintes d'Amantes malheureuses, des protestations de fidelité, ou des sentimens de jalousie, des ravissemens de plaisir, ou des accablemens de douleur, des fureurs, des desespoirs: il n'y a point de Scêne à la fin de laquelle [-11-] les Italiens ne sçachent trouver place pour quelqu'un de ces Airs: mais un Opéra fait ainsi de morceaux rapetassez et de Piéces recousuës ne sçauroit constamment être mis en paralele avec les nôtres qui sont des Ouvrages d'une suite, d'une justesse, et d'une conduite merveilleuses.

Nos Opéra ont de plus un grand avantage sur ceux des Italiens, du côté [-12-] des voix, par les Basses-contres qui sont si communes chez nous, et si rares en Italie: car, au jugement de toute oreille, il n'y a rien de plus charmant qu'une belle Basse-contre; le simple son de ces Basses que l'on entend quelques-fois s'abîmer dans un creux profond a quelque chose qui enchante, ces grosses voix ébranlent une bien plus grande quantité d'air que [-13-] les autres, et le remplissent par conséquent d'une bien plus agréable et bien plus vaste harmonie. Dans les personnages de Dieux et de Roys, quand il faut faire parler, sur la Scêne, un Jupiter, un Neptune, un Priam, un Agamemnon, nos Acteurs, avec le son de leurs grosses voix, ont toute une autre Majesté que ceux des Italiens avec leurs fossets ou leurs fausses Basses [-14-] qui n'ont ny creux ny force: outre que le mélange de ces Basses avec les Dessus forme un Contraste agréable qui fait sentir toute la beauté des unes par l'opposition des autres, plaisir que les Italiens ne goûtent jamais, les voix de leurs Musiciens qui sont presque tous des Castrati étant entiérement semblables à celles de leurs femmes.

[-15-] Outre l'avantage de la justesse des Piéces, et des différentes espéces de voix, nous avons encore celui des Choeurs, des Danses, et des autres divertissemens en quoi nos Opéra l'emportent infiniment sur ceux des Italiens. Ceux-ci, au lieu des Choeurs et des divertissemens qui font une si agréable varieté dans nos Opéra et qui leur donnent même je ne sçai quel [-16-] air de grandeur et de magnificence, n'ont ordirement que des Scênes burlesques d'un bouffon; de quelque vieille qui sera amoureuse d'un valet, ou d'un Magicien qui changera un chat en un oyseau, un violon en un hibou, et qui fera d'autres tours semblables lesquels ne sçauroient divertir que le Parterre: et pour leurs Danses, c'est la plus grande pitié du monde, leurs [-17-] Danseurs sont des hommes tout d'une piéce sans bras, sans jambes, sans taille, et sans air.

Quant aux instrumens, nos violons sont au-dessus de ceux d'Italie pour la finesse et la délicatesse du jeu. Tous les coups d'archet des Italiens sont tres-durs lors qu'ils sont détachez les uns des autres; et lors qu'ils les veulent lier, ils viellent d'une maniere tres-desagréable. [-18-] D'ailleurs, outre toutes les sortes d'instrumens qui sont en usage parmi les Italiens, nous avons encore les Haut-bois qui, par leur son également moëlleux et perçant, ont tant d'avantage sur les violons dans les airs de mouvement; et les flûtes que tant d'illustres * sçavent faire gémir d'une maniere si touchante [-19-] dans nos airs plaintifs, et soupirer si amoureusement dans nos airs tendres.

Enfin les François l'emportent sur les Italiens, dans les Opéra, pour les habillemens des Acteurs et des Actrices; ils sont d'une richesse, d'une magnificence, d'une élégance, et d'un goût qui passent tout ce qu'on voit ailleurs. Il n'y a point, en Europe, de Danseurs [-20-] qui approchent des leur, de l'aveu même des Italiens; les Combattans et les Cyclopes de Persée; les Trembleurs et les Forgerons d'Isis, les Songes funestes d'Atis, et leurs autres entrées de Ballet sont des Piéces originales, soit pour les Airs composez par Lully, soit pour les Pas que Beauchamp a fait sur ces Airs; on n'avoit rien vû de semblable sur le Théatre avant ces deux [-21-] grands hommes; ils en sont les inventeurs, et ils ont porté tout d'un coup ces Piéces à un si haut degré de perfection, que personne ny en Italie, ni en aucun autre endroit du monde, n'y a sçû atteindre depuis, et n'y atteindra peut-être jamais. Nul combat de Théatre ne présente une image si naturelle de la Guerre, que ceux que les François font quelquesfois paroître [-22-] sur la Scêne: en un mot, tout est executé, chez eux, avec une justesse qui ne se dément en rien; tout y est lié, tout y es ordonné avec une suite et une économie admirables; tellement qu'il n'y a point de personne intelligente et équitable qui ne demeure d'accord que les Opéra des François ont la forme d'un Spectacle bien plus parfait que ceux des Italiens, et que ces sortes [-23-] d'Ouvrages, comme spectacles, sont en France audessus de ce qu'on voit en Italie. Voilà tout ce qu'on peut dire à l'avantage de la France, en ce qui regarde la Musique et les Opera. Voyons présentement ce qui peut être à l'avantage de l'Italie en ces deux choses.

La langue Italienne a un grand avantage sur la langue Françoise pour être chantée, en ce que toutes [-24-] ses voïelles sonnent tres-bien, au lieu que la moitié de celles de la langue Françoise sont des voïelles muettes qui n'ont presque point de son; d'où il arrive premiérement qu'on ne sçauroit faire aucune cadence ni aucun passage agréable sur les syllabes où se trouvent ces voïelles; et en second lieu, qu'on n'entend qu'à demi les mots; de sorte qu'il faut deviner la moitié de ce [-25-] que chantent les François, et qu'au contraire on entend tres-distinctement tout ce que disent les Italiens. D'ailleurs, quoique toutes les voyelles de la langue Italienne sonnent parfaitement bien, les Musiciens choisissent encore celles qui s'entendent le mieux pour y faire leurs plus beaux passages; c'est sur la voyelle a qu'ils les font presque tout; et ils ont raison en cela, puisque [-26-] cette voïelle étant celle de toutes qui a le son le plus net, la beauté des passages et des cadences en paroît davantage; au lieu que les François les font indifféremment sur toutes les voyelles, sur les plus sourdes comme sur les plus sonores; ils les font même souvent sur des diphtongues, comme dans les mots de Chaîne, de Gloire et cetera dont le son étant confus et mêlé de [-27-] celui de deux voyelles jointes ensemble, ne sauroit avoir la netteté et la beauté des voyelles simples. Mais ce n'est là proprement que le matériel de la Musique; venons à ce qui en fait l'essence et la forme, c'est-à-dire au caractére des Airs considérez ou en particulier, ou par rapport aux diverses parties dont les grandes Piéces sont composées.

[-28-] Les Airs Italiens sont plus détournez et plus hardis que les Airs François; le caractére en est poussé plus loin soit pour la tendresse, soit pour la vivacité, ou pour toutes les autres sortes d'espéces. Les Italiens unissent même quelquesfois des caractéres que les François croyent incompatibles. Les François, dans les Piéces à plusieurs parties, ne travaillent communément [-29-] que celle qui est le sujet; les Italiens aucontraire, les font toutes, pour l'ordinaire, également belles et recherchées; enfin le génie des derniers est inépuisable pour inventer, au lieu que celui des premiers est assez étroitement borné; c'est ce que je vais tâcher de faire voir d'une maniére sensible en entrant dans le détail de toutes ces choses.

[-30-] On ne s'étonnera point que les Italiens trouvent que notre Musique berce et qu'elle endort, qu'elle est même, à leur goût, tres-plate et tres-insipide, quand on considérera la nature des Airs François et celle des Airs Italiens. Les Francois, dans les Airs qu'ils font, cherchent par-tout le doux, le facile, ce qui coule, ce qui se lie; tout y est sur le même ton; ou si [-31-] quelquesfois on en change, on le fait avec des préparations et des adoucissemens qui rendent l'Air aussi naturel et aussi suivi que si l'on n'en changeoit point du tout, il n'y a rien de fier ny de hazardé; tout y est égal et tout uni. Les Italiens, au contraire, passent à tout moment du b carre au b mol, et du b mol au b carre; ils hazardent les cadences les plus forcées [-32-] et les dissonances les plus irréguliéres; et leurs Airs sont d'un chant si détourné, qu'ils ne ressemblent en rien à ceux que composent toutes les autres Nations du monde.

Les Musiciens François se croiroient perdus s'ils faisoient la moindre chose contre les régles, ils flatent, chatoüillent, respectent l'oreille, et tremblent encore dans la crainte de ne pas réüssir après [-33-] avoir fait les choses dans toute la régularité possible; les Italiens plus hardis changent brusquement de ton et de mode, font des cadences doublées et redoublées de sept et de huit mesures sur des tons que nous ne croirions pas capables de porter le moindre tremblement; ils font des Tenuës d'une longueur si prodigieuse, que ceux qui n'y sont pas accoûtumez [-34-] ne sauroient s'empêcher d'estre d'abord indignez de cette hardiesse que dans la suite on croit ne pouvoir jamais assez admirer; ils font des passages d'une étenduë qui confond tous ceux qui les entendent pour la premiére fois; et ils les font même quelquesfois sur des tons si irréguliers, qu'ils jettent la frayeur aussi-bien que la surprise dans l'esprit de l'Auditeur [-35-] qui croit que tout le Concert va tomber dans une dissonance épouventable; et l'interessant par-là dans la ruine dont toute la Musique paroît menacée, ils le rassurent aussitôt par des chutes si réguliéres, que chacun est surpris de voir l'harmonie comme renaître de la dissonance même, et tirer sa plus grand beauté de ces irrégularitez qui sembloient aller à la détruire. [-36-] Ils hazardent ce qu'il y a de plus dur et de plus extraordinaire, mais ils le hasardent comme des gens qui sont en droit de le hazarder, et qui sont assurez du succès: dans le sentiment qu'ils ont d être les premiers hommes du monde pour la Musique, d'en être les Souverains et les Maîtres despotitiques, ils franchissent ses régles par des saillies téméraires, mais heureuses; [-37-] ils se mettent au dessus de l'art, mais en maîtres de l'art qui suivent ses loix quand ils veulent, et qui les brusquent aussi quand il leur plaît, ils insultent la délicatesse de l'oreille que les autres n'oseroient toucher qu'en la flatant, ils la bravent, ils la forcent, ils la maîtrisent, et l'emportent par des charmes qui tirent assurément leur plus grande force, de la hardiesse avec laquelle [-38-] ils sçavent s'en servir.

Quelquefois vous entendez une Tenuë contre laquelle les premiers tons de la Basse continuë font une dissonance qui irrite l'oreille; mais la Basse continuant de joüer, revient à cette Tenuë par de si beaux accords, qu'on voit bien que le Musicien n'a fait ces premiéres dissonances, que pour faire sentir, avec plus de plaisir, [-39-] ces belles cordes où il raméne aussi-tôt l'harmonie.

Qu'on donne une de ces dissonances à chanter à un François, il n'aura jamais la force de la soûtenir avec la fermeté dont il faut qu'elle soit soûtenuë, afin qu'elle réüssisse; son oreille accoûtumée aux consonances les plus douces et les plus naturelles, est choquée de son irrégularité, il tremble en la [-40-] chantant, il chancelle; au lieu que les Italiens dont l'oreille est rompuë de jeunesse à ces dissonances, et y a été accoûtumée par la force de l'habitude, sont aussi fermes sur le ton le plus irrégulier, que sur la plus belle corde du monde, et chantent tout avec une hardiesse et une assurance qui les fait toûjours réüssir.

La Musique est une chose trop commune en [-41-] Italie; les Italiens y chantent des le berceau, ils chantent tout les jours, ils chantent par-tout; un chant naturel et uni est, pour eux, une chose trop vulgaire, ils en ont trop entendu de cette maniére, le naturel est usé pour eux; pour picquer leur goût rassasié de chants simples et suivis, il faut sans cesse passer d'un ton à l'autre, et hazarder les passages les plus bizarres et les plus [-42-] forcez; sans cela, on ne peut les réveiller, ni exciter leur attention. Mais continuons le Paralele, par raport aux divers caractéres des Airs.

Comme les Italiens sont beaucoup plus vifs que les François, ils sont bien plus sensibles qu'eux aux passions, et les expriment aussi bien plus vivement dans toutes leurs productions; s'il faut faire une symphonie qui exprime [-43-] la tempête, la fureur, ils en impriment si bien le caractére dans leurs Airs, que souvent la réalité n'agit pas plus fortement sur l'ame; tout y est si vif, si aigu, si perçant, si impétueux et si remuant, que l'imagination, les sens, l'ame, et le corps même en sont entraînez d'un commun transport; on ne peut se défendre de suivre la rapidité de ces mouvemens; une symphonie [-44-] de Furies agite l'ame, la renverse, la culbute malgré elle; le Joüeur de violon qui l'éxécute ne peut s'empêcher d'en être transporté et d'en prendre la fureur, il tourmente son violon, son corps, il n'est plus maître de lui-même, il s'agite comme un possédé, il ne sauroit faire autrement.

Si la Symphonie doit exprimer le calme et le repos, quoi qu'elle demande [-45-] un caractére tout opposé, ils ne l'éxécutent pas avec moins de succès; ce sont des tons qui descendent si bas, qu'ils abiment l'ame avec eux dans leur profondeur; ce sont des coups d'archet d'une longueur infinie, traïnez d'un son mourant qui s'affoiblit toûjours jusqu'à ce qu'il expire entiérement. Les Symphonies de leurs sommeils enlévent tellement l'ame [-46-] aux sens et au corps suspendent tellement ses facultez et son action, que toute occupée de l'harmonie qui la posséde et qui l'enchante, elle n'a non plus d'attention à tout le reste, que si toutes ses puissances étoient liées par un sommeil réel.

Enfin, pour la conformité de l'Air, avec le sens des paroles, je n'ay jamais rien entendu, en matiére de Symphonies, de comparable [-47-] à celle qui fut éxécutée à Rome, à l'Oratoire de Saint Jérôme de la Charité, le jour de la Saint Martin de l'année 1697, sur ces deux mots, mille saette, mille fléches: c'étoit un Air dont les Notes étoient pointées à la maniére des Gigues; le caractére de cet Air imprimoit si vivement dans l'ame l'idée de fléche; et la force de cette idée séduisoit tellement [-48-] l'imagination, que chaque violon paroissoit être un arc; et tous les Archets, autant de fléches décochées dont les pointes sembloient darder la Symphonie de toutes parts; on ne sauroit entendre rien de plus ingénieux et de plus heureureusement exprimé. Ainsi, soit que les Airs soient d'un caractére vif ou d'un charactére tendre, soit qu'ils soient impétueux ou [-49-] languissans, les Italiens l'emportent également sur les François: mais ils font, par dessus cela, une chose que ny les Musiciens François, ny ceux de toutes les autres Nations ne sauroient et n'ont jamais sçu faire; car ils unissent quelquesfois, d'une maniére surprenante, la tendresse avec la vivacité, comme on le peut voir dans le fameux Air Mai non si videe [-50-] ancor più bella fedelta et cetera lequel est le plus doux et le plus tendre du monde, et dont la Symphonie néanmoins est la plus vive et la plus picquante qui se puisse entendre; ils allient ces caractéres opposez d'une maniére qui, bien loin de gâter un contraire par son contraire, embellit toûjours l'un par l'autre.

Que si présentement, des Airs simples, nous [-51-] passons aux Piéces composées de plusieurs parties, quel avantage les Italiens n'auront-ils pas sur les François? Je n'ay guéres vû de Musiciens, en France, qui ne convinssent que les Italiens savent mieux tourner et croiser un Trio, que les François. Chez nous, le premier dessus a ordinairement assez de beauté; mais le second n'en sauroit avoir descendant aussi bas qu'on [-52-] le fait descendre: en Italie, on fait les dessus de trois ou quatre tons plus haut qu'en France; tellement que les seconds dessus se trouvent, par-là, d'un ton assez haut pour avoir autant de beauté, que nos premiers dessus mêmes. D'ailleurs les trois parties en sont si également belles, que souvent on ne sauroit dire laquelle est le sujet. Lully en a fait quelques-uns de cette [-53-] beauté, mais ils sont en bien petit nombre; au lieu que presque tous ceux que font les Italiens, sont de ce caractére.

Mais c'est dans les Piéces qui ont encore plus de parties, que paroît beaucoup mieux l'avantage que les Musiciens d'Italie ont sur ceux de France, pour la composition. En France, c'est beaucoup quand le sujet est beau, il est rare que les [-54-] parties qui l'accompagnent ayent seulement un chant suivi; on y trouve bien, quelquesfois, des Basses continuës qui roulent toûjours, et que les François trouvent admirables à cause de cela; mais, en ces occasions, les dessus sont peu de chose, ils cessent d'être le sujet, et la Basse le devient pour lors. Quant aux accompagnemens de violon, ce ne sont, en la plûpart, [-55-] que de simples coups d'archet qu'on entend par intervalles, qui n'ont aucun chant lié et suivi, et qui ne servent qu'à faire entendre, de tems en tems, quelques accords. En Italie, au contraire, le premier dessus, le second, la Basse continuë, et toutes les autres parties qui entrent dans la composition des Piéces les plus remplies, sont également travaillées. Les violons y [-56-] jouënt toûjours des parties dont le chant est ordinairement aussi beau que l'Air même qui en est le sujet: aussi arrive-t-il souvent qu'après avoir entendu quelque chose de l'Air qu'on trouve charmant, on est insensiblement entraîné par les parties accompagnantes qui ne charment pas moins, et qui font abandonner le sujet pour se faire suivre; tout y est d'une beauté si [-57-] égale, qu'on ne sauroit dire quelle est la partie dominante. Quelquesfois la Basse continuë attache tellement qu'en l'écoutant, on ne pense point du tout au sujet; d'autres fois le sujet entraîne de telle sorte, qu'on ne fait nulle attention à la Basse continuë; un moment après, les accompagnemens de violon ravissent de telle maniére, qu'on n'écoute ny la Basse continuë, [-58-] ny le sujet; ce n'est pas assez d'une ame pour sentir la beauté de toutes les parties; il faudroit se multiplier pour suivre et goûter, à la fois, trois ou quatre choses qui sont aussi belles l'une que l'autre; on est emporté, enchanté, on est extasié de plaisir; il faut se récrier pour se soulager, il n'y a personne qui puisse s'en défendre; on attend avec impatience la fin de chaque [-59-] Air, pour respirer; on ne peut souvent se contenir jusqu'au bout, on interrompt le Musicien par des cris et par des applaudissemens infinis, la Musique Italienne produit, tous les jours, ces effets; il n'y a personne de ceux qui ont voyagé en Italie qui n'en ait été mille fois témoin; on n'a jamais éprouvé rien de semblable en aucun autre païs; ce sont des beautez d'un [-60-] degré d'excellence où l'imagination ne sauroit atteindre, avant qu'on les entende; et au-delà duquel on ne sauroit imaginer rien, après qu'on les a entenduës.

Enfin, les Italiens sont inépuisables dans la production de ces Piéces composées de tant de belles parties; au lieu que le génie des François est extrémement borné en cela. En France, un compositeur [-61-] croit faire beaucoup que de diversifier le sujet; pour les accompagnemens, il n'y a rien de si semblable; ce sont toûjours les mêmes accords, les mêmes chutes, nulle variété, nulle surprise, on y prévoit tout: Les Musiciens François se pillent, par-tout, les uns les autres, ou se copient tellement eux-mêmes, que presque tous leurs Ouvrages sont semblables. En Italie au-contraire, [-62-] les génies y sont inépuisables et infinis pour la quantité et pour la diversité des airs; le nombre en est innombrable sans aucune éxagération, et cependant il seroit bien difficile d'en trouver deux qui se ressemblassent. Nous admirons, tous les jours, la fécondité du génie de Lully dans la composition du grand nombre de beaux Airs tous [-63-] différens qu'il a faits; jamais aucun Musicien n'a paru en France avec tant de talent pour la Musique, il n'y a personne qui n'en convienne, et il ne m'en faut pas davantage pour faire connoître combien le génie des Italiens est supérieur à celui des François pour l'invention et pour la composition en matiére de Musique; car enfin cet excellent homme dont les [-64-] François opposent les Ouvrages à ceux des plus grands Maîtres d'Italie étoit Italien; il a passé tous nos Maîtres, même dans le goût François. Pour établir donc l'egalité entre les deux Nations en ce qui regarde l'art de la Musique, il faudroit produire l'exemple de quelque François qui eût excellé en Italie au-dessus des plus grands Maistres de ce païs là dans le goût [-65-] même Italien; et c'est ce qu'on n'a pas encore vû jusqu'à présent. D'ailleurs Lully est le seul qui ait jamais paru en France avec ce génie supérieur pour la Musique; et l'Italie est pleine de Maistres qui sont tout au moins de sa force; il y en a à Rome, à Naples, à Florence, à Venise, à Bologne, à Milan, à Turin, et il y en a eu dans tous les tems: on y a vû les Lüigi, les [-66-] Carissimi, les Mélani, les l'Egrenzi: à ceux-ci ont succedé les Scarlati, les Buononcini, les Corelli, et les Bassani qui vivent encore et qui charment toute l'Europe par leurs excellentes productions. Les premiers sembloient avoir épuisé toutes les beautez de l'Art; cependant les seconds les ont, au moins, égalé dans une infinité d'Ouvrages d'un caractére tout nouveau. [-67-] Il s'en éléve, chaque jour, qui paroissent devoir encore renchérir sur tous les siécles passez; et cela, dans tous les endroits de l'Italie; aulieu qu'en France un de ces grands Maîtres est regardé comme un Phénix, on n'en voit qu'un à la fois dans tout le Royaume, il faut un siécle entier pour le produire; encore désespere-t-on que tous les siécles ensemble produisent jamais un [-68-] homme capable de remplacer Lully. Il n'y a donc, comme tout le monde le voit, nulle comparaison à faire des Italiens aux François, pour le génie de la Musique. Il ne se fait plus rien de beau en France depuis la mort de Lully, ainsi ceux qui aiment la Musique y sont sans plaisir et sans espérance; mais ils n'ont qu'à aller en Italie, et je leur répons que leur cerveau, [-69-] quelque usé qu'il soit par les traces de la Musique Françoise, sera comme une table d'attente toute neuve pour la Musique Italienne, les Airs Italiens ne ressemblant, en quoi que ce soit, aux Airs François, ce qu'on ne comprendra jamais à moins que d'aller en Italie: car les François ne sauroient s'imaginer qu'on puisse rien faire de fort touchant, en matiére de Musique, [-70-] qu'il ne ressemble aux beaux Airs qu'on entend en France. Voilà les avantages que les Italiens ont sur les François pour la Musique considérée en général. Voyons maintenant ceux qu'ils ont, par raport aux Opéra. Pour observer quelque ordre dans un aussi grand nombre de choses différentes qui concourent à former un Opéra, je commencerai par la Musique où je [-71-] dirai deux mots du Récitatif et de la Symphonie; après quoi je parlerai des voix; de ceux qui chantent aux Opéra considérez comme Musiciens et comme Acteurs; des Instrumens, et de ceux qui les touchent; enfin des Décorations et des Machines.

Il n'y a nul endroit foible dans les Opéra d'Italie, comme dans ceux de France; on n'y distingue [-72-] point la belle Scêne, toutes les chansons y sont d'une même force, et il n'y en a point à la fin de laquelle on ne se récrie et on n'applaudisse; au lieu que dans nos Opéra il y a je ne sai combien de Scênes languissantes et d'Airs insipides qui ne sauroient toucher qui que ce soit, ni plaire, en rien, à personne.

Il est vrai que notre Récitatif est bien plus [-73-] beau que celui des Italiens qui est trop simple et trop uni, qui est par tout le même, qui n'est point proprement un chant; car ils ne font, pour ainsi dire, que parler dans leur Récitatif, il n'y a presque point d'inflexion ni de modulation dans ce prétendu chant; cependant, ce qu'il y a d'admirable, c'est que les parties qui servent d'accompagnement à cette Psalmodie [-74-] sont excellentes: car leur génie pour la composition est si merveilleux, qu'ils savent trouver des accords charmans, même au son de la voix d'une personne qui parle simplement sans chanter, ce qu'on n'a jamais vû, et ce qu'on ne sauroit voir en nul autre endroit du monde.

Il en est de leur symphonie en particulier à l'égard de la nôtre, comme [-75-] de leur Musique en général: Dans nos Opéra elle est, en beaucoup d'endroits, fort seiche et fort ennuyeuse; au lieu que, dans ceux d'Italie, elle est par tout moëlleuse, remplie d'accords les plus harmonieux; et cela, sans aucune inégalité.

J'ai dit, au commencement de ce Paralele, que nous avions un grand avantage sur les Italiens par les Basse-contres qui [-76-] sont si communes parmi nous, et qui sont si rares en Italie: mais quels avantages n'ont-ils pas sur nous, pour les Opéra, par leurs Castrati qui sont sans nombre, et dont nous n'en avons pas un seul en France? Les voix de femme sont à la vérité aussi douces et aussi agréables, chez nous, que celles de ces sortes d'hommes; mais il s'en faut bien qu'elles soient aussi fortes [-77-] et aussi perçantes; il n'y a point de voix ny d'homme ny de femme au monde si flexibles que celles de ces Castrati; elles sont nettes, elles sont touchantes, elles pénétrent jusqu'à l'ame.

Vous entendez quelquefois une symphonie si charmante, qu'on ne sauroit imaginer rien au delà; cependant il se trouve que ce n'est que l'accompagnement d'un Air encore [-78-] plus beau chanté par une de ces voix qui, d'un son le plus éclatant et en même tems le plus doux, perce la symphonie et s'éléve au dessus de tous les Instrumens avec un agrément qu'on ne sauroit décrire, il faut l'entendre.

Ce sont des gosiers et des sons de voix de Rossignol; ce sont des haleines à faire perdre terre, et à vous ôter presque la [-79-] respiration, des haleines infinies par le moyen desquelles ils exécutent des passages de je ne sai combien de mesures, ils font des échos de ces mêmes passages, ils soutiennent des tenuës d'une longueur prodigieuse, au bout desquelles, par un coup de gorge semblable à ceux des Rossignols, ils font encore des cadences de la même durée.

Au reste, ces voix douces [-80-] et rossignolantes sont enchantées dans la bouche des Acteurs qui font le personnage d'amant; rien n'est plus touchant que l'expression de leurs peines formée avec ces sons de voix si tendres et si passionnez; et les Italiens ont, en cela, un grand avantage sur les Amans de nos Théatres, dont la voix grosse et mâle est constamment bien moins propre aux [-81-] douceurs qu'ils disent à leurs Maîtresses. D'ailleurs comme ces voix sont aussi fortes qu'elles sont douces, on entend tres-distinctement tout ce qui se chante aux Théatres Italiens, au lieu qu'on en perd la moitié à ceux des François à moins que l'on ne soit bien près et que l'on ne sache deviner: Ce sont ordinairement de petites filles sans poumons, sans force, et sans haleine, [-82-] qui chantent, en France, les Dessus; au lieu que cette même partie est toûjours chantée, en Italie, par des hommes forts dont la voix ferme et résonnante se fait entendre avec netteté dans les lieux les plus vastes, sans qu'on en perde une syllabe à quelqu'endroit qu'on soit placé.

Mais le plus grand avantage que les Italiens ont sur les François par le [-83-] moyen de leurs Castrati, du côté des voix, c'est que ces voix leur durent des trente et quarante années; au lieu que celles de nos femmes ne conservent, guéres plus de dix ou douze ans, leur force et leur beauté; de sorte qu'une Actrice est à peine formée pour le Théatre, qu'elle perd sa voix, et qu'il en faut prendre, en sa place, de nouvelles qui manquent à [-84-] l'action, si elles ne manquent pas au chant, et à qui il faut des cinq et six années d'exercice pour devenir capables d'éxécuter les rôles un peu considérables. C'est beaucoup, en France, quand il y a cinq ou six bonnes voix sur trente et quarante Acteurs ou Actrices qui se trouvent à un Opéra. En Italie, elles sont toutes à peu près égales, et l'on en prend rarement [-85-] de médiocres, parce que l'on en a à choisir tant qu'on veut.

Quant aux Acteurs, on peut les regarder ou comme des Musiciens qui ont leur partie à chanter; ou comme des personnages de Théatre qui ont leur rôle à joüer; et les Italiens, sous l'un et sous l'autre de ces raports, surpassent encore les François.

Chez nous, il y a toûjours, [-86-] dans un Opéra, quelque Acteur véreux qui manque au chant ou à la mesure, quelque Actrice foible qui chante faux et qu'on excuse sur ce qu'elle n'est pas encore faite au Théatre, qui n'a point de voix et à qui on pardonne souvent, parce qu'elle plaît d'ailleurs et qu'elle est d'une jolie figure. Cela n'arrive jamais aux Opéra d'Italie, il n'y a point de voix [-87-] qui ne soit au moins supportable; il n'y a point d'homme ni de femme qui ne chante si parfaitement sa partie qu'avec des voix même d'une médiocre beauté, ils enlévent tous ceux qui les entendent, par la force des passages qu'ils exécutent; car on ne sait, nulle part, la Musique comme on la sait en Italie; et il n'y a pas lieu d'en être surpris, les Italiens s'en faisant une [-88-] étude comme nous nous en faisons une d'apprendre à lire; il y a, chez eux, des Ecoles où les enfans vont apprendre à chanter, comme ils y vont en France pour apprendre à lire; ils y vont dès leur plus tendre jeunesse, et y employent des neuf et dix ans; de sorte qu'ils chantent là, comme on lit ici quand on a bien appris à lire, c'est à dire avec fermeté, avec seuteté [-89-] et sans même y penser. Les Italiens chantent les choses mêmes qu'ils n'ont jamais vûës sans broncher, comme on lit, sans hésiter, un livre qu'on n'a jamais lû, quand on sait bien lire. Les Italiens n'étudient la Musique qu'une fois, mais ils l'apprennent dans la derniére perfection: Les François l'étudient tellement quellement, mais aussi faut-il qu'ils l'étudient toute leur [-90-] vie; car, à chaque nouvelle Piéce qui se présente en France, il faut que les Musiciens l'étudient et l'apprennent, pour la bien chanter; il faut faire une infinité de repétitions particuliéres d'un Opéra pour le mettre en état d'être représenté en public; celui-ci commence trop tôt, celui-là trop tard; l'un chante faux, l'autre manque à la mesure; [-91-] le Maître de Musique se tourmente de la main et de la voix, il fait cent contorsions de tous les membres de son corps, et avec cela il a bien de la peine à en venir à bout. Les Italiens, au contraire, sont si consommez, et pour ainsi dire, si infaillibles dans la Musique, que tout un Opéra s'exécute chez eux avec la derniére justesse, sans même qu'on y batte la mesure, [-92-] ni qu'on sache qui est le Maître qui le fait exécuter. Ils joignent à cette justesse tous les agrémens qu'un Air est capable de recevoir, ils y font cent sortes de passages, et cela tout en badinant; ils font, dans leur gosier, des Echos d'une finesse charmante; les François ne savent ce que c'est que ces Echos.

Dans les Airs tendres, ils affoiblissent insensiblement leur voix, et la laissent [-93-] enfin mourir tout à fait à la fin de l'Air: Ce sont des beautez de la derniére délicatesse; délicatesse non seulement inconnuë, mais encore impossible aux François, dont les Dessus ont si peu de force que, pour peu qu'ils vinssent à les affoiblir, ils s'éteindroient entiérement et on ne les entendroit plus du tout. Ces Echos néanmoins et ces affoiblissemens de [-94-] voix donnent de tels agrémens aux Airs Italiens, que souvent le Compositeur lui-même les trouve plus beaux dans la bouche de ceux qui les chantent, que dans sa propre idée; et les Italiens ont, en cela, un double avantage sur les François, pour leurs Opéra; ce qui fait qu'ils chantent mieux que nous, étant aussi cause qu'ils sont meilleurs Acteurs; [-95-] car, se faisant un jeu de la Musique et chantant avec toute la justesse possible sans être obligez à faire attention ni à la mesure ni à aucune autre régle, il arrive de là qu'ils peuvent mettre toute leur application à bien accommoder leur extérieur à l'action; et que n'étant attentifs qu'à entrer dans les passions et à composer leurs gestes, il leur est bien plus aisé d'être bons [-96-] Acteurs qu'aux François, qui ne sachant pas si bien la Musique, sont souvent obligez à s'occuper entiérement du soin d'en exécuter les régles. Nous n'avons pas un seul homme capable de faire le personnage d'un Amant passionné, dans nos Opéra, à la réserve de Dumény; mais outre qu'il chante extrémement faux et qu'il sait tres-peu de Musique, il s'en faut bien [-97-] que sa voix soit aussi agréable et aussi belle, que celles des Castrati d'Italie.

Si une principale Actrice, comme la Rochoix, vient à nous manquer, non seulement Paris, mais toute la France entiére ne sauroit en fournir une autre qui puisse la remplacer. En Italie, pour un Acteur ou une Actrice qui manqueront, on en trouvera dix autres aussitôt; [-98-] car les Italiens naissent tous Comédiens, et sont aussi excellens Acteurs, que Musiciens. Leurs vieilles sont des personnages incomparables; et leurs Bouffons valent ce que nous avons jamais vû de meilleur, en ce genre là, sur nos Théatres.

D'ailleurs les Italiens ont encore un grand avantage sur nous par le moyen de leurs Castrati, [-99-] en ce qu'ils en font le personnage qu'ils veulent, une femme aussi-bien qu'un homme, selon qu'ils en ont besoin; car ces Castrati sont tellement accoûtumez à faire des rôles de femme, que les meilleures Actrices du monde ne les font point mieux qu'eux; ils ont la voix aussi douce qu'elles, et l'ont avec cela beaucoup plus forte; ils sont plus grands que le commun [-100-] des femmes, et ont par là plus de majesté qu'elles; ils sont mêmes ordinairement plus beaux en femme, que les femmes mêmes. Ferini, par exemple, qui, en 1698. faisoit, à Rome, le personnage de Sibaris à l'Opéra de Thémistocle, est plus grand et plus beau que ne le sont communément les femmes, il a je ne sai quoi de noble et de modeste dans la physionomie; [-101-] habillé en Princesse Persanne, comme il étoit, avec le Turban et l'Aigrette, il avoit un air de Reine et d'Impératrice; et l'on n'a peut-être jamais vû une plus belle femme au monde, qu'il le paroissoit sous cet habit. L'Italie est pleine de ces sortes de gens, on y trouve par tout des Acteurs et des Actrices à choisir. J'ai vû, à Rome, un homme qui étoit aussi [-102-] fort pour la Musique, que les plus habiles gens de nos Opéra; il étoit, outre cela, excellent Acteur et valoit pour le moins notre Harlequin et notre Raisin; cependant cet homme n'étoit ni Musicien ni Comédien de profession; c'étoit un Procureur qui quittoit les affaires au Carnaval pour prendre un rôle à l'Opéra, et qui faisoit sa Charge durant tout le reste de [-103-] l'année. Il est donc beaucoup plus aisé, comme on voit, de faire bien exécuter un Opéra en Italie, qu'il ne l'est en France.

Les Italiens ont encore, pour les Instrumens et pour ceux qui les touchent, le même avantage qu'ils ont sur nous, pour les voix et pour les personnes qui chantent. Leurs violons sont montez de cordes plus grosses [-104-] que les nôtres, ils ont des archets beaucoup plus longs, et ils savent tirer de leurs Instrumens une fois plus de son, que nous. Pour moi, la premiére fois que j'entendis l'Orchestre de notre Opéra à mon retour d'Italie, l'idée de la force de ces sons qui m'étoit encore présente, me fit trouver ceux de nos violons si foibles, que je crus qu'ils avoient tous des sourdines. Leurs Archiluts [-105-] sont une fois plus grands que nos Thüorbes; tout y est plus fort de la moitié, pour le son; leurs Basses de violon sont une fois plus grosses que les nôtres; et toutes celles qu'on joint ensemble, dans nos Opéra, ne font point un bourdonnement aussi fort, que le font deux de ces grosses Basses, aux Opéra d'Italie; c'est assurément un Instrument qui nous [-106-] manque en France, que ces Basses d'un creux qui fait, chez les Italiens, une Baze admirable sur laquelle tout le Concert est comme soutenu; c'est un fondement seur et d'autant plus solide, qu'il est plus bas et plus profond; c'est un son nourri et moëlleux qui remplit l'air d'une harmonie agréable dans une Sphére d'activité qui s'étend jusqu'aux extrémitez des plus vastes [-107-] lieux; le son de leurs symphonies est porté par l'air jusqu'aux voûtes dans les Eglises; et jusqu'au Ciel dans les lieux à découvert: Et pour ceux qui touchent ces Instrumens, nous n'avons que tres-peu de gens qui en approchent en France. On voit, en Italie, des enfans de quatorze à quinze ans avec une Basse ou un Dessus de violon joüer admirablement [-108-] bien des symphonies qu'ils n'ont jamais vûës, mais des symphonies d'une exécution qui démonteroit nos plus habiles gens; et cela, souvent par dessus l'épaule de deux ou trois personnes qui sont devant eux, à quatre et cinq pas de la Tablature, vous voyez ces petits torticolis jetter seulement un oeil de travers sur le livre, et emporter les choses les plus [-109-] difficiles du premier coup. On ne bat point la mesure aux Orchestres d'Italie, et cependant on n'y voit jamais personne manquer d'une tems, ni d'un ton. Il faut tout Paris pour former un bel Orchestre, on n'y en trouveroit pas deux comme celui de l'Opéra; à Rome où il n'y a pas la dixiéme partie du monde qui est à Paris, on trouveroit de quoi fournir [-110-] sept et huit Orchestres composez de Clavessins, de Violons et de Thüorbes, tous également bien remplis. Mais en quoi principalement les Orchestres d'Italie l'emportent sur ceux de France, c'est que les plus grands Maîtres ne dédaignent pas d'y joüer. J'ay vû, à Rome, à un même Opéra, Corelli, Pasquini, et Gaëtani, qui sont constamment les premiers [-111-] hommes du monde pour le Violon, pour le Clavessin, et pour le Thüorbe ou l'Archilut: Aussi sont-ce des gens à qui, pour un mois ou six semaines au plus, on donne chacun trois et quatre cens pistoles. C'est la maniére dont on traite et dont on paye les Musiciens, qui est cause en partie, qu'il y en a et qu'il y en aura toûjours beau-plus chez les Italiens, que [-112-] chez nous. On les méprise, en France, comme des gens d'une profession basse; en Italie, on les estime et on les carresse comme des illustres. Ils font des fortunes tres-considérables parmi les Italiens: Et, chez nous, à peine gagnent-ils de quoi vivre; de là vient qu'il y a dix fois plus de personnes qui s'attachent à la Musique en Italie, qu'en France; et parmi [-113-] un plus grand nombre de gens qui s'y appliquent, il est naturel que même toutes choses étant égales, il y en ait aussi un plus grand nombre qui y réussissent. Rien n'est plus commun, en ce païs-là, que les Joüeurs d'Instrumens, les Musiciens, et la Musique. Les Chanteurs de la Place Navône à Rome, et ceux du Pont de Rialte à Venise, qui sont, là, ce que sont, icy, [-114-] les Chanteurs du Pont-neuf, se mettent souvent trois ou quatre ensemble, dont l'un jouë du Dessus de violon, l'autre de la Basse, et les autres du Thüorbe ou de la Guittare; ils chantent, avec cela, en partie, et s'accompagnent tres-juste de leurs Instrumens. On fait des Concerts, en France, qui ne valent pas mieux.

Enfin, pour les Décorations et pour les machines, [-115-] les Opéra d'Italie l'emportent encore beaucoup sur ceux de France. Les Loges y sont bien plus magnifiques; l'ouverture du Théatre y est bien plus haute et plus large; et les peintures de nos Décorations ne sont certainement que du barboüillage en comparaison de celles des Italiens; on y voit des Statuës feintes de marbre et de stuc belles commes les [-116-] plus belles Antiques de Rome, des Palais, des Colonades, des Galeries, des morceaux d'Architecture d'une grandeur et d'une magnificence au dessus de tous les Edifices qu'on voit au monde; des Perspectives qui trompent le jugement aussi-bien que les yeux de ceux même qui savent tout le secret de l'Art; des vûës d'une étenduë immense dans des espaces [-117-] qui n'ont pas trente pieds de profondeur; ils y font même paroître assez ordinairement les plus superbes Edifices des anciens Romains, dont on ne voit plus que les restes, comme le Colisée que j'ay vû, au Collége Romain, en 1698. dans le même état où il étoit du tems de Vespasien, qui fit bâtir ce célebre Amphithéatre; tellement que ces Décorations sont non [-118-] seulement tres-agréables, mais encore tres-instructives.

Quant aux Machines, je ne crois pas que l'esprit humain en puisse porter l'invention plus loin qu'elle est poussée en Italie. J'ay vû, à Turin, en 1697. Orphée qui, dans un Opéra, enchantoit, par sa belle voix, les animaux; il y en avoit de toutes les sortes; des Sangliers, des Lions, des Ours; rien ne [-119-] sauroit être plus naturel et mieux contrefait; un Singe qui y étoit, y fit cent badineries les plus jolies du monde, montant sur le dos des autres animaux, leur gratant la tête avec sa main, et faisant toutes les autres singeries propres à cette espéce. Un jour, à Venise, on vit paroître un Elephant sur le Théatre; en un instant, cette grosse machine se dépeça, et une armée se [-120-] trouva, sur la Scêne, en sa place; tous les soldats, par le seul arrangement de leurs boucliers, formoient cet Eléphant d'une maniére aussi parfaite, que si ç'avoit été un Eléphant naturel et véritable.

J'ay vû, à Rome, en 1698. un phantôme de femme entouré de Gardes, entrer sur le Théatre de Capranica; ce phantôme étendant les bras et [-121-] développant ses habits, il s'en forma un Palais entier avec sa façade, ses aîles, ses corps et ses avant-corps de bâtiment, le tout d'une Architecture enchantée; les Gardes ne firent que piquer leurs Hallebardes sur le Théatre, et elles furent aussitôt changées en jets d'eau, en cascades, et en arbres qui firent paroître un jardin charmant au devant de ce Palais; on ne sauroit [-122-] rien voir de plus subit que ces changemens, rien de plus ingénieux et de plus merveilleux: aussi sont-ce ordinairement les plus beaux esprits de l'Italie qui se font un plaisir d'inventer ces machines, gens souvent de la premiére qualité qui régalent le Public de ces sortes de spectacles, sans aucun intérest. C'étoit le Chevalier Acciaioli frére du Cardinal de ce nom, qui avoit [-123-] le soin de celles du Théatre de Capranica en 1698.

Voilà, à ce qu'il me semble, à peu près tout ce qu'on sçauroit dire de la Musique François et de la Musique Italienne, dans un Paralele; je n'y ajoûterai plus qu'une chose, en faveur des Opéra d'Italie, qui confirme tout ce que j'ai dit à leur avantage; c'est que, quoy qu'il n'y ait ni Choeurs ni divertissemens et qu'ils durent [-124-] des cinq et six heures, on ne s'y ennuye cependant jamais; au lieu qu'après quelques représentations des nôtres qui durent la moitié moins, il y a tres-peu de personnes qui n'en soient rassasiées, et qui ne s'y ennuyent.

FIN.

[-125-] TABLE ALPHABETIQUE

Des Matieres, contenuës en ce Volume.

A

Le Chevalier Acciaioli Page 122

Il n'y a rien de fier ny de hazardé dans les Airs François, 31

Les Airs Italiens sont plus détournez et plus hardis que les Airs François, 28. 31. 32. 33.

Le Caractére des Airs Italiens est poussé plus loin que celui [-126-] des François, soit pour la tendresse, soit pour la vivacité, ou pour toutes les autres sortes d'especes, 28

Les Italiens sçavent unir, dans leurs Airs, des Caractéres que les François croïent incompatibles, 28. 49

B

Bassani, 66

Avantage des Opéra des François sur ceux des Italiens, par les Basse-contres, 12

Beauchamp a excellé dans la composition des entrées de Ballet, pour la Danse, 20

Buononcini, 66

C

Le Carissimi, 66

[-127-] Avantages que les François, ont sur les Italiens pour leurs Opera, par les Choeurs de Musique, 15

Avantages que les Italiens ont sur les François pour leur Musique et pour leurs Opera, par le moyen de leurs Castrati. 76. 77. 78. 79. 80. 81. 82. 83. 98. 99.

Les entrées des Combattans et des Cyclopes de l'Opéra de Persée, sont des Piéces originales, tant pour les Airs, que pour les Pas faits sur ces Airs. 20

Les Combats que les François font paroître quelquefois sur leurs Théatres, sont des images tres-naturelles de la guerre, 21

[-128-] Les Italiens sont naturellement meilleurs Comédiens que les François, 98. 102

Conformité des Airs Italiens avec le sens des paroles, 46. 47. 48.

Corelli. 66. 110

D

Avantage des François sur les Italiens dans les Opéra, du côté des Danses. 15

Les Danseurs François passent ceux de toutes les autres Nations de l'Europe, de l'aveu même des Italiens, 19

Des Décorations qui se voyent aux Opéra d'Italie, 114. 115. 116. 117

Descoteaux joüeur de Flûte, illustre, 18

[-129-] Les Musiciens Italiens hazardent, dans leurs Airs, les Dissonances les plus irréguliéres, 32. 34

Charme des Dissonances qui se trouvent dans les Airs Italiens, 35. 37. 38. 39

Les François ne sçauroient chanter les Dissonances, 39. 40

Dumény, 96

E

Echos que font les Italiens en chantant, 92. 93. 94

Les Entrées de Ballet sont des Piéces originales dont Lully et Beauchamp sont les premiers auteurs, 20

F

Ferini, 100

[-130-] Avantage des Orchestres des François sur ceux des Italiens, par les Flûtes, 18

L'Entrée des Forgerons de l'Opera d'Isis, piéce originale, 20

G

Gaëtani, 110

Le génie des Musiciens François est fort borné pour l'invention, pages 29. 54. 60. 61

Le génie des Musiciens Italiens est inépuisable. 29. 60 61. 62

Le goût des Italiens est usé pour les Airs naturels, il faut quelque chose de plus picquant pour le réveiller, 41

[-131-] H

Les habillemens des Acteurs François sont fort au dessus de ceux des Acteurs Italiens, dans les Opéra, 19

Avantage des Orchestres des François sur ceux des Italiens, par les Haut-bois, 18

Les Hotteterre, excellens joüeurs de Flûte, 18

I

Avantage que les Italiens ont sur les François, pour leurs Opéra, du côté des Instrumens et de ceux qui les touchent, 103. 104. 105. 106. 107. 108. 109. 110

Effets surprenans que produit ordinairement la Musique [-132-] Italienne, 56. 57. 58. 59

L

La Langue Italienne a un grand avantage sur la langue Françoise pour estre chantée, 23

Legrenzi, 66

Lüigi, 65

Lully, 62. 63. 64. 65. 68

M

Des Machines qui se voïent aux Opera d'Italie, 118. 119. 120. 121

Combien les excellens Maîtres des Musique sont rares en France, 95. 67

Combien grand est les nombre des excellens Maîtres de Musique qui se trouvent en [-133-] tout tems, dans toutes les Villes d'Italie, 65. 66. 67

Mélani, 66

La maniére dont on traite les Musiciens en France et en Italie, est cause qu'il y a, et qu'il y aura toûjours un plus grand nombre d'excellens Musiciens parmy les Italiens, que parmy les François, 111. 112

Les Italiens communément sçavent mieux la Musique, que les François, 87. 88. 89. 90. 91. 92

Les Italiens trouvent que notre Musique est plate et insipide, qu'elle berce, et qu'elle endort, 30

Rien de plus commun que la Musique en Italie, 113. 114

[-134-] O

Les Opéra des François, considerez comme Poëmes dramatiques, sont des Ouvrages au dessus de ceux des Italiens, 5

Les Opéra des François ont la forme d'un spectacle bien plus parfait, que ceux des Italiens, 22

P

Bernardo Pasquini, 110

Les Italiens plus sensibles aux passions que les François, les expriment aussi bien plus vivement qu'eux, dans leurs Ouvrages de Musique, 42. 43. 44. 45. 46

Philbert fameux joüeur de Flûte, 18

[-135-] Philidor, autre celebre joüeur de Flûte, là-même

R

Récitatif, 71. 72. 73

La Rochoix, 97

S

Scarlati, 66

L'entrée des Songes funestes de l'Opéra d'Atys, Piéce Originale, 20

Les Musiciens François, dans les Piéces à plusieurs Parties, ne travaillent ordinairement que le sujet, 29. 53. 54

De la Symphonie, 42. 43. 44. 45. 46. 47. 48. 71. 74. 75.

T

Tenuës qui se trouvent dans [-136-] les Airs Italiens, 33. 38

L'Entrée des Trembleurs de l'Opéra d'Isis, piéce originale, 20

Les Musiciens Italiens sçavent mieux tourner et croiser le Trio, que les Musiciens François, 51. 52. 53

V

Les joüeurs de Violon François touchent cet Instrument avec plus de finesse et plus de délicatesse, que les Italiens, 17

Fin de la Table.

[Footnotes]

* [cf. p.18] Philbert, Philidor, Descoteaux, et les Hoteterres.


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