TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE
Data entry: David Schneider
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Fn and Ft: CAUSIN1 TEXT
Author: Caus, Salomon de
Title: Institution harmonique, Partie premiere
Source: Institvtion harmonique, Diuisée en deux parties, En la premiere sont monstrées les proportions des interualles harmoniques, Et en la deuxiesme les compositions dicelles (Frankfurt: Jan Norton, 1615; reprint ed., Genéve: Minkoff, 1980), i-vi, 1r-23v.
Graphics: CAUSIN1 01GF-CAUSIN1 15GF
[-f.p1-] [De Caus, Institution harmonique, f.p1; text: Coelo mvsa beat. INSTITVTION HARMONIQUE, Diuisée en deux parties, En la premiere sont monstrées les proportions des interualles harmoniques, Et en la deuxiesme les compositions dicelles. Par Salomon De Caus, Ingenieur et Architecte de son Altesse Palatine Electoralle. A Francfort en la boutique de Jan Norton. 1615, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8] [CAUSIN1 01GF]
[-f.p2-] A LA TRES-ILLUSTRE ET VERTVEVSE DAME,
ANNE
ROYNE DE LA GRANDE BRETAIGNE.
MAdame,
L'honneur et amour que vostre Maiesté porte à ceste diuine science de Musique, ma fait penser, que peut estre auriez aggreable de voir ce mien petit oeuure, ou sont demonstrees briefuement en la premiere partie, les proportions de toutes les consonnantes Musicalles, autant que l'humaine nature nous en peu donner congnoissance, car à dire vray puis que ladite science est recongneue estre divine, ce seroit trop de presomption à nous d'en penser limiter les iustes proportions, la Geometrie, Arithmetique et perspectiue, sont sciences certaines, ou les demonstrations sont tant euidentes, par la raison, comme aussi par le sens, qu'il ny peut auoir aucunes controuerses aux demonstrations faites par icelles, aussi se sont sciences inuentees par les hommes, pour leurs necessitez, mais ceste science de Musique ne vient d'aucune inuention humaine, car chacun sçait, que les consonnantes de ladite Musique, sont naturelles, et non de nostre inuention, mais bien nos predecesseurs ont cherché le moyen de trouuer les proportions d'icelles consonnantes, pour les assubiectir soubs nos nombres et mesures, ou ils ont aucunement bien rencontré, mais pas en telle sorte, qu'il ny aye tousiours eu du debat entre-eux. I'ay laissé, Madame, plusieurs opinions, et choses alleguees, tant par les Antiques, comme aussi par aucuns Modernes, touchant ceste science, comme choses plutost prolixes que necessaires, à la congnoissance d'icelle, en la Seconde partie, ie donne le moyen de mettre lesdites proportions en oeuure, science appellee vulgairement composition, laquelle est fort necessaire pour plusieurs Musiciens, lesquels desirent ataindre à la congnoissance de ladite composition: Et si Vostre Maiesté a aggreable ce mien petit labeur, cela me donnera courage de poursuiure, et mettre en lumiere vn traité (de la fabrique des Machines Hidrauliques) commencé soubs mon bon Maistre d'heureuse memoire, le Serenissime Prince de Galles, ou par lesdites machines, il se pourra representer, auec le cours de l'eau, vne parfaite harmonie.
De Heidelberg, le quinziesme iour de Septembre. 1614.
De Vostre Maiesté.
L'obeissant seruiteur
Salomon de Caus.
[-f.p3-] PROEME.
C'EST chose qui doibt estre ordinaire à celuy qui veut faire quelque oeuure, de regarder tousiours la fin pourquoy elle est faite, et l'vtilité qu'on ne peut tirer, à celle fin de le donner à entendre, et ne rien faire vainement, voyant doncques que la science de Musique a esté par le passé, et est encores honnoree de grands et Doctes personnages, il ma semblé bon, de mettre en lumiere ce petit traité, lequel i'ay divisé en deux parties, en la premiere lon y pourra apprendre l'admirable proportion qu'ont les consonnantes les vnes auec les autres, et en la deuziesme, le moyen qu'il faut vser pour les biens coloquer ensemble, et en faire vne bonne harmonie. Or pour venir à la louange que merite ceste science, il faudroit vn meilleur Orateur que moy, pour la louer autant comme elle merite, ie diray seulement qu'elle doibt estre colloquee au dessus de toutes les sciences humaines, pour raison de ses diuines proportions quand à l'vtilitê qu'on en peut tirer, ie mettray icy quelques exemples tirez premierement de la Sainte Escriture, puis apres de quelques Autheurs Grecs et Romains: Saul estant oint Roy, [Samuel premier, chapitre 10. in marg.] Samuel luy predit que quand il rencontreroit vne compagnie de Prophetes, aiant deuant eux vne harpe, vn psalterion, vn tabourin et fleute, que l'esprit de Dieu tomberoit sur luy, et qu'il prophetiseroit auec eux. Elisee ayant à prophetizer à la requeste de trois Rois, [Rois deuziesme liure Chapitre 3. in marg.] fit venir vn ioueur d'instrumens deuant luy, et incontinent qu'il leut ouy, l'esprit du Seigneur le saisit, et prophetiza: Le Roy Saul estant delaissé du Seigneur, le malin esprit le possedoit, et à la requeste de ses seruiteurs, on luy fit venir vn ioueur d'instruments, qui estoit le Bergier Dauid, lequel fut Roy du depuis, et quand le mauuais esprit estoit sur Saul, David iouoit de sa harpe, et Saul estoit guari, [Samuel premier, Chapitre 16. in marg.] le mesme David venant à estre Roy, composa les Pseaumes propres pour chanter, et iouer des instruments, soit en rendant action de grace, pour quelque benefice receu, ou pour reciter quelques louanges du Seigneur, ou soit pour prier ou demander misericorde de nos offences, en somme se sont diuines chansons propres pour tous fidelles Chrestiens, quand aux Histoires Grecques et Romaines, il se trouue beaucoup d'estranges choses advenues par le moyen de la Musique, Platon et Aristote [De legibus 3. 8. politia Chapitre 3. in marg.] ont laissé par escrit que l'homme desirant estre bien instruit à la vertu, doibt auoir la congnoissance de la Musique, Homere [Homere Odissea 3. in marg.] fait recit que la pudicité de Clitennestre femme du Roy Agamennon, fut conservee aussi long temps qu'vn certain Musicien Dorien, demeura auec elle, Ciceron et Valere le grand, recitent, que Graccus homme de grande eloquence, toutes les fois qu'il auoit à parler deuant le peuple, auoit vn Musicien à propos derriere luy, lequel avoit ordre de son maistre de sonner d'vne Flute certaines modes de chants, quand besoing seroit de faire esleuer sa voiis, ou la faire abbaisser, Valere et autres Autheurs, [Facta et Dicta Memorabilia, libro 2 Chapitre 1. in marg.] faisans mention des guerres des Spartes disent que quand ils alloyent au combat, premierement ils estoien incitez par le son des Piphres, et mesmement leur estoit enioint par les Lois de Licurgus, de ne combatre sans estre premierement eschauffez auec le son desdits Piphres, les Romains aussi [Tusculanae Disputationes liure 5.] en leurs guerres vsoyent de Trompettes, accompagnez de chants, pour eschauffer les Soldats, (comme [-f.p4-] recite Ciceron) lesquelles trompettes sont encores auiourd'huy en vsage parmi nos guerres, les tambours y sont aussi ioints, comme forts vtilles pour faire marcher les soldats en proportion, les mettre au combat les rappeller, en fin la Musique sert à faire esmouuoir nos passions suiuant nostre desir, à esleuer nos ames vers la Diuinité, mesmement à guerir aucunes maladies, et donner soulagement à d'autres, Pontus de Tiard Evesque de Chalons, [En ses discours Philosophiques solitaire second. in marg.] dit auoir veu en la Pouille partie d'Italie, plusieurs malades d'vne frenesie engendree par la douleur de la picqueure de pettts animaux comme des araignes, nommees phalanges ou tarantola, aucuns rient incessamment, autres pleurent, autres dorment, autres veillent, en fin chacun suiuant son naturel, ou par le naturel diuers du venin desdites tarantoles, à vne action diuerse, et ny autre remede à le guarir, sinon de faire venir quelques loueurs d'instruments deuant eux, au son desquels les malades se mettent à dancer, et perdent leur plus grande douleur, puis peu à peu reuiennent en leurs premiere conualescence, medecine fort estrange, et toutesfois veritable, par le rapport de plusieurs autres personnages digne de foy, qui voudroit raconter l'vtilité et le plaisir que nous aporte ceste science, sans s'arrester aux fables, qui ont estê racontees par les anciens, il faudroit vn bien gros volume, ce que nous laisserons pour le present, pour raconter l'Origine et progrez de ladite science.
[-f.p5-] TABLE DES CHOSES PLUS REMARQUABLES CONTENUES EN CESTE PREMIERE PARTIE.
A.
ARistoxene son opinion touchant la Musique. 1.
Anphion inuenteur du chant, auec la Cithre. 1.
Apotome maior ce que c'est. 5.
Apotome minor, ce que c'est. 5.b.
B.
Benedit Pape, enuiron son temps l'on trouua l'inuention de chanter en plusieurs vois. 1.b.
Boece son opinion, touchant l'invention des proportions harmoniques. 3.
Son opinion de la Lire de Mercure. 11.b.
C.
Claudin le Ieune n'a rien composé, selon le genre Chromatique. 20.b
Consonnante, ce que c'est. 3.
il ne s'en peut plus inuenter de nouuelles. 19.
Comma, ce que c'est. 5.
Constitution du Monochorde de Ptolomee. 6.
Consonnantes musicalles, contenues au nombre huitiesme. 11.
Calendrier reformé du temps du Iulius Cesar, et du temps du Pape Gregoire. 14
Chromatique genre de Musique comme les Grecs en ont usé. 19.b.
D.
Dissonnante, ce que cest. 3.b.
Diapason, ce que c'est. 3.b.
comme il est composé. 7.b.
Diapente ce que c'est. 3.b.
comme elle est composee. 7.b.
Diatessaron ce que c'est. 4.
comme elle composee. 7.b.
Diton ce que cest. 4.
comme il est composé. 8.
Demi ton maior ce que cest. 4.b.
Demi ton moyen, ce que cest. 5.
Demi ton minor, ce que cest. 5.
Diton, sa diuision en commas. 9.b.10.
Diuisions des tons en deux parties, necessaires en la Musique. 14.b.
Diapason, diuisé en deux esgualles parties. 16.b.
Diapente, diuisee en deux esgualles parties. 16.b.
Diton, diuisé eu deux esgualles parties. 17
Diapason diuisé en trois parties esgualles. 17.
Diapente, diuisee en trois parties esgualles. 17.b.
E.
Experience de l'Autheur, touchant les proportions de son institution. 18.
Enharmonique, genre de Musique, lequel n'est plus en usage. 21.
comme les antiques en ont usé. 21.
ne se peut chanter auec les vois. 22.b.
G.
Guidon Aretin, en quel temps il viuoit. 1.b.
Game, sa description et inuention. 7.
Grecs n'ont rien oublié a escrire des sciences qu'ils ont congneus. 21. ont usé de forts beaux termes en la science de Musique. 22.b. ont donné grand honneur aux inuenteurs des sciences. 22.b.
H.
Harmonie, ce que cest. 2.b.
Hexachorde maior, ce que cest. 4.b.
comme elle est composee. 7.
Hexachorde minor, ce que cest. 4.b.
comme elle est composee. 7.b.
Hexacorde maior, diuisé en esguales parties. 17.
Hexacorde minor diuisé en trois esgualles parties. 18.
Hierosme Cardan abusé au fait de la Musique chromatique. 19.b.
I.
Iuba inuenteur des instruments de Musique. 1.
Iean Pape defendit le chant de plusieurs varietez de vois. 1.b.
Interualle harmonique, ce que cest. 1.b.
Inuention des proportions harmoniques trouuees par Pitagoras.
Interualles de Musique, se peuuent encores augmenter. 19.
L.
Lire de Mercure. 11.b.
Louys Fueillant de Modene, son opinion, touchant les interualles du Monochorde. 12.b.
l'Autheur s'excuse de ce qu'il a esté contraint de parler contre les genres de musique Chromatique et Enharmonique. 23.
Lucas Maxenzio n'a rien composé, selon l'ancienne chromatique.
[-f.p6-] M.
Musique ce que cest. 2.b.
Macrobe, son opinion touchant l'inuention des proportions harmoniques. 3.
Monochorde de Ptolomee. 6.
Mouuemens celestes, ne sont compris de nous iustement. 14.
Monochorde complet, auec toutes les feintes requises en la Musique. 15.
N.
Noms Grecs des interualles du Monochorde, et leurs signification en François. 7.
O.
Olympe inuenteur du genre Enharmonique. 21.
retrancha le trop grand nombre des cordes qui estoyent en usage de son temps. 21.
P.
Pitagoras inuenteur du Monochorde. 1.
Proportion, ce que cest. 2.b.
Point de geometrie comparé au son. 3.
Pitagoras trouue la proportion des consonnantes. 3.
Pherecrates Poëte Comique a escrit contre ceux qui gastoyent la bonne Musique. 21.
Poetes Antiques ont raconté beaucoup de fables touchant la Musique. 22.b.
Pontus de Tiard a estimé que la Musique Chromatique estoit quelque bonne musique.
S.
Son ce que cest. 3.
Semi diton, ce que cest. 4.
comme il est composé. 8.
Semi ton maior interualle naturelle. 15.
Semi ton minor interualle artificielle. 16.b.
Semi diton diuisé en trois esgualles parties. 17.b.
T.
Ton maior, ce que cest. 4.b.
comme il est composé. 8.
Ton minor, ce que cest. 4.b
comme il est composé. 8.b.
Ton maior est interualle naturelle. 15.b.
Ton minor, interualle artificielle. 15.b.
Terpander retrancha le trop grand nombre de cordes qui estoyent en usage de son temps. 21.
Timothee inuentuer du genre Chromatique. 19.b.
banni de la ville de Sparte. 19.b.
V.
Vitruue, son opinion touchant le son. 3.
Vnité en l'Arithmetique comparé au son. 3.
Vnison, ce que cest. 3.b.
Voix naturelles, ont leurs intervalles certaines, et ne s'accordent du tout auec nos proportions. 13.
Z.
Zarlin, son opinion touchant les consonnantes. 11.
a congneu le defaut du monochorde regulier. 12.b.
a escript des proportions des genres de Musique chromatique, et Enharmonique en vain. 22.b.
a eu trop de respect, à beaucoup de choses de l'antiquité non usitees à present. 20.b
[-f.1r-] DE L'ORIGINE DE LA MVSIQVE, ET COMME ELLE A PRINS SON ACROISEMENT IUSQUES A NOSTRE TEMPS.
IL est dit en la Saincte escriture [Genese 4. Chapitre. in marg.] que Iuba fut inventeur des premiers instrumens de Musique, soit qu'il les inventa auec quelques proportions par luy trouuees, ou bien accidentallement et sans proportion, de cela n'auons ancune congnoissance, et est croyable que lesdits instruments n'estoyent pas en telle perfection comme ils ont esté augmentez du depuis, car il n'i a science aucune que puisse sauoir l'homme, ou il ny aye tousiours quelque chose a augmenter, pour la rendre plus parfaite, qui est vn point fort considerable à l'homme, pour ne se rendre orgueilleux de ce qu'il sait, veu que ce n'est rien de parfait, et à dire vray Dieu congnoissant nostre orgueil ne nous veut pas laisser iouir de la perfection des sciences, à celle fin que nous recongnoissions tousiours nostre ingnorance, toutefois nous disons plusieurs de nos ouurages estre parfaits, et ce d'autant que nous ingnorons iusques ou la perfection va. Ie dis ceci sur le subiet de ceste science de Musique laquelle comme est dit a esté iuventee vn peu apres la creation du monde, et tousiours a esté poursuiuie par d'excellens personnages iusques à present, et semble qu'elle soit en sa perfection, toutefois nous ne pouuons pas asseurer que ceux qui viendront apres nous, ne trouuent encores plusieurs choses par nous ingnorees, or pour retourner aux premiers inventeurs de ceste science, les Grecs en ont fournis leurs histoires de beaucoup de fables, Pitagoras fut le premier inventeur du monochorde (cest à dire seule corde,) qui est vn instrument non pour autre effect, sinon pour rechercher les proporsitions des intervalles harmoniques, nommé de Boece, [Musica. libro 5. Chapitre 2. in marg.] regle harmonique, et est vray semblable que ce fut le premier d'entre les Grecs, qui a voulu assubiectir les intervalles entre les sons graves et aigus, soubs certaines mesures de nombres, car de luy vint vne sorte de Musiciens nommez canoniques ou reguliers, lesquels asseuroient que les consonnantes et intervalles tiroyent leurs origine des nombres, et refusoient le sens de louye pour iuge desdites consonantes et intervalles, disans que cest vn sentiment doubteux et non asseuré, et quelque temps apres vint Aristoxene, lequel au contraire vouloit que l'ouye fut l'arbitre desdites consonnantes, sans se soucïer autrement des nombres ny mesures, et de cestuy-cy sourdit vne autre sorte de Musiciens nommez harmoniques, apres vint Ptolomee qui viuoit cent cinquante ans apres la Redemption de nostre Seigneur, lequel disoit bien qu'entre les sons graves et aigus, il y eut quelques intervalles accordantes auec les nombres et mesures, si est-ce qu'il faloit que le iugement de louye fut satisfait, et reforma quelques intervalles (comme il se pourra voir par cy apres) à celle fin que louye fut mieux satisfaite, laquelle reformation a esté approuuee de beaucoup d'excellents Musiciens, lesquels sont venus du depuis, et entre autres de Zarlin moderne autheur, lequel a traité doctement de ceste science, quand à l'invention de chanter avec la voix il est certain quelle a precedé l'invention des instruments, d'autant que lesdits instruments ne sont qu'imitateurs de la voix, Plutarque dit que Heraclides [Heraclides en son traité de Musique. in marg.] au recueil qu'il a fait des hommes excellens en la Musique recite qu'Anphion fut le premier qui accompagna le ieu de la Cithre avec la voix, ledit Plutarque recite encores de plusieurs inventeurs tant de divers instruments, comme de divers chants, ce qui seroit trop long à raconter, [-f.1v-] mais pour venir au chant composé de diuerses voix, duquel nous vsons à present ie n'ay point encores leu Autheur digne de foy, qui die que les antiques Grecs ou Latins en ayent vsé, ce qui sera demonstré par cy apres, ie croy que la premiere invention de composer lesdites voix pour les chanter ensemble, a estè du temps ou vn peu auparavant du Pape Benedit, qui viuoit lan de nostre Salut 1018. et ce fut lors que Guidon Aretin trouua le moyen de chanter plus facillement que lon ne faisoit auparauant, par le moyen de leschelle vulgairement nommee game, et de ce temps commença lon a user de varieté de consonnantes qui s'augmenterent fort, iusques au temps du Pape Iean vingt et deuziesme, qui viuoit l'an de nostre salut 1316. Ce qui se peut voir par vn decret qu'il fit contre ceux qui chantoient aux Eglises auec grandes varietez de voix, bien permit-il, que dessus le chant Ecclesiastique lon useroit quelque fois de diapason, de diapente ou diatessaron, à celle fin d'aporter quelque meilleure harmonie audit chant, mais ie croy que ce decret ne fut pas long temps obserué, d'autant qu'il se trouue encores de present des compositions de plusieurs voix, faites passees 156. ans, et depuis encores, l'on si est tellement exercé, qu'il semble que la Musique est en son periode, par le grand nombre d'excellens compositeurs qui se trouuent maintenant.
[-f.2r-] D'AVTANT QVE LA PLVSPART DES TERMES VSItez en la musique, sont tirez des Grecs où Latins, ie mettray icy aucuns d'iceux, auec leurs explication en François, pour n'aporter aucune obscurité à ceux qui sont encores ingnorans desdits termes.
[De Caus, Institution harmonique, f.2r; text: ICY SONT LES NOMS des consonnantes et intervalles vsitees par les Grecs, et Latins. Diapason, Diapente, Diatessaron, Diton, Semi diton, Hexacorde maior, Hexachorde minor, Ton maior, Ton minor, Semi ton maior, Semi ton minor, Apotome, Diesis, Comma, ICY SONT LES NOMS en François desdites consonnantes et intervalles. huitiesme, cinquiesme, quatriesme, troisiesme parfaite, troisiesme imparfaite, siziesme parfaite, siziesme imparfaite, ton parfait, ton imparfait, demi ton parfait, demi ton imparfait, est vne interualle entendue pour vne partie taillee d'vn demi ton maior, les antiques ont nommé, le demi ton imparfait. est vne interualle entendue pour vn demi ton imparfait. est vne petite interualle par laquelle vn demi ton parfait surpasse l'imparfait, ou le ton parfait, surpasse l'imparfait. ICY SONT AVCVNS NOMS Latins des proportions usitees en ce liure, aux interualles de la Musique. Sesquialtera, Sesquitertia, Sesquiquarta, Sesquiquinta, Sesqui octaua, Sesqui nona, Sesqui quintodecimo, Sesquiuentesimoquarto, Sesquiottantesimo, Superbipartiens tertia, Supertripartiens quinta, Super3. partiente 125. ICY SONT LES SIGNIfications desdits noms en François. comme de 2. à 3. comme de 3. à 4. comme de 4. à 5. comme de 5. à 6. comme de 8. à 9. comme de 9. à 10. comme de 15. à 16. comme de 24. à 25. comme de 80. à 81. surpassant 3. de 2. ou comme de 3. à 5. surpassant 5. de 3. ou comme de 5. à 8. surpassant 125. de 3. ou comme de 125. à 128. ICY SONT AVCVNS NOMS Grecs usitez en ce livre. Monochorde, Sisteme, Polichorde, ICY SONT LES INTERPREtations desdits noms francois, instrument auec vne seule corde. est vn amas et assemblee d'interualles harmonique. est tout instrument de plusieurs cordes.] [CAUSIN1 02GF]
[-f.2v-] ENSUIT LES DEFINITIONS NECESSAIRES DE SAVOIR, POUR L'INTELLIGENCE DE LA MUSIQUE.
DEFINITION PREMIERE.
Musique, est vne science, par laquelle se fait vne disposition de sons graues, et aigus, proportionnables entreux, et separez par iustes interualles, dont le sens, et la raison sont satisfaits.
CE mot de Musique a esté autrefois entendu par Pitagoras et Platon l'vniuerselle science du monde, et de ses parties, et peut estre ce mot tiré des Muses, ou bien les Muses de luy, et quelque temps depuis lesdits Philosophes, elle fut seulement diuisee en trois parties, dont la premiere, estoit la congnoissance des proportions entre les sons graues et aigus, la deusiesme, de les sauoir bien composer ensemble, pour rendre vn chant delectable, soit auec la voix, ou auec les instruments artificiels, et la troisiesme, estoit de sauoir chanter ladite composition ou la iouer sur lesdits instruments, mais à present le mot de Musicien ne s'estend si loing, car nous le donnons à vn Chantre ou ioueur d'instruments, que lon nommoit autrefois menestrier.
DEFINITION DEUZIESME.
Harmonie, s'entend pour vne certaine composition de plusieurs corps, ou soubs differens, acordees, les vns auec les autres auec vne certaine proportion.
COmme par exemple, qui diroit que les Cieux mouuent auec harmonie, c'est à dire, auec mouuements reiglez et accordez les vns auec les autres, aussi plusieurs sons diferens, estans ioints ensemble par bonnes consonnantes, cela se pourra dire harmonie.
DEFINITION TROISIEME.
Proportion, est vne similitude de raisons, laquelle ne peut estre constituee sur moins de trois quantitez.
PRoportion, se pourroit aussi dire vne comparaison de plusieurs choses ensemble, comme si lon disoit vn homme bien proportionné, cela se doit entendre, quand la teste, les bras, et les iambes sont comparez auec le corps, auec bonne simmetrie, comme a esté fort bien demonstré par Albert Durer, [Albert Durer en sa simmetrie du corps humain. in marg.] et quand aux nombres proportionnez, ils sont dits ainsi, quand ils s'accordent ensemble par vne mesme interualle, comme par exemple, 4. 6. 9. il y a telle interualle de 4. à 6. comme de 6. à 9. ainsi ces deux interualles qui font trois nombres, sont en mesme proportion, ou autrement quand il est dit, que le ton maior a son interualle comme de 8. à 9. si nous disons aussi de 16. à 18. ou de 15360. à 17280. se seront les mesmes proportions, d'autant que les interualles de 16. à 18. ou de 15360. à 17280. sont semblables à celle de 8. à 9. quand aux quantitez dont est composé vne proportion, ils ne peuuent estre moins que de 3. d'autant que deux quantitez ne font qu'vn interualle, et pour former vne similitude ou comparaison de quelque chose a vne autre, il y faut oposer vne autre, ou plusieurs.
DEFINITION QUATRIESME.
Intervalle harmonique, est la distance d'vn son graue à vn aigu.
COmme si l'on tend vne corde de Lut ou d'Espinette, sur vn instrument, et puis qu'on la sonne deux sons, sauoir la corde en son entier, puis vne partie d'icelle, alors le son qui a esté touché en son entier, se nomme graue, et l'autre aigu, et la distance du point qui a arresté la partie de la corde, iusques au bout de ladite corde, se nomme interualle, comme par exemple, [-f.3r-] soit vne corde longue d'vn pied diuisé en neuf parties esgualles, si lon sonne ladite corde entiere, puis en oster vne desdites parties par le moyen d'vn cheuallet (comme sera enseigné icy apres) et sonner les huit parties, lon aura vne interualle sesquioctaua, cest à dire, comme de 8. a 9.
DEFINITION CINQUIESME.
Son, est vn certain bruit, qui s'engendre, soit de la voix, ou de quelque frappement d'air, contre quelque matiere, ou par l'attouchement de quelque matiere, et à vne certaine estendue.
LE son se fait en diuerses manieres, soit auec la voix ou quand vn air est poussé entre quelque fente, ou trou, comme aux tuyaux d'Orgues regalles ou autres instruments à vent, ou bien par l'atouchement de quelque matiere comme de cordes de Lut, d'Espinette ou autre matiere que ce soit, faisant bruit, ainsi l'air estant esmeu par le son, ceste motion (comme dit Vitruue [Liure 5. Chapitre 3. in marg.] et plusieurs autres bons autheurs depuis luy,) se forme en figure Sferique, et tout ainsi comme lon iette vne pierre dans leau d'vn lac, il se fait vne motion de plusieurs cercles, s'eslargissans iusques à ce que la motion n'a plus de force, aussi l'air estant esmeu du son, il se fait vne motion en figure Spherique, s'eslargissant autant comme le son a de force, et la preuue de cecy se peut ouir iournellement, quand il se fait quelque Musique de voix ou d'instruments dans vne chambre close, car elle est beaucoup plus forte, que si ladite Musique se faisoit en plaine rue, ou en campaigne, ou la voix se perd en l'air, et au contraire elle est reserree dans vne chambre close, quand à lestendue du son, cest la continuation qu'il fait, sans baisser n'y hauser la voix, et a esté ledit son accomparé (par plusieurs bons autheurs) au point de la Geometrie et à l'vnité de l'Arithmetique, car le point de la Geometrie n'a aucune grandeur en soy, et l'vnité de l'Arithmetique n'a aucunes parties, aussi le son en la Musique n'a aucune interualle, proportion, ny consonnance.
DEFINITION SIXIESME.
Consonnante est dite ainsi, quand deux diferens sons, sauoir l'vn graue, et lautre aigu, se meslent en l'air par quelque bonne proportion ensemble, et raportent à l'ouye vne douce confusion l'vn auec lautre.
CEluy qui a essayé premierement à donner quelques proportions aux interualles, entre les sons graues et aigus, fut (comme dit Macrobe, et apres luy Boece.) [Somnio libro 2. Chapitre 1. Boece libro 1. Chapitre 10. in marg.] Pitagoras lequel passant par vne rue, ou il y auoit vne boutique de forgerons qui trauailloyent auec leurs marteaux, trouua que lesdits marteaux donnoient en frapant chacun vn son diferent suivant leur pesanteur, de la trouua les proportions des consonnantes, par le pois desdits marteaux, et apres rechercha (comme dit le mesme Boece) sur vn instrument d'vne corde, (nommé des Grecs monochorde) les interualles qui estoyent entre les consonnantes, et trouua que lesdites consonnantes estoyent formees d'interualles proportionnees ensemble, comme sera enseigné par cy apres, et quand à la douce confusion que la consonnante fait, nous en voyons lexperience, en accordant des Orgues, car quand vne octaue ou vne quinte n'est en son interualle parfait, il se fait vn tremblement discordant, qui ofence louye, mais quand vne consonnante à sa iuste interualle, alors il semble que ce ne soit qu'vn son, doux et agreable à l'ouye, quand au nombre des consonnantes, il y en à sept principalles, sauoir diapason, diapente, diatessaron, diton, semy diton, hexacorde maior, hexacorde minor, les autres qui sont au dessus desdits sept principalles, comme disdiapon, diapason, diapente, diapason diatessaron, et ainsi des autres auront leurs proportions doubles ausdites sept principalles, comme sera monstré par cy apres.
[-f.3v-] DEFINITION SEPTIESME.
Dissonante est ainsi dite, quand deux sons differens ne se peuvent mesler ensemble.
TOutes les interualles qui n'ont conuenable proportion, se disent disonnantes, aussi elles ne se peuuent mesler par l'air ensemble, ains chascun son, demeure en son entier, qui cause comme est dit en la precedente, vn tremblement discordant.
DEFINITION HUITIESME.
Vnison (appellé des Grecs isotonos,) est composé de deux ou plusieurs sons semblables.
LUnison ne peut estre dit harmonie, d'autant que aux choses semblables, il n'y a nulle interualle ny proportion, et Harmonie est comme a esté dit composee de proportions differentes.
DEFINITION NEUVIESME.
Diapason, est vne consonnante la plus parfaite, ayant son interualle, du son graue à laigu, double.
CEste consonnante est dite de nous huitiesme, [Definition 6. in marg.] et à celle fin de donner plus claire intelligence à ceste interualle et aux suiuantes, ie representeray icy l'ancien monochorde, sur lequel (comme a esté dit) les interualles ont esté trouuees, soit donques vn instrument marqué A. B. sur lequel lon estendra vne corde entre deux cheualets, qui sont aux deux bouts de l'instrument, lon aura aussi vn cheuallet glissant marqué C. apres lon diuisera ladite corde en trois parties esgualles, et lon mettra ledit cheuallet C. soubs une desdites parties, ainsi ladite corde aura deux parties d'vn costé, et vne partie de l'autre, et sonnant la partie A. C. contre C. B. lon aura la consonnante dite diapason ayant du son graue à laigu vne interualle double.
[De Caus, Institution harmonique, f.3v,1; text: 1, 2, 3, A, B, C] [CAUSIN1 03GF]
DEFINITION DIXIESME.
La seconde consonnante est dite des Grecs Diapente ayant son intervalle comme de 2. à 3.
POur trouuer ceste proportion, il faut diuiser la corde en cinq parties esgualles, puis mettre le cheuallet sous la deuziesme partie au point D. laissant deux parties d'vn costé, et trois de l'autre, et ainsi sonnant les deux cordes A. D. et B. D. lon aura l'interualle de la consonnante diapente, dite de nous quinte, ayant sa proportion sesquialtera ou de 2. à 3.
[De Caus, Institution harmonique, f.3v,2; text: 1, 2, 3, 4, 5, A, B, D] [CAUSIN1 03GF]
[-f.4r-] DEFINITION ONZIESME.
La tierce consonnante est dite des Grecs Diatessaron ayant son interualle comme de 3. à 4.
DIvisant la corde en sept parties esgualles, et mettant le cheuallet sous le point E. laissant trois parties d'vn costé et quatre de lautre, en sonnant la partie A. E. contre B. E. lon aura la consonnante dite diatessaron, ou quarte, ayant sa proportion sesquiterzia, c'est à dire de 3. à 4.
[De Caus, Institution harmonique, f.4r,1; text: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, A, B, E] [CAUSIN1 03GF]
DEFINITION DOUZIESME.
La quatriesme consonnante est dite des Grecs diton ayant son interualle comme de 4. à 5.
SY lon diuise la corde en neuf parites esgualles et mettant le cheuallet soubs le point F. laissant quatre parties d'vn costé, et cinq de lautre, et sonnant la partie où corde A. F. contre B. F. lon aura la consonnante dite diton, et de nous tierce maior, ayant sa proportion sesquiquarta, cest à dire 4. à 5.
[De Caus, Institution harmonique, f.4r,2; text: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, A, B, F] [CAUSIN1 03GF]
DEFINITION TREZIESME.
LA cinquiesme consonante dite des Grecs semy diton, à son interualle comme de 5. à 6.
DIvisant la corde en onze parties, si lon met le cheuallet soubs le point G. laissant cinq parties d'vn costé, et six de lautre, et sonnant les deux parties de corde. A. G. et B. G. lon aura la consonnante dite semy diton, ou tierce minor ayant sa proportion sesquiquinta, cest à dire de 5. à 6.
[De Caus, Institution harmonique, f.4r,3; text: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, A, B, G] [CAUSIN1 03GF]
DEFINITION QUATORZIESME.
La sisiesme consonante dite des Grecs Hexachorde maior, a son intervalle comme de 3. à 5.
DIvisant la corde en huit parties, si lon met le cheuallet soubs le point H. laissant trois d'vn costé, et cinq de lautre, et sonnant les deux parties de corde A. H. et B. H. lon [-f.4v-] aura la consonnante dite Hexacorde maior, dite de nous siste maior, ayant sa proportion superbipartiente terza, c'est à dire supassant 3. de 2. ou comme de 3. à 5.
[De Caus, Institution harmonique, f.4v,1; text: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, A, B, H] [CAUSIN1 03GF]
DEFINITION QUINZIESME.
La septiesme et derniere consonnante dite des Grecs Hexachorde minor, a son intervalle comme de 5. à 8.
DIvisant la corde en treze parties, si lon met le cheuallet soubs le point I. laissant cinq d'vn costé, et huit de lautre, et sonnant les deux parties de corde A. I. et B. I. lon aura la consonnante dite Hexachorde minor, dite de nous siste minor, ayant sa proportion supertripartiente quinta, cest à dire surpassante 5. de 3. ou comme de 5. à 8.
[De Caus, Institution harmonique, f.4v,2; text: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, A, B, I] [CAUSIN1 03GF]
DEFINITION SEZIESME.
Le ton maior a son interualle, comme de 8. à 9.
DIvisant la corde en dix-sept parties, et mettant le cheuallet soubs le point L. laissant huit parties d'vn costé, et neuf de lautre, et si lon sonne la partie A. L. puis B. L. lon aura linterualle et proportion du ton maior dit sesquioctaua.
[De Caus, Institution harmonique, f.4v,3; text: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, A, B, L] [CAUSIN1 03GF]
DEFINITION DIX-SEPTIESME.
Le ton minor a son interualle comme de 9. à 10.
DIvisant la corde en dix-neuf parties, et mettant le cheuallet soubs le point M. laissant neuf parties d'vn costé, et dix de lautre, puis si lon sonne la partie A. M. contre B. N. lon aura l'interualle et proportion du ton minor, dit sesquinona.
[De Caus, Institution harmonique, f.4v,4; text: 1, 15, 16, 31, A, B, M] [CAUSIN1 03GF]
DEFINITION DIX-HUITIESME.
Le demi ton maior a son interualle comme de 15. à 16.
DIvisant la corde en 31. partie en laissant quinze d'vn costé, et seize de l'autre l'on aura la proportion susdite.
[-f.5r-] DEFINITION XIX.
Le demi ton moyen a son interualle, comme de 128. à 135.
LE demi ton moyen est ce qui reste, quand d'vn ton mayor lon oste vn demy ton maior, comme par exemple, le ton maior comme a esté dit à la dix-septiesme definition, a sa proportion comme de 8. à 9. qui est aussi commode 7680, à 8640. aussi le semi ton moyen, au dessus de 7640. aura sa proportion de 8100. qui est autant, comme de 15. à 16. ainsi le reste dudit ton estant comme de 7680. à 8100. c'est autant comme de 128. à 135. car diuisant les deux nombres sauoir 7680. et aussi 8100. chascun par 60. le produit sera de l'vn 128. et de lautre 135.
[De Caus, Institution harmonique, f.5r,1; text: 128, 135] [CAUSIN1 03GF]
DEFINITION XX.
Le demi ton minor a son intervalle de 24. à 25.
C'Est autre demi ton est plus petit que le precedent, d'autant que cestuy-cy est ce qui reste quand l'on diuise le ton minor en deux parties, et que l'vne desdites parties aye la proportion de 15. à 16. Il est certain que le reste aura la proportion, comme de 24. à 25. comme il se peut voir en l'onziesme proposition de ce liure, car le ton minor estant parti en deux demis tons sauoir vn maior de 15. à 16. l'autre restera ayant sa proportion, comme de 24. à 25.
[De Caus, Institution harmonique, f.5r,2; text: 24, 25] [CAUSIN1 03GF]
DEFINITION XXI.
Le comma est vn petit intervalle, laquelle est entre le ton maior et le ton minor, lequel a sa proportion comme de 80. à 81.
SI lon divise la corde en 161. partie, et mettant 80. d'vn costé, et 81. de l'autre l'on aura ceste interualle.
[De Caus, Institution harmonique, f.5r,3; text: 80, 81] [CAUSIN1 03GF]
DEFINITION XXII.
Apotome maior est vn petit intervalle, lequel est entre le demi ton maior, et le demi ton minor, ayant sa proportion super 3. partiente 125.
CE nom d'Apotome a esté autrefois donné par les antiques au demy ton maior, mais alors ledit demi ton maior n'estoit en vsage, ains ils se seruoyent du demi [-f.5v-] ton minor, ce mot veut dire taillement, tellement que nous auons donné ce nom à l'interualle, qui est entre le demi ton moyen et le minor, laquelle a sa proportion, super tertia partiente 125. c'est à dire comme de 125. à 128.
[De Caus, Institution harmonique, f.5v,1; text: 125, 128] [CAUSIN1 03GF]
DEFINITION XXIII.
Apotome minor est vne fort petite intervalle, laquelle est entre le demy ton maior, et le demy ton moyen, ayant son interualle super 23. partiente 2025.
C'Est intervalle est celle qui est entre le demi ton maior, et le moyen ayant sa proportion super 23. partiente. 2025. ou comme de 2025 à 2048. ainsi si la corde est diuisee en 4073. mettant 2025. d'vn costé et 2048. de l'autre, et sonnant, les deux costez lon aura c'est interualle.
[De Caus, Institution harmonique, f.5v,2; text: 2025, 2048] [CAUSIN1 03GF]
[-f.8r <recte f.6r>-] PROPOSITION PREMIERE.
Comme il faut descrire toutes les interualles susdites dessus le monocorde, ayant leurs propositions les vnes des autres, selon la construction de Ptolomee.
SOit ledit Monochorde marqué M. N. et les deux cheuallets sur lesquels sera posee la corde, seront marquees A. H. et pour trouuer la premiere consonnante diapason, lon diuisera ladite corde ou interualle entre A. H. en deux parties esgalles au point A. puis lon tirera vne ligne sur ledit instrument paralelle aux cheuallets H. A. et ainsi, si lon sonne l'vne des parties A. H. contre toute la corde A. H. lon aura linterualle du diapason, et ainsi toute la corde entiere sera marquee 17280. comme si elle estoit diuisee en autant de parties, et ce grand nombre est à celle fin de trouuer plus facillement les autres interualles, sans auoir aucuns nombres rompus, et ainsi la moitié dudit nombre est 8640. qui sera descrit ioingnant la ligne A. apres faut diuiser ladite corde (entre les cheualets A. H.) en trois parties esgualles, et vne desdites parties sera A. E. puis faudra tirer la lingne E. paralelle aux autres, et diuiser le nombre 17280. en trois parties esgualles, et deux desdites parties sera 11520. qui faudra descrire ioingnant la lingne E. et ainsi si lon sonne la partie de la corde E. H. contre toute ladite corde lon aura la consonnante diapente, ayant son interualle sesqui altera, cest à dire de deux à trois, apres faudra diuiser la partie de la corde entre E. et H. en neuf parties esgualles, et aiouster vne desdites parties au bas de E. sauoir au point D. et aussi faut diuiser le nombre 11520. en neuf esgualles parties, et aiouster vne desdites parties audit nombre, le produit sera 12800. lequel produit faudra ioindre à la lingne D. alors lon aura l'interualle du ton minor entre D. et E. ayant sa proportion sesquinona, c'est à dire de 9. a 10. apres faut diuiser toute la corde, en six parties esgualles, dont cinq desdites parties seront marquees H. C. et aussi le nombre 17280. sera diuisé en six parties esgualles dont cinq desdites parties seront 14400. lequel nombre faudra poser ioingnant ladite ligne C. et ainsi sonnant toute la corde H. A. contre la partie H. C. lon aura la consonnante dicte semy diton, ayant son interualle sesquiquinta, c'est à dire comme de 5. à 6. apres lon diuisera toute la corde en huit parties esgualles, et cinq desdites parties seront entre les points F. H. et les trois autres parties seront entre les points F. A. et aussi faudra diuiser le nombre 17280. en parties esgualles, et mettant cinq desdites parties ensemble, produiront le nombre 10800 lequel faudra mettre ioingnant la ligne F. et ainsi mettant le cheuallet soubs ladite ligne F. et sonnant la corde entiere contre la partie F. H. lon aura la consonnante dite des Grecs Hexacorde minor, cest a dire Siste minor, ayant son interualle supertripartiente quinta, cest a dire surpassante 5. de 3. ou comme de 5. a 8. apres faudra diuiser toute la corde en neuf parties esgualles, et huit desdites parties seront mises entre les points H. [sqb]. aussi le nombre 17280. sera diuisé en neuf parties esgualles et huit d'icelles parties seront mises ensembles audit point [sqb]. et ainsi l'interualle A. [sqb] sera celle qui est requise au ton maior laquelle est sesquioctaua, cest a dire comme de 8. à 9. ainsi il ne reste plus que la note G. entre F. et A. que le premier diapason ne soit accompli de toutes ses notes, et pour mettre ladite note en sa proportion, lon diuisera la corde depuis F. iusques à H. en neuf parties esgualles, et huit d icelles parties seront mises audit point G. et aussi lon diuisera le nombre 10800. et neuf parties esgualles, et puis lon mettra huit d'icelles parties ensemble, qui feront 9600. lequel nombre sera posé ioingnant la lingne G. ainsi lon aura toutes les diuisions du diapason proportionnees les vnes auec les autres, chascun en sa proportion, tant par mesures de lignes, comme de nombres, selon que Ptolomee en a fait la reformation, car auant son temps, il n'y auoit aux Monochordes qu'vne sorte de ton, lequel auoit son interualle, sequioctaua, comme il se pourra voir par cy apres.
[-f.6v-] [De Caus, Institution harmonique, f.6v; text: MONOCORDE, OV SONT CONTENVes aucunes intervalles harmoniques, suivant la constitution de Ptolomee. Messe. Lichanos meson. Parhipate, Hipate, hipaton. Proslambanomenos. 1. diuition. 2, 3, 4, 5, 6, 7, ton minor, maior, semiton, A, [sqb], C, D, E, F, G, a, H, M, 8640, 9600, 10800, 11520, 12800, 14400, 15360, 17280] [CAUSIN1 04GF]
[-f.7r-] PROPOSITION II.
La signification des noms Grecs compris au Monocorde, et comme ils ont esté changez en vne maniere plus facille pour le chant.
ICy est representee vne table, ou sont tous les noms des notes du monocorde, comme les Grecs les ont appellez, ausquels i'ay donné leur signification en François, et quand au changement qui a esté fait desdits noms en nostre Game vulgaire, ça esté (comme tesmoigne Franchini Gaffori, Zarlin, et plusieurs autres) par vn Guido Aretin, lequel viuoit au temps du Pape Benedetto VIII. en l'an de grace 1018. et auant ledit temps, les enfans aprenoyent a entonner les nottes par vne des voielles, comme par exemple, au lieu que nous disons à present en chantant, ut. re. my. fa. ils disoyent a. a. a. a. où e. e. e. e. ce qui estoit fort dificille a apprendre, à cause de l'interualle de my. au fa. qui n'est qu'vn demi ton lequel conuenoit estre representé, par vne semblable voielle que les autres, donques voyant ledit Aretin la difficulté, prit six silabes, ut. re. my. fa. sol. la, d'vn vers du cantique de Saint Iehan Baptiste, VT. queant laxis RESonare fibris Mira gestorum FAmuli tuorum, SOlve polluti LAbii reatum Sancte Johannes, et ainsi rendit vne grande facilité au chant des interualles, ladite table ou eschelle, se commence par [Gamma]. ut, qui signifie Gamma ut, d'ou ladite eschelle elle a retenu son nom de la lettre [Gamma]. qui est le Gamma des Grecs, et de nous dit G. ledit commencement est vn ton minor plus bas que prolanbanomenos, et au dessus de nette Hiperboleon, lon a aiousté encores cinq notes tellement que toutes les notes de la Gamme se montent à vingt-deux lesquelles font 21. interualle.
[De Caus, Institution harmonique, f.7r; text: Nette hiperboleon, Paranette, Tritte, diereugmenon, Trite, Paramese, sinemenon, Messe, Lichanos meson, Parhipate, Hipate, hipaton, Proslambanomenos, La plus excellente. Prochaine des excellentes. Tierce des excellentes. La plus haute des desiointes. Prochaine de la haute des desiointes. Troisiesme des desiointes. Presque moyenne. Troisiesme coniointe. Moyenne. Monstre des moyennes. La prochaine de la moyenne. Principale des moyennes. Monstre des principalles. Prochaine de la principale des Principales. Principale des principales. Aquise, ou adioustee. 228, 320, 360, 384, 405, 432, 480, 540, 576, 640, 720, 768, 810, 864, 960, 1080, 1152, 1280, 1440, 1536, 1728, 1920, ee, dd, cc, [sqb][sqb], bb, aa, g, f, e, d, c, [sqb], b, a, G, F, E, D, C, [sqb], A, [Gamma], ut, re, my, fa, sol, la, tonus. semy tonus.] [CAUSIN1 05GF]
[-f.7v-] PROPOSITION III.
Le Diapason est composé de deux sons diuers, sauoir l'vn graue et l'autre aigu, lesquels sons, sont entre sept interualles, sauoir trois tons maiors, deux minors, et deux demi tons maiors.
TOutes les diuisions suiuantes, se pourront voir en la precedente eschelle de la gamme, ou bien au monochorde representé en la premiere proposition, les trois tons maiors de ceste proposition sont, le premier entre A. et [sqb], le second entre C. et D. le troisiesme entre F. et G. et les deux tons minors sont, le premier entre D. et E. et le second, entre G et A. et les deux demis tons maiors sont, le premier entre [sqb] et C. et le second entre E. et F.
PROROSITION IIII.
L'hexacorde maior est composé de deux sons diuers, l'vn graue, et l'autre aigu, lesquels sont entre cinq interualles, savoir deux tons maiors, deux minors, et vn demi ton maior.
CEste interualle est comme de C. à A. laquelle a le premier ton de C. à D. maior, et de F à G. aussi maior, et les deux tons minors sont, le premier entre D. et E. et le second de G. à A. et le demi ton maior, est entre E. et F.
PROPOSITION V.
L'hexacorde minor est composee de deux sons diuers, qui sont entre cinq interualles, sauoir deux tons maiors et vn minor, et deux demi tons maiors.
L'Intervalle qui est entre A. et [sqb]. est vn ton maior, et de C. à D. vn autre ton maior, et le ton minor est de D. à E. les deux semi tons maiors sont entre [sqb] et C. le premier et le second, entre E. et F.
PROPOSITION VI.
La Diapente est composee de deux sons diuers, qui sont entre quatre interualles sauoir deux tons maiors, vn minor et vn demi ton maior.
LE premier ton maior est A. à [sqb] le second de C. à D. le ton minor est, de D. à E. et le semi ton maior est de [sqb] à C.
PROPOSITION VII.
Le Diatessaron est composé de deux sons diuers, qui sont entre trois interualles sauoir vn ton maior, vn minor, et vn demi ton maior.
LE premier ton maior, est de C. à D. le minor de D. à E. et le semy ton maior de E. à F.
[-f.8r-] PROPOSITION VIII.
Le Diton est composé de deux sons diuers, qui sont entre deux interualles, sauoir vn ton maior, et vn minor.
CEs deux interualles se suyuent tousiours l'vn l'autre, car apres la maior vient la minor, ou apres la minor vient la maior.
PROPOSITION IX.
Le Semy diton est composé de deux sons diuers, qui sont entre deux interualles, sauoir vn ton maior, et vn semy ton minor.
CEs deux interualles semblablement se suiuent l'vn l'autre, car apres le semy ton maior, doit venir le ton minor, ou apres le ton maior, le semi ton minor.
PROPOSITION X.
Le ton maior est composé de deux sons divers qui font vne intervalle, laquelle peut estre partie en deux semys tons, l'vn maior, et l'autre moyen ayant sa proportion comme de 15. à 16.
COmme de A. à [sqb]. l'interualle de A. à B. est vn semy ton maior, et celuy de B. à [sqb]. est moyen, ayant sa proportion, comme de 128. à 135.
[-f.8v-] PROPOSITION XI.
Le ton minor, est composé de deux sons, qui font vn interualle de laquelle si lon oste vn semy ton minor, ayant sa proportion comme de 24. à 25. l'autre partie sera vn demi ton maior.
AInsi le ton minor pourra estre diuisé en deux semis tons, dont l'vn sera maior, et l'autre restera de proportion sesquiuentesimaquarta, mais à cause que ceste diuision n'est point au precedent monocorde, ie donneray vn exemple pour le faire, si donques lon desire diuiser le ton minor de G. à A. en sorte que la partie superieure vers A. soit vn demi ton maior, lon diuisera la corde en 9600. et en ostant la disiesme partie dudit nombre restera 8640. ainsi G. aura 9600. et A 8640. qui est l'interualle du ton minor, puis diuisant 8640. par 15. le produit sera 576. et ledit nombre estant multiplié par 16. lon aura 9216. lequel nombre fera l'interualle du semi ton maior auec A. et si lon diuise 9216. par 24. et multipliant le produit par 25. lon aura 9600. ce qui donne à congnoistre que l'interualle de 9216 à 9600. est comme de 24. à 25. et si lon desire au contraire faire l'intervale inferieur, vn semy ton maior, lon diuisera 9600. par 16. et le produit 600. estant multiplié par 15. lon aura 9000. et ainsi 9600. sera en proportion auec 9000. comme de 15. à 16. et 9000. auec 8640. comme de 25. à 24.
[De Caus, Institution harmonique, f.8v; text: 15, 16, 24, 25, 8640, 9000, 9216, 9600] [CAUSIN1 05GF]
[-f.9r-] PROPOSITION XII.
De deux interualles inegalles, oster la plus petite de la plus grande.
ET d'autant qu'il eschet quelquefois que deux interualles sont presques aussi grandes l'vne que l'autre, et que celuy qui ne seroit pas fort experimenté en l'Arithmetique pourroit doubter de celle qui seroit la plus grande ou la plus petite, c'est pourquoy i'enseigneray icy le moyen de mesurer lesdites intervalles par leurs nombres propres, soit donques les interualles de deux semis tons, sauoir celuy de 24. à 25. et l'autre de 128. à 135. mises en question, pour sauoir celle qui est la plus grande, lon mettra lesdites deux interualles, comme lon peut voir en cest exemple, sauoir le nombre superieur de chacune, soubs l'inferieur, puis soit multiplié 135. par 25. le produit sera 3375. lequel lon mettra soubs chascun desdits nombres, apres lon multipliera 24. par 135. le produit sera 3240. que lon mettra dessus le nombre 24. apres lon multipliera le nombre 128. par 25. le produit sera 3200. lequel lon mettra sur le nombre 128. ainsi le nombre 3240. sera à 3375 comme de 24. à 25. car si lon diuise chascun desdits nombres 3240. et 3375. par 135. le produit de l'vn sera 24. et de l'autre 25. et par la treziesme proposition du septiesme d'Euclide ces nombres seront, sauoir de 24. à 25. comme de 3240. à 3375. et par la mesme proposition 2200. sera à 3375. comme de 228. à 135. car si lon diuise lesdits deux nombres 2200. et 3375. par 25. l'vn sera 128. et l'autre 135. tellement que lon peut voir que l'interualle de 3200. à 3375. est plus grande, que de 3240. à 3375. de 20/3375, et ainsi quand lon voudra voir la difference de quelque interualle contre vne autre, lon procedera auec la mesme façon.
[De Caus, Institution harmonique, f.9r; text: 135, 24, 540, 270, 3240, 3200, 25, 128, 3375, 675, 640, 256] [CAUSIN1 06GF]
[-f.9v-] PROPOSITION XIII.
Le diton peut estre divisé en dix-huit intervalles esgualles, ou commas, dont les neuf de la partie grave, font le ton minor, et les neuf de la partie aigue, font le ton maior.
POur entendre ceste proposition, ie poseray sur le monochorde l'interualle du diton entre C. et E. auec les nombres 14400. pour C. et 11520. pour E. lesquels nombres sont en proportion sesquiquarta, apres l'interualle entre lesdits deux nombres, sera divisé en dix-huit parties egualles dont les neuf de bas seront entre C. et D et les neuf de haut entre D et E. ainsi l'interualle de bas sera comme de 9. à 10. et l'interualle de haut, comme de 8. à 9. et pour ioindre le nombre requis entre lesdites intervalles faudra soubstraire 11520. de 14400. le produit sera 2880. qui est le nombre entre 11520. et 14400. ayant son interualle comme de 4. à 5. puis faudra diuiser ledit nombre d 2880. en dix-huit parties esgualles, le produit sera 160. qui est l'interualle de chacun comma, lequel nombre chacune interualle, alors doibt auoir si lon aiouste neuf desdits comma ensemble, le nombre sera 1440. qui est le nombre de l'interualle entre chacum ton, mais encores que lesdites intervalles de tons soyent esgualles en nombre, et en mesure, si est-ce que considerant l'interualle D. et E. contre D et H. lon la trouuera plus grande que C. D. contre C. H. car la premiere est sesquioctaua, et l'autre sesquinona.
[De Caus, Institution harmonique, f.9v,1; text: diton, ton maior, minor, C, D, E, H, 14400, 12960, 11520] [CAUSIN1 06GF]
PROPOSITION XIIII.
Si l'interualle du diton est diuisé en dix-huit commas esgaux, et si lon en met en la partie grave dix et huit en la partie haute ledit, diton sera divisé en deux tons, sauoir celuy en la partie grave maior, et celuy en la partie aigue minor.
MAis si lon vouloit auoir la diuision du diton, en sorte que le ton maior fut en la partie graue, l'on aioustera dix desdits commas ensemble, et le reste qui est huit sera le ton minor.
[De Caus, Institution harmonique, f.9v,2; text: diton, ton maior, minor, C, D, E, 14400, 12800, 11520] [CAUSIN1 06GF]
[-f.10r-] PROPOSITION XV.
Les dix-huit commas comprins en l'intervalle du diton, sont des proportions diuerses.
SI lon adiouste 160. (qui est le nombre de l'interualle de chacun comma) à 11520. lon aura 11680. qui est la mesme proportion, comme de 72. à 73. et si lon adiouste encores 160. à 11680. lon aura 11840. nombre proportionné auec 11680. comme 73. à 74. apres si lon adiouste 160. à 11840. le produit sera 12000. nombre proportionné, comme 11840. comme 74. à 75. apres si lon adiouste 160. à 12000. le produit sera 12160. nombre proportionné, comme de 75. à 76. apres si lon adiouste 160. à 12160. lon aura 12320. nombre proportionné, comme de 76. à 77. apres si lon adiouste 160. à 12320. lon aura 12480. nombre proportionné auec 12320. comme de 77. à 78 apres si lon adiouste 160 à 12480. le produit sera 12640. nombre proportionné, auec 12480. comme de 78. à 79. apres si lon adiouste encores 260. le produit sera 12800. nombre proportionné, auec 12940. comme de 79. à 80. ainsi ces huit interualles en la partie aigue font iustement la mesure du ton minor, apres lon poursuiura tousiours, adioustant 160. à chacun nombre, et lon aura les nombres proportionnez, suiuant la grandeur desdites interualles, comme il se peut voir en la presente figure, et si lon veut auoir le ton maior en la partie aigue, lon adioustera au minor, le comma du milieu, ayant sa proportion comme de 80. à 81. et ainsi cest interualle de comma se pourra adiouster à l'vn ou à l'autre ton selon la necessité, laquelle sera monstree cy apres.
[De Caus, Institution harmonique, f.10r,1; text: diton, ton maior, minor, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 11520, 11680, 11840, 12000, 12160, 12320, 12480, 12640, 12800, 12960, 13120, 13280, 13440, 13600, 13760, 13920, 14080, 14240, 14400] [CAUSIN1 06GF]
PROPOSITION XVI.
Si vne corde est diuisee en six esgualles parties, lon aura les iustes intervalles, de cinq consonnantes.
SOit la cord A.G. diuisee en six parties esgualles, sçauoir A.B. B.C. C.D. D.E. E.F. F.G. il se peut voir que A.C. auec A.B. est en double proportion, qui est la iuste interualle du diapason, et A.C. auec A.D. est sesquialtera, qui est l'interualle iuste de diapente, et A.D. auec A.E. est sesquiterra, qui est l'interualle du diatessaron, et A.E. auec A.F. est l'interualle du diton, estant sesquiquarta, et A.F. auec A.G. est sesquiquinta, qui est l'interualle du semy diton, ainsi ces interualles seront diuisees sur vne corde.
[De Caus, Institution harmonique, f.10r,2; text: A, B, C, D, E, F, G, 1, 2, 3, 4, 5, 6] [CAUSIN1 07GF]
[-f.10v-] PROPOSITION XVII.
Si vne ligne droite est tiree d'vn des angles d'vn quarré, à l'vn des costez oposite audit angle, diuisant ledit costé par la moitié, et qu'il y aye huit paralellogrammes esgaux, entre eux, lesquels trauerseront ladite ligne, l'on trouuera toutes les interualles vsitez en la Musique, sur les sections des lignes des paralellogrammes.
SOit vn quarré marqué A.B. C.D. et la ligne droite tiree de l'angle A. au point E. diuisant B.D. en deux parties esgualles, apres soient faits les huit paralellogrammes esgaux trauersans ladite ligne, il est certain que par la quatriesme et dixiesme du sisieme d'Euclide, que la ligne A.E. sera coupee en huit esgalles parties, et aussi si E.B. contient huit parties T.M. en contiendra sept et S.L. en contiendra six et R.K.|5. V.I. 4. et Q.H.|3. et P.G.|2. et O.F. vne partie, et ainsi O.b. sera en proportion sesquiquinta decima, auec F.b. ou A.C. qui fait la proportion du semi ton maior, et M.h. est en proportion sesquioctaua, auec E.D. qui est la proportion du ton maior, et L.g. sera en proportion sesquisnona, auec M.h. qui est la proportion du ton minor, et I.e. sera sesquiquinta auec L.g. qui est la proportion du semy diton, et E.D. sera auec L.g. en proportion sesquiquarta, qui est la proportion du semy diton et M.h. sera auec I.e. en proportion sesquiterza, qui est la proportion du diatessaron, et E.D. sera auec I.e. en proportion sesquialtera, qui est la proportion de la diapente, et E.D. sera auec A.C. en proportion double, qui est la proportion du diapason, et Q.H. sera auec R.K. en proportion superbipartiente terza. qui est la proportion de l'Hexacorde maior, et R.K. sera auec B.E. en proportion supertripartiente quinta, qui est la proportion de l'Hexachorde minor, et ainsi toutes les proportions susdites, se trouueront encores entre d'autres sections desdites lignes, voire se pourront redoubler, comme du disdiapazon double diapente, et plusieurs autres doubles interualles, tellement que toutes les proportions musicalles, dont nous usons à present se trouue en ce quarré, reste que les trois sections de lignes G.C. H.d. H.d. et K.f. n'ont aucunes proportions auec les autres.
[De Caus, Institution harmonique, f.10v; text: A, B, C, D, E, F, G, H, I, K, L, M, O, P, Q, R, S, T, V, b, c, d, e, f, g, k, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16] [CAUSIN1 07GF]
[-f.11r-] PROPOSITION XVIII.
Toutes les consonnantes Musicales sont contenus au nombre huitiesme.
IL a esté monstré par cy deuant, que l'Hexacorde minor à sa proportion comme de 3. à 8. c'est pourquoy ne se trouuant point de nombres plus petits pour faire ceste proportion, il est necessaire d'aller iusques audit nombre de 8. pour enclorre aussi les autres consonnantes dedans. Soit donques fait vn cercle, dont la circonference sera diuisee en 8. parties esgualles, et soit tiré vne portion de cercle de chacune diuision à la partie opposite, mais le nombre 7. on le laissera comme inutille, et ainsi toutes les diuisions se trouueront entre les portions de cercle, comme elles sont notees entres lesdites diuisions. Zarlin a voulu monstrer, [Zarlin institntion. Chapitre XV. in marg.] que toutes les consonnantes se trouuent dans le nombre senario, qui est le sisiesme, ce nombre à la verité est fort excellent, mais il est certain que l'Hexacorde minor ne se trouue point enclose audit nombre, et de dire que l'Hexacorde susdite a sa proportion du diatessaron et semyditon ensemble, cela est vray, mais il faut que ledit diatessaron et semyditon soyent ioints ensemble, pour faire ladite proportion de l'Hexacorde minor, comme elle se trouue icy, mais au nombre senario ledit diatessaron et semyditon ne se trouuent ioints ensemble Et quand au nobre 7. i'ayme mieux qu'il soit superflu, que de manquer au 8. qui est necessaire.
[De Caus, Institution harmonique, f.11r; text: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, Semy diton, Diton, Diatessaron, Diapente, Hexacorde minor, Hexacorde maior, Diapason, Diapason diton, Diapason diatessaron, Diapason diapente, Disdiapason, Disdapason, disdiapason diton, Disdiapason diapente, disdiapason double] [CAUSIN1 07GF]
[-f.11v-] PROPOSITION XIX.
La raison pourquoy le monochorde de Ptolomee est estimè plus parfait, que ceux qui estoyent au precedent son temps.
LEs premiers inuenteurs de la musique comme dit Boece, [Liure I. Chapitre 20. in marg.] ont estez fort pauures en consonnantes, cela se peut voir par la representation de la Lire que ledit Boece met en auant de l'inuention de Mercure laquelle estoit seulement de quatre cordes differentes en sons, comme il se peut voir en la presente figure composé de trois consonnantes seulement, sçauoir diapason, diapente, et diatessaron et n'ay encores seu aprendre par aucun autheur, que lon usat auparauant le temps de Ptolomee d'autre consonnantes, sinon de ces trois, et du depuis l'inuention dudit tetrachorde, Terpander l'augmenta iusques au nombre de sept cordes, puis Sanius Lichaon, y adiousta encores vne, et apres luy, lon y adiousta encores par plusieurs, iusques au nombre de seze cordes separees par quatre tetrachorde, et encores qu'il y eut telle quantité de cordes, si est-ce qu'ils n'vsoyent comme i'ay dit d'autres consonnantes, sinon des trois susdites, cela se peut tesmoigner par leur monochorde ou sisteme, auquel le diton n'y semi diton, ne sont en leurs proportions comme ils doibuent estre.
[De Caus, Institution harmonique, f.11v; text: Lire de Mercure. ton, diatessaron, diapente, diapason, 6, 8, 9, 12] [CAUSIN1 09GF]
Ie donneray icy la representation dudit monocorde, ou ie mettray sur vn des costez les interualles antiques selon l'institution de Pitagoras, comme dit Boece, [Liure I. Chapitre II. in marg.] et de l'autre costé, ie mettray lesdites interualles de l'institution de Ptolomee ou il se peut voir que l'interualle A.C. qui est le semy diton est trop petite, selon la mesure donnee de Pitagoras, car ladite interualle doibt estre sesquiquinta, qui est comme de 5. à 6. ou de 25. à 30. et à celuy dudit Pitagoras elle ne contient que comme de 27. à 32. et pour monstrer iustement la difference, i'ay aposé à la corde prolambanomene (tant à l'vne comme à l'autre institution) le nombre 17280. et à la corde parhipate hipaton de Pitagoras le nombre 14580. car ces deux nombres ont telle proportion ensemble, comme de 9216. à 7776. qui sont les nombres representez par Boece, [Liure IIII. Chapitre 10. in marg.] car ceux icy representez contiennent autant de fois 30. comme ceux de Boece autant de fois 16. et ainsi pour auoir l'interualle du semy diton au dessus de ladite corde prolambanomene, lon diuisera tout ledit nombre en six parties esgualles, comme a esté enseigné cy deuant, puis faudra adiouster cinq desdites parties ensemble, qui font 14400. et ainsi il y auroit difference d'vn nombre à l'autre de 180. tellement que lesdits deux nombres estans diuisez chacun par 180. le produit de l'vn fait 81. et de l'autre 80. qui est linterualle du comma, ainsi la corde de paripate hipaton de Pitagoras, seroit plus basse qu'il ne faut d'vn comma, apres il y a encores vne autre interualle en la corde paripate meson, comme il se peut voir, laquelle ne s'accorde auec celle de Ptolomee, qui est vn diton plus bas que messe, et celle de Pitagoras est vn diton, et vn comma plus bas comme il se peut voir aux nombres 10635. et 10800. car chacun d'iceux estant diuisez par 135. qui est la difference d'vn desdits nombre à l'autre, le produit de l'vn sera 80. et de l'autre 81. voila donques en quoy different ces deux monochordes, et comme celuy de Pitagoras a esté fait seulement pour trouuer le diapason, diapente, et diatessaron, chacun en leur proportion, mais Ptolomee y a adiousté les interualles du diton et semy diton lesquelles n'auoyent leurs iustes interualles au parauant.
[-f.12r-] [De Caus, Institution harmonique, f.12r; text: MONOCHORDE GRADUE PAR INTERVALles, par lequel se peut voir la difference de la constitution de Ptolomee à celle de Pitagoras. Toutes les intervalles de ce costé, sont de l'institution de Ptolomee. Nette hiperboleon. Paranette hiperboleon. Trite hiperboleon selon Ptolomee. diezeugmenon. Paramese. sinemenon. Messe. Lichanos meson. Parlipate. Hipate. hipaton. Parhipate. Ptolombanomene. aa, g, f, e, d, c, [sqb], b, a, G, F, E, D, C, A, 4320, 4800, 4860, 5400, 5467 1/2, 5760, 6400, 6480, 7200, 7290, 7680, 8100, 8640, 9600, 9720, 10800, 10935, 11520, 12800, 12960, 14400, 14580, 15360, 17280] [CAUSIN1 08GF]
[-f.12v-] PROPOSITION XX.
Au monochorde Ptolomee, les intervalles ne se peuuent accorder toutes les vnes auec les autres, selon leurs vrayes propositions.
[De Caus, Institution harmonique, f.12v; text: semi diton, diton, diatessaron, diapente, aa, g, f, e, d, c, [sqb], b, a, G, F, E, D, C, A, 4320, 4800, 4860, 5400, 5760, 6400, 6480, 7200, 7680, 8100, 8640, 9600, 9720, 10800, 11520, 12800, 12960, 14400, 15360, 17280] [CAUSIN1 09GF]
IL a esté demonstré à la precedente proposition, que Ptolomee a trouué les vrayes proportions du diton et semy diton, et les a ioints auec les interualles comprises au monocorde, si est ce qu'elles ne sont encores et ne peuuent estre en leurs proportions, toutes les unes contre les autres, ce qui a esté assez bien monstré par cy deuant par Louys Foliani de Modene, [Musico theorica sectio terzi Chapitre 1. et 2. in marg.] quand il dit, qu'il est besoing pour suppleer à ce defaut, qu'il faut aiouster encores vne corde, a de sol ré, c'est à dire qu'il faut auoir deux de sol ré, et aussi deux b mol. Et Zarlin [Zarlin suplementi Musicalli libri 4. capitolo 11. in marg.] a encores congneu ce defaut audit monochorde, lequel il a corrigé vn peu plus amplement, toutefois il y a encores de la difficulté comme sera monstré par cy apres. Pour donques commencer, ie representeray icy les interualles dudit monochorde sur vn des costez diceluy, et de lautre costé seront les cordes necessaires pour mettre au defaut de celles qui ne vienne en leurs iustes proportions: premierement le diatessaron A.D. Selon Ptolomee n'a pas sa iuste mesure de sesquiterza, et pour ne manquer ladite interualle, on aioustera vne corde de l'autre costé marqué D. (laquelle sera vn comma plus bas que D) ou sera pour nombre 12960. ainsi il se peut voir, que ladite corde est diatessaron contre A. et diapente contre a. apres l'interualle G.b. qui doibt estre vn semy diton, et auoir sa proportion sesquiquinta, ne la pas au monochorde de Ptolomee, mais si lon aiouste vne corde marquee G. vn comma plus bas que G. ayant pour nombre 9720. il est certain [-f.13r-] que ladite corde sera semy diton contre b. et aussi diatessaron contre G.[x]. ainsi ces deux cordes seront necessaires d'estre iointes entre celles du premier diapason, de la partie graue du Monochorde, et aussi on pourra en faire autant en la partie aigue, et ioindre encores deux autres cordes, et alors toutes les cordes lesquelles ne pourront s'accorder ensemble audit Monochorde de Ptolomee, s'accorderont auec vne de ces quatre, comme i'en ay mis encores quelque vnes pour exemple, l'interualle C.F. est diatessaron mais F. ne peut estre semyditon contre D. doncques lon prendra la corde D.[x]. qui est vn comma plus bas que D. pour estre le iuste semyditon, aussi F.b. est vn diatessaron, mais b.G. ne peut estre vn iuste semyditon, lon prendra doncques la corde G.[x]. et alors le semyditon b.G.[x]. aura sa proportion, mais aucuns pourroyent dire, si lon baissoit [sqb] d'vn comma, qu'il ne seroit point besoing d'avoir ces deux cordes en de Sol ré, à cela ie responds que s'il estoit plus bas, qu'il faudroit adiouster encores vne corde à E. d'autant qu'il faut que [sqb].E. soit diatessaron, et en outre il y auroit encores autres difficultez, lesquelles ne se pourroyent pas bien accommoder, ainsi doncques il sera necessaire pour auoir le Monochorde parfait de ces deux intervalles, d'aiouster les quatre sudites cordes.
PROPOSITION XXI.
Les intervalles selon qu'elles sont divisees au precedent Monochorde ne s'accordent du tout auec la voix.
SOit vne Orgue montee en façon qu'il y ait deux tuyaux pour de la sol ré, et autant pour G. Sol re ut, selon nostre reformation, et aussi qu'il y aye vne touche à chacun tuyau, pour toucher celuy qui viendra à propos selon la precedente Definition, comme par exemple, si lon veut sonner ces quatre notes suiuantes:
[De Caus, Institution harmonique, f.13r,1; text: d, g] [CAUSIN1 09GF]
Il faudra pour sonner la vraye diapente en bas, de a la mi ré, prendre la touche D.[x]. et pour prendre le semy diton en bas de b.fa. faudra prendre la touche G.[x]. et ainsi ces quatre sons seront en leurs vrayes intervalles, mais apres si lon vient à sonner ces cinq notes
[De Caus, Institution harmonique, f.13r,2] [CAUSIN1 09GF]
alors il faudra prendre les touches D. et G. hautes, à celle fin de rendre le semy diton E.G. en sa vraye interualle, et le diatessaron D.G. et aussi le semy diton [sqb].D. tellement que ces cinq notes aussi s'accordent auec nostre institution, et par ces exemples lon voit que s'il falloit suiure lesdites notes de la vois auec les Orgues, qu'il faudroit abaisser ou hausser ladite vois ausdites notes D. et G. selon qu'elles sont icy notees, toutesfois c'est chose assez cogneue, que les vois ont leurs consonnantes et interualles certaines, sans aucune variation, nous conclurrons doncques, que les consonnantes et interualles, selon qu'elles sont diuisees au Monocorde, sont les plus aprochantes de la nature, neantmoins elles ne s'accordent du tout, auec icelle nature.
[-f.13v-] PROPOSITION XXII.
La voix naturelle peut se fleschir vn peu tirant sur le grave, ou sur l'aigu, pour trouuer les vrayes consonnantes selon nostre institution, mais toutesfois ce qui se fait par ce moyen, est contrainte.
A Celle fin de ne rien obmettre, de ce qui se pourroit dire à l'encontre de la precedente proposition, ie proposeray icy vne question, sauoir, si c'est la voix qui se fleschit vn peu en bas, ou vn peu plus haut, pour trouuer les interualles en leurs mesures, selon nostre institution, ou bien si la voix naturelle tient vn autre ordre, à cela ie respondray, que veritablement s'il estoit ainsi que nos proportions fussent naturelles, sans doubte elles s'accorderoyent du tout auec les voix, mais ie monstreray icy vn exemple, que cela ne peut estre, soyent doncques trois notes disposees en ceste façon,
[De Caus, Institution harmonique, f.13v; text: 6 a 5, 3 a 27] [CAUSIN1 09GF]
en sorte que les deux interualles soyent deux semy ditons, qui font le triton, ainsi celuy de bas, de [sqb] en d. sol ré, aura sa proportion requise, sauoir de 6. à 5. mais celuy de haut, de d. sol re a f. ut, aura son interualle super quinta partiente 27. ou comme de 32. à 27. qui est vn comma plus petit qu'il ne faut, comme a esté monstré cy deuant, en la dixhuitiesme proposition, ainsi ie dis que si la voix les chantoit, suiuant ces proportions icy, il faudroit qu'elle fit erreur à la premiere interualle, ou à la derniere, d'autant qu'elles ne sont icy semblables, et si lon vouloit abaisser la note fa ut d'vn comma, elle ne s'accorderoit auec les autres notes, qui pourroyent estre deuant ou apres, d'autant que c'est vne des cordes stabilles, ne nostre Monochorde, voyla donques comme la nature de la voix, ne s'accordent du tout auec l'artifice, ce qu'il sera demonstré encores, à la suiuante proposition.
[-f.14r-] PROPOSITION XXIII.
Les mouuements et interualles proportionnez de la nature, se font auec vne proportion incogneue à nous.
LA divine puissance ayant creé le monde, et tout ce qu'il contient, a voulu qu'il se fit vne varieté de mouuements proportionnez en iceluy, tant du firmament et des Planettes, comme aussi de la mer par son flus et reflus, or de ces mouuements, nous congnoissons au plus pres le temps de leurs reuolutions, mais de l'auoir au certain, il n'est possible à l'homme, d'autant que quand nous voulons auoir la congnoissance de quelques proportions, il nous faut seruir de nombres et mesures inuentees pour nostre necessité, mais Dieu qui ne se sert desdits nombres, a voulu que tout ce qu'il a ordonné, fut proportionné sans s'asubiectir à nos nombres, le mouuement celeste le plus congneu à nous est celuy du Soleil, d'autant que par iceluy nous reiglons les Annees Moys et iours, toutesfois la reuolution de son cours, ne nous peut estre congneue au iuste. Du temps de Numa Pompilius, les Latins iugerent, que le Soleil accomplissoit son cours en 365. iours, ce qui fut reformé du temps de Iulius Cesar dictateur, par le conseil d'vn Mathematicien excellent, nommé Sosigenes, lequel ordonna, que de douze en douze ans, lon feroit vn iour de bisixte, ce qui fut corrigé vn peu apres, par le mesme Sosigenes, (comme recite Pline,) [Pline 18. livre Chapitre 35. in marg.] et apres auoir fait trois liures de corrections sur le mesme cours du Soleil, laissa encores la chose en doubte, vn peu apres, ledit Calendrier fut encores corrigé, et fut ordonné vn iour de bisexte, de quatre en quatre ans, ce qui a duré 16. ou 17. cens ans, iusques au temps du Pape Gregoire, lequel par l'advis de plusieurs excellens Astronomes retrencha dix iours escoulez depuis la mort de Iesus Christ, iusques en l'an 1582. or de dire que le Soleil face son cours, suiuant le nombre des iours, heures et minutes que nous luy assignons à present, il n'y a homme qui le puisse demonstrer, que par apres le temps, qui est pere de la verité, ne face demonstration du contraire, quand au cours des autres Astres, et aussi de la mer, qui se gouuerne suiuant le cours de la Lune, il est tout euident qu'ils ne nous sont congneus precisément. Or pour reuenir à nos proportions harmoniques, ie dis, que les consonnantes et interualles naturelles, selon que la prouidence diuine les a ordonnees, ne nous sont congneues non plus precisément, que les mouuemens celestes, et mesmement ne peuuent estre comprises soubs nos nombres, comme il se peut voir en la precedente proposition, et la faute vient comme i'ay dit, que Dieu ne veut pas permettre à l'homme, de congnoistre ses ouures parfaittement, d'autant qu'il n'y a rien de parfait en nous, aussi veritablement ceste science ne pourroit pas estre dite diuine, comme elle est estimee, si nous auions la congnoissance parfaite de ses proportions.
[-f.14v-] PROPOSITION XXIIII.
Pour l'accomplissement d'vne bonne harmonie, il est necessaire de diviser les intervalles des tons du Monochorde en deux semy tons.
IL ne se peut trouuer par aucun Autheur digne de foy, que les antiques Grecs ou Latins, ayent vsé de ceste diuision de tons, comme nous vsons maitenant, ce qui monstre euidemment que leurs Musique n'estoit pas si accomplie comme la nostre, et de dire qu'ils pouuoyent faire vne excellente harmonie, sans user desdites diuisions, communement dites feintes, tous ceux lesquels entendent la composition maintiendront le contraire, d'autant qu'ils trouuent vne grande aide ausdites divisions, pour representer vne varieté d'harmonie. Ie representeray doncques icy le moyen de les diuiser: Soit premierement toutes les interualles du Monochorde, selon qu'elles ont esté monstrees à la vintiesme proposition, mises à l'vn des costez du Monochorde, et d'autant que les cadences de nostre Musique, se font le plus souuent auec vn diton en la partie aigue, il sera doncques fort à propos, de poser vn diton au dessus de chacune corde, comme par exemple, si vne cadence finit en ceste façon,
[De Caus, Institution harmonique, f.14v; text: basse, tenor, superius] [CAUSIN1 09GF]
Il est de besoing que la notte C. Sol fa ut, assise en la partie aigue soit diapason diton, contre celle qui est en la partie graue, ce qui ne peut estre fait sans aide de la corde notee C.[x]. et du nombre 13824. laquelle aura son diapason 6912. apres si vne cadence se finit, la partie basse et la partie haute, en [sqb]. il sera aussi besoing quelquefois, que le dessus soit encores vn diton plus haut que ledit [sqb]. se trouuera au Monochorde en la lettre D.[x]. et pour nombre 12288. quand au diton au dessus de C. il se trouue en E. mais les ditons des deux cordes. D. et D.[signum]. se trouueront au deux lettres F.[signum]. et F.[x]. et ainsi on pourra continuer, donnant à chacune corde du Monochorde reformé, vn diton au dessus, et quand à la corde [sqb]. d'autant qu'elle ne peut donner le diton contre [x].G. il sera besoing d'y adiuster encores vne corde, du nombre de 7776. mais lon pourroit dire icy, que lesdites feintes s'accordent bien auec les cordes que i'ay nommees, mais leurs interualles ne correspondent pas, auec toutes les autres cordes, suiuant nostre institution, comme par exemple D. et C.[x]. est vne intervalle comme de 25. à 27. qui est plus grande qu'vn demi ton d'vn comma, mais D.[x]. est le iuste demi ton, contre ledit C.[x]. tellement que si lon estoit contraint de descendre de D. en C.[x]. linterualle seroit trop grand, à cela ie responds, qu'il ny peut auoir de remede à ce defaut, à cause que les vrayes proportions ne sont comprises aux nombres, comme i'ay monstré en la precedente, mais ce defaut ne peut aporter aucune discordance à louye, ains plus tost de la grace, si lesdites feintes sont en leurs iustes interualles, comme ie leur ay donné.
[-f.15r-] [De Caus, Institution harmonique, f.15r; text: MONOCHORDE GENERAL OV LES INtervalles des tons sont divisees en deux semy tons, pour l'augmentation de l'harmonie. De ce costé icy sont toutes les feintes necessaires, pour accomplir vne bonne harmonie. Nette hiperboleon, Paranette, Trite, diezeugmenon, Paramese, Messe, Lichanos meson, Parhipate, Hipate, hipaton, Pahipate, Ptolombanomene, Semy ton de 15. à 46. 24. 25. 80. 81. 243. 256. Comma. 14. 16. aa, g, f, e, d, c, [sqb], a, G, F, E, D, C, A, diton, 4320, 4608, 4800, 4860, 5120, 5184, 5400, 5760, 6144, 6400, 6480, 6912, 7200, 7680, 7776, 8100, 8640, 9216, 9600, 9720, 10240, 10368, 10800, 11520, 12288, 12800, 12960, 13824, 14400, 15360, 16200, 17280] [CAUSIN1 10GF]
[-f.15v-] PROPOSITION XXV.
Si les divisions de D. G. et b. sont ostees du Monochorde, toutes les autres auront leurs proportions les vnes auec les autres, en sorte que la congnoissance de la nature se trouuera en l'art.
POur exemple de ceste proposition, soit fait sur vn Monochorde les dix diuisions suiuantes. A. [sqb]. C. E. F. a. [sqb]. c. e. f. aa. comme il se peut voir en la figure suiuante. Soit premierement diuisee la corde ou espace du Monochorde en 17280--ou bien en 144. parties dont la moitié sera 8640. ou 72. pour a. et les 2/3. dudit nombre 144. qui font 96. pour E. et les 5/6. qui font 120. pour C. puis soit adiousté a. 96. la troisiesme partie dudit nombre, qui est 32. et lon aura 128. pour [sqb]. soit aussi aiousté à 72. le 1/4. dudit nombre, 18. et lon aura 90. pour F. et semblablement lon diuisera le diapason au dessus de a. et lon aura les 10. interualles susdites, diuisees par iustes consonnantes les vnes contre les autres, suyuant nostre institution, comme il se peut voir par la description entre chacune interualle laquelle est sur les portions de cercle pour monstrer le renuoy de l'vn, son a l'autre, chacune division est accompagné de son nombre comme aux monochordes precedents, lesquels nombres, i'ay posé d'vn costé de la corde, et de l'autre costé, i'ay mis d'autres nombres plus petits, ayant les mesmes proportions entre eux, comme les grands, et sont plus aisees a examiner les vns contre les autres, que ne sont les grands, et quand aux trois autres diuisions D. G. et b. si on les pense adiouster icy entre les autres interualles, si D. est consonnante contre A. elle sera dissonnante contre [sqb]. comme il se peut voir en la 19 proposition, et ainsi sera-il de G. et b. tellement qu'il se peut voir, que lesdits 10. interualles sont telles de l'vn à l'autre, comme nous les trouuons en la nature, et selon nostre institution.
PROPOSITION XXI.
Les interualles du ton maior, et semy ton maior, se trouuent icy estre interualles naturelles.
IL se peut voir icy par ceste diuision naturelle, que le ton maior et le semy ton maior, se trouuent enclos entre les consonnantes, tellement que nous leur pourrons donner les tiltres d'interualles naturelles.
PROPOSITION XXII.
L'intervalle du ton minor ne se trouue point en la division naturelle.
MAis le ton minor ne se trouue point en ladite diuision, toutefois nous sommes contrains d'en user en suite du ton maior, autrement le diton ne pourroit auoir sa proportion, comme il se peut voir en la premiere proposition, nous le nommerons interualle artificielle.
[-f.13r <recte f.16r>-] [De Caus, Institution harmonique, f.16r; text: MONOCHORDE OU DIVISION DE TOUtes les intervalles naturelles lesquelles ont leurs iustes proportions les vnes auec les autres suyvant nostre institution. semi diton, diton, diatessaron, diapente, hexacorde minor, maior, diapason, disdiapason, aa, f, e, c, [sqb], a, F, E, C, A, 36, 45, 48, 60, 64, 72, 90, 96, 120, 128, 144, 4320, 5400, 5760, 7200, 7680, 8640, 10800, 11520, 14400, 15360, 17280] [CAUSIN1 11GF]
[-f.16v-] PROPOSITION XXVIII.
L'interualle du semy ton minor, ne se trouue point en la division naturelle.
QUand au semy ton minor, il ne se trouue point en ceste diuision, et encores qu'il se trouue au Monocorde general, toutefois il ne s'vse point en la musique, d'autant qu'il n'a nulle correspondance, de consonnante auec, par vne des autres diuisions, tellement que nous le tiendrions inutille.
PROPOSITION XXIX.
Si l'intervalle compris entre les deux sons du diapason est divisee en deux esgualles parties, l'vne desdites parties sera diatessaron, et l'autre la diapente.
SOit la ligne G.C. diuisee en deux parties esgualles au point E. vne desdites parties sera en proportion double, auec G.C. qui est la proportion du diapason, apres soit la partie C.E. diuisee par la moitié au point D. ainsi E.D. sera sesquialtera auec G.D. comme a esté demonstré par la seziesme proposition, et aussi D.C. sera sesquiterza, auec G.C. par la mesme, et ainsi ces deux parties esgualles feront le diapason.
[De Caus, Institution harmonique, f.16v,1; text: son graue, diapason, diapente, diatessaron, 2, 3, 4, C, D, E, G] [CAUSIN1 12GF]
PROPOSITION XXXI.
Si l'interualle compris entre les deux sons de la diapente, est diuisé en deux esgualles parties, l'vne desdites parties sera vn semy diton, et l'autre vn diton.
SOit la ligne A.G. diuisee en trois parties esgualles, et soit vne desdites parties C.G. ainsi A.C. sera sesquialtera, auec A.G. qui est la proportion de la diapente, apres soit l'interualle C.G. diuisé en deux parties esgualles au point B. ainsi A.G. sera sesquiquinta auec A.B. par la seziesme proposition, et A.B. sera sesquiquarta auec A.C. par la mesme, tellement que ses deux interualles esgualles feront la diapente.
[De Caus, Institution harmonique, f.16v,2; text: son graue, diapente, diton, semi diton, 2, 4, 5, 6, A, C, B, G] [CAUSIN1 12GF]
[-f.17r-] PROPOSITION XXXI.
Si l'interualle compris entre les deux sons du diton, est divisé en deux esgualles parties, l'vne desdites parties sera vn ton minor, et l'autre maior.
SOit la ligne B.G. diuisee en cinq parties esgualles, et soit vne desdites parties marquee B.C. laquelle sera sesquiquarta, auec B.G. qui est la proportion du diton, apres soit l'interualle B.C. diuisee en deux parties esgualles, sçauoir en O. ainsi O.G. sera sesquioctaua, auec C.G. et B.O. sera sesquinona, auec O.G. tellement que ses deux interualles seront esgualles au diton.
[De Caus, Institution harmonique, f.17r,1; text: son graue, diton, ton minor, G, C, O, B, 2, 4, 6, 8, 9, 10] [CAUSIN1 12GF]
PROPOSITION XXXII.
Si l'intervalle compris entre les deux sons de l'Hexacorde maior est divisé en deux esgualles parties, l'vne desdites parties sera le diton, et l'autre le diatessaron.
SOit la ligne B.G. diuisee en cinq esgualles parties, et soyent deux desdites parties aux points B.D. et ainsi B.G. sera superbi partiente terzia, auec G.D. qui est la proportion de l'Hexachorde maior, et B.C. qui est la moitié de l'interualle sera en proportion sesquiquarta qui est la proportion du diton, et C.G. sera en proportion sesquiterza auec D.G. qui est le diatessaron, tellement que ses deux interualles esgualles font l'Hexacorde maior.
[De Caus, Institution harmonique, f.17r,2; text: son graue, Hexacorde maior, diatessaron, diton, G, D, C, B, 1, 2, 3, 4, 5] [CAUSIN1 12GF]
PROPOSITION XXXIII.
Si l'intervalle compris entre les deux sons du diapason est diuisé en trois esgualles parties, la partie grave sera le semy diton, la moyenne sera le diton, et la haute le diatessaron.
SOit la ligne A.G. divisee par la moitié en D. ainsi D.G. ou A.D. sera diapason auec A.G. apres soit l'interualle A.D. diuisee en trois esgualles parties, par la quatorziesme proposition A.B. sera le semyditon B.C. le diton, et C.D. le diatessaron, tellement que ces trois interualles esgualles font le diapason.
[-f.17v-] [De Caus, Institution harmonique, f.17v,1; text: diapason, son graue, semi diton, diatessaron, A, B, C, D, G, 6, 5, 4, 3, 2, 1] [CAUSIN1 12GF]
PROPOSITION XXXIIII.
Si l'interualle compris entre les deux sons de la Diapente, est diuisé en trois parties esgualles, la partie graue sera vn ton moyen, et les deux autres ensemble feront vn diatessaron.
SOit la ligne O.G. diuisee en trois esgualles parties, ainsi D.G. sera diapente contre O.G. apres soit l'interualle O.D. diuisé en trois esgualles parties, la premiere O.C. sera vn ton maior, par la dixseptiesme Definition, et les deux autres ensemble, feront vn diatessaron, par la douziesme Definition, ainsi ces deux interualles O.C. et C.D. feront la Diapente.
[De Caus, Institution harmonique, f.17v,2; text: son graue, diapente, diatessaron, ton, G, D, C, O, 3, 6, 7, 8, 9] [CAUSIN1 12GF]
PROPOSITION XXXV.
Si l'intervalle qui est compris entre les deux sons du semy diton, est divisé en trois esgualles parties, la premiere iointe auec la seconde, feront le ton maior, et la troisiesme le semy ton maior.
SOit la ligne A.G. diuisee en six parties esgualles, la partie A.B. sera l'interualle du semy diton par la treziesme proposition, apres soit ladite interualle diuisee en trois esguallet parties, les deux parties A.O. font l'interualle du ton maior, par la dixhuitiesme Definition, et la partie O.B. est l'interualle du semy ton maior par la dixneufieme Definition, et ainsi ces deux interualles ioints ensemble feront le semy diton.
[De Caus, Institution harmonique, f.17v,3; text: son graue, semy diton, ton maior, A, O, B, G, 18, 16, 15, 12, 9, 6, 3] [CAUSIN1 12GF]
[-f.18r-] PROPOSITION XXXVI.
Si l'intervalle compris entre les deux sons de l'Hexacorde minor est divisé en 3. esgualles parties, la premiere ionte auec la seconde font ensemble le diatessaron, et la troisiesme, le semi diton.
SOit la ligne M.G. diuisee en 8. parties esgualles, ainsi trois desdites parties M.B. seront l'interualle de l'Hexacorde minor par la 16. definition apres si lon ioint les deux parties M.A. ensemble se sera la proportion du diatessaron par la 11. definition et l'autre partie A.B. sera l'intervalle du semi diton par la 17. definition et ainsi ces deux interualles iointes ensemble feront l'Hexacorde minor.
[De Caus, Institution harmonique, f.18r; text: Heacorde minor, diatessaron, semi diton, son graue, M, A, B, G, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8] [CAUSIN1 12GF]
PROPOSITION XXXVII.
Comme lon pourra esprouuer si les consonnantes proportionnees selon nostre institution seront bonnes et accordantes auecques la nature.
AYant iusques à present donné l'intelligence des proportions musicalles, encores sera-il bon de demonstrer la raison pourquoy nous leur auons asigné telles proportions, et pourquoy nous les estimons meilleures que les autres, à celle fin de donner contentement au sens, par le moyen de la raison. Soit doncques fait vn instrument semblable à vne espinette à queüe, lequel contiendra 20. cordes d'esgualles longueurs et grosseurs, et faudra bien prendre guarde que lesdites cordes soyent bonnes et iustes, et le moyen de les esprouuer sera tel. Apres qu'elles seront tendues, l'on mettra vn petit cheuallet coulant dessoubs la iuste moitié de la corde, et si vne partie sonne esguallement et de mesme vnison de l'autre, c'est signe que la corde est bonne, apres faudra bien mettre toutes lesdites cordes à vnison ensemble, et pour ce faire bien iustement, apres que lon aura monté la premiere à vn son conuenable de sa longueur et grosseur, lon montera la seconde iusques à ce qu'elle soit à vnison auec la premiere, et pour sauoir si elle est à son vray unison, l'on mettra vne petite paillette au millieu de ladite corde, et sonnant la deusieme, si la paillette remue, elles seront à iuste vnison l'vn de l'autre, et ainsi lon fera à la troisiesme et à toutes les autres, apres l'on aura 19. petits cheualets de bois dur, ou de cuiure, lesquels l'on mettra soubs lesdites cordes, le premier soubs l'interualle sesquioctaua, de [sqb] en la deusiesme corde, laissant la premiere de sa longueur pour A. et le deusiesme cheuallet sera posé soubs la 3. corde, à l'interualle sesquiquinta de C, et ainsi lon posera tous les cheualets dessoubs les interualles dessignees audit instrument, soubs chacune corde, et faut noter que la touche de la corde [x].G. sera en la place ou lon met ordinairement la feinte de F. et celle [x].D. sera ou lon met ordinairement la feinte de C. apres que tout sera bien accordé, lon pourra iouer dessus, comme lon fait sur vne espinette, et faut auoir tousiours esguard de prendre la touche [x]D. quand lon voudra faire vne quarte au dessus de A. et aussi de prendre [x].G. quand lon voudra faire vne quarte au dessus de [x].D. tellement qu'apres auoir esprouué toutes ces proportions, lon trouuera qu'elles sont toutes de tresiustes harmonie, les vnes auec les autres, en sorte que le sens de louye sera satisfait, et se accordera auec lesdites proportions, i'ay fait ceste experience apres Zarlin, [Zarlin suplementi Musicalli 37. Chapitre liure 4. in marg.] lequel dit l'auoir trouué tres iuste. I'ay seulement aiousté les deux cordes [x].G. et [x].D. et leurs diapasons, la proportion du coma se treuue entre [x]D. et D. comme aussi entre [x].G. et G. laquelle est si petite, que à peine le sens de louye la peut discerner, toutesfois elle est necessaire pour nos demonstrations.
[-f.18v-] [De Caus, Institution harmonique, f.18v; text: Les regles marquees I. servent pour soutenir les cordes, et la mesure desdites cordes se font d'entre lesdites regles. Les sautereaux qui sont haussez par les touches, pour faire sonner les cordes sont marquees des lettres L. A, [sqb], C, D, E, F, G, a, b, c, d, e, f, g, aa] [CAUSIN1 13GF]
[-f.19r-] PROPOSITION XXXVIII.
L'on ne peut plus inuenter aucunes consonnantes.
IL est certain que nous usons à present, toutes les consonnantes qui peuuent estre en la nature, sçauoir diapason, diapente, diatessaron, diton, semi diton, hexacorde maior et minor, lesquelles consonnantes, se peuuent redoubler comme dis diapason, diapason, diapante, diapason diton, et ainsi des autres. Or ce qu'il me fait dire qu'il ny en a point d'autres en la nature, ie le prouueray par plusieurs raisons, la premiere est, que la consonnante comme a esté dit en la siziesme Definition, se fait de deux sons, se meslans ensemble par l'air, auec vne douce confusion, en sorte qu'il semble que ce ne soit qu'vn son, et la dissonante au contraire se fait, quand deux sons ne se peuuent mesler ensemble, donques pour congnoistre et bien esprouuer ce qui est consonnante, et ce qui ne l'est pas, faut poser dessus vn sommier d'Orgues, deux tuyaux, lesquels estans sonnez, s'ils sont en diapason, l'vn de l'autre, il se fera vne douce confusion par l'air, en sorte qu'il semblera que ce ne soit qu'vn son, et si lesdits tuyaux sont en proportion sesquialtera l'vn de l'autre, et estans sonnez, l'on orra la consonnante diapente, qu'il semblera aussi, que ce ne soit qu'vn son, mais non si parfait que le diapason, apres si lesdits tuyaux sont en proportion sesquiterzia, et estans sonnees, lon orra le diatessaron aussi auec vn meslange, mais non si parfait que la diapente, apres si lesdits tuyaux sont en proportion sesquiquarta, lon orra le diton, mais les deux sons ne se mesleront ensemble si parfaitement ques les premiers, tousiours lon pourra discerner vne douce confusion, comme aussi du semi diton Hexacorde maior et minor, mais si lon vient à sonner deux tuyaux estans en quelque autre proportion ou interualle que ce soit, autres que ceux que i'ay icy nommez, il est tres certain, au lieu que lesdits sons se meslent ensemble, et rapportent quelque douceur à louye, qu'elles sonneront auec vn tremblement, voulant chascun son, demeurer en son entier, en sorte qu'il se fera vne discordance qui offencera louye grandement, ainsi par ce moyen il se peut voir qu'il ny a point d'autres consonnantes en la nature sinon celles que nous vsons à present, il y a encores d'autres moyens pour essayer à trouuer les consonnantes, soit auec le Monochorde, ou auec le Policorde, [Polycorde est tout instrument à plusieurs cordes. in marg.] mais quelques interualles que l'on puisse essayer dessus, il ny en a pas vne qui puisse donner quelque harmonie, sinon celles que nos vsons.
PROPOSITION XXXIX.
L'on peut encores inventer quelques intervalles en la Musique.
MAis quand aux interualles petites, lesquelles lon pourroit encores mettre entre chacun semi ton, elles aporteront vne grande harmonie, si elles sont bien coloquees, comme sera monstré cy apres en la deuziesme partie de ce liure, non pas que lesdites interualles augmentent le nombre des consonnantes, mais elles seruiront pour estre vsees seulement en des pasages de fredons, comme i'en donneray vn exemple chascun sçait qu'vn chantre lequel à la vois bonne, et qui la sait bien manier, comme nous en auons à present en France, fera des pasages de la vois, lesquels ne sera possible de coucher par escrit en nostre Musique ordinaire, à cause qu'il y a des petites interualles, comme quarts de ton, et encores plus petits, qui se meslent en passages, cest pourquoy aioustant encores des interualles, entre les semi tons, lon pourra non seulement coucher lesdits passages en tablateure, mais en vser en vser en nos instrumens, comme i'en donneray l'vsage par cy apres.
[-f.19v-] PROPOSITION XXXX.
Du genre de Musique dit Cromatique, et comme les antiques en ont vsé.
CE Genre de Musique comme dit Boece, et apres luy Zarlin, fut inuenté par Timothee Millesien, du temps d'Alexandre le grand, demeurant ledit Timothee en Sparte, et à cause que lesdits Spartiens usoyent du genre diatonique, qui estoit vne Musique plaine, et sans feinte, et la cromatique estant plus molle, fut cause que lesdits Spartiens bannirent de la ville ledit Timothee, toutesfois ledit genre de Musique ne laissa d'estre en vsage du depuis entre les Grecs, et les Latins, comme tesmoignent Aristoxene, Ptolomee, Plutarque, Vitruue, et plusieurs Autheurs, lesquels parlent des proportions que doibt auoir ledit genre, mais pas vn d'iceux ne parle, qu'il se composast auec plusieurs vois, comme nous faisons nostre Musique d'auiourd'huy, aussi ne se pourroit-il pas faire, encores que quelques vns l'ont estimé, Pontus de Tiard Euesque de Chalons, en ses discours Philosophiques, et Hierome Cardan en son liure de subtilité, ont eu opinion que c'estoit quelque Musique rare, et incongneue à nous, ie pense bien, qu'au temps qu'elle a osté inuentee, elle fut trouuee asses aggreable, au respect de la rudesse du genre diatonique, mais à present que ledit genre diatonique est diuisé par tant d'interualles comme nous l'avons à present, et tant de varieté se peut il faire dessus, que ce n'est pas grande merueille, si on a laissé le genre cromatique comme inutille, et sans plaisir, et d'autant que i'ay congneu plusieurs gens abusez en ce fait de Musique, pensans que la Cromatique et le genre Enharmonique, soit quelque chose de rare, si lon en pouuoit auoir la congnoissance, ie donneray icy premierement les proportions des interualles dudit genre, et apres, ie demonstreray euidemment qu'il ne se peut pas chanter auec les vois comme le diatonique. Soit doncques le Monochorde gradué en ceste façon, toute la corde sera partie en neuf parties esgualles, dont huit d'icelles seront donnees à la premiere interualle hipate hipaton, apres soit toute ladite corde diuisee en trentedeux parties esgualles, et soit vingt et sept desdites parties donnees à la corde parhipate hipaton, et ainsi ladite corde sera auec hipate hipaton, comme de 243. a 256. laquelle interualle est vn semi ton moyen, apres faudra partir toute la corde en vingt et quatre parties esgualles, et donner dixneuf desdites parties à Lichanos hipaton, qui est presque vn demi ton maior, apres toute la corde sera diuisee en trois parties esgualles et deux d'icelles seront donnees à hipate meson, laquelle interualle est en proportion sesquialtera, qui fait diapente, apres linterualle C.H. sera diuisee en quatre parties esgualles et trois d'icelles parties seront donnees à parhipate meson, ainsi parhipate meson sera auec hipate meson, comme parhipate hipaton, auec hipate hipaton, apres soit parti l'interualle D.H. en quatre parties esgualles, et soit donné trois d'icelles parties à lichanos meson, ainsi lichanos meson sera auec parhipate meson, comme lichanos hipaton, auec parhipate hipaton, apres toute la corde sera diuisee en deux parties esgualles, et vne d'icelles sera donnee à mese, ainsi mese, sera auec lichanos meson comme hipate meson, auec lichanos hipaton, sçauoir comme de 19. à 24. ainsi les sept interualles du premier diapason seront acheuees, et ceux du second diapason se pourront faire tous semblables, i'ay aiousté les nombres propres à chacune note, et de l'autre costé seront les nombres, pour congnoistre les grandeurs de chascune interualle, i'ay mis aussi des demis cercles ou sont notees toutes les consonnantes qui sont entre le diapason, ce genre Cromatique a aussi esté reformé par Ptolomee, lequel en a fait de deux sortes, l'vne dite molle, et l'autre incitee, et me semble que ce seroit prolixité de discourir beaucoup d'vne chose, qui ne peut aporter grand proffit en ce subiect de Musique, ainsi nous laisserons toutes les proportions inuentees sur ce genre, comme inutilles pour le present.
[-f.20r-] [De Caus, Institution harmonique, f.20r; text: MONOCHORDE ANTIQUE DU GENre Chromatique. Nette hiperboleon, Paranette, Tritte, diezeugmenon, Paramese, Trite sinemenon, Messe, Lichanos meson, Parhipate, Hipate, hipaton, Prolombanomene, diapason, diapente, diatessaron, aa, g, f, e, d, c, [sqb], b, a, G, F, E, D, C, A, 2304, 2736, 2916, 3072, 3648, 3888, 4096, 4374, 4608, 5472, 5832, 6144, 7296, 7776, 8192, 9216, 16, 19, 70, 81, 243, 256, 76, 81, 2048, 2187, 8, 9] [CAUSIN1 14GF]
[-f.20v-] PROPOSITION XXXXI.
Icy est demonstré comme l'antique Musique Cromatique ne se peut composer pour chanter auec les vois.
Ie ne doubte pas que Zarlin, et plusieurs autres modernes Autheurs (lesquels ont entendu la Theorique et pratique de la Musique) n'on sçeu que ce genre de Musique Cromatique ne se pouuoit chanter pour plusieurs raisons, toutesfois ie ne sache point que ledit Zarlin et les autres ayent amené preuue, ou ayent dit que ledit genre Cromatique, ne peut estré chanté, quand audit Zarlin il a traité aussi amplement, et plus de la Theorie et pratique de la Musique que aucun autheur deuant luy, mais ie croy que le trop de respect qu'il a eu à l'antiquité, la enguardé de parler de plusieurs erreurs, et choses inutilles par eux usitees, et entre les autres, ce genre de Musique Cromatique, et aussi le suyuant Enharmonique merite plus de les ramenteuoir, pour monstrer la simplesse de l'antiquité, que pour aucune utilité ou plaisir qu'on en pourroit receuoir. I'ay donques par cy deuant monstré qu'il ne peut auoir autres consonnantes en la nature, sinon celles qui ont esté monstrees, despendantes du genre diatonique sinton de Ptolomee, à present il se peut voir en ceste diuision, qu'il ny a autres consonnantes que diapason, diapente, et diatessaron, et encores sont elles peu frequentes en tout le Monocorde, la raison est, que les interualles ont fort peu de correspondance harmoniques les vnes auec les autres, qui empesche que quand lon voudroit faire vne composition de plusieurs vois ensemble, il seroit impossible, si lon n'auoit recours à d'autres consonnantes, qu'a celles de ce genre, et encores que lon pourroit faire quelque moyenne composition, auec les consonnantes comprises en ce genre, si est-ce que la vois laquelle est accoustumee à entonner celles icy, si ce n'est les diapentes et diatessarons, mais si lon vouloit muer comme de prolambanomenos à parhipate hipaton, ou lichanos hipaton, il seroit impossible, sans l'aide de quelque instrument, qui fut monté auec les mesmes interualles, et encores que cela fut, la vois aura fort à faire à suiure ledit instrument directement, tellement que nous conclurrons que ledit genre Cromatique est du tout inutille pour le present.
Mais lon pourroit repliquer icy, que plusieurs modernes compositeurs, et entre autres Lucas Marenzio et Claudin le ieune, ont usé de ladite Cromatique en leurs compositions de vois, à cela ie respons, que ce n'est nullement Cromatique, que lesdites compositions, d'autant que si on veut examiner toutes leurs interualles, on les trouvera estres contenues au Monochorde general, demonstré en la vingt et troisiesme proposition, mais à cause que lesdites compositions sont fort extraordinaires, pour la quantité des semi tons, l'on leur a aposé ce nom de Cromatique.
[-f.21r-] PROPOSITION XXXXII.
Du genre de Musique Enharmonique, et comme les antiques en ont vsé.
CE genre Enharmonique n'est non plus en vsage que la Chromatique, ses interualles ne s'accordent du tout auec la Diatonique, ny la Chromatique Aristoxene et Plutarque disent, qu'il fut inuenté par Olympe excellent Musicien de son temps, c'est Olympe et Terpander, comme dit le mesme Plutarque, retrencherent le trop grand nombre de cordes, qui s'usoyent de leurs temps, et ordonnerent qu'il n'y en auroit que trois, et faisoyent plus auec icelles, que tous les autres auec plus grand nombre, en ce discours de Plutarque, il se peut remarquer qu'il parle des cordes, et non des voix, et ne doubte pas, que si les antiques eussent usé de compositions de voix comme nous, que tant de bons autheurs s'en fussent teus, car à dire vray, les Grecs n'ont rien oublié à escrire des sciences qu'ils ont congneues, et quand aux proportions dudit genre Enharmonique, ie les donneray icy comme les antiques en ont usé, soit doncques la corde prolombanomenos diuisee en neuf parties esgualles, dont les huit seront donnees à hipate hipaton, apres l'on posera la corde lichanos hipaton, comme en la precedente diuision chromatique, celle de parhipate hipaton, puis l'interualle, qui est entre hipate hipaton, et lichanos hipaton, sera diuisé en deux esgualles parties, pour parhipate hipaton, et si lon y veut trouuer le nombre l'on soubstraira 7776. de 8192. le produit sera 416. ainsi 416. sera la grandeur de l'interualle, entre 8192. et 7776. lequel nombre estant parti par la moitié fera 208. lequel aiousté auec 7776. donnera 7984. qui est le nombre pour parhipate hipaton, apres l'on diuisera toute la corde en trois esgualles parties, et deux d'icelles seront donnees à hipate meson, ainsi ladite corde sera diapente, contre prolombamenos, apres l'on diuisera la corde parhipate hipaton en quatre parties, et trois d'icelles seront donnees a parhipate mete meson, pareillement l'on diuisera la corde lichanos hipaton en quatre parties, et trois d'icelles seront donnees à lichanos meson, apres toute la corde sera diuisee en deux parties esgualles, et l'vne d icelles sera pour mese, et ainsi les sept interualles du premier diapason seront trouuez, et l'autre diapason superieur se fera de semblables interualles, il y a encores quelques autres interualles de l'autre costé de ce Monochorde appellez des antiques tetracorde des coniointes, d'autant que les cordes d'iceluy estoient quelquefois iointes au autres tetracordes, tellement que quand l'on vsoit le troisiesme Tetracorde des desiointes appellé tetracorde diezeumenon, l'on laissoit celuy des coniointes dit tetracorde, sinemenon, comme l'on pourroit dire à present [sqb]. quarré ou b mol, car la tetracorde des coniointes estoit presque comme nostre b mol, voila doncques toutes les interualles usitees au genre Enharmoniques, lesquelles on peut voir, que peu d'icelles s'accordent auec les interualles naturelles de nostre institution, qui est l'occasion que nous auons quitté l'vsage de ce genre, non par ignorance comme aucuns croyent, mais pour n'estre fourni de consonnantes propres à faire vne bonne harmonie soit de voix ou d'instruments, mais l'on pourroit icy demander, comment doncques les antiques en ont vsé, veu mesme qu'il a esté inuenté depuis le genre diatonique, qui nous est demeuré, et que s'il n'eust esté si bon que le diatonique, il n'eust pas esté mis en vsage, à cela ie respondray comme Plutarque [Plutarque en son Traité de Musique. in marg.] lequel dit, Pherecrates Poëte comique, voyant gaster la bonne harmonie, qui auoit desia quelque [-f.21v-] commencement introduit en la Musique en habit de femme, ayant tout le corps deschiré de coups de verges, et la Iustice qui luy demande la cause pourquoy, et comment elle a esté ainsi fouëttee, la Musique luy respond ainsi.
Ie le diray, car à le raconter,
I'auray plaisiur, et toy à l'escouter,
L'vn des premiers qui m'ont fait cest exces
Si piteux est, vn Melanippides,
Qui auec douze escorgees batue
Ma fait si lasche, et si molle rendue,
Mais il estoit encore supportable
A pris du mal qui maintenant m'acable.
Car vn certain Cinesias d'Attique,
Maudit des dieux auecques sa pratique,
De tordions rompus hors d'armonie
Au achevé de rudoyer ma vie.
Son Dithyrambe, à gauche semble droit,
Comme vn bouclier, à l'vn et l'autre endroit.
Encore m'a celuy la moins traitee
Cruellement, et non pas tant gastee
Comme Phrynis, lequel en me iettant
Son tourbillon, et me pirouëttant,
Tournant, virant, trouua douze harmonies
Selon sa mode en cinq cordes garnies,
Mais toutefois celuy là s'il failloit
En vn costé, d'autre il le r'habilloit.
Timotheus apres (ma bonne Dame)
M'a deschiree à outrance plus qu'ame:
I'entens celuy qui natif de la ville
De Milet m'a fait des maux mill'et mille,
Et a passé à me greuer tous ceux
Qui m'ont esté iamais plus outrageux,
En amenant sa fade fourmiliere.
De ses fredons mal plaisante maniere:
Si par chemin seule il me rencontroit
De mes habits il me desacoustroit,
En me liant auec douze cordes.
Le mesme Plutarque dit encores, que les autres Comiques blasonnerent ceux lesquels decoupoient la Musique en petits morceaux, comme encores vn Aristophanes, qui fait mention que Philoxenus auoit des chansons aux danses rondes, et fait aussi parler la Musique,
Auec ses chants hiperboleiens
Niglariens et Hexarmoniens
Comme il les nomme il m'a toute remplie
De feintes vois, lachee et amolie
Comme vne rave
Par ces vers il se peut voir que les petites interualles ou feintes ne pouuoient estre agreables aux antiques, d'autant que lesdites feintes ne pouuoient estre acommodees en bonnes consonnantes, comme celles dont nous vsons à present, comme il se peut considerer à la diuision de ce genre en harmonique, ou à l'vn des costez, i'ay mis toutes les consonnantes contenues au premier diapason.
[-f.22r-] [De Caus, Institution harmonique, f.22r; text: MONOCHORDE ANTIQUE DU GENre Enharmonique. Nette hiperboleon, Paranette, Tritte, diezeugmenon, Paramese, Trite sinemenon, Messe, Lichanos meson, Parhipate, Hipate, hipaton, Ptolombanomene, diapason, diapente, diatessaron, H, aa, g, f, e, d, c, [sqb], b, a, G, F, E, D, C, A, 2304, 2916, 2994, 3072, 3888, 3992, 4096, 4491, 4608, 5832, 5988, 6144, 7776, 7984, 8192, 9216, 8, 9, 486, 499, 512, 769, 972] [CAUSIN1 15GF]
[-f.22v-] PROPOSITION XXXXIII.
Icy est demonstré comme l'antique Musique Enharmonique ne se peut chanter avec les vois.
LA demonstration que i'ay faite que le genre Chromatique ne se peut chanter auec les vois seruira pour demonstrer que ce genre Enharmoniche ne se peut aussi chanter, et encores cestuy-ci est encores plus eslongné de la naturelle disposition des consonnantes, à cause des petits interualles, qu'il n'est possible à la vois humaine les sçauoir entonner, et encores que lon le pourroit faire à l'aide des instrumens, il ne se pourroit pas trouuer des consonnantes contre lesdites interualles pour rendre aucune harmonie agreable, ainsi nous tiendrons aussi ce genre de Musique inutille.
PROPOSITION XXXXIIII.
L'occasion qui a meu l'Aautheur à parler contre l'antique Musique.
MAis lon me pourroit icy blasmer de parler tant contre la Musique des anciens, veu qu'elle a esté tant honnoree par si grand nombre de bons autheurs, à cela ie respons, que voirement les anciens meritent d'estre honnorez, pour auoir trouué et tousiours augmenté quelque chose de bon en ceste science, mais ce qui me fait ainsi parler à l'encontre est, d'autant que aucuns modernes autheurs, et entre autres Zarlin à presque rempli vn gros volume qu'il a fait, (de la theorie et practique de la Musique) de toutes ces proportions antiques, et quand l'on aura estudié et sçeu tout ce qu'il veut dire de la Chromatique et Enharmonique, lon ne saura aucune chose propre pour ce temps, ou les proportions de ceste science, et les compositions sont mieux congneues, qu'elles n'ont esté des antiques, ainsi ce que i'en escris est pour diuertir beaucoup de bons esprits curieux, de congnoistre et aprendre quelque chose de bon, et de ne s'arrester pas tant à tous ces genres de Musique plus curieusement recherchees qu'utilles, et de plustost s'arrester à ce qui peut aporter de l'vtilité et plaisir, il est bien vray, que cest vne belle curiosité de congnoistre comme les anciens ont vsé de la Musique, mais aussi il est necessaire de sauoir, que ceste cognoissance que les antiques ont eu, n'a pas esté si parfaite, que celle que nous auons maintenant, qui est vn point ou il y a beaucoup de modernes fort abusez, lesquels pensent que tous ces noms estranges, dont les anciens se sont seruis en ceste science, estoient quelques choses de fort rares incogneues à nous, cest bien chose vraye, que nostre language ne nous permet point d'auoir de si beaux termes et si à propos, comme les Grecs et Latins ont eu, pour toutes sortes de sciences, cest pourquoy nous auons retenu aucuns desdits termes mieux appropriez en leur language que non au nostre, et aussi ce qu'il fait croire aucuns, que la Musique des anciens, a esté si parfaite, cest à cause du grand honneur que les Grecs ont donné à ceux lesquels y ont aporté quelques inuentions nouuelles, et mesmement ont loué aucuns Musiciens, iusques a en raconter des fables, car quand Ouide raconte qu'Orfee faisoit venir les bestes à luy, et esmouuoit les arbres et rochers, et mesmement les dieux infernaux au son de sa Lire, et semblablement Horace, [-f.23r-] quand il dit qu'Anfion faisoit mouuoir les pierres de leur lieu, au son de la lire, et en bastit les murs de Thebes, il nous les faut croire comme Poëtes, lesquels ont voulu exalter vne science au dessus de l'extremité, et non comme vrais Historiens, l'Histoire d'Arion assez congneue, est presque semblable, recitee de Pline pour chose croyable, et semble que Zarlin y a adiousté foy, et à d'autres telles fables, recitees plustost à la louange de la Musique, que pour choses veribles. Ainsi pour conclusion de ceste premiere partie, ie trouue bon, que celuy qui voudra paruenir à la congnoissance de ceste science, sache aucunement ce que les antiques nous ont laissé de proportions, mais de croire seulement à ce qui est demonstré estre veritable, car considerant nostre vie si brefue, nous l'employerons fort mal, si nous voulons nous amuser à la recherche des choses du tout hors d'vsage, comme de la Chromatique et Enharmonique, et laisser les vrayes proportions, pour courir à celles qui ne nous apporterons que de la confusion.
Pour remplir ceste Page, l'Autheur monstre par quelques raisons, que les proportions de la Musique des Indes Orientales et Occidentales s'accordent par necessité, auec les nostres.
QUand à la Musique qui se praticque aux Indes Occidentales, il est tout certain qu'elle ne peut estre accomparee à la nostre, car le peuple estant du tout ignorant des lettres n'a aucune congnoissance des sciences, et ceux qui y ont esté, nous ont rapporté qu'ils chantent aucunes chansons auec la vois, mais sans aucunes consonnantes, et à ce que i'en ay peu apprendre, ils vont du son graue à l'aigu, non auec proportion du ton ou semi ton, comme nous faisons, mais ils haussent et baissent leurs vois, quelque fois d'vne petite interualle de ton, et quelquefois d'auantage, comme il vient à leur fantasie desreiglee. Et quand aux Indiens des parties Orientalles, en aucun lieux ils sont fort ciuilisez, et ont la congnoissance des lettres, lon tient que plusieurs arts sont congneus au grand Royaume de la Chinna, plus parfaittement qu'en l'Europe, ils ont les sciences par escrit, et l'imprimerie deuant nous, mesmes aussi plusieurs tiennent, que l'inuention de la poudre à canon vient de ce pays là, car ils ont l'vsage du canon, par le rapport de ceux lesquels y ont esté auant nous, mais quand à ceste science de Musique, nous ne pouuons pas bonnement sçauoir, en quel estat elle est en ces quartiers là, d'autant que les estrangers ny peuuent auoir libre commerce, et ne veulent permettre que aucun estranger entre dedans leur pays, les Hollandois en la relation qu'ils ont fait de ces pays Orientaux, disent qu'en l'isle de Iaua, qui est à quelques 300. lieuës de la Chinne, les habitans ont certains bassins de cuiure iettez en moulle, proportionnez comme des cloches, auec lesquels ils font vne certaine Musique, comme celles des cloches de par de ça, quoy que ce soit, il faut que lesdites proportions se rapporten aux nostres, s'ils sont en consonnantes les vnes auec les autres, car veu que nous auons tout ce que la nature peut donner, ce seroit erreur de penser que leurs proportions fussent autres que les nostres, ils pourroyent bien diuiser le ton, et les consonnantes en plusieurs autres parties, mais s'ils chantent ou iouent deux ou plusieurs parties ensemble, en contrepoint, ils faut que les consonnantes d'entre lesdites parties, soyent semblables aux nostres, ia'y veu autrefois quelques instruments à cordes, que lon auoit aportez des Indes Occidentalles, mais ils estoyent si simples, et grossierement [-f.23v-] faits, qu'il se peut iuger aisément, que ces peuples sont fort iguorans, de la Musique, les cordes estoyent de io g sec, et ne laissoyent point de donner quelque son mais fort sourd, comme feroit vn instrument monté auec des cordes de fil, ou de soye, et se iouoyent auec l'archet, comme lon fait sur les violons: En Turquic il y a aussi plusieurs sortes d'instruments, auec lesquels ils iouent le plus souuent auec confusion, sans user de consonnantes, sinon de celles qui viennent accidentallement, et se contentent seulement d'ouir vn grand bruit confus. En fin il semble que les Muses ont abandonné le pays de Grece, et d'Egypte et Iudee, voire tout le reste de la terre, pour se retirer en ces quartiers de l'Europe, et moyennent que nous les caressions, il ne faut pas doubter qu'elles ny demeurent assiduellement.
Fin de la premiere partie.