TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE

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Fn and Ft: SAUDET TEXT
Author: Sauveur, Joseph
Title: Sur la Détermination d'vn son fixe
Source: Histoire de l'Academie Royale des Sciences. Année MDCC. Avec les Memoires de Mathematique et de Physique, pour la même Année. Tirez des Registres de cette Academie. (Paris: Charles-Estienne Hochereau, 1719; reprint ed. in Joseph Sauveur, Collected Writings on Musical Acoustics (Paris 1700-1713) ed. Rudolph Rasch, Utrecht: Diapason Press, 1984), 134-143.

[-134-] ACOUSTIQUE.

SUR LA DÉTERMINATION d'vn son fixe.

LA Science qui regarde le Sens de l'Oüie, n'a peut-être pas moins d'étenduë, que celle qui a la Vûë pour objet, mais elle a été jusqu'icy moins approfondie. Le besoin que les Philosophes ont eu des Telescopes et des Microscopes, les a obligez à étudier avec une extrême application les differens chemins, et les differens accidens de la Lumiere, mais comme ils n'ont pas eu le même besoin de connoître exactement tout ce qui appartient aux Sons, et qu'ils ont le plus souvent traité la Musique comme une chose de goût, dont on ne devoit pas trop aller chercher les regles dans le fond de la Philosophie, ils n'ont pas tant tourné leurs speculations de ce côté-là.

Aussi Monsieur Sauveur a-t-il pensé que c'étoit-là un païs encore peu connu. Il a trouvé cette Science plus vaste, à mesure qu'il y faisoit plus de progrés, il a crû qu'elle meritoit, aussi-bien que l'Optique, un nom particulier, et l'a appellée Acoustique. C'est au nombre et à l'importance des nouvelles decouvertes à justifier ce nouveau [-135-] nom. On peut déja prendre pour un morceau d'Acoustique, ce que l'on a vû de Monsieur Dodart dans cette Histoire * [* Page 17. in marg.] sur la formation de la Voix.

Personne n'ignore que pour avoir tous les accords de Musique sur deux Cordes d'instrument, de même matiere, également grosses et également tenduës, il n'y a qu'à faire que leurs longueurs soient l'une à l'autre dans de certains rapports de nombres. Par exemple, si les deux cordes supposées, et que nous supposerons toûjours dans la suite, sont égales en longueur, elles sont à l'Unisson, si elles sont comme 1 à 2, elles donnent l'Octave, si elles sont comme 2 à 3, c'est la Quinte, comme 3 à 4, c'est la Quarte, comme 4 à 5, c'est la Tierce majeure, et cetera.

Puisque ces accords principaux sont formez par ces rapports qu'ont entre elles les longueurs des cordes, il est visible que d'autres rapports, par exemple, de 8 à 9, de 15 à 16, et cetera donneront d'autres accords. Et comme les rapports des nombres sont infinis, il semble d'abord que les accords de Musique doivent l'être aussi, et ils le seroient en effet, si les Voix et les Instrumens n'étoient necessairement bornez dans une certaine étenduë, et si l'Oreille ne l'étoit aussi de maniere, qu'au-dessous d'un certain ton bas, ou au-dessus d'un certain ton haut, elle ne peut plus distinguer ceux qui seroient plus bas ou plus hauts.

Il est vray que dans cette étenduë où les voix et les Instrumens peuvent aller, et où l'oreille peut distinguer les tons, il semble qu'on pourroit faire encore une infinité d'accords, en donnant toûjours aux longuers des cordes, quoique renfermées entre de certaines bornes, tels rapports de nombres qu'on voudroit, par exemple, celuy de 929 à 930 de 1000 à 1001, et cetera. Mais ces rapports sont si petits, que deux cordes qui les auroient entre elles, feroient le même effet que si elles étoient egales, c'est-à-dire, paroîtroient à l'Unisson, car il s'agit toujours de l'Oreille, qui étant un organe matériel ne peut sentir des différences qui seront d'une certaine finesse.

Avant qu'une corde dont la longueur est 2, soit accourcie [-136-] jusqu'à n'être plus que 1, c'est-à-dire, à être à l'octave en enhaut du ton qu'elle rendoit auparavant, elle peut passer par autant de divisions que l'on voudra. Monsieur Sauveur fixe ce nombre de divisions à 43, et ces 43 parties qu'il appelle Merides, et qui remplissent toute l'etenduë de l'Octave, donnent les tons les plus sensibles et les plus ordinaires qui y soient compris. Mais si l'on veut aller à des differences de ton beaucoup plus delicates, il faut diviser encore chaque Meride en 7 parties qui s'appelleront Eptamerides, et par consequent il y aura dans une Octave 301 Eptamerides. Ces nombres de 43 et de 301 ont des commodités et des usages, qui les ont fait preferer par Monsieur Sauveur à tous les autres qu'il auroit pû choisir, mais il n'en est pas question presentement.

Une corde plus courte fait dans un temps égal un plus grand nombre de vibrations qu'une plus longue, et c'est par là qu'elle rend un ton plus aigu. Les nombres des vibrations de deux cordes inégales sont entre eux en raison renversée des longueurs, c'est à-dire, que si les deux cordes sont comme 1 à 2, comme 2 à 3, 3 à 4, et cetera la plus courte fait deux vibrations pendant que l'autre n'en fait qu'une, 3 pendant que l'autre en fait 2, et cetera.

Par-là, il est clair que les vibrations de deux cordes égales doivent aller toûjours ensemble, commencer, finir, recommencer dans le même instant, mais que celles de deux cordes inégales doivent être tantôt separées, tantôt réünies, et d'autant plus long-temps separées que les nombres qui expriment l'inégalité des cordes sont plus grands. Car que deux cordes soient comme 1 et 2, et qu'elles commencent en même temps leurs vibrations, il est sur qu'aprés 2 vibrations de la plus courte et de la plus aiguë, et une de l'autre, elles recommenceront à partir ensemble, et qu'ainsi sur deux vibrations de la plus courte, il y aura toûjours une réünion des vibrations de toutes les deux. Si elles étoient comme 24 à 25, il n'y auroit une réünion de leurs vibrations, qu'à chaque vingt-cinquiéme vibration de la plus courte, et il est clair que pour de plus [-137-] grands nombres, les réünions seroient encore plus rares.

Jusqu'icy ce ne sont que des rapports, qui ne font rien connoître d'absolu. Il faut fixer un terme au-dessus duquel on prenne la suite des tons aigus, et au-dessous, celle des tons graves. Il est fort aisé de le choisir arbitrairement, mais la difficulté est de le retrouver sûrement, quand on en a besoin.

Les Musiciens se servent d'une espece de Sifflet de bois, ou de metal d'une certaine longueur, pour déterminer le ton par rapport auquel les Voix et les Instrumens doivent s'accorder dans un Concert, et comme ils veulent que ce ton soit toûjours le même, ils supposent que ce Sifflet le rend toûjours.

Mais cette supposition n'est pas exactement vraie. 1. Un tuyau d'orgue de 4 piés qui est par luy-même beaucoup plus juste qu'un petit Sifflet, ne rend pas toûjours précisément le même son. 2. La matiere du Sifflet étant fort susceptible d'alteration, le seul usage qu'on en fait, le temps, cent accidens en changent sensiblement le ton au bout de quelques années. 3. Il est certain qu'en donnant le souffle plus ou moins fort dans un Siffler, le ton hausse, ou baisse, et l'on ne peut être sûr de donner toûjours le même souffle. Enfin si ce Sifflet est perdu, on ne peut plus retrouver le ton qu'on avoit déterminé.

Ces inconveniens ont fait desirer à Monsieur Sauveur de pouvoir déterminer plus sûrement un Son fixe, et voicy quelle a été son idée.

Quand on entend accorder des Orgues, et que deux tuyaux qui approchent de l'unisson joüent ensemble, il y a certains instans, où le son commun qu'ils rendent est plus fort, et ces instans semblent revenir dans des intervalles égaux. Monsieur Sauveur ayant cherché la cause de ce Phenomene, a imaginé avec une extrême vraisemblance, que le son des deux tuyaux ensemble devoit avoir plus de force, quand leurs vibrations, aprés avoir été quelque temps separées, venoient à se réünir, et s'accordoient à fraper l'oreille d'un même coup. Il semble même que l'expression commune [-138-] des Musiciens, qui disent que les tuyaux battent, quand leur son se redouble ainsi, ait son origine dans cette idée. Il est commode que les tuyaux approchent de l'unisson, parce qu'alors les nombres qui expriment leurs longueurs étant plus grands, il y a sur un plus grand nombre de vibrations separées moins de vibrations qui se rencontrent, et qui battent, et par consequent l'oreiIle s'apperçoit plus aisément de battemens qui sont plus rares, et distinguez par de plus grands intervalles.

Si l'on prenoit deux tuyaux, tels que les intervalles de leurs battemens fussent assés grands pour être mesurez par les vibrations d'un Pendule, on sçauroit exactement par la longueur de ce Pendule quelle seroit la durée de chacune des vibrations qu'il feroit, et par consequent celle de l'intervalle de deux battemens des tuyaux; on sçauroit d'ailleurs par la nature de l'accord des tuyaux combien l'un feroit de vibrations pendant que l'autre en feroit un certain nombre déterminé, et comme ces deux nombres seroient compris dans l'intervalle de deux battemens dont on connoîtroit la durée, on sçauroit précisément combien chaque tuyau feroit de vibrations pendant un certain temps. Or c'est uniquement un certain nombre de vibrations faites dans un temps déterminé, qui fait un certain ton, et comme les rapports des vibrations de tous les tons sont connus, on sçauroit combien chaque ton fait de vibrations dans ce même temps déterminé.

Voilà jusqu'où l'industrie humaine n'avoit encore pû aller. On sçavoit qu'un tuyau faisoit un certain nombre de vibrations dans le même temps qu'un autre en faisoit un autre nombre déterminé; mais quel étoit ce temps? on n'en sçavoit rien, et l'on ne croyoit pas même possible de le sçavoir, parce que ces sortes de vibrations ne se laissent pas mesurer à la vûë.

Monsieur Sauveur a saisi les battemens de deux tuyanx comme deux points fixes et sensibles, entre lesquels étoit compris ce qui a été jusqu'à present insensible et indéterminé.

[-139-] Le temps pendant lequel se font les vibrations d'un certain ton étant donc arrêté par experience, et les nombres des vibrations que font les autres tons pendant ce même temps, étant connus d'ailleurs, Monsieur Sauveur prend pour le Son fixe celuy qui fera 100 vibrations en une Seconde; et il appelle Octave fixe aiguë celle qui est au-dessus, et Octave fixe grave celle qui est au-dessous.

Ce Son fixe se peut aisément retrouver en tout temps, et en tous lieux, par l'experience des battemens de deux tuyaux, qui conduira sûrement à un son tel qu'il fera 100 vibrations par Seconde. Ainsi que le ton de l'Opera de Paris soit déterminé par rapport au Son fixe, on sera certain de l'avoir précisément à la Chine. Et il n'importe aucunement que les deux tuyaux sur lesquels on fera l'experience fondamentale des battemens à la Chine, soient de la même longueur, de la même épaisseur, de la même matiere que ceux de Paris, il suffit que l'on trouve par deux tuyaux, quels qu'ils soient, un son qui fasse 100 vibrations par Seconde; ce son est toûjours le même, indépendamment des Instrumens qui le produisent, et toute sa nature consiste dans ce nombre déterminé de vibrations en une Seconde.

Quand Monsieur Sauveur communique toutes ces vûës à l'Academie, elle alla d'abord à s'assûrer de l'experience des Battemens, et nomma quelques Academiciens pour la voir. Monsieur Sauveur en rendit conte luy-même, et avoüa que pour cette fois elle n'avoit pas bien réüssi, car d'autres fois, et en presence des plus habiles Musuciens de Paris, elle avoit paru trés juste et trés précise. La difficulté de la recommencer, l'appareil qu'il faut pour cela, d'autres occupations plus pressantes de Monsieur Sauveur, et même d'autres recherches d'Acoustique, où il a été obligé de s'engager par la liaison qu'elles avoient avec le Son fixe, ont été cause qu'on en est demeuré là, mais on sçait qu'en fait d'experiences il ne faut pas se décourager aisément, et qu'elles ont, pour ainsi dire, leurs caprices que l'on surmonte avec le temps. En attendant que l'Academie reprenne [-140-] celle-là, on la propose icy aux Musiciens comme une experience qu'ils devroient verifier, et à tous les autres, du moins comme une vûë.

Et pour mieux faire voir combien elle merite d'être suivie, on mettra icy quelques consequences que l'on tireroit du Son fixe une fois étably, soit par rapport à la Theorie de la Musique, soit par rapport à la Physique generale.

Monsieur Sauveur a trouvé par ses experiences qu'un tuyau d'Orgue d'environ 5 piés ouverts rendoit le Son fixe, et d'ailleurs qu'un tuyau de 40 pieds rend le Son le plus grave qui puisse être disgtingué. Ce tuyau de 40 pieds étant 8 fois plus long que celuy de 5, fait 8 fois moins de vibrations en une Seconde, et comme celuy de 5, selon l'hypothese du Son fixe, en fait 100, il s'ensuit que le ton le plus grave que l'oreille puisse distinguer fait en une Seconde 12 1/2 vibrations.

De même si le tuyau le plus court dont on puisse distinguer le son, est d'un poulce moins une seiziéme partie, c'est-à-dire est au tuyau de 5 pieds, comme 1 à 64, le son le plus aigu fera en une Seconde 6400 vibrations.

On voit par là dans quelles bornes est renfermée la faculté qu'a l'Oreille de distinguer les tons, on voit quel est le point où cet Organe commence à être sensible à leur difference, et celuy où il cesse de l'être, et comme ce rapport de 12 1/2 à 6400 est à peu prés celuy de 1 à 512, on peut conclure que l'oreille est susceptible d'un ébranlement de sensation depuis un certain degré jusqu'à un autre qui est 512 fois au-dessus.

Ce qui vient d'être dit des tuyaux d'Orgue, se peut appliquer aux Cordes d'Instrumens, car des cordes peuvent être mises à l'unisson avec tels tuyaux que l'on voudra.

Les vibrations des cordes sont sensibles, et celles des tuyaux ne le sont pas. On peut, sur tout avec un Microscope, observer le chemin que fait une Corde pincée par le milieu, c'est-à-dire, l'étenduë de sa vibration. Si cette corde rend le Son fixe, ce chemin multiplié par 100, est tout l'espace que ce milieu de corde parcourt en une Seconde.

[-141-] Les premieres vibrations d'une Corde que l'on vient de pincer sont beaucoups plus grandes que les dernieres, mais elles sont toutes d'egale durée, et delà vient que le Son s'affoiblit toûjours du commencement jusqu'à la fin sans que le ton change. Il faut donc dans l'observation précedente tâcher d'avoir le chemin que fait le milieu de la corde dans ses premieres vibrations, lorsque le Son est le plus fort, et celuy qu'il fait dans les dernieres lorsqu'il est le plus foible. Monsieur Sauveur a trouvé que le milieu d'une corde qui rendoit le Son fixe, et qui avoit son diametre de 1/6 de ligne, faisoit dans ses dernieres vibrations sensibles 1/18 de ligne, et par consequent prés de 6 lignes en une Seconde, et dans les premieres vibrations 72 fois plus de chemin, c'est à dire 3 pieds par Seconde.

Les tons graves font dans un temps égal moins de vibrations que les tons aigus, mais ils les font plus grandes, et si, comme il est fort vraisemblable, cette grandeur des vibrations recompense précisément le deffant du nombre, toutes les cordes de 1/6 de ligne de diametre, à quelque ton qu'elles soient, font le même chemin en une Seconde, que celle qui rend le Son fixe.

La quantité de mouvement est le produit de la masse d'un corps par sa vîtesse. Les cordes que nous supposons icy de même diametre, et de longueurs differentes, puisqu'elles sont à differens tons, sont des Cilindres qui sont entre eux comme leurs hauteurs ou longueurs. Elles ont toutes la même vîtesse, puisqu'elles font le même chemin dans le même temps. Donc leurs quantités de mouvement sont comme leurs longueurs. Donc les cordes d'un ton grave ont plus de quantité de mouvement, et en impriment plus à l'Oreille, mais les coups qu'elles luy portent sont moins serrez, et, pour ainsi dire, moins appuyez les uns par les autres. C'est donc un ébranlement plus petit, mais plus vif, qui fait le ton aigu, c'en est un moins vif, mais plus grand, qui fait le ton grave, et les differentes combinaisons des degrés de grandeur et de vivacité de l'ébranlement font tous les tons. On peut s'imaginer une espece d'étenduë, [-142-] qui commence par le ton le plus grave, c'est-à-dire, par l'ébranlement qui a le plus de grandeur, et le moins de vivacité. De ce terme, la grandeur va toûjours en diminuant, et la vivacité en augmentant, jusqu'à ce qu'enfin la vivacité soit la plus grande, et la grandeur la plus petite qu'il soit possible. Au point du milieu, elles se trouvent dans l'égalité.

Par les experiences que Monsieur Sauveur a faites pour déterminer le Son fixe, il a remarqué que quand deux tuyaux faisoient un tel accord qu'ils ne battoient que 6 fois, c'est-à-dire que leurs vibrations ne se rencontroient que 6 fois en une Seconde, on distinguoit ces battemens avec assés de facilité. Donc dans tous les accords où les vibrations se rencontreront plus de 6 fois par Seconde, on ne sentira point de battemens, et on les sentira au contraire avec d'autant plus de facilité que les vibrations se rencontreront moins de 6 fois par seconde. Or par le Systême du Son fixe, il est trés-aisé de déterminer combien de fois se rencontrent en une Seconde les vibrations de tel accord qu'on voudra.

Par exemple, si une corde est à l'octave en enhaut de celle qui rend le Son fixe, elle fera 200 vibrations en une Seconde, tandis que l'autre en fera 100, et leurs vibrations se rencontreront 100 fois, ce qui est bien éloigné de ne se rencontrer que 6 fois. Si cette corde est à l'octave grave de celle du Son fixe, elle fera 50 vibrations par Seconde, et leurs vibrations se rencontreront 50 fois. Si elle est à la seconde octave grave, les vibrations se rencontreront 25 fois, et enfin il faudra qu'elle soit à la quatriéme octave grave, afin que les vibrations ne se rencontrent que 6 fois.

Il est donc impossible que l'on entende jamais des battemens dans une Octave, quelle qu'elle soit. Si elle est au-dessus du Son fixe, l'impossibilité est entiere et absoluë, si elle est au-dessous, il faudroit un Instrument qui allât à la quatriéme octave grave du Son sixe, c'est-à-dire, par exemple, un tuyau d'orgue de 80 pieds, puisqu'un tuyau de 5 rend le Son fixe. Or sans compter l'énorme grandeur de l'Instrument, [-145-] nous avons vû que l'oreille ne peut distinguer des tons plus bas que ceux d'un tuyau de 40 pieds. De même, si une corde de 3 pieds rend à peu prés le Son fixe, il en faudroit une de 48 pieds, ce qui est impraticable.

Les battemens ne plaisent pas à l'Oreille, à cause de l'inégalité du Son, et l'on peut croire avec beaucoup d'apparence que ce qui rend les Octaves si agréables, c'est qu'on n'y entend jamais de battemens.

En suivant cette idée, on trouve que les accords dont on ne peut entendre les battemens, sont justement ceux que les Musiciens traitent de Consonances, et que ceux dont les battemens se font sentir, sont les Dissonances, et que quand un accord est Dissonance dans une certaine octave, et Consonance dans une autre, c'est qu'il bat dans l'une, et qu'il ne bat pas dans l'autre. Aussi est-il traité de Consonance imparfaite. Il est fort aisé par les principes de Monsieur Sauveur qu'on a établis icy, de voir quels accords battent, et dans quelles Octaves au-dessus ou au-dessous du Son fixe. Si cette hypothese est vraye, elle découvrira la veritable source des Regles de la Composition, inconnuë jusqu'à present à la Philosophie, qui s'en remettoit presque entierement au jugement de l'Oreille. Ces sortes de jugemens naturels, quelque bisarres qu'ils paroissent quelquefois, ne le sont point, ils ont des causes trés-réelles, dont la conoissance, appartient à la Philosophie, pourveu qu'elle s'en puisse mettre en possession.


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