TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE
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Author: Campion, François
Title: Addition au traité d'accompagnement et de composition par la Régle de l'Octave
Source: Addition au traité d'accompagnement et de composition par la régle de l'octave; Où est compris particuliérement le Secret de l'accompagnement du Théorbe, de la Guitare et du Luth. avec La maniére de transposer instrumentalement, et de solfier facilement la Musique vocale sans l'usage de la Gâme (Paris, 1730; reprint ed., Genève: Minkoff, 1976).
Graphics: CAMADD 01GF-CAMADD 04GF
[-1-] ADDITION AU TRAITÉ D'ACCOMPAGNEMENT ET DE COMPOSITION PAR LA RÉGLE DE L'OCTAVE;
Où est compris particuliérement le Secret de l'accompagnement du Théorbe, de la Guitare et du Luth.
AVEC
La maniére de transposer instrumentalement, et de solfier facilement la Musique vocale sans l'usage de la Gâme.
Par le Sieur CAMPION, Professeur-Maître de Théorbe, et de Guitare, de l'Académie Royale de Musique.
Oeuvre IV.
A PARIS,
Chés
La Veuve RIBOU, devant la Comédie Françoise.
Le Sieur BOIVIN, à la Régle d'Or, ruë Saint Honoré.
Le Sieur LE CLERC, à la Croix d'Or, ruë du Roule.
L'Auteur ruë des Fossés Montmarte.
Et à la Porte de l'Opéra.
MDCCXXX.
Avec approbation et privilege du Roy.
[-3-] ADDITION AU TRAITÉ D'ACCOMPAGNEMENT ET DE COMPOSITION Par la Régle de l'Octave.
LA régle de l'Octave a été si bien reçûë de Public, que je me sçai bon gré de l'avoir mise au jour. Effectivement, il y a peu de Maîtres qui n'ayent adopté cette maniére sensible, et abbregée d'enseigner l'accompagnement, étant le moyen le plus prochain de parvenir. Eh quoi! (disoit Monsieur Clerambault, au moment qu'il conçût cette régle) je disois de la prôse, sans sçavoir que ce fût de la prôse.
Je me flatte que cette addition sera aussi agréable au Public que sa premiére partie.
Onus arte levatur.
Je prétens donner aujourd'hui au Public, le secret de l'accompagnement du Théorbe, de la Guitare, et du Luth; et aussi des instrumens qui ont des touches sur le manche. [a Cordes qui emb<r>assent le manche. in marg.] Tout le monde convient du charme de la corde à boyau, et les Clavecinistes rendent justice aux beaux [-4-] sons qu'elle produit sur ces instrumens; mais chacun est rebuté de leur difficulté; et c'est avec raison; puisque les anciens ont prétendu enseigner l'accompagnement par a, b, c, ou par quelque méthode aussi obscure. Je vais aujourd'huy rendre ces instrumens si faciles, que je ne doute point que le Public ne revienne de sa prévention. Je parle aux Studieux; car tous les autres sont exclus de sciences.
Dans ma régle tout est nombre et raison; c'est par le chiffre que l'on opére, et non par la nomination de la notte qui en est une dérivation. Pour faire une tierce ou sixte sur le clavecin, il faut sçavoir le nom de la notte, c'est une opération double: et par le secret que je vais vous donner sur nos instrumens, vous irez droit au chiffre. C'est en quoy conciste notre abbregé.
J'ay fait mistére de ce secret dans mon Traité d'accompagnement; mais étant seul qui le posséde, je me fais un scrupule d'en priver la Postérité. C'est le secret que m'a donné l'illustre Monsieur de Maltot mon prédécesseur en l'Académie Royale de Musique. Il l'a inventé, et m'en a fait dépositaire. Cum denegatur nobis diù vivere, relinquamus aliquid quo nos vixisse testemur.
Je commencerai par le Théorbe, en quoy est comprise la Guitare; car, qui sçait selon mes principes accompagner du Théorbe, doit accompagner de la Guitare, avec quelques observations du fort au foible.
Théorbe.
Quoique le Théorbe ait quatorze cordes, nous n'en connoissons que trois, sur lesquelles nous raisonnons trois points seulement, tout le reste y est relatif.
[-5-] Systême de la quatriéme corde.
Quand on fait accord sur la quatriéme corde, on dit
tierce majeure sixte majeure et seconde majeure
C'est à dire que les accords, qui commenceront par la quatriéme corde, seront soumis à cette régle; et pour plus grande intelligence; touchez, ou pincez la quatriéme corde du poulce, avec la troisiéme corde du premier doigt; vous direz tierce majeure. Touchez la quatriéme corde, toujours du poulce, avec la seconde corde; vous direz sixte majeure. Touchez enfin la quatriéme corde du poulce, avec la premiére corde; vous direz seconde majeure, ce qui collige tierce majeure sixte majeure et seconde majeure.
Cette régle étant ainsi à ouvert, c'est-à-dire sans mettre aucun doigt sur le manche de la main gauche, on doit comprendre qu'à chaque touche du manche, ou semiton, la régle y est et s'y dit: puisqu'en promenant indifféremment le premier doigt couché ou barré (que nous appellons sillet ambulant) sur toutes les touches, y en eût-il mille, la régle s'y dit.
Tierce majeure sixte majeure et seconde majeure sont donc les ouvriers qui se métamorphoseront en toute l'harmonie dont aura besoin la quatriéme corde. Si vous allez par un doute ridicule tâter si c'est un mî, ou un fa, qui fait la quinte ou la sixte vous perdez le fruit de nôtre régle Le chiffre * [*Traitè d'accompagnement, folio 8. in marg.] est notre unique langage; il le faut indispensablement sçavoir par coeur avant de rien entreprendre: si vous manquez à cette nécessité, prenez-vous en à vous même, si vous n'entrez pas dans l'intelligence. Le chiffre est plus sur que la nomination des nottes, qui est une dérivation du nombre, et par consequent opération double. On n'a pas besoin de grande musique avec cette régle; [-6-] pourvû que l'on sçache lire la notte essentielle; c'est-à-dire la notte écrite, l'accompagnement est chiffre.
[Campion, Addition, 6; text: Théme du sol, sur la quatrieme corde. Détail des accords. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12] [CAMADD 01GF]
Voilà une quantité d'harmonie qui est comme un assemblage de matériaux à travailler pour bâtir ensuite. C'est la maniére de composer un accord. La régle de l'Octave vous apprendra à en faire choix, et à le placer. Le dessus de la notte est chiffré en détail, et le dessous est comme on les trouve ordinairement dans toutes les musiques, c'est-à-dire d'obligation; puisqu'un chiffre suffit souvent pour un accord entier. Nous ne répéterons point dans les autres points d'Orgue ce dessous, étant le même par tout. Remarquez, en régle générale, que le Diéze et le Bémol doivent se mettre devant le chiffre comme devant la notte.
Commençons donc notre opération et rappellons notre regle; tierce majeure. sixte majeure. et seconde majeure.
Déclinaison des accords.
I. tierce majeure donnera la quinte.
[-7-] [<...> majeure in marg.] a ouvert. quarte à la premiére touche, quarte majeure à la seconde touche, et quinte â la troisiéme touche; du troisiéme doigt.
[<...> majeure in marg.] donnera l'octave. Sixte majeure a ouvert. Septiéme mineure à la premiére touche, septiéme majeure à la seconde touche. Et octave. à la troisiéme touche du petit doigt.
[<...> majeure in marg.] donnera la tierce mineure. Seconde majeure a ouvert, et tierce mineure à la premiére touche du premier doigt, que vous poserez du corps du doigt, et non de la pointe: et vous annoterez cette position très-utile pour les bémols, et diézes de la premiére touche, et autres. C'est ce doigt qui est fillet ambulant.
Régle générale pour le choix des doigts de la main gauche, pour le Théorbe, Luth, et Guitare.
Le premier doigt régne à la premiére touche; le second doigt lui est auxiliaire.
Le second doigt régne à la seconde touche; le premier, et le troisiéme lui sont auxiliaires. Le poulce doit être derriere le manche opposé à ce second doigt.
Le troisiéme et petit doigt, régnent à la troisiéme et quatriéme touche, selon leur plus grande proximité, et que le bon sens le demande. Quand la main se transporte plus bas, elle garde toujours le même ménagement, ainsi qu'on le connoît par l'experience et la raison.
[<...> majeure in marg.] 2. Donnera la sixte mineure. Tierce majeure a ouvert; quarte à la premiére touche, quarte majeure à la seconde touche, quinte à la troisieme touche, et sixte mineure à la quatriéme touche, du second doigt.
[<...> majeure in marg.] Donnera la seconde majeure. Sixte majeure a ouvert, septiéme mineure à la premiére touche, septiéme majeure à la seconde touche, octave à la troisiéme touche, seconde mineure à la quatriéme touche [-8-] et seconde majeure à la cinquiéme touche, du petit doigt.
[seconde majeure in marg.] donnera la quarte. Seconde majeure a ouvert, tierce mineure à la premiére touche, tierce majeure à la seconde touche, et quarte à la troisiéme du premier doigt, a demi couché; c'est-à-dire du corps du doigt, tout prêt à barrer, ou coucher pour l'accord suivant.
Observez à la rigueur de ne point lire ce raisonnement que l'Instrument à la main, et que ce soit à haute voix, ainsi qu'ordonnent les Grammairiens judicieux d'apprendre les Langues étrangeres; et jamais, comme je l'ai dit, sans sçavoir par coeur la nomination simple des chiffres montant, et descendant page 8 de mon Traité. Celà est si essentiel que j'en ai vû ratter cet accompagnement, faute de cette précaution.
3. Je suspens ordinairement aux commenceans le raisonnement de cet accord, parce qu'il appartient au systême de la cinquiéme corde, sur laquelle le fa diéze se trouve; et que c'est exposer un écolier au dégoût, et à la confusion en cette matiére qui ne laisse pas d'être abstraite. Nous en parlerons au Thême du fa diéze, article 3.
4. Accord appellé ordinairement, quarte et sixte, on y y ajoûte l'octave.
[tierce majeure in marg.] donne quarte à la premiére touche, quarte majeure à la seconde touche, quinte à la troisiéme touche, et sixte mineure à la quatriéme touche, du troisiéme doigt, ou du petit. Le troisiéme est préferable, parce qu'il ne doit point sortir de la corde pour l'accord suivant.
[sixte majeure in marg.] donne septiéme mineure à la premiére touche, septiéme majeure à la seconde touche, et octave à la troisiéme touche du premier doigt.
[seconde majeure in marg.] donne tierce à la premiere touche, tierce majeure à la seconde [-9-] touche, et quarte à la troisiéme touche, du second doigt.
6. Cet accord est appellé accord parfait,
[<...> majeure in marg.] donnera la quinte comme au premier accord, article 1.
[<...> majeure in marg.] donnera l'octave comme au premier article.
[<...> majeure in marg.] donnera tierce mineure à la premiére touche, et tierce majeure à la seconde touche, du second doigt.
7. Avec l'accord parfait, on trouve souvent la septiéme mineure qui détermine ordinairement à descendre de quinte ou à monter de quarte comme dominante.
[<...> majeure in marg.] donne quinte comme a l'article 1.
[<...> majeure in marg.] donne septiéme mineure à la premiére touche du premier doigt,
[<...> majeure in marg.] donne tierce majeure ainsi qu'à l'accord précédent.
Si nous pouvions faire la quinte nous l'y metterions; mais dans cet Instrument, comme dans les autres, nous supprimons souvent une une partie en faveur de la main posée, pour éviter le fréquent déplacement de main qui coupe la liaison de l'harmonie; car la beauté de l'accompagnement, sur nos instrumens conciste à ne point gambader la main du haut en bas du manche le moins qu'on peut.
8. Le même qu'article 5.
[<...> majeure in marg.] 9. Donne quarte à la premiére touche du premier doigt.
[<...> majeure in marg.] est naturellement mise par la régle du systême de la quatriéme corde: par consequent rien à changer.
[<...> majeure in marg.] donne tierce mineure à la premiére touche, du second doigt.
10. Cet accord s'appelle septiéme majeure. Il y en a qui l'appellent septiéme superfluë.
[<...> majeure in marg.] donne quarte a la premiére touche, du premier doigt.
[<...> majeure in marg.] donne septiéme mineure a la premiére touche, et septiéme majeure à la seconde touche, du second, ou troisiéme doigt.
[<...> majeure in marg.] donnée par la régle.
Nous supprimons dans cet accord la sixte mineure par impuissance de la mettre.
[-10-] 11. Comme l'article 1.
12. appellé triton.
[tierce majeure in marg.] donne quarte à premiére touche, et triton à la seconde touche, du second doigt.
[sixte majeure in marg.] donnée par la régle.
[seconde majeure in marg.] donnée par la régle.
Voilà notre maniére de raisonner l'accompagnement. Ne quittez pas ce point d'orgue sans le sçavoir parfaitement: c'est la même raciocination pour tous les autres. Si vous ne pouvez pas en venir a bout, je vous conseille de renoncer aux autres.
Point d'orgue du la, ou mesme harmonie sur le la.
Soyez icy attentif et l'instrument à la main.
La, seconde touche de la quatriéme corde du second doigt. Rappellez ici la régle du sistême de la quatriéme corde, et dites, (ayant le second doigt sur le la, et mettant le troisiéme doigt sur la seconde touche de la troisiéme corde) tierce majeure: puis mettant le même troisiéme doigt sur la seconde corde, dites sixte majeure: et mettant enfin le même troisiéme doigt sur la seconde touche de la premiére corde, dites seconde majeure ce qui collige notre sistême tierce majeure sixte majeure et seconde majeure. Concevez avec attention, qu'a l'endroit où est la notte essentielle; c'est-à-dire la notte qui reçoit accord, nôtre régle s'y dit: et que, quand la corde auroit mille touches, la régle s'y diroit à chacune. C'est en quoi conciste nôtre secret, que je veux bien vous donner aujourd'hui sans reserve; et je veux rendre ces instrumens pratiquables par leur facilité.
Je prétens même aujourd'hui qu'un Virtuose le puisse apprendre seul avec mes principes, comme j'en ai trouvé qui ont appris l'accompagnement du Clavecin avec mon Traité.
[-11-] Revenons donc au point d'Orgue du la, et souvenez-vous que la régle tierce majeure. sixte majeure. et seconde majeure est á la seconde touche, et procédons au premier accord.
[Campion, Addition, 11; text: Théme du la sur la quatrieme corde. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12] [CAMADD 01GF]
La, seconde touche de la quatriéme corde du second doigt. Ayez toujours le doigt dessus, tandis que vous faites votre décompte.
[<...> majeure in marg.] à la seconde touche de la troisiéme corde, donnera tierce mineure. à la premiére touche du premier doigt.
Nous avons icy la puissance de rétrograder nos chiffres, ce que nous ne pouvions pas faire sur le sol, parce qu'il est au sillet; mais, quand la notte est au milieu du manche, nous décomptons d'un costé, et d'autre du manche pour trouver nos chiffres, ainsi que vous allez voir.
[<...> majeure in marg.] à la seconde touche de la seconde corde, donnera sixte mineure. à la premiére touche, et quinte à ouvert ou au sillet.
[<...> majeure in marg.] à la seconde touche de la premiére corde donnera seconde mineure à la premiére touche, et octave, ou au sillet.
2 Cet accord s'appelle quarte et seconde.
[<...> majeure in marg.] donne quarte à la troisiéme touche du petit doigt.
[<...> majeure in marg.] donne sixte mineure. à la premiére touche du premier doigt.
[-12-] [seconde majeure in marg.] est donnée par la régle du second doigt.
3 Sol diéze, à la premiére touche de la quatriéme corde. La régle icy change de scituation avec la notte, et se trouve être à la premiére touche. Ayés attention.
[tierce majeure in marg.] à la premiére touche de la troisiéme corde, donne tierce mineure a ouvert.
[sixte majeure in marg.] à la premiére touche de la seconde corde, donne sixte mineure a ouvert, et la fausse quinte est donnée par la tierce majeure, en pinçant ou harpégeant la fausse quinte après la tierce et la sixte.
Tierce majeure à la premiére touche de la troisiéme corde, quarte à la seconde touche, et fausse quinte à la troisiéme touche du petit doigt. C'est la maniére ordinaire de toucher le sol diéze avec fausse quinte: cependant nous le mettons autrement après l'accord de quarte et seconde. Nous laissons les doigts qui ont fait quarte et seconde et nous mettons le sol diéze du premier doigt; et sans autre mouvement, la quarte de l'accord précédent, devient fausse quinte et la seconde tierce mineure; parce que la régle est à la premiére touche. Nous suprimons ici la sixte mineure.
4 C'est le même qu'article 1.
[tierce majeure in marg.] 5 Donne quarte à la troisiéme touche du petit doigt.
[sixte majeure in marg.] donne sixte mineure à la premiére touche, du premier doigt.
[seconde majeure in marg.] donne seconde mineure à la premiére touche, et unisson ou octave à ouvert.
6 Cet accord ne différe du premier que par la tierce majeure au lieu de la mineure la régle la donne à la seconde touche du troisiéme doigt. Quand le premier doigt fait le la; c'est le second qui fait la tierce majeure.
[tierce majeure in marg.] 7 Donnée par la régle du troisiéme doigt.
[sixte majeure in marg.] donne septiéme mineure à la troisiéme touche de la seconde corde du petit doigt.
[-13-] [<...> majeure in marg.] donne seconde mineure à la premiére touche, et octave á ouvert. Nous suprimons la quinte impossible.
8 Même article que 5.
9 Nous suprimons souvent la quarte dans cet accord pour la commodité de la main.
[<...> majeure in marg.] donne tierce mineure á la premiére touche du premier doigt.
[<...> majeure in marg.] donnée par la régle, du troisiéme doigt á la seconde touche.
[<...> majeure in marg.] donne seconde mineure á la premiére touche, et octave á ouvert.
Nous y mettons l'octave qui ne gâte rien, et que la commodité nous donne. Quand on ne veut rien suprimer, il faut mettre le la du premier doigt.
[<...> majeure in marg.] donne quarte à la troisiéme touche, du second doigt.
[<...> majeure in marg.] donnée par la régle du troisiéme doigt.
[<...> majeure in marg.] donne tierce mineure à la troisiéme touche du petit doigt.
L'autre accord est préférable dans l'exécution.
10 Pour faire cet accord il faut coucher ou barrer le premier doigt tout de son long sur la touche du la où est la régle.
[<...> majeure in marg.] donne quarte à la troisiéme touche du second doigt.
[<...> majeure in marg.] donne septiéme mineure à la troisiéme touche, et septiéme majeure à la quatriéme touche du petit doigt.
[<...> majeure in marg.] donnée par la régle. Nous suprimons la sixte mineure impossible dans cet accord.
11 Même qu'article 1.
12. Il faut coucher le doigt de même qu'article 10.
[<...> majeure in marg.] donne quarte à la troisiéme touche, et triton à la quatriéme touche du petit doigt.
[<...> majeure in marg.] donnée par la régle.
[<...> majeure in marg.] donnée par la régle.
[-14-] Théme du si.
Prenez pour le si, les mêmes chiffres que ceux du la. Si, est à la quatriéme touche de la quatriéme corde. C'est donc dans cette quatriéme touche que se dira, tierce majeure sixte majeure et seconde majeure, ainsi que vous l'avez dit sur le la. Il faut toujours avoir en vuë l'endroit où est la notte essentielle. C'est là, pour ainsi dire, qu'est la premiére pointe du compas.
Ce théme est le même travail que vous avez fait sur le la; ce sont les mêmes images; mais il est pénible pour la main. C'est un chef-d'oeuvre. Celui qui l'execute facilement peut se vanter d'avoir toute disposition pour les autres, n'y en ayant pas de plus difficile. Avec un peu de tems et de travail, la main s'y habituë.
1 Si du troisiéme doigt,
[<...> majeure in marg.] à la quatriéme touche de la troisiéme corde, donne tierce mineure à la troisiéme touche du second doigt. Puis on couche ou l'on barre le premier doigt dans la seconde touche, où la seconde corde fait quinte et la premiére octave. ainsi.
[sixte majeure in marg.] à la quatriéme touche de la seconde corde, donne sixte mineure à la troisiéme touche, et quinte à la seconde touche.
[<...> majeure in marg.] à la quatriéme touche de la premiére corde, donne seconde mineure à la troisiéme touche, et octave á la seconde touche.
Considerez que cette position est la même image du la; et que vôtre doigt barré est sillet ambulant.
2 Même image, et mêmes doigts que ceux du la, article 2.
3 Même raisonnement et mêmes doigts que ceux du la, article 3.
[-15-] 4 Répétition du premier.
5 Pénible pour la main, le premier doigt toujours couché sur la seconde touche.
[<...> majeure in marg.] donne quarte à la cinquiéme touche du petit doigt.
[<...> majeure in marg.] donne sixte mineure à la troisiéme touche du second doigt.
[<...> majeure in marg.] donne seconde mineure à la troisiéme touche, et octave à la seconde touche, où est le doigt barré.
[<...> majeure in marg.] 6 est donnée par la régle, du petit doigt à la quatriéme touche de la troisiéme corde.
[<...> majeure in marg.] donne sixte mineure à la troisiéme touche, et quinte à la seconde touche de la seconde corde, où est le doigt barré.
[<...> majeure in marg.] donne seconde mineure à la troisiéme touche de la premiére corde, et octave à la seconde touche, ou est le doigt barré. Mais quand cet accord est suivi du même avec septiéme, on se sert du second doigt pour le si, du troisiéme pour la tierce majeure, asin de réserver le petit doigt pour
7 la septiéme en suprimant la quinte comme nous avons fait au la, article 7.
8 Le même qu'article 5.
9 Nous suprimons la quarte comme en l'article 9 du la.
[<...> majeure in marg.] donne tierce mineure á la troisiéme touche du second doigt.
[<...> majeure in marg.] donnée par la régle, du petit doigt.
10 C'est la même image que l'article 10 du la. Vous ôterez votre troisiéme doigt de dessus le si, et vous observerez que l'article 10 du la est posé; et que, pour le même accord sur le si, vous n'avez qu'á couler vôtre main dans la même attitude deux touches plus bas.
11 On remet la main comme au premier.
12 De même qu'á l'article du la. Mettez le triton du la, et couler votre main dans la même attitude deux touches plus bas.
Je n'ai plus rien à vous dire sur cette quatriéme corde:
[-16-] elle est épuisée. Vous devez comprendre que les accords qui se trouvent plus bas dans le manche, sont les images du si; et je ne pourrois que vous répetter ce que je viens de vous dire, vû qu'il est indifférent, pour l'ouvrage de la main gauche, que le doigt barré soit haut ou bas. Nous avons le même travail à faire sur la cinquiéme corde que nous venons de faire sur la quatriéme.
Sistême de la cinquieme corde.
Quand on fait accord sur la cinquiéme corde on dit
quarte sixte majeure seconde majeure et quinte
Sans mettre aucuns doigts de la main gauche sur le manche, touchez ré a ouvert de la cinquiéme corde avec la quatriéme corde, vous direz quarte touchez la même cinquiéme corde avec la troisiéme corde, vous direz sixte majeure touchez La même cinquiéme corde avec la seconde corde vous direz seconde majeure. Et touchez enfin la même cinquiéme corde avec la premiére, vous direz quinte. Ce qui collige nôtre systême de la cinquiéme corde.
quarte sixte majeure, seconde majeure, et quinte.
[Campion, Addition, 16, text: Théme du ré sur la cinquieme corde. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12] [CAMADD 01GF]
[-17-] [<..e> in marg.] Donne à la premiére touche quarte majeure et à la seconde touche quinte, du second doigt.
[<...> majeure in marg.] Donne à la premiére touche septiéme mineure, à la seconde che septiéme majeure, et octave à la troisiéme touche du petit doigt.
[<...> majeure in marg.] donne tierce mineure à la premiére touche du premier doigt.
[<..e> in marg.] donnée par la régle.
[<..e> in marg.] 2. Est donnée par la régle sur la quatriéme corde.
[<...> majeure in marg.] donnée par la régle sur la seconde corde.
[<..e> in marg.] donne à la premiére touche de la premiére corde sixte mineure du premier doigt. Choisissez vox quatre cordes, sans toucher la sixte majeure, et pincez de quatre doigts de la main droite.
3. Cet accord étant du systême de la sixiéme corde, nous en suspendons le raisonnement aux commençeans. Il se fait par le systême de la sixiéme corde. La régle est á la quatriéme touche où est l'ut diéze.
[<.te> in marg.] ne nous servira point.
[<...> mineure in marg.] á la quatriéme touche de la quatriéme corde, sixte majeure à la troisiéme touche, sixte mineure à la seconde touche, quinte à la premiére touche, et [quinte /] à ouvert.
[<...> majeure in marg.] ne nous servira point.
[<.te> in marg.] á la quatriéme touche de la seconde corde, donne quarte majeure à la troisiéme touche, quarte à la seconde touche, tierce majeure à premiére touche, et tierce mineure à ouvert.
[octave in marg.] à la quatriéme touche de la premiére corde, donne septiéme majeure à la troisiéme touche, septiéme mineure à la seconde touche, sixte majeure à la premiére touche, et sixte mineure à ouvert. Choisissez quatre cordes de quatre doigts.
4. Répétition du premier accord.
[quarte in marg.] 5. Est donnée par la régle.
[<...> majeure in marg.] donne à la premiére touche de la troisiéme corde, septiéme mineure, à la seconde touche septiéme majeure, et à la troisiéme touche octave, du troisiéme doigt.
[-18-] [seconde majeure in marg.] donne à la premiére touche de la seconde corde tierce mineure à la seconde touche tierce majeure, et quarte á la troisiéme touche du petit doigt. La duplicité des chiffres ne nuit point.
[quinte in marg.] donne à la premiére touche de la premiére corde, sixte mineure, que vous metterez du premier doigt á demi barré; c'est à-dire du corps du doigt, ainsi que vous le mettez à l'article premier du sol, auquel cet accord est relatif.
6. Le premier doigt á demi barré dans l'accord précédent, tombe de la pointe sur la quinte de celui-cy.
[quarte in marg.] donne quarte majeure à la premiére touche de la quatriéme corde, et quinte á la seconde touche.
[sixte majeure in marg.] l'octave de l'accord précédent reste du même doigt.
[seconde majeure in marg.] donne tierce mineure á la premiére touche de la seconde corde, et tierce majeure á la seconde touche, du second doigt.
[quinte in marg.] bonne. La régle la donne sur la premiére corde.
7. Tenez l'accord précédent; et la quinte doublée de la premiére corde vous donnera septiéme mineure.
[quinte in marg.] donne à la premiére touche sixte mineure, á la seconde tou- sixte majeure, et à la troisiéme touche septiéme mineure du petit doigt.
8. Même qu'article 6.
[quarte in marg.] 9. Donnée par la régle sur la quatriéme corde.
[sixte majeure in marg.] donnée par la régle sur la troisiéme corde.
[seconde majeure in marg.] donne tierce mineure á la premiére touche de la seconde corde du premier doigt. Vous pouvez doubler la sixte si vous le souhaitez.
[quinte in marg.] donne á la premiére touche de la premiére corde sixte mineure, et á la seconde touche sixte majeure du troisiéme doigt.
Mais commencez á construire vos accords simples si vous m'en croyez. L'expérience et l'usage vous enseigneront assez á doubler vos chiffres, selon le tems qu'exigera la mesure; et parce que ces accords doivent être modéles de ceux que vous ferez ensuite sur la même corde, où il vous sera impossible de doubler.
[-19-] [quarte in marg.] 10. donnée par la régle sur la quatriéme corde.
[<...> majeure in marg.] donne sur la troisiéme corde septiéme mineure á la premiére touche, et septiéme majeure á la seconde touche du second doigt.
[<...> majeure in marg.] donnée par la régle sur la troisiéme corde.
[quinte in marg.] donne sixte mineure á la premiére touche, sur la premiére corde, du premier doigt. Nous avons suprimé cette sixte mineure sur la quatriéme corde, par impossibilité, et nous la suprimerons souvent pour ne pas contraindre la main.
11. Comme le premier article.
[quarte in marg.] 12. Donne triton à la premiére touche de la quatriéme corde du premier doigt.
[<...> majeure in marg.] donnée par la régle.
[<...> majeure in marg.] donnée par la régle.
même réflexion qu'à la quinte article 9. Doublez la sixte si vous voulez.
[Campion, Addition, 19; text: Théme du mi sur la cinquieme corde. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12] [CAMADD 02GF]
Mi, notte essentielle, à la seconde touche de la cinquiéme corde, du second doigt C'est à cette seconde touche que va être nôtre regle. Barrez, ou couchez-y le premier doigt, et dites le systême.
Quarte. Sixte majeure. Seconde majeure. Et quinte.
Les Sçavans me trouverront prolixe, de tant répéter la même chose. Ce n'est pas que ce soit mon inclination; [-20-] mais je veux donner mon secret, et desabuser les amateurs des beaux sons de ces instrumens, de leur prétenduë difficulté, et les pouvoir rendre communs par leur grande facilité A gens éclairés, mon tableau d'octaves suffit pour la maniére de placer un accord: et le point d'orgue, pour celle de le composer, par le secret que je vous donne. Venons au thême du mi.
[quarte in marg.] 1. A la seconde touche de la quatriéme corde, donne tierce majeure á la premiére touche, et tierce mineure á ouvert.
[sixte majeure in marg.] a la seconde touche de la troisiéme corde, donne sixte mineure á la premiére touche, et quinte á ouvert.
[seconde majeure in marg.] à la seconde touche de la seconde corde, donne seconde mineure á la premiére touche, et octave à ouvert: Si l'air que l'on jouë est lent, on double la.
[quinte in marg.] donnée par la régle á la seconde touche de la premiére corde du troisiéme doigt. Si l'air est de mouvement, on la suprime.
[quarte in marg.] 2. Nous n'en faisons rien dans cet accord, la quarte se trouve plus facilement.
[sixte majeure in marg.] donne sixte mineure a la premiére touche, du premier doigt.
[seconde majeure in marg.] donnée par la régle a la seconde touche, du troisiéme doigt.
[quinte in marg.] Donne quarte majeure a la premiére touche de la premiére corde, et quarte a ouvert: quatre doigts, quatre cordes.
3 Ré diéze du premier doigt; étant a la premiére touche de la cinquiéme corde, la régle s'y dit.
[quarte in marg.] A la premiére touche de la quatriéme corde, donne fausse quinte a la seconde touche, du second doigt.
[sixte majeure in marg.] a la premiére touche de la troisiéme corde, donne sixte mineure a ouvert.
[seconde majeure in marg.] a la premiére touche de la seconde corde, donne tierce mineure a la seconde touche du troisiéme doigt.
[-21-] [quinte in marg.] A la premiére touche de la premiére corde, donne fausse quinte a ouvert.
4. Comme le premier.
[quarte in marg.] 5. Donnée par la régle, à la seconde touche de la quatriéme corde, du troisiéme doigt.
[<...> majeure in marg.] donne sixte mineure a la premiére touche de la troisiéme corde, du premier doigt.
[<...> majeure in marg.] donne seconde mineure a la premiére touche de la seconde corde, et octave á ouvert, ou au sillet.
[quinte in marg.] Donne quarte majeure á la premiére touche de la premiére corde, et quarte á ouvert.
6. Cet accord ne différe du premier, que de la tierce majeure qu'il faut dans celuy-cy.
7. En tenant l'accord précedent, au lieu de la quinte que vous supprimerez, vous metterez la septiéme mineure du petit doigt: la sixte majeure vous la donnera á la troisiéme touche.
8. même qu'article 5.
[quarte in marg.] 9. Donne tierce majeure á la premiére touche et tierce mineure a ouvert.
[<...> majeure in marg.] donnée par la régle, du troisiéme doigt.
[<...> majeure in marg.] donne seconde mineure à la premiére touche, et octave à ouvert, qui n'y nuit point.
[quinte in marg.] donne quarte majeure à la premiére touche, et quarte à ouvert.
10. Barrez le premier doigt dans la touche du mi
[quarte in marg.] donnée par la regle.
[<...> majeure in marg.] donne septiéme mineure à la troisiéme touche, et septiéme majeure à la quatriéme touche, du petit doigt
[<...> majeure in marg.] donnée par la régle. Nous supprimons la sixte mineure qui contraindroit la main.
11. comme le prémier.
12. Barrez comme à l'article 10.
[quarte in marg.] donne triton à la troisiéme touche du second doigt.
[-22-] [seconde majeure in marg.] donnée par la régle.
[seconde majeure in marg.] donnée par la régle. La quinte ne nous sert point dans cet accord.
Théme du fa diéze.
Il nous est indifferent de prendre ici le fa, comme le fa diéze: comme nous aurions pû prendre le si bémol sur la quatriéme corde, au lieu du si que nous avons pris. La seule considération que j'ai eû en celà, est pour mieux accoûtumer la main gauche au travail, qui trouveroit un peu plus de difficulté pour coucher le doigt dans la premiére touche que dans la seconde, la corde y étant plus dure; au reste, quand le doigt est une fois barré pour un point d'orgue, les autres, en quelque touche qu'ils se trouvent de la corde, en sont les images, y eut-il dix mille touches, comme nous l'avons dit. Vous ne devez pas manquer de vous convaincre de cette verité, aussitôt que vous serez parvenu à faire le point d'orgue du si sur la quatriéme corde, et celui-ci sur la cinquiéme corde, afin que vous connoissiez à fond notre opération. Promenez indifféremment votre premier doigt barré sur toutes les touches jusqu'au bas du manche, vous avouerez pour lors que c'est un secret que je vous donne, et que vous auriez un travail pénible, et incertain par la nomination des nottes de musique, à cause de la confusion du bémol et du diéze, dont l'espece mineure ou majeure vous est déterminée juste ici par la nomination du chiffre en quelque octave que ce soit.
J'ai eu beaucoup d'écoliers de Théorbe, et de guitare, qui, en trois mois, n'avoient plus besoin de mes leçons. Aussi ai je coûtume de dire que notre accompagnement est trop aisé; et j'avoué que c'est la seule raison qui m'a [-23-] empêché de le donner dans mon premier Traité d'accompagnement, qui est moins pour le Théorbe que pour le Clavecin duquel j'ai la theorie, et pratique suffisantes.
1. Fa diéze, image du mi, prenez-en les chiffres, Couchez votre premier doigt à la seconde touche, quand vous aurez mis fa diéze sur la quatriéme touche de la cinquiéme corde du troisiéme doigt, et raisonnez l'accord comme á l'article 1 du théme du mi.
2. Image du mi, article 2. Votre premier doigt, étant barré, les trois autres font le reste par le même raisonnement.
3. Mi diéze á la troisiéme <t>ouche de la cinquiéme corde, du second doigt. La régle est á présent á la troisiéme touche
[quarte in marg.] á la troisiéme touche de la quatriéme corde, donne [5/] á la quatriéme, touche du second doigt.
[<...> majeure in marg.] á la troisiéme touche de la troisiéme corde, donne sixte mineure á la seconde touche, où est le doigt barré.
[<...> majeure in marg.] á la troisiéme touche de la seconde corde, donne tierce mineure á la quatriéme touche du petit doigt.
[quinte in marg.] á la troisiéme touche de la premiére corde, donne [5/] à la seconde touche de la premiére corde, où est le doigt barré.
Cet accord est modéle de l'article 3 thême du sol que nous avons differé. Le même raisonnement se fera sur le fa diéze, et la même attitude.
4 Comme le premier.
[quarte in marg.] 5. donnée par la régle, sur la quatriéme corde, du troisiéme doigt.
[<...> majeure in marg.] donne sixte mineure à la troisiéme touche, du second doigt.
[<...> majeure in marg.] donne seconde mineure à la troisiéme touche, et octave à la seconde touche où est le doigt barré.
[-24-] [quinte in marg.] donne quarte majeure à la troisiéme touche, et quarte à la seconde touche.
6 Cet accord ne différe du premier que par la tierce majeure ainsi même raisonnement.
7. Tenez l'accord précedent, et, supprimant la quinte que vous a donné sixte majeure, mettez septiéme mineure à la cinquiéme touche du petit doigt.
8. comme l'article 5.
[quarte in marg.] 9. donne tierce majeure à la troisiéme touche, et tierce mineure au doigt barré.
[sexte majeure in marg.] donnée par la régle, du petit doigt.
[seconde majeure in marg.] donne seconde mineure à la troisiéme touche et octave au doigt barré. Ladite octave ne nuit point.
[quinte in marg.] donne quarte majeure à la troisiéme touche, et quarte au doigt barré.
10. Mettez l'accord de l'article 10. du thême du mi, et descendez votre main dans la même attitude deux touches plus bas.
11. Comme le premier si l'on veut; mais, je préfére ici son sinonime qui est un image de l'article 1. du thême du ré.
[quarte in marg.] donne quarte majeure à la cinquiéme touche, et quinte à la sixiéme touche du second doigt.
[sexte majeure in marg.] donne septiéme mineure à la cinquiéme touche, septiéme majeure à la sixiéme touche, et octave à la septiéme touche du petit doigt.
[seconde majeure in marg.] donne tierce mineure à la troisiéme touche, du second doigt.
[quinte in marg.] bonne, donnée par la régle.
12. Mettez l'accord de l'article 12. du thême du mi, et descendez ainsi la main deux touches plus bas.
Voilà la cinquiéme corde épuisée; puisque le bas du manche configure ses accords comme le fa diéze; il n'est point d'accords que vous ne puissiez y composer dans le besoin. [-25-] Venons à la sixiéme corde et donnons un seul thême, les autres se figurant sur celui du la sur cette corde.
[Campion, Addition, 25; text: Théme du la sur la sixiéme corde. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12] [CAMADD 02GF]
Systéme de la sixiéme corde.
Quand on fait accord sur la sixième corde, on dit;
quarte. septiéme mineure. seconde majeure quinte et octave.
[quarte in marg.] 1. Donne quinte à la seconde touche.
[<...> mineure in marg.] donne octave á la seconde touche.
[<...> majeure in marg.] donne tierce mineure á la premiére touche.
[quinte in marg.] donnée par la régle.
[octave in marg.] donnée par la régle. Nous pouvons désormais abbréger nôtre discours dans la construction des accords.
[quarte in marg.] 2. donnée par la régle.
[<...> mineure in marg.] ne sert point.
[seconde majeure in marg.] donnée par la régle.
[quinte in marg.] donne la sixte mineure à la premiére touche. Quatre doigts, quatre cordes.
Il y a de l'art pour toucher les accords. Le poulce, ayant touché la notte essentielle, les autres doigts doivent faire une batterie en remontant et multipliant alternativement l'accord, à moins que les cordes ne soient séparées comme dans cet article C'est pour celà [-26-] que je donne toujours une douzaine de leçons de Guitare, à ceux qui se destinent à l'accompagnement du Théorbe.
3. Observez la nécessité d'avoir la septiéme et huitiéme corde sur le sillet du petit jeu pour l'accompagnement (qu'on appelle communément Théorbe à la Maltot) Celà est d'un grand secours, tout le long du manche, pour les diézes et bémols. Ainsi vous poserez le premier doigt sur le sol diéze de la septiéme corde: Le raisonnement s'en fait de même que s'il étoit sur le sol diéze de la quatriéme corde. Voyez l'article 3 du premier thème du la. Souvenez-vous que nous avons dit dans notre abbregé que nous ne connoissons que trois cordes sur lesquelles nons raisonnons l'harmonie, et que toutes les autres cordes y sont relatives.
4. Comme le premier.
5. Mettez l'accord du théme du ré, article premier et touchez vos six cordes. Décomptez le tout.
[quarte in marg.] 6. Donne quinte du premier doigt.
[septiéme mineure in marg.] donne octave du même premier doigt, inclinant la pointe.
[seconde majeure in marg.] donne tierce majeure du second doigt.
[quinte in marg.] bonne.
[octave in marg.] bonne.
7 Tenez l'accord précedent; et, au lieu de la seconde quinte faites-en septiéme mineure du petit doigt.
8. Comme l'article 5.
9. Comme l'article 9 du théme du la sur la quatriéme corde; décomptez, tout est bon.
[quarte in marg.] 10 donnée par la régle.
[septiéme mineure in marg.] donne septiéme majeure à la premiére touche du premier doigt.
[seconde majeure in marg.] donnée par la régle.
[quinte in marg.] donne sixte mineure á la premiére touche du second doigt.
[-27-] 11. Comme le premier.
12. Mettez l'article 6 du théme du si, sur la quatriéme corde. Touchez cinq cordes, sçavoir, le la, á la seconde touche de la septiéme corde, où est vôtre doigt barré, et relevez les quatre premiéres cordes. Décomptez le tout. Nottez qu'il faut que le Théorbe soit á la Maltot, c'est-à-dire que les septiéme et huitiéme cordes soient dans le petit jeu comme nous avons dit.
Vous devez être á present consommé dans la maniére de composer un accord. Je ne pourrois que faire des redites ennuieuses et fatiganres Toutes les autres cordes sont relatives á celle-là. Qui sçait faire les points d'orgue mineurs, pourra bien les faire majeurs, y ayant moins de variété en majeur qu'en mineur. C'est pourquoi je n'en parlerai point, étant même opération, Je n'ai déja été que trop prolixe.
Après cet ouvrage, vous pourrez construire vos octaves, et commencerez par le plus ordinaires. Sur le Théorbe, vous commencerez par l'octave du la mineur que vous conduirez l'étendue du manche, ainsi que les autres; c'est-à-dire jusqu'au mi de la quatriéme corde. Mais avant de rien commencer, c'est une nécessité indispensable d'apprendre par coeur la page 21 de mon Traité.
Après l'octave du la, vous irez à celle du mi mineur, du ré mineur, du sol mineur, de l'ut mineur, et du si mineur.
Aprenez ensuite la page 20 du Traité; puis parcourez les octaves majeures par ut, sol, ré la, fa et si bémol. Les autres plus extraordinaires seront faciles ensuite. Nottez qu'on peut se restraindre á un petit nombre d'octaves pour accompagner de la musique ordinaire et facile.
[-28-] Lorsque vous aurez étudié chaque octave en particulier, vous ne devez pas manquer de la terminer par sa finale. Cette habitude est très profitable. Quand vous serez descendu á la derniére notte, vous ferez la quatriéme de l'octave en montant; puis vous préparerez la finale sur la cinquiéme du ton par quarte quinte et octave, ou par quarte sixte mineure, si c'est en ton mineure, ou sixte majeure si c'est en ton majeur, et octave. (Il est de l'exactitude du Compositeur de chiffrer lequel de ces deux, doit préparer la finale) l'octave de cette cinquiéme du ton, qui fait la seconde partie de cette finale, pour conclusion reçoit tierce majeure quinte septiéme mineure et octave et la premiére du ton termine le tout.
Quelquefois dans les musiques vives ou non, on ne prépare point la finale. De la cinquiéme du ton, sans aller á son octave, on tombe brusquement sur la premiére du ton: en ce cas, on fait tierce majeure quinte. septiéme mineure et octave.
Vous connoitrez quel doit être nôtre raisonnement et l'aplication de ce que nous avons dit, dans le théme d'une basse continuë, et vous verrez l'utilité et la nécessité de sçavoir dans quelle octave on est, et á combien du ton.
Un Curé Virtuose du Pays de Caux-Normandie, éloigné de tous maîtres, et qui a appris seul l'accompagnement du Clavecin avec mon Traité, a très-judicieusement remarqué qu'un pareil Thême y manquoit.
J'ai dit ci-devant qu'on pouvoit se restraindre á un petit nombre d'octaves pour accompagner de la musique facile. Par exemple. Qui sçaura six octaves, sçavoir le la mineur, le mi mineur, le ré mineur, l'ut majeur, le sol majeur et le fa majeur, pourra accompagner la Scéne de Sangaride de l'Opera d'Atis et autres musiques en la mineur.
[-29-] [Campion, Addition, 29; text: Théme d'une Basse Continuë. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9] [CAMADD 02GF]
Les commenceans feront accord sur la premiére de deux noires, et passeront la seconde noire sans accord. Toutes les blanches reçoivent accord.
1. Cette septiéme n'est autre chose que le premier accord de l'octave du la sur le fa. Décomptez-le. Il se sauve sur la seconde partie de cette notte par l'accord ordinaire á la sixiéme du ton en descendant.
2 Quoique nous ayons dit qu'on ne fait accord que sur la premiére noire, nous exceptons ces sortes de finales.
3 Jusqu'á cet article nous n'avons point sorti de l'octave du la, où je n'ai mis que les chiffres nécessaires, c'est-á-dire [-30-] qui déguisent l'ordinaire de ceux de l'octave.
Notez bien que les Compositeurs qui voudront être exacts et s'épargner de la peine, ne chiffreront que les changemens d'octaves, et les chiffres extraordinaires á la régle de l'octave: parce qu'il suffit d'éclairer l'accompagnateur en lui indiquant l'octave où il entre, par un chiffre nouveau qui ôte la consequence du chiffre passé, ainsi que je fais ici par le diéze sur le si qui est le caractére de la cinquiéme du ton, et qui annonce par conséquent l'octave du mi mineur, laquelle se poursuit jusqu'á l'article suivant.
4. Ce diéze caractére de la cinquiéme du ton, comme nous l'avons dit, nous fait rentrer en la, que nous suivons jusqu'á l'article suivant.
5. Ce diéze est cinquiéme de l'octave du sol dans laquelle nous entrons.
6. Nous en sortons ici par la tenuë qui passe du sol sur le fa. Cette tenuë, qu'il faut bien remarquer dans les chiffreurs exacts, tient lieu de chiffre, et fait ici comme si l'on avoit chiffré le triton sur le fa; car quoiqu'on ne fasse pas d'accord, ainsi que nous avons dit, sur la seconde noire, on tient néantmoins harmonie sur la notte qui ne reçoit point accord, et ne laisse pas de tirer conséquence comme vous voyez ici sur ce fa, qui, par ce triton, nous fait entrer dans l'octave de l'ut que nous continuons jusqu'á l'article suivant.
7. Cette septiéme est un qui va là, qui donne de l'attention pour sçavoir où elle se doit terminer Le diéze sur le mi de la mesure suivante nous éclaire, et nous fait rentrer en la.
8. Le premier accord de l'octave du la, sur le ré produit cette neuviéme et septiéme et se sauve par l'accord ordinaire sur le fa suivant.
[-31-] Les accompagnateurs font quelquefois deux accords sur une notte, mettant un point sur un côté de la notte, et le chiffre qu'ils annoncent sur l'autre côté de la notte.
Ce théme est á la portée des commenceans, et doit suffire pour faire connoître sensiblement le mistére du mélange des octaves qui composent une musique, et combien il est utile de les connoitre chacune en leur particulier avant d'accompagner.
Les accompagnateurs sçavans ne suivent point de mesure dans le récitatif. Il faut que l'oreille s'attache à la voix pour la suivre, et fournir harmonie au chant qu'elle débite: tantôt lentement, tantôt legérement, de sorte que les croches deviennent quelquesois blanches, et quelquefois les blanches deviennent croches par la célérité, selon l'entouziasme, et l'expression plus ou moins outrée des personnes qui chantent.
De différens noms donnés aux accords de ma régle de l'octave.
Petite sixte.
Ils ont donné confusément ce nom à plusieurs accords qui sont differens entr'eux.
La seconde du ton mineur et majeur, montant et descendant, sans distinguer que la quinte peut se trouver à la seconde du ton mineur en montant, quoique les anciens ne l'ayent point pratiquée, comme nous l'avons dit; et la sixiéme descendant, confondant indistinctement tierce mineure quarte et sixte majeure, avec tierce majeure quarte majeure et sixte majeure que l'on fait uniquement à la sixiéme du ton mineur en descendant, portent le nom de la petite sixte. Il y en a qui appellent ce dernier accord. Le Triton joint à l'accord de la sixte, et celà avec erreur; car cette quarte majeure n'est point [-32-] de la nature du triton qui doit être un diéze. D'autres appellent cet accord Fausse quarte; autre erreur qui trouble l'esprit d'un écolier qui peut dire avec raison à ce Maître: Vous m'avez enseigné que, pour faire une quinte il falloit diminuer la quinte de semiton; et maintenant, par un ordre contraire, vous m'enseignez que, pour faire une fausse quarte, il faut que j'augmente la quarte de semiton. Accordez-vous? car, si le mot de fausse diminuë l'un et augmente l'autre, c'est une contradiction. Par cette raison, quand on m'a parlé la premiere fois de la petite Sixte, je présumois qu'elle dût être mineure; mais, par contradiction, elle est majeure. D'autres ont nommé la seconde du ton, Sufinale.
C'est, à mon avis, un ouvrage que l'on donne à la mémoire au préjudice du bons sens.
L'accord de la troisiéme du ton tierce sixte et octave est appellé par eux Sixte simple. Par d'autres Mediante.
L'accord de la quatriéme du ton tierce quinte et sixte indistinctement de la tierce mineure en ton mineur, ou de la tierce majeure en ton majeur, est appellé par aucuns Grande sixte. Les anciens le nommoient opposition; parce que la quinte et la sixte, qui sont consonnances y sont en combustion. D'autres appellent cette quatriéme du ton Soudominante.
L'accord de quarte sixte et octave masque de la cinquiéme du ton, est appellé par quelques-uns, Bonne sixte, et par d'autres quarte et sixte
L'accord de tierce et sixte qui se fait à la sixiéme du ton en montant, et à la septiéme du ton, en descendant, est nommé Sixte doublée, ils pourroient aussi le nommer Tierce doublée, car l'on double l'une des deux selon la proximité de la main. D'autres nomment cet accord Sudominante, et cetera.
[-33-] En matiére de principes, les termes les plus simples, et les plus generaux sont préférables.
A quoi bon charger la mémoire d'un écolier, et de lui déguiser la nomination de l'exaltation de l'octave établie par ma régle. S'il sçait à combien il est du ton, montant, ou descendant, il y doit mettre l'accord. C'est ce qu'il y a de plus important à lui enseigner. D'ailleurs nos termes sont généraux sur tous instrumens, et ces autres prétendus sont particuliérement attachez au clavier du clavecin, lesquels sont pratiqués différemment par différens Maîtres. Pourquoi ne parlera-t'on point la même langue par tout, puisqu'il est plus profitable et moins embarassant de le faire?
Je n'approuve point, me dit un Musicien, que vous ayez mis au même degré de vos semitons, quarte majeure, triton, ou [quinte/] Il y a bien de la différence de l'un à l'autre; car l'un est composé de tant de semitons mineurs, et tant de majeurs; et l'autre n'en a que tant de majeurs, et tant de mineurs. Peut-être, continua-t'il, votre raisonnement est-il bon pour le théorbe, mais il ne convient point au clavecin. (Autre embarras pour un écolier commençeant.) A quoi je répons, que le clavecin étant composé et divisé en semitons comme le théorbe, ils sont susceptibles du même raisonnement. A l'égard de vos semitons mineurs, et majeurs, je crois qu'on peut bien se passer de ces termes embarassans pour accompagner du clavecin, ainsi que j'ai fait; car j'ai appris moi seul l'accompagnement de cet instrument par les lumiéres du théorbe Si le clavecin étoit divisé en quarts, demi-quarts, ou commas, je garderois le tacet, d'autant que je ne suis point Mathématicien.
Raisonnons donc sur chacun de ces trois termes qui [-34-] sont au même degré des semitons chacun en leur particulier.
Il est de l'ordre, á ce que je m'imagine, de nommer quarte majeure comme vous faites aux chiffres de la seconde tierce sixte et septiéme.
Ce qui fait la différence de ces trois termes en question, c'est, les camarades qui les accompagnent, et lexaltation de l'octave où ils se font. La quarte majeure se fait uniquement á la sixiéme du ton mineur en descendant sur un bémol, ou notte qui le represente dans les octaves qui ont des diézes à la clef, et est accompagnée de la tierce majeure et de la sixte majeure.
Le triton doit être diéze notte sensible de l'octave où l'on est, d'être chiffré d'un diéze devant la quarte, d'être fait sur la quatriéme du ton mineur, ou majeur en descendant, et d'être accompagné de la seconde majeure et sixte majeure et quelquefois de la tierce mineure en ton mineur, au lieu de la seconde majeure; mais en ce cas le compositeur est obligé de la chiffrer avec le triton. Voyez mon traité dans l'explication des accords ton mineur article 12. page 11.
Et enfin, le propre de la [quinte/] est d'être barrée d'un trait, d'être faite sur un diéze-septiéme du ton et d'avoir pour camarades la tierce mineure et sixte mineure. Ceci a été dit dans l'explication des accords de mon Traité.
Mais à l'égard des semitons mineurs ou majeurs, ou comma qu'ils admettent en difference des uns et des autres, ce sont plutôt recherches curieuses ou spéculations de mathématiques que nécessité indispensable. Nous avons de grands praticiens en accompagnement, qui ne sçavent pas un mot de mathématiques; et ces scavans théoristes de <l>'antiquité ne nous ont guére laissé de musique recommandable par leur goût.
[-35-] Un grand Prince, entendant un Opera qu'on lui exagéroit être tres-sçavant, dit qu'il falloit le marier á la Sorbonne: pour moi, dit-il, la musique ne m'en plaît pas. C'est là l'écueil ordinaire de ces sçavantes musiques dénuées de goût, faites au compas, et passées au tamis de l'Algêbre.
Pour faire, par exemple, une quinte superfluë sur le fa; ils compteront tant de semitons mineurs et majeurs qu'ils voudront: et moi, pour la trouver infailliblement sur le clavecin, je compte ainsi par semitons. Je mets le premier doigt de la main gauche sur le fa; et sur lui-même que je laisse, je mets le premier doigt de la main droite commençant à compter mes semitons, Unisson. Sur l<e> fa diéze, Seconde mineure. Sur le sol, Seconde majeure. Sur le sol diéze, Tierce mineure. Sur le la Tierce majeure. Sur le si bémol, Quarte. Sur le si, Quarte majeure. Sur l'ut, Quinte. Et sur l'ut diéze, Quinte superfluë: parce que son degré est sixte mineure ainsi que je l'ai dit dans mon Traité article 22. page 14
Il n'y a point d'accords superflus ou diminués sur le clavecin que je ne trouve par le moyen de ce décompte qui est bien moins embarassant, selon mon sentiment, que d'aller inutilement se casser la teste avec les semitons mineurs, et majeurs. Pour moi, je ne cherche qu'á ouvrir une voye simple, et facile, et même á la portée des génies les plus médiocres.
Quelques observations. Quelqu'habile que l'on soit, on n'accompagne point du premier coup d'oeil une basse qui n'est point chiffrée: parce qu'on ne peut deviner l'intention de l'autheur qui s'écarte á son gré de la route ordinaire de l'octave, qu'aprés l'avoir executé au moins une fois.
[-36-] Autre. Quelques modernes, entr'autres Monsieur Clerambault, donnent un petit trait aux sixtes majeures et autres de leurs chiffres. Cette invention peut être profitable, d'autant qu'elle tend á prévenir l'accompagnateur qui pourroit être en doute. Plusieurs à leur gré inventent tous les jours quelques nouvelles maniéres de chiffrer, qui doivent donner de l'attention: il seroit á desirer qu'on pût se concilier tous et de convenir d'une seule maniére.
Je demandai derniérement à deux Musiciens la septiéme diminuée du la bémol. Ils la cherchérent vainement; je leur disois toujours, ce n'est point cela: et je leur dis enfin qu'elle étoit impossible parce qu'elle ne se fait que sur un diéze et non sur un bémol. Voyez dans mon Traité page 15. article 25. Un des deux soutint qu'il la trouveroit par le moyen de certaines combinaisons de commas. Qui demandera la seconde superfluë de l'ut diéze, aura la même impossibilité, parce qu'elle ne se fait que sur un bémol sixiéme du ton mineur. Voyez mon Traité page 14, article 24.
Autre. Remarquez que naturellement, l'ut, le fa et les bémols produisent leurs tierces et sixtes majeures, et au contraire le si, le mi et les diezes produisent leurs tierces et sixtes mineures.
Autre. La seconde mineure chiffrée est fort rare; on y met ordinairement un bémol pour la rendre mineure. Monsieur Clerambault en met une dans la troisiéme ariette de sa Cantate de Pirâme et Tisbé, qui convient fort bien au sujet triste qu il y exprime.
Autre. Le bécarre est mixte, d'autant qu'il peut hausser, ou baisser la notte de semiton. Si une Musique est, par exemple en sol mineur: le si est bémol á la clef. Si [-37-] vous rencontrez dans le courant de la piéce, un bécarre sur ce même si, il rend la notte naturelle, la haussant de semiton. Si une musique est en sol majeur; il y a un diéze à la clef sur le fa: et si dans le courant de la piece, il se rencontre un bécarre sur ce fa, il rend la notte naturelle, en la baissant de semiton.
Je n'ai pas fait les points d'orgue aussi longs qu'ils sont dans mon traité, crainte de dégouter les commenceans; c'est pourquoi on y aura recours quand on sera bien initié dans ces premiers accords.
Le Théorbe a sa difficulté dans les mouvemens legers et dans les batteries de viole, et quoiqu'elles soient plus possibles sur le Clavecin, je ne les y estime point. Monsieurs Bernier, Clerambault et autres ont déterminé leur gout et leur volonté par des basses, et contrebasses particuliéres, ou par des queües sur les maitresses nottes qui doivent porter harmonie. Ces observations doivent enseigner les accompagnateurs de préférer le fond d'harmonie à la quantité de nottes qui ne conviennent qu'à l'archet: c'est un avantage d'ailleurs pour les mains qui n'ont pas une exécution très-habile.
L'harpégement des accords sur le Théorbe supplée merveilleusement dans l'abbréviation des basses de mouvement. C'est pour cette raison que je donne ordinairement, ainsi que je l'ai dit, une douzaine de leçons de Guitare à ceux qui se destinent à l'accompagnement du Théorbe. Sa facilité procure en peu de tems le toucher.
Accompagnement de la guitare.
Cet instrument se raisonne comme le Théorbe. Toutes les nottes de musique, pour la basse continuë [-38-] se trouvent sur la cinquiéme, quatriéme et troisiéme corde. Il y a une maniére d'harpéger les accords en touchant, avant la batterie, la notte essentielle du poulce, et remontant les cinq cordes des autres doigts Ce qui rend l'accompagnement de cet instrument très-facile, c'est qu'il n'est pas besoin de descendre la main au bas du manche pour y chercher le degré de la notte comme au Théorbe: On va de la troisiéme corde à la cinquiéme corde. On ne doit pas se piquer pour l'accompagnement de cet instrument, de monter du ton grave à l'aigu. Il suffit que la verité de la notte y soit: et nous voyons même que, sur le clavecin, où le ton grave, et aigu sont possibles, les accompagnateurs, par plaisir ou par indifférence, prennent un degré pour l'autre. Quand les habiles n'y doublent pas leurs parties de la main gauche dans le récitatif, au moins ils doublent leur notte essentielle par une octave de la même main gauche. Dans les grandes musiques, l'on y met une contre-basse, ou l'on s'en passe. Cette indifference, étant rendüe suportable aux oreilles, donne une grande facilité pour accompagner tout sur cet instrument, et pour connoître sur cinq cordes, en très-peu de tems, toute l'étendüe de l'harmonie aussi parfaitement que sur un Orgue, ou Clavecin.
[Campion, Addition, 38; text: Accord du Théorbe à ouvert. Petit jeu à la Maltot. Grand jeu. Guitare. 6, 5, 4, 3, 2, premiére, 7, 8, 9, 10, 1l, 12, 13, 14, la, re, sol, si, mi, la, fa, ut] [CAMADD 03GF]
[-39-] [Campion, Addition, 39; text: Théme du ré sur la Guitare. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12] [CAMADD 03GF]
Systéme de la guitare.
Quand on fait accord sur la troisiéme corde, on dit, tierce majeure et sixte majeure. Et pour rendre ce sistême semblable à celui du Théorbe, vous direz, seconde sur la cinquiéme corde en rétrogradant (mentalement, si vous voulez, pour vous en servir en cas de besoin)
Sur la quatriéme corde vous direz, quarte sixte majeure et seconde majeure et la cinquiéme corde en rétrogradant, fera la quinte et sur la cinquiéme corde vous direz, quarte, septiéme mineure seconde majeure et quinte.
Vous voyez par ce raisonnement que nous mettons en jeu la cinquiéme, même la quatriéme corde, dans le sistême de la quatriéme et troisiéme corde: d'autant qu'il se trouve des occasions où elles sont admises par duplication des parties, ainsi que vous allez voir.
[quarte in marg.] 1. Ré á ouvert sur la quatriéme corde.
troisiéme corde à ouvert, donne quarte majeure à la premiére touche, et quinte á la seconde touche du seconde doigt
[sexte majeure in marg.] seconde corde à ouvert, donne septiéme mineure á la premiére touche, septiéme majeure á la seconde touche, et octave à la troisiéme touche du petit doigt.
[-40-] [seconde majeure in marg.] premiére corde à ouvert, donne tierce mineure á la premiére touche, du premier doigt.
Et, pour multiplier l'harmonie, rappellez la cinquiéme corde qui dit quinte qui es bonne dans votre accord. Pour lors vous toucherez du poulce votre ré qui est notte essentielle; et vous remonterez alternativement vos autres premiers doigts, en façon de batterie, sur toutes les cordes en harpégeant; et souvenez vous de ce sectet que je vous donne sur cet instrument, de choisir ainsi la notte essentielle au milieu de vos cordes du poulce, qui prévient l'accord que les autres doigts remontent. Celui qui, dans les piéces, sçaura distinguer la notte essentielle de ses accords, et la touchera ainsi, donnera toujours un beau chant, et une liaison à la basse de sa piéce, ce que peu, ou point de Maîtres n'ont encore pratiqué, ni enseigné. Notez que le petit doigt de la main droite ne doit point être de cette batterie ou harpégement; il contraindroit trop le main.
[quarte in marg.] 2. donnée par la régle sur la troisiéme corde à ouvert.
[seconde majeure in marg.] donnée par la régle sur la premiére corde à ouvert.
Il y faudroit là sixte mineure. Nous la suprimons par impuissance ou par incommodité de la main. Autre façon.
[quarte in marg.] ne fert point.
[sexte majeure in marg.] sur la seconde corde, donne seconde majeure à la cinquiéme touche du petit doigt.
[seconde majeure in marg.] sur la premiére corde, donne [5/] à la troisiéme touche du premier doigt. Quand vous faites cet accord de cette seconde façon, vous conservez vos doigts pour l'accord suivant.
3. Le second doigt va faire l'ut dieze, et vous touchez ces trois cordes. Pour décompter vous prenez [-41-] le sistême de la cinquiéme corde Sur la quatriéme touche [seconde in marg.] où est l'ut diéze, vous trouvez qne le petit doigt fait tierce mineure donnée par la seconde à la quatriéme touche: [quinte in marg.] et le premier doigt fait [quinte/] donnée par la quinte à la quatriéme touche où est la régle. Nous suprimons la sixte mineure.
4. Comme le premier.
[quarte in marg.] 5. Sur la troisiéme corde, donne sixte mineure á la troisiéme touche du second doigt.
[<...> majeure in marg.] donne octave à la troisiéme touche du troisiéme doigt.
[<...> majeure in marg.] donne quarte à la troisiéme touche du petit doigt.
Décomptez toujours vos chiffres jusqu'à ce que vous y soyez parfaitement habitué.
[quarte in marg.] 6. Sur la troisiéme corde donne quinte à la seconde touche, du premier doigt.
[<...> majeure in marg.] sur la seconde corde, donne octave á la troisiéme touche du troisiéme, ou du petit doigt.
[<...> majeure in marg.] sur la premiére corde, donne tierce majeure à la seconde touche du second doigt. La quinte sur la cinquiéme corde y est bonne. Quand l'accompagnateur peut prévoir l'accord suivant, il se sert d'autres doigts.
Il met le second doigt sur la quinte le petit doigt sur l'octave, et le troisiéme sur la tierce majeure et pour l'accord suivant.
7. Il ôte l'octave et met la septiéme mineure du premier doigt, tenant les autres
8. Comme le 5.
[quarte in marg.] 9. Donnée pat la régle sur la troisiéme corde à ouvert.
[sexte majeure in marg.] donnée par la régle sur la seconde corde à ouvert.
[seconde majeure in marg.] donne tierce mineure à la premiére touche.
Vous ne devez pas vous servir toujours de la cinquiéme corde dans tous les accords qui commencent par la [-42-] troisiéme et quatriéme corde, à moins qu'elle ne vous soit prochaine et favorable à la main, et qu'il y ait du tems.
[quarte in marg.] 10 donnée par la régle sur la troisiéme corde.
[sexte majeure in marg.] donne septiéme majeure à la seconde touche de la seconde corde, du second doigt.
[seconde in marg.] donnée par la régle sur la premiére corde.
Si vous voulez y ajouter la sixte mineure qui est bonne, la quinte sur la cinquiéme corde vous la donnera à la premiére touche du premier doigt Vous toucherez d'abord votre notte essentielle du poulce et vous harpégerez toutes les cordes, ainsi que nous avons enseigné cy-devant.
11. Comme le premier.
[quarte in marg.] 12. Sur la troisiéme corde donne le triton à la premiére touche.
[sexte majeure in marg.] donnée par la régle sur la seconde corde.
[seconde majeure in marg.] donnée par la régle sur la premiére corde.
Comme tous ces accords précedens, ne se peuvent pas faire sur le sol de la troisiéme corde, on prend le sol de la quatriéme corde.
Vous formerez le point d'orgue du mi sur celui du théorbe, c'est le même ouvrage, excepté qu'à l'article 2. vous suprimerez la sixte mineure mettant le troisiéme doigt sur la quarte et le petit sur la seconde, gardant ces deux doigts pour le ré diéze article 3
Suivez aussi le point d'orgue du fa diéze du théorbe.
Pour le systême de la cinquiéme corde, vous aurez recours à celui de la sixiéme corde du théorbe. Dans le point d'orgue du la, vous excepterez la quarte et seconde article 2. qui se fait mieux conforme à l'harmonie d'une autre façon. Ainsi.
La septiéme mineure donnera seconde du second doigt et la seconde donnera la quarte du premier doigt, la sixte suprimée, vous garderez [-43-] vos doigts pour l'article 3. mettant le petit doigt sur le sol diéze de la quatriéme corde, et toucherez quatre cordes suivantes.
décomptez le tout.
Vous aurez recours aux thêmes du théorbe pour l'opération des autres. C'est pourquoi nous n'en dirons pas davantage sur cet instrument qui en est un diminutif.
Accompagnement du luth.
Le systême du Luth différe de celui du Théorbe, quoique l'opération soit la même, d'autant que tous les instrumens qui ont des touches sur le manche sont suscéptibles de nôtre régle.
Systhême du luth.
Quand on fait accord sur la quatriéme corde on dit:
tierce majeure sixte majeure et octave.
quand on fait accord sur la cinquiéme corde, on dit:
tierce mineure quinte octave et tierce mineure.
quand on fait accord sur la sixiéme corde, on dit:
quarte sixte majeure octave quarte et sixte majeure.
Composez vos accords sur les points d'orgue du théorbe et construisés vos octaves par les régles données. Nous préférons en France le théorbe au luth pour l'accompagnement: parce que les dessus du luth surpassent souvent les sujets chantans.
Observation. Il y a plusieurs sinonimes, c'est-à dire, plusieurs maniéres de faire les mêmes accords sur différentes cordes, tant sur le Théorbe, que sur la Guitare et le Luth, que l'usage et l'expérience donne.
Autre. La planche suivante contient les chiffres d'obligation et suffisans pour l'octave majeure et mineure obmis en mon Traité après le tableau d'octaves.
[-44-] [Campion, Addition, 44; text: Ton majeur. Ton mineur. 3, 4, 5, 6] [CAMADD 03GF]
C'est ainsi qu'il faut que l'octave soit chiffrée dans les musiques: Il seroit ridicule de charger la notte de tous les chiffres qui sont détaillez dans mon tableau d'octaves, qui n'y ont été mis que pour instruire à fond l'écolier dans ses principes; et ç'auroit été une énigme pour un commenceant que de lui donner les octaves chiffrées simplement comme celles cy. J'ai voulu approfondir jusqu'aux moindres racines, c'est ce que l'on doit observer.
Que d'écueils j'entrevois pour les esprits impatiens qui précipiteront leur étude! particuliérement pour ceux qui manqueront dans le principe; c'est-à-dire qui voudront composer leurs accords, sans sçavoir par coeur la nomination du chiffre, qui est nôtre unique langage. page 8 du Traité d'accompagnement. Vous ne devez point sortir du premier théme, que vous n'ayez compris à fond nôtre opération, puisqu'elle est la même par tout. On ne doit pas lire ceci en courant comme un roman, particuliérement si on est denué de secours.
Les Maitres d'enfans de Choeur judicieux doivent [-45-] exposer dans leur école mon tableau d'octaves pour procurer à leurs éleves une intelligence sensible, et prochaine, non seulement dans la maniére d'armer les clefs, mais encore dans la différence de chaque octave, et de l'accord nécéssaire au degré d'élévation, montant, ou descendant, ou de l'accord qui est substitué au contrepoint simple de la régle de l'Octave: puisque dans la composition: comme dans l'accompagnement, il ne s'agit que de sçavoir dans qu'elle octave on est du ton majeur, ou du ton mineur, et à combien du ton, pour ne point faire d'incongruité.
Maniére de transposer la Musique instrumentale.
Nous ne voyons rien de plus ordinaire dans les concerts que la nécéssité de transposer. On prie un accompagnateur ou simphoniste de transposer un ton plus haut, un ton plus bas: une quarte plus haut, une quarte plus bas, et autres intervalles, au gré ou à l'épreuve malicieuse des Chanteurs. Si on n'est pas routiné dans cet excercice, l'on y échouë le plus souvent; et c'est une gloire, qui n'est pas commune, d'y pouvoir réussir sûrement.
Dans cette pratique, on n'a pas l'avantage de la transposition vocale, qui est de suprimer diézes, et bémols; il faut au contraire se les rapeller tous dans le besoin. Toute la difficulté est dans le ton mineur, car le ton majeur rapelle simplement ses diezes, et bémols, en transposant ses clefs: mais le ton mineur a l'addition d'un diéze à suposer avec les diézes ordinaires à la clef, et l'addition d'un bémol avec les bémols ordinaires à la clef, dans certaines transpositions.
Nous établissons dans la musique vocale deux modeles du ton mineur qui sont ré, et la.
[-46-] Les sixiémes du ton mineur montant, et descendant, y font toute l'attention.
Regardez mon tableau d'Octaves mineures: vous trouverez que le si est sixiéme majeure naturelle en montant l'octave du ré; et que la sixiéme en descendant est précédée d'un bémol. Les cinq dernieres octaves de la même page, qui suivent ce modéle, sont pareillement configurées.
Nous les nommerons octaves Réyennes pour l'intelligence de cette opération.
L'octave du la, à la sixiéme en montant précedée d'un diéze, et la sixiéme en descendant est naturellement mineure. Les cinq octaves suivantes dans la même page sont pareillement cofigurées. Nous les nommerons octaves Layennes.
Vous connoitrez l'utilité de ces deux adjetifs que nous leur avons forgé pour soulager la mémoire.
J'ay osé forger ces deux adjectifs sans craindre la disgrace qui arriva au fameux Timothée chés les scrupuleux Lacédemoniens qui le bannirent pour avoir ajouté une seule corde á son instrument, au rapport de Zarlino, Raggionamento 215 proposta XI. qui dit.
Se gli antichi Lacedemonii scacciarono é bandirono della sua citta quel gran musico Timotheo inventore del Chromatico (come dicono) per haver solamente, nel solito istrumento, aggiunto una sola chorda. Pensate pure che se fussero a i tempi nostri Giudici di costoro, quel che farebbono; son certo che li scacciarebbono del Mundo.
Pour transposer une musique qui est en ré mineur, d'une quarte plus bas, qui est la mineur, il faut que l'accompagnateur supose à la clef un diéze à la sixiéme du ton qui represente le si sixiéme majeure naturelle [-47-] en montant de l'octave du ré; parcequ'en descendant, elle est marquée d'un bémol sixte mineure: et ainsi des autres octaves layennes. Cette supposition de diéze se fait outre les diézes nécessaires á la clef.
[Campion, Addition, 47,1; text: Exemple, Transposition du ré en la, en mi octave layenne, et en sol diéze octave layenne] [CAMADD 04GF]
Quand on écrit de la musique en la mineur, il n'y a point de diéze à la clef: nous y en suposons un. En mi mineur, on y doit mettre un diéze seul: nous y en suposons un second pour nôtre transposition; et ainsi que vous pouvez vous en convaincre en transposant la même musique dans les autres octaves Layennes
Pour transposer une musique en la mineur, d'une quarte plus haut, qui est ré; l'accompagnateur doit supposer à la clef un bémol sur la sixiéme du ton; parce que la sixiéme en montant est naturellement majeure, et ainsi des autres octaves Réyennes
[Campion, Addition, 47,2; text: exemple, Transposition du la en re, en sol octave reyenne, et en ut octave reyenne.] [CAMADD 04GF]
[-48-] Remarquez que cette addition ou supposition d'un diéze, ou d'un bémol à la clef, n'a lieu que dans la transposition des octaves Réyennes aux Layennes, et des Layennes aux Réyennes: car transposer d'une octave Réyenne à une autre Réyenne; ou d'une Layenne á une autre Layenne, il n'y a rien à supposer, ou ajoûter à la clef outre l'ordinaire.
[Campion, Addition, 48; text: exemples. Transposition de deux octaves reyennes. du sol mineur en ut mineur. Transposition de deux octaves layennes du fa dieze mineur en mi mineur.] [CAMADD 04GF]
Maniére de solfier et de transposer la musique vocale.
Sistéme fort bref.
Plusieurs Maîtres à chanter sont dans l'incertitude, et dans la dispute sur la maniére de solfier le ton mineur. Les uns veulent que ce soit le ré, qui soit modéle unique; et les autres prétendent que c'est le la; mais, par leurs différentes opinions erronnées, ils embroüillent la matiére.
Ceux qui n'admettent que le ré, sont dans la nécessité de faire une addition, ou supposition d'un diéze á la clef dans le la mineur (qui n'en doit point avoir) pour être solfié par ré: et d'en ajoûter un pareillement, outre l'ordinaire, dans les octaves Layennes; c'est-à-dire, qui ont des diézes à la clef.
[-49-] Ceux au contraire qui n'admettent que le la, sont dans la nécessité de faire addition, ou supposition d'un bémol à la clef dans le ré (qui n'y doit point etre) et d'en ajoûter un pareillement outre l'ordinaire dans les octaves Réyenne; c'est-á-dire, qui ont des bémols à la clef.
Ces deux moyens pour solfier sont également vicieux; et l'on m'avoüera sans doute, qu'il n'est point naturel de persuader à un écolier qui a du bon sens, d'imaginer addition, ou suposition de ce qui n'est pas visible, comme nécessité indispensable: et l'on conviendra que ces moyens sont pleins d'embarras.
Il en est des régles, comme des machines: plus elles sont simples et mieux elles valent; Et c'est une vanité fondée sur l'obscurité de la matiére: c'est courir après l'os imaginaire de la fable, que de vouloir, non-seulement rafiner, mais encore détruire par de faux principes la régle généralement reçuë et approuvée, qui est de dire, si, sur le diéze le plus extraordinaire á la clef, et fa, sur le bémol le plus extraordinaire á la clef. Rien n'est plus sensible que cette régle. Ma régle de l'octave se rapportant à ce systême, ainsi que vous allez voir, je dis donc, par correction, que les octaves ou modulations qui n'ont ni diézes ni bémols à la clef, se chantent naturellement; c'est-à-dire, sans déguiser le nom de la notte.
Ces octaves sont au nombre de trois Sçavoir, ut majeur, ré mineur, et la mineur. Ces trois octaves sont modéles de toutes les autres qui empruntent leur nomination.
Toutes les majeures, sans exception, prennent la nomination de l'ut majeur.
Les octaves mineures sont partagées entre le ré mineur, et le la mineur. Sçavoir, celles qui ont des bémols à la clef, prennent la nomination du ré mineur, ce sont les Reyennes et celles, qui ont des diézes á la clef, prennent la nomination [-50-] du la mineur. Ce sont les Layennes
Notez bien que cette régle simple en général est d'autant plus estimable, ainsi que j'ai dit, qu'elle se rapporte á cette autre qui fait dire si, sur le diéze les plus extraordinaire à la clef, et fa sur le bémol le plus extraordinaire à la clef.
Dans mon tableau d'octaves, j'ai marqué la maniére d'armer les clefs de leurs diézes et bémols pour chaque octave selon la régularité indispensable; de sorte que ceux qui écrivent de la musique, sans se soumettre à ce principe, sont ignorans, ou négligens.
A l'égard des musiques dont les clefs sont dénuées de leurs diézes ou bémols nécessaires, l'expert le déchiffrera comme on fait les gothiques. C'est une bagatelle pour les érudits que de suppléer au défaut d'orthographe des écrivains; cependant ils ne laissent pas d'en rire.
On me dit derniérement, qu'un Auteur avoit écrit de la musique en r<é> bémol mineur (octave qui ne peut être admise,) je dis que cet Auteur, pour multiplier les difficultés et rendre sa musique plus obscure, pouvoit prendre la sixte mineure de cette octave, qui est le si bémol doublé, pour y établir encore une modulation: et qu'ainsi de modulation en modulation, il pourroit mettre des bémols jusqu'aux petites Maisons. Frustra fit per plura quod potest fieri per pauciora. Pour écrire de la musique en re bémol mineur, il faudroit sept bémols à la clef: et, l'écrivant en ut diéze mineur, comme on le doit, il ne faut que quatre diézes. Ceux qui écrivent de la musique en sol diéze majeur, tombent dans la même faute parce qu'il faut à la clef huit diézes, et que le fa diéze y est doublé ridiculement: au lieu que l'écrivant en la bémol majeur, il ne faut que quatre bémols à la clef. Ceux enfin, qui admettent autant [-51-] de bémols que de diézes possibles à la clef, ne considérent pas que, dans l'exposition des douze semitons simples de la musique, il y a trois diézes, et il n'y a que deux bémols. Consultez mon Tableau d'octaves, vous trouverez à la clef jusqu'à sept diézes, et vous ne trouverez que cinq bémols.
Un Auteur a tombé dans un autre faute: ayant écrit de la musique en mi bémol mineur, et qui n'a armé sa clef que de deux bémols quand il y en faut cinq.
Il ya un ancien abus dans les Maîtres à chanter. Ils enseignent tous le ton majeur, et je n'en ai vû encore que peu qui enseignent le ton mineur. Quand les Ecoliers font un diéze, ou bémol, le hazard en décide souvent. Le seul moyen de les faire parvenir promptement, et sûrement, est de leur enseigner le ton mineur, ainsi qu'il est écrit dans mon tableau d'octaves, leur faisant pincer le diéze proche de la huitiéme du ton, et leur faisant attendrir le bémol proche de la cinquiéme. C'est le moyen d'établir une partition de chant juste et sensible; c'est cette justesse et cette intelligence qui donne le goût; et ç'en est la privation qui fait que d'habiles déchiffreurs de nottes, qui lisent la musique, comme on lit maison à loüer, chantent quelquefois sans faire plaisir, ni interesser, parce qu'ils ont été privés des leçons du ton mineur si nécessaires; et ce défaut de justesse, que les écoliers ont malheureusement succé comme le lait de leur nourice, n'a point d'autre reméde que l'usage, et la pratique d'un instrument d'harmonie.
Il est plus aisé de sentir cette délicatesse par la voix habile, que de l'exprimer sur le papier.
Observation. On doit remarquer, que la régle de monter, et descendre le chant du ton mineur, ainsi qu'elle est établie dans mon tableau d'octaves, est simple et naturelle [-52-] Tout ce qui ne suit point cet ordre est extraordinaire; car, de la cinquiéme du ton, on doit monter par le diéze, à la huitiéme du ton: et on doit descendre par le bémol sur la cinquiéme du ton.
Or ceux qui veulent faire prendre á leur chant une route différente de ce chemin ordinaire, doivent user de beaucoup de circonspection. Il n'apartient pas à tout Compositeur d'éviter les écueils qui sont dans ces détours de chant.
Pour ce qui est de monter, par exemple (dans l'octave du ré mineur) de la cinquiéme du ton à la huitiéme par la, si bémol, ut naturel et ré notte tonique; j'en ai vû peu d'imitateurs en ce genre extraordinaire et insipide; mais il y en a plusieurs qui descendent par les diézes, les uns bien, les autres mal. Ceux, qui voudront en voir un modéle, consulteront la cantate de Mars, et Venus de Monsieur Bernier, dans l'ariette où il dit:
L'Amour ne va point sans les Graces.
Ils y remarqueront que le ré diéze, notte sensible de l'octave du mi porte par tout conséquence, tant sur les croches longues du chant, que sur les croches longues de la basse qui doivent porter accord. Tout y est manié avec l'habileté digne d'un Musicien sçavant.
Les Italiens quelquefois montent du si bémol brusquement à l'ut diéze, pour aller au ré notte tonique: quelquefois, de l'ut diéze, ils brusquent le si bémol pour tomber sur la cinquiéme du ton. Ce sont des élegances qui confirment ce que j'ai dit; qu'une notte sensible, en efface une autre.
autre observation
Le diéze à la clef le plus extraordinaire en ton mineur, est toujours à la seconde du ton. En ton majeur, il est toujours à la septiéme du ton.
[-53-] Le bémol à la clef le plus extraordinaire en ton mineur, est toujours à la troisiéme du ton. En ton majeur, il est toujours á la quatriéme du ton.
Autre maniére Quand on voit (dans les musiques réguliérement écrites) un diéze à la clef (qui doit être fa, étant le premier qui se pose) l'on ne peut être que dans deux octaves, l'une majeure, qui est sol; l'autre mineure qui est mi, dans laquelle on apperçoit bien-tôt voltiger le ré diéze notte sensible de l'octave du mi, et ainsi des autres octaves mineures: pour le ton majeur nous avons dit que le diéze est à la clef. Quand on voit deux diézes à la clef, on est en ré majeur, ou si mineur.
Quand on voit trois diézes, on est en la majeur, ou fa diéze mineur.
Quand on voit quatre diézes, on est en mi majeur, ou en ut diéze mineur.
Quand on voit cinq diézes, on est en si majeur, ou en sol diéze mineur.
Le sixiéme et septiéme diézes appartiennent au ton majeur, les octaves du ré diéze, et du la diéze n'étant point admissibles.
Méme observation pour les bémols à la clef. Quand on voit un bémol (qui doit être si, qui se pose le premier) on est en fa majeur, ou en sol mineur.
Quand il y a deux bémols, on est en si bémol majeur, ou en ut mineur.
Quand il y a trois bémols, on est en mi bémol majeur ou en fa mineur.
Quand il y a quatre bémols, on est en la bémol majeur, ou en si bémol mineur.
Le cinquiéme bémol appartient uniquement au mi bémol mineur, le ré bémol mineur n'étant point admis, ceci sera [-54-] profitable pour les Ecoliers peu éclairés qui s'imaginent par abus, qu'une musique est uniquement mineure, parce qu'il y a beaucoup de bémols à la clef, ou qu'elle est uniquement majeure, parce qu'il y a beaucoup de diézes á la clef.
Ton, mode, modulation, octave ou notte tonique, sont sinonimes et signifient la même chose.
Je ne voudrois point, pour indiquer un octave, dire C sol ut, d la ré, a mi la, beccare, grand beccare, bémol, grand bémol. Ce sont termes Gaulois, et un épouvantail de chenneviére, où la raison et la nécessité n'ont point de part. Il suffit de dire, ut majeur, ut mineur; ut diéze majeur, ut diéze mineur, ré majeur: ré mineur, et cetera.
Ceux qui ne sentent pas la suffisance de ces termes, sont éloignés de la simplicité et du vrai, et se mettent à l'abri de l'ancien et mauvais usage dont ils se couvrent comme d'un plastron.
Les Gâmistes sont encore dans l'ancien abus de faire prononcer fa, sur les bémols accidentels, ce qui est ridicule et répugnant pour l'écolier qui a du bon sens, de déguiser sans nécessité et par privilége la nomination du bémol accidentel, et de ne pas déguiser celle du diéze; mais, pour faire sentir à ces Gamistes combien ils se trompent, donnez leur à solfier ce récitatif, pour voir s'ils diront trois fois fa, sur les trois bémols de suite. Il y aura, sans doute, de quoi rire, et de quoi les plaindre de l'aveuglement où ils sont, et qu'ils communiquent par conséquent à leurs Ecoliers. Entendez-les justifier cet abus, c'est un galimathias obscurum per obscurius.
Je suppose la fin d'une musique en ré mineur, et que l'auteur, à la maniére Italienne, ou autre, veut passer, par un petit prélude, en si bémol mineur.
[-55-] [Campion, Addition, 55] [CAMADD 04GF]
Mon opinion est que le bémol ne change point la nomination de la notte non plus que le diéze.