TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE
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Author: Rameau, Jean-Philippe
Title: Traité de l'Harmonie Reduite à ses Principes naturels, Livre IV
Source: Traité de l'Harmonie Reduite à ses Principes naturels; Divisé en Quatre Livres, Livre IV, Principes d'Accompagnement (Paris: Ballard, 1722; reprint ed. in Jean-Philippe Rameau [1683-1764] Complete Theoretical Writings, Miscellanea, vol. 1 [n.p.: American Institute of Musicology, 1967]), 363-432.
Graphics: RAMTRA4 01GF-RAMTRA4 24GF
[-363-] LIVRE QUATRIÉME.
Principes d'Accompagnement.
CHAPITRE PREMIER.
Comment on distingue les Intervales par la disposition du Clavier.
LE premier Chapitre du Livre précédent, est absolument necessaire pour l'intelligence de ce qui suit, jusqu'à l'endroit où il est parlé des Clefs et de l'étenduë des Voix, ce qui est inutile pour l'Accompagnement.
Le Clavecin ou l'Orgue contenant tous les Sons qui peuvent entrer dans la Composition des Ouvrages de Musique, il est aisé d'en remarquer la difference, en touchant chaque Touche l'une après l'autre; car si l'on commence à gauche en tirant à droite, l'on trouvera que les Sons vont toûjours en s'élevant; et si l'on commence à droite en tirant à gauche, l'on trouvera qu'ils vont en baissant.
En se figurant que chaque Touche du Clavier nous represente un Son different, l'on remarquera que la plus ou moins grande distance qu'il y a d'une Touche à l'autre, nous donne des Intervales plus ou moins grands, et que le plus petit de tous, qui s'appelle semi-Ton, se trouve entre deux Touches, de la plus basse desquelles on ne peut monter à l'autre, que par une progression indivisible dans l'execution, comme du Mi au Fa, entre lesquelles il ne se trouve point d'autre Touche, au lieu qu'entre Fa et Sol il y a un Ton entier, parce qu'il se trouve un Dieze entre l'un et l'autre; ainsi toutes les Touches du Clavier, blanches et noires, sont éloignées entre-elles, et consécutivement d'un semi-Ton.
Tourner pour voir l'Exemple.
[-364-] EXEMPLE.
SEMI-TON.
De l'Ut à son Deize.
Du Dieze d'Ut au Ré.
Du Ré au Mi B-mol.
Du Mi B-mol au Mi.
Du Mi au Fa.
Du Fa à son Dieze.
Du Dieze de Fa au Sol.
Du Sol à son Dieze.
Du Dieze de Sol au La.
Du La au Si B-mol.
Du Si B-mol au Si.
Du Si à l'Ut.
TON.
D'Ut à Ré.
De Ré à Mi.
De Mi à Fa Dieze.
De Fa à Sol.
De Sol à La.
De La à Si.
De Si B-mol à Ut.
TON.
D'Ut[x] à Ré[x]
De Mi B-mol à Fa.
De Fa[x] à Sol[x].
De Sol[x] à La[x].
De Si à Ut[x].
D'Ut à Mi[rob]. ... un Ton et demi.
D'Ut à Mi. ... deux Tons.
D'Ut à Fa. ... deux Tons et demi.
D'Ut à Fa[x] ... trois Tons.
D'Ut à Sol. ... trois Tons et demi.
D'Ut à La[rob] ... quatre Tons.
D'Ut à La. ... quatre Tons et demi.
D'Ut à Si[rob] ... cinq Tons.
D'Ut à Si. ... cinq Tons et demi.
D'Ut à son Octave. six Tons.
Ces Tons et semi-Tons sont de differentes especes, mais cela doit être indifferent à ceux qui ne s'attachent qu'à la pratique.
En prenant pour premier degré la Notte Ré, ou celle qu'il vous plaira, de même que nous avons pris la Notte Ut, vous connoîtrez combien il y aura de Tons ou de semi-Tons de cette premiere Notte à celle que vous voudrez lui comparer, en comptant par semi-Tons d'une Notte ou d'une Touche à celle qui en est la plus voisine.
Commme la pratique de l'Accompagnement ne s'acquiert que par une grande connoissance du Clavier et de la Musique, nous supposons ces connoissances à ceux qui voudront mettre ces principes en execution; ainsi les Intervales ne leur seront pas difficiles à distinguer sur le Clavier, en faisant la même operation sur les Touches, que nous la faisons sur la Gamme par le moyen des nombres. Voyez Livre Troisiéme, Chapitre Premier.
Les sept Nottes Ut, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si, étant d'un usage incomparablement plus frequent que les autres, sont considerées dans la Musique comme les seules qui entrent dans la Composition; c'est pourquoi nous établirons toûjours nos Regles sur ces sept Nottes, qui doivent se prendre sur les Touches naturelles du Clavier; et il ne faut faire attention aux Diezes ni aux B-mols qui separent ces Touches, que lorsqu'il sont absolument necessaires pour former l'Intervale que l'on s'est proposé.
Si l'on se propose donc un Intervale de Seconde, de Tierce, de Quarte, de Quinte, et cetera en supposant que la Touche que l'on prend pour premier degré represente le nombre 1. l'on trouvera que la Touche qui suit la premiere immediatement en montant, et qui est par consequent la seconde Touche, formera avec cette premiere un Intervale de Seconde; ainsi la troisiéme Touche en fera la Tierce, la quatriéme la Quarte, et cetera c'est à quoi il faut bien s'attacher; car [-365-] toute la science de l'Accompagnement dépend principalement de la connoissance de ces Intervales, qui se prennent toûjours au-dessus de la Notte qui sert de premier degré ou de fondement, et jamais au-dessous.
EXEMPLE.
Chiffres. Noms des Intervales
2. La Seconde. d'Ut à Ré, de Ré à Mi, de Mi à Fa, et cetera 3. La Tierce comme d'Ut à Mi, de Ré à Fa, de Mi à Sol, et cetera 4. La Quarte. d'Ut à Fa, de Ré à Sol, de Mi à La, et cetera 5. La Quinte. d'Ut à Sol, de Ré à La, de Mi à Si, et cetera 6. La Sixte comme d'Ut à La, de Ré à Si, de Mi à Ut, et cetera 7. La Septiéme. d'Ut à Si, de Ré à Ut, de Mi à Ré, et cetera 8. L'Octave. d'Ut à un autre Ut plus haut, et cetera
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 365; text: Unisson. premier degré, ou Son fondamental. Seconde. Tierce. Quarte. Quinte. Sixte. Septiéme. Octave. Neuviéme ou Seconde. Dixiéme ou Tierce. Onziéme ou Quarte. Douziéme ou Quinte. Treiziéme ou Sixte. Quatorziéme ou Septiéme. Quinziéme ou Octave. Seiziéme ou Neuviéme ou Seconde. dix-septiéme ou dixiéme ou Tierce. dix-huitiéme ou Onziéme ou Quarte. ut, ré, mi, fa, sol, la, si, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18] [RAMTRA4 01GF]
L'on peut remarquer que tous les Intervales harmoniques sont contenus dans l'étenduë de l'Octave, et que ceux qui excedent cette étenduë n'en sont que la replique, comme cela se prouve par le nom des Nottes, qui est le même dans la Dix-septiéme et dans la Dixiéme que dans la Tierce, ainsi des autres; c'est pourquoi, lorsque l'on sçait une fois que la Quinte d'Ut est un Sol, il n'importe où l'on touche ce Sol, pourvû que ce soit toûjours, au-dessus et cet Ut; et la comparaison que nous venons de faire à l'égard de la Touche Ut, doit se faire à l'égard de toute autre Touche, afin que la connoissance de ces Intervales devienne familiere, quelque Touche que l'on prenne pour premier degré.
[-366-] CHAPITRE SECOND.
De la difference des Intervales majeurs, aux mineurs; et de ceux qui sont justes, aux superflus et diminuez.
LA Tierce et la Sixte se distinguent en majeur et en mineur.
La Quinte et la Septiéme se distinguent en juste, superflu, et Diminué.
La Quinte et la Septiéme se distinguent en juste, superflu et diminué.
La Seconde et la Quarte se distinguent en juste et superflu.
La Quarte diminuée n'a point lieu dans l'Accompagnement ni dans l'Harmonie, non plus que la Seconde diminuée.
Il y a des Auteurs qui distinguent la Seconde, la Septiéme et la Neuviéme en majeures et mineures, mais c'est improprement; c'est pourquoi si l'on trouve quelquefois de la difference d'un semi-Ton dans la juste proportion qui est affectée à l'un de ces Intervales, il ne faut y faire encore aucune attention.
Il ne faut s'attacher à present qu'à distinguer les Tierces des Sixtes les majeures des mineures, parce que les Diezes ou les B-mols que l'on joint aux Nottes qui forment les Intervales superflus ou diminuez, servent à nous les faire connoître; et quand on sçait une fois qu'une telle Touche fait la Tierce, la Quarte, la Quinte ou la Sixte d'une certaine autre Touche, il n'y a plus qu'à compter les Tons ou les semi-Tons qui separent ces Touches, pour connoître si ces Intervales sont majeures, ou mineures, justes, superflus, ou diminuez.
Exemple des Tons et semi-Tons qui composent chaque Intervale.
2. La Seconde est composée d'un Ton ou d'un semi-Ton. d'Ut à Ré, de Mi à Fa, et cetera.
2[x]. La Seconde superfluë d'un Ton et demi. [Comme supra lin.] de Si[rob] à Ut[x], de Mi[rob] à Fa[x], et cetera.
3[rob]. La Tierce mineure d'un Ton et demi. d'Ut à Mi[rob], de Ré à Fa, de Mi à Sol, et cetera.
3[x]. La Tierce majeure et deux Tons. [Comme supra lin.] d'Ut à Mi, de Sol à Si, de Ré à Fa[x], et cetera.
4. La Quarte de deux Tons et demi. d'Ut à Fa, de Ré à Sol, de Fa à Si[rob], et cetera.
4[x]. La Quarte superflue, dite Tri-Ton, de trois Tons. [Comme supra lin.] de Fa à Si, d'Ut à Fa[x], et cetera.
[5/]. La Quinte diminuée, dite fausse-Quinte, de trois Tons. de Si à Fa, de Mi à Si[rob], et cetera.
5. La Quinte de trois Tons et demi. d'Ut à Sol, de Si à Fa[x], et cetera.
5[x]. La Quinte superfluë de quatre Tons. d'Ut à Sol[x], de Ré à La[x], et cetera.
6[rob]. La Sixte mineure de quatre Tons. d'Ut à La[rob], de Ré, à Si[rob], et cetera.
6[x]. La Sixte majeure de quatre Tons et demi. [Comme supra lin.] de Ré à Si, de Mi à Ut[x], et cetera.
7[rob]. La Septiéme diminuée de quatre Tons et demi. d'Ut à Si[rob], de Sol à Fa, et cetera.
7. La Septiéme de cinq Tons. d'Ut à Si[rob], de Ré à Ut, et cetera.
7[x]. La Septiéme superfluë de cinq Tons et demi. [Comme supra lin.] d'Ut à Si, de Ré à Ut[x], et cetera.
9. La Neuviéme se prend sur les mêmes Touches que la Seconde, excepté qu'elle doit se trouver naturellement une Octave plus haut.
[-367-] Les Intervales, qui, quoique differens, sont composez ici d'un pareil nombre de Tons, se distinguent auutrement dans la Théorie; mais cela est inutile à sçavoir dans la pratique, et nous verrons ailleurs la seule distinction que l'on en fait par rapport à un [x] ou à un [rob].
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 367; text: Secondes. Secondes superflues. Tierces majeures. Quartes. Tritons. Fausses-Quintes. Quintes. Quintes superflues. Sixtes mineurs.] [cf. Supplément][RAMTRA4 02GF]
[-368-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 368; text: Sixtes majeures. Septiémes diminuées. Septiémes. Septiémes superflues. Neuviémes.] [cf. Supplément] [RAMTRA4 02GF]
La nature et les diverses especes de chaque Intervale étant expliquées, il faut que celui qui veut sçavoir l'Accompagnement, s'applique à trouver de lui-même sur le Clavier tous les differens Intervales de chaque Notte, ou Touche, et toutes leurs diverses especes, en se rendant cette connoissance si familiere, que quelque Notte ou Touche qu'il s'imagine, il puisse dire et toucher tout d'un coup celle qui en est la Tierce mineure ou majeure, la Sixte, le Tri-Ton, la Quinte juste, diminuée ou superfluë, la Septiéme, et cetera.
Premier. Pour en venir plus facilement à bout, il faut d'abord s'attacher à connoître les Tierces et les Quintes de chaque Touche; parce que les Quartes et les fausses-Quintes se trouveront entre la Tierce et la Quinte; les Quintes superflues et les Sixtes se trouveront immediatement au-dessus de la Quinte; les Septiémes au-dessous de l'Octave; les Secondes et les Neuviémes au-dessus de la Notte prise pour premier degré, ou au-dessus de son Octave.
Deuxiéme. Si dans la disposition du Clavier il se trouve des Touches, qui, quoique éloignées d'une Quarte, d'une Quinte et d'une Septiéme, ne forment pas toûjours ces Intervales dans la proportion [-369-] qui leur est prescrite, il suffit néanmoins que le nom de la Touche s'y trouve, parce qu'il ne s'agira plus que de mettre à sa place son [x] ou son [rob]; Par exemple, la Quinte de Si est Fa; cependant la quantité des Tons qui composent cette Quinte ne s'y trouvent pas; il faut donc mettre le [x] de Fa à la place de ce Fa, et l'on trouve de cette façon la Quinte que l'on cherche. Pareillement si la Quarte de Fa se trouve être Si sur le Clavier, il n'y a qu'à prendre le B-mol de ce Si comme cela se trouvera, en comptant par les Tons qui composent la Quarte, ainsi des autres Intervales.
Troisiéme. Pour lever toute difficulté, il est bon de sçavoir que dans l'Harmonie il y a deux Consonances immuables, qui sont la Quinte et la Quarte, sans parler de l'Octave; de sorte que la Touche que l'on se propose étant Dieze ou B-mol, il faut que sa Quinte et sa Quarte soient de même; ainsi le Fa est censé B-mol, puisqu'en termes de Musique, tous les B-mols s'appellent Fa; et le Si est censé Dieze, puisque tous les Diezes s'appellent Si.
Il y a encore trois Dissonances que l'on peut appeller immuables, qui sont la Septiéme, la Seconde et la Neuviéme, la Septiéme se trouvant naturellement un Ton au-dessous de l'Octave, et la Seconde un Ton au-dessus; ce qui ne souffre d'exception que dans de certaines occasions, dont il n'est pas encore temps de parler.
Quatriéme. Le nom de la Notte qui doit former un certain Intervale ne change jamais; Par exemple, si la Tierce majeure de Fa est La, sa Tierce mineure doit être La B-mol, et non pas Sol Dieze; cette Touche que vous connoissez ordinairement sur le Clavier pour être le Dieze de Sol, perd ce nom en ce cas, et devient le B-mol de La; car Sol ne peut faire Tierce avec Fa.
Nous tirerons de-là une consequence, que chaque Notte a son Dieze et son B-mol; ainsi la Tierce majeure de Si doit être Ré Dieze, et non pas Mi B-mol, quoique ce soit la même Touche; la Tierce majeure de Sol Dieze doit être Si Dieze, et non pas Ut; la Sixte majeure de Sol Dieze, doit être Mi Dieze, et non pas Fa, ainsi des autres, toutes les Touches du Clavier prenant toûjours le nom des Nottes qui se trouvent naturellement selon l'ordre des nombres qui composent l'Intervale que l'on veut toucher; De-là vient qu'une Seconde Dieze et une Tierce B-mol se forment des mêmes Touches, ainsi de la 7[rob] avec la 6[x]; de la 5[x] avec la [6/][rob] de la fausse-Quinte avec le Tri-Ton, et cetera. Par consequent, si le Tri-Ton de Ré est le [x] de Sol, la fausse-Quinte de ce même Ré sera le [rob] de La, quoique le [x] de Sol et le [rob] de La ne soient qu'une même Touche; mais pour ne pas s'y tromper, il n'y a qu'à se souvenir que tout ce qui est Quarte, doit [-370-] avoir un Intervale de Quarte, comme du Ré au Sol; et que tout ce qui est Quinte, doit avoir un Intervale de Quinte, comme du Ré au La, ainsi du reste.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 370,1; text: Mêmes Touches. Idem. Tri-Ton ou Quarte superfluë. Fausse-Quinte. Tri-ton. Seconde superfluë. Tierce mineure. Septiéme diminuée. Sixte majeure. Quinte superfluë. Sixte mineure.] [RAMTRA4 01GF]
Pour trouver facilement un Intervale diminué, il faut choisir pour premier degré une Touche qui soit plûtôt Dieze que B-mol, et faire le contraire pour trouver un Intervale superflu.
La fausse-Quinte et le Tri-Ton divisent l'Octave en deux parties égales, (selon la pratique) comme on peut le voir par l'Exemple suivant.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 370,2; text: Fausse-Quinte. Tri-Ton.] [RAMTRA4 01GF]
Cela doit vous servir à trouver l'un de ces Intervales, quand vous avez trouvé l'autre, n'y ayant qu'à prendre indifferemment pour premier degré l'une des Touches qui formeront l'un de ces deux Intervales.
L'on trouve un pareil rapport entre la Tierce majeure et la Sixte mineure.
Entre la Tierce mineure et la Sixte majeure. Entre la Quarte et la Quinte. Entre la Seconde et la Septiéme.
Et entre la Seconde superfluë et la Septiéme diminuée.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 370,3; text: Tierce majeure. Sixte mineure. Tierce mineure. Sixte majeure. Quarte. Quinte. Seconde. Septiéme. Seconde superfluë. Septiéme diminuée.] [RAMTRA4 01GF]
Remarquez donc bien qu'après avoir trouvé un Intervale quelconque, [-371-] il n'y qu'à porter à son Octave au-dessus la Touche qui aura servi de premier degré, pour trouver l'autre Intervale qui s'y rapporte; et la connoissance de tout ce qui vient d'être dit, vous doit être bien familiere, avant que de passer outre.
CHAPITRE TROISIÉME.
De la Position de la Main, et de l'Arrangement des Doigts.
CE que nous avons appellé premier degré ou Son fondamental, est ce qu'on appelle Basse dans la pratique; et cette Basse se touche de la main gauche, pendant que les Intervales que l'on compare à cette Basse, se touchent de la main droite. Comme on touche ordinairement trois ou quatre de ces Intervales ensemble, nous n'en parlerons plus que sous le nom d'Accord; ainsi ce que nous appellerons Accord dans la suite, devra être toûjours touché de la main droite.
Premier. L'on ne touche de la main gauche qu'une Notte l'une après l'autre, et il faut bien observer que les doigts passent les uns après les autres, en évitant qu'un même doigt touche des Nottes differentes de suite; l'on suivra, pour cet effet, l'arrangement des doigts, que nous avons eu soin de marquer avec des chiffres.
Deuxiéme. L'on ne doit jamais se servir du pouce de la main droite, qu'en certaines occasions, dont nous parlerons dans la suite; car lorsque nous y sommes obligez par rapport à la petitesse de la main, cela retarde beaucoup l'habitude, qui est aussi necessaire dans la Pratique, que la Science.
Troisiéme. L'on touche au moins trois Nottes ensemble de la main droite; il faut remarquer que le second doigt touche toûjours la Notte d'en-bas, et le petit doigt celle d'en-haut, le troisiéme et le quatriéme doigt servant alternativement pour la Notte du milieu, en quoi il faut observer absolument la Position que nous avons marqué avec les chiffres mis à côté des Nottes, le pouce y étant representé par le chiffre 1. le doigt qui le joint par le chiffre 2. et ainsi de suite jusqu'au petit doigt, qui est representé par le chiffre 5.
Quatriéme. Il faut que ce soit les doigts qui frappent l'Accord, et non pas la main, c'est-à-dire, qu'il faut que le mouvement des doigts soit indépendant de celui de la main, en remarquant que ce mouvement se prend à la jointure qui détache les doigts de la main.
Cinquiéme. Il faut que le doigt qui frappe le premier, parte toûjours avec la Basse, et que les autres se suivent, de façon qu'il semble que le [-372-] tout soit ensemble; quoique cela doive former une espece d'Harpegement, comme quand on fait passer trois ou quatre triples Croches l'une après l'autre avec vîtesse.
Sixiéme. Il ne faut jamais lever tous les doigts ensemble, excepté dans des changemens si prompts, qu'on ne puisse mieux faire. Le doigt qui frappe le premier se leve seul, ou pour mieux dire, se coule d'une Touche à l'autre, en partant avec la Basse, et les autres le suivent immediatement, comme il a été deja dit; si bien que les doigts ne doivent jamais demeurer en l'air; s'ils quittent une Touche, ce doit être pour en toucher une autre dans le même moment, en sorte que le mouvement du lever et du toucher ne fasse qu'un temps sans qu'on puisse s'appercevoir d'aucun intervale de temps entre ce lever et ce toucher.
Septiéme. Il faut laisser prendre aux doigts leur mouvement naturel, sans jamais se forcer; ainsi la vîtesse s'acquiert par la bonne habitude, et non pas en forçant.
Ces remarques sont essentielles; les Accords ont tant de rapport entre-eux, que les doigts prennent l'habitude de s'approcher ou de s'éloigner, selon la suite de ces Accords, qui est presque toûjours la même; et outre que l'Accompagnement est bien plus gracieux de cette maniere, c'est que la perfection s'acquiert encore plus vîte; car si on levoit la main à chaque Accord, l'on seroit obligé de quitter souvent la vuë de dessus le Livre, pour chercher un Accord que les doigts auroient trouvé d'eux-mêmes, s'ils n'eussent point quitté le Clavier.
Cette Position de la main, qui regarde principalement le Clavecin, ne souffre d'exception pour l'Orgue, qu'en ce que les Nottes de chaque Accord doivent y être touchées ensemble; qu'il ne faut jamais quitter une Touche, qui après avoir servi à un Accord, peut encore servir à celui qui suit, et que les Sons doivent y être liez, autant que cela se peut.
CHAPITRE QUATRIÉME.
De la maniere de trouver les Accords sur le Clavier.
NOus commencerons par donner une Table des Accords, où les chiffres qui servent à marquer les Intervales, doivent servir encore à nous faire souvenir de la Composition de chaque Accord; car dans l'Accompagnement un seul chiffre dénotte presque toûjours un Accord composé de trois, de quatre, ou de cinq Sons; [-373-] Ainsi, vous devez avoir très-presens à l'esprit les Intervales qui doivent accompagner chaque chiffres, afin que vous puissiez concevoir la construction d'un Accord aussi-tôt que le chiffre qui le dénotte se presente à l'oeil; Par exemple, si l'on vous demandoit, de quoi s'accompagne la Septiéme? il faudroit répondre sur le champ, de la Tierce et de la Quinte, ainsi de tous les autres, dont nous allons donner le détail.
Dénombrement des Accords les plus necessaires.
L'Accord parfait ne se chiffre pas ordinairement, il est composé de 3. 5. 8.
6. L'Accord de la Sixte s'accompagne de 3. 8.
6/4 Autre Accord de Sixte, qu'on nomme Sixte-quarte, et qui s'accompagne de 8.
6. Autre Accord de Sixte, qu'on nomme petite Sixte, et qui s'accompagne de 3. 4.
6/5 Autre Accord de Sixte, qu'on nomme grande Sixte, et qui s'accompagne de 3.
7. L'Accord de la Septiéme s'accompagne de 3. 5.
4. L'Accord de la Quarte s'accompagne de 5. 8.
2. L'Accord de la Seconde s'accompagne de 4. 6.
4[x], ou [4/] L'Accord du Tri-Ton s'accompagne de 2. 6.
[5/], ou 5[rob] L'Accord de la fausse-Quinte s'accompagne de 3. 6.
Les chiffres marquent les principaux Intervales de l'Accord, et ceux qui doivent les accompagner ne se marquent presque jamais, de sorte qu'il faut donc s'en ressouvenir.
Le [x] seul signifie que la Tierce doit être majeure, et le [rob] seul signifie qu'elle doit être mineure; s'ils sont seuls au-dessus ou au-dessous d'une Notte, ils servent à marquer l'Accord parfait, dont la Tierce doit être telle que ces signes la représentent.
Si le [x] est joint à quelques chiffres, il en augmente l'Intervale d'un semi-Ton, et le [rob] le diminuë de même.
Deux ou plusieurs chiffres au-dessus l'un de l'autre, servent à un même Accord; mais quand ils sont à la suite l'un de l'autre, ils marquent autant d'Accords differens.
Tournez, pour en voir l'Exemple.
[-374-] Exemple de l'Accord parfait, et de la Maniere d'arranger les doigts.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 374; text: 3, 4] [RAMTRA4 03GF]
[-375-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 375; text: 4] [RAMTRA4 04GF]
Comme le second doigt et le cinquiéme occupent toûjours les extremitez de chaque Accord, nous nous sommes contentez de marquer seulement les doigts du milieu, ce que nous observerons par tout, excepté aux endroits où le pouce doit prendre la place au second doigt. Au reste, l'arrangement des trois premiers Accords doit servir pour tous les autres; et l'on doit se resouvenir que le chiffre 1. marque le pouce, ainsi 2. 3. 4. et 5. en continuant jusqu'au petit doigt.
Avant que de passer outre, il faut pouvoir promener chacun de ces Accords parfaits par tout le Clavier, tant en montant qu'en descendant, comme nous l'avons marqué sur l'Octave d'Ut, faisant en sorte que chaque Accord soit harpegé également d'un bout du Clavier à l'autre, comme si toutes les Nottes en étoient égales; [-376-] Si bien que le mouvement du doigt qui recommence un Accord, ne soit ni plus vif, ni plus lent que celui du doigt par lequel a fini l'Accord précédent.
Lorsque les Accords vont en montant, il faut les commencer du second doigt; et lorsqu'ils vont en descendant, il faut les commencer du cinquiéme doigt; mais lorsqu'on accompagne, il faut les commencer toûjours du second doigt, ou du pouce, au cas que l'on soit obligé de se servir du pouce.
Exemple de l'Accord de la Sixte, qui s'accompagne de la Tierce et de l'Octave.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 376,1; text: Main droite. Main gauche. Accords. Basse. 6] [RAMTRA4 04GF]
Pour trouver facilement un Accord de Sixte, il n'y a qu'à toucher le Parfait d'une Notte quelconque; et sans changer l'Accord, l'on porte la Notte de la Basse une Tierce plus haut, ou une Sixte plus bas, ce qui est la même chose; de sorte que cet Accord parfait de la premiere Notte, forme celui de la Sixte de la Notte changée à la Basse, comme cela paroît dans l'Exemple.
Exemple de l'Accord de Sixte-quarte, qui s'accompagne de l'Octave.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 376,2; text: Main droite. Main gauche. Accords. Basse. 6, 4] [RAMTRA4 04GF]
Cet Accord se trouve de même que l'autre, en portant la Notte de la Basse une Quinte plus haut, ou une Quarte plus
bas.
Exemple de l'Accord de la Septiéme, qui s'accompagne de la Tierce et de la Quinte.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 376,3; text: Main droite. Main gauche. Accords. Basse. 7, ajoûté à l'Accord parfait.] [RAMTRA4 04GF]
Cet Accord se trouve encore de même que les précédens, en portant la Notte de la Basse une Tierce au-dessous, ou une Sixte au-dessus; ou bien il n'y a qu'à ajoûter la Septiéme à un Accord parfait, sans rien changer d'ailleurs; parce que la Septiéme s'accompagne [-377-] de même que l'Accord parfait, à la reserve de l'Octave, dont on n'y fait point mention, étant libre de la joindre à un Accord de Septiéme, et de l'en retrancher, quand on le juge à propos; et quand on y ajoûte l'Octave, il faut se servir pour lors de quatre doigts sans le pouce.
Exemple de l'Accord du Tri-Ton, qui s'accompagne de la Seconde et de la Sixte; et de celui de la Seconde, qui s'accompagne de la Quarte et de la Sixte.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 377,1; text: Main droite. Main gauche. Accords. Basse. 4, 2] [RAMTRA4 05GF]
L'on trouve encore ces Accords de même que les précédens, en portant la Notte de la Basse un Ton plus bas, où il faut observer que la Tierce de l'Accord parfait soit toûjours majeure, lorsqu'on veut en former celui du Tri-Ton, et qu'elle soit mineure lorsqu'on veut en former celui de la Seconde.
Exemple de l'Accord de la Quarte, qui s'accompagne de la Quinte et de l'Octave.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 377,2; text: Main droite. Main gauche. Accords. Basse. 4] [RAMTRA4 05GF]
Pour trouver cet Accord, l'on prend le Parfait d'une Notte, et l'on porte la Tierce de cette Notte sur sa Quarte; souvenez-vous que lorsque l'Octave se trouve au milieu, il faut toûjours la toucher du quatriéme doigt.
Quoique nous n'ayons donné des Exemples de ces derniers Accords que sur un seul endroit du Clavier, il ne faut pas moins les pratiquer sur toutes sortes de Nottes et par tout le Clavier, comme on aura dû le faire de l'Accord parfait, sans rien changer à l'arrangement des doigts, car il est le même par tout.
CHAPITRE CINQUIÉME.
Remarques utiles sur tous les Accords.
VOus ne trouverez dans l'Accompagnement de même que dans toute l'Harmonie que deux Accords differens, qui sont le Consonant et le Dissonant; le premier est le Parfait, et le second est celui de la Septiéme.
[-378-] En touchant le premier sur le Clavier, vous trouverez qu'il forme tous les Consonans, dont il est l'origine; et vous remarquerez qu'il n'est composé que de trois Sons differens, qui sont la Notte de la Basse, sa Tierce et sa Quinte, comme, par exemple, Ut, Mi, Sol; car l'Octave, qui est un autre Ut, n'est pas un Son different du premier Ut, il en est seulement la replique.
Ces trois Sons Ut, Mi, Sol, composeront donc l'Accord que nous appellons Parfait, en prenant Ut pour Basse. Si nous prenons à present Mi pour Basse, en touchant Ut et Sol de la main droite, nous trouverons l'Accord que nous appellons Accord de Sixte; et si nous prenons ensuite Sol pour Basse, en touchant Ut et Mi de la main droite, nous trouverons l'Accord que nous appellons Accord de Sixte-quarte, en quoi consistent tous les Accords consonans, n'y ayant qu'à ajoûter de la main droite l'Octave de la Notte que vous touchez à la Basse, pour rendre ces Accords complets; et pour une plus prompte intelligence, il n'y a qu'à toucher de la main droite tel Accord parfait que l'on voudra, en touchant de la main gauche l'Octave en bas de chacune de ces Nottes, où l'on trouvera les trois Accords consonans en question.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 378; text: Main droite. Main gauche. Accords. Premiere Basse. Seconde Basse. Troisiéme Basse. 4, 6] [RAMTRA4 05GF]
Remarquez bien que l'Accord parfait de la premiere Basse fait celui de la Sixte de la seconde Basse, et celui de la Sixte-Quarte de la troisiéme Basse, se trouvant dans ces trois Basses les trois mêmes Nottes qui composent l'Accord.
L'Accord dissonant de la Septiéme contient quatre Sons differens; de sorte que si l'on prend alternativement pour Basse l'un des quatre [-379-] Sons qui le composent, l'on trouvera tous les Accords dissonans qui peuvent avoir lieu dans l'Harmonie, avec quelques exceptions, dont il n'est pas temps de parler.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 379; text: Main droite. Main gauche. Accords. Premiere Basse. Seconde Basse. Troisiéme Basse. Quatriéme Basse. Cinquiéme Basse. Sixiéme Basse. 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, Les Accords font ceux de la Septiéme au-dessus de cette Basse. Les Accords font ici ceux de la grande Sixte ou de la fausse-Quinte; la difference de ces deux Accords provenant de celle de la Tierce de la premiere Basse qui est icy mineure et là majeure. Les Accords font ici ceux de la petite Sixte, qui se trouve majeure ou mineure, selon les Tierces de la premiere Basse. Les Accords font ici ceux de la Seconde ou du Tri-Ton, la difference de ces deux Accords provenant encore de celle des Tierces de la premiere Basse. Les Accords font ici ceux de la Neuviéme ou de la Quinte superfluë, difference qui provient toûjours des Tierces de la premiere Basse. Les Accords font ici ceux de la Onziéme, dite Quarte, ou de la Septiéme superfluë, difference, et cetera. Il ne faut pas se stiler sur ce premier Accord qui n'est qu'accidentel. Il ne faut pas faire encore attention aux Accords de ces deux dernieres Basses.] [RAMTRA4 06GF]
[-380-] L'on peut prendre l'Accord parfait, ou celui de la Septiéme de telle Notte que l'on voudra, en ajoûtant l'Octave de la Basse à cet Accord de Septiéme, et toucher ensuite à la Basse l'une des Nottes qui composent l'Accord que l'on tiendra, où l'on trouvera les mêmes Accords qui sont marquez dans les Exemples précédens; l'on trouvera, dis-je, en touchant l'Accord parfait d'une certaine Notte, que celle qui fait la Tierce de cette même Notte étant mise à la Basse, portera l'Accord de Sixte, formé de ce même Accord parfait; et que celle qui en fait la Quinte étant mise à la Basse, portera l'Accord de Sixte-quarte, formé de ce meme Accord parfait. Pareillement si l'on touche l'Accord de la Septiéme d'une certaine Notte, l'on trouvera qu'il formera celui de la grande Sixte ou de la fausse-Quinte sur la Notte qui fait la Tierce de cette premiere Notte; celui de la petite Sixte sur la Notte qui en fait la Quinte, et celui de la Seconde ou du Tri-Ton sur la Notte qui en fait la Septiéme; et au cas que l'on touchât un Accord de petite Sixte, de grande Sixte, de fausse-Quinte, de Tri-Ton ou de Seconde, et qu'on voulût le rapporter à celui de la Septiéme dont il dérive, il n'y auroit qu'à ajoûter toûjours l'Octave de la Basse à l'Accord que l'on toucheroit, en remarquant que si les doigts étoient pour lors arrangez par Tierce, ce seroit la Notte que touche le doigt d'en-bas, qui étant mise à la Basse, porteroit l'Accord de la Septiéme que l'on tient de la main droite; sinon, il se trouveroit toujoûrs deux doigts qui se joindroient, et ce seroit pour lors la Notte que touche le plus haut de ces deux doigts, qu'il faudroit mettre à la Basse pour trouver cet Accord de septiéme. Voyez encore le Chapitre XI. du Troisiéme Livre, où il en est parlé. A l'égard des Accords consonans, ils sont assez faciles à reconnoître d'eux-mêmes, et il n'y a qu'à toucher l'Accord dans un certain endroit du Clavier, où les doigts puissent être arrangez par Tierces, pour voir que la Notte que l'on tient du second doigt de la main droite, est celle qui porteroit l'Accord parfait, si elle étoit à la Basse.
On ne peut trop faire attention à ce rapport des Accords, il en facilite beaucoup la connoissance et la pratique, sur tout, quand on peut sentir sur le champ qu'un tel Accord en formera un tel autre, en portant la Notte de la Basse, une Tierce, une Quinte ou une Septiéme plus haut; souvenez-vous ici qu'une Septiéme plus haut, ou une Seconde plus bas, c'est la même chose, de même qu'une Tierce plus haut, ou une Sixte plus bas; une Quinte plus haut, ou une Quarte plus bas; une Tierce plus bas, ou une Sixte plus haut, et cetera
[-381-] CHAPITRE SIXIÉME.
Des Tons et des Modes.
IL est difficile de bien accompagner, si l'on n'a pas une connoissance certaine des Tons et des Modes; ainsi l'on ne peut se dispenser de voir ce que nous en disons au Troisiéme Livre, Chapitre VIII. et XII. après quoi l'on tâchera de se rendre aisée la pratique des Octaves qui suivent, dont nous avons marqué les Accords dans les differens endroits du Clavier, avec l'arrangement des doigts pour chaque main; et pour prouver qu'il ne s'y rencontre que l'Accord parfait et celui de la Septiéme, nous avons mis au-dessous des deux premieres Basses une autre Basse, que nous appellons Fondamentale, où vous verrez que les differens Accords qui sont marquez sur la Basse qui monte et qui descend diatoniquement, ne sont formez que du Parfait, ou de celui de la Septiéme chiffrez sur cette Basse-fondamentale. Pour en donner une intelligence encore plus distincte, nous avons écrit le nom de chaque Notte, afin que l'on y remarquât que celle qui porte un tel Accord est une Tierce, une Quinte ou une Septiéme au-dessus de celle qui doit porter l'Accord parfait ou celui de la Septiéme, et que ces Nottes qui portent de pareils Accords tiennent ordinairement le même rang dans chaque Ton.
Il ne faut se servir de la Basse-fondamentale que pour la preuve dont nous venons de parler, car elle est inutile à la pratique, et même les Accords ne sont pas arrangez selon les Regles par rapport à cette Basse, ils le sont seulement par rapport à la Basse-continuë, que l'on doit toucher de la main gauche.
Si l'on trouvoit un peu d'obscurité dans les observations que nous venons de faire, l'on peut ne s'attacher uniquement qu'à la pratique des Accords, en attendant que la suite nous aide à comprendre ce qui peut nous arrêter à present.
[-382-] Exemple des Tons et des Modes, avec tous les Accords qui doivent se faire sur chaque Notte d'un Ton dans une Progression diatonique de la Basse, tant en montant qu'en descendant d'une Octave.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 382; text: Basse-Continue. Basse-Fondamentale, Notte tonique, Seconde Notte. Mediante. Quatriéme Notte. Dominante. Sixiéme Notte. Notte Sensible. Ton majeur d'Ut. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7] [cf. Supplément] [RAMTRA4 07GF]
[-383-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 383; text: Basse-Continue. Basse-Fondamentale. Ton mineur de Ré. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7] [cf. Supplément] [RAMTRA4 08GF]
Quelques-uns disent premier degré, second degré, et cetera au lieu de Notte tonique, de seconde Notte, et cetera mais cela doit être indifferent; car à proprement parlet, ces differens termes sont synonimes.
[-384-] Il faut toûjours posseder parfaitement un Ton avant que de passer à un autre, en les étudiant tous dans les trois differens endroits du Clavier, et avec le même arrangement des doigts marquez ci-dessus, tant pour n'être pas surpris dans quelque endroit que la main se trouve, que pour n'être pas obligé de la lever.
Il faut remarquer la liaison des Accords, par une des Nottes de l'un de ces Accords qui sert presque toûjours à celui qui le suit, ce qui en aide beaucoup la pratique.
Pour connoître le rapport des Accords de la Basse-continuë avec ceux de la fondamentale, il n'y a qu'à ajoûter l'Octave de la Basse-continuë aux Accords où elle ne se trouve pas.
Nous avons mis les Accords sur le Mode majeure et sur le mineure avec l'arrangement des doigts, et le nom de chaque Notte du Ton, pour que cela serve à tous les autres Tons, qui ne different en rien les uns des autres, que par rapport au Clavier; car celui qui a la Théorie des deux premiers, a celle de tous les autres, en rapportant les Tons majeurs aux majeurs, et les mineurs aux mineurs.
L'on double quelquefois la Tierce ou la Sixte, au lieu de l'Octave de la Basse dans un Accord de Sixte qui suit le Parfait en progression diatonique; et cela, tant pour la commodité de la main, que pour éviter de faire entendre deux Octaves de suite, le pouce est pour lors necessaire.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 384; text: Ton mineur de LA. Ton majeur de SOL. Ton mineur de SOL. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7] [RAMTRA4 09GF]
[-385-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 385; text: Ton majeur de FA. Ton majeur de RÉ. Ton majeur de LA. Ton mineur d'Ut. Ton mineur de MI. Ton majeur de MI. Ton majeur de SI.[rob], Ton mineur de SI.[sqb], 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7] [RAMTRA4 10GF]
[-386-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 386; text: Ton majeur de SI[sqb], Ton mineur de FA. Ton majeur de MI[rob], Ton mineur de FA[x], Ton majeur de FA[x], Ton mineur d'UT[x], Ton majeur d'UT.[x], Ton mineur de SOL.[x], 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7] [RAMTRA4 11GF]
[-387-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 387; text: Ton majeur de LA.[rob], Ton mineur de SI.[rob], Ton mineur de MI.[rob], Ton mineur de RE.[x], 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7] [cf. Supplément] [RAMTRA4 09GF]
Ces deux derniers Tons se joüent sur les mêmes Touches sous des noms differens, ce qui doit servir d'exemple pour tous les autres Tons, qui peuvent se marquer de même sous deux noms differens; car la Notte Ut peut être marquée sous le nom de Si[x], et l'Ut[x] sous le nom de Ré[rob]; de sorte que toutes les Nottes de l'Octave changeroient en même-temps de nom; mais cela est si peu usité, que nous avons crû qu'il suffiroit d'en donner seulement une ideé, laissant à un chacun la liberté de prendre cette double connoissance du Clavier, connoissance trés-necessaire à ceux qui veulent être à l'épreuve des plus grandes difficultez.
Il faut tâcher de regarder toûjours son Livre en accompagnant, et ne regarder ses doigts que lorsqu'on ne peut mieux faire, ce qui s'acquiert par la pratique, l'oreille qui se forme à l'Harmonie, devenant plus sensible aux fautes que l'oeil; et par le moyen de ces Octaves, les doigts prennent une certaine habitude, qui les porte naturellement sur les Touches dont les Accords doivent être formez. Ne négligez donc pas la Position de la main, ni l'arrangement des doigts, cela est d'une consequence plus grande que l'on ne peut s'imaginer.
Quand on possede une fois la pratique de toutes ces Octaves, il [-388-] faut pouvoir nommer en soi-même tous les Accords qu'on y fait, sans voir son Livre ni sa main; et dire encore, si cela se peut, cet Accord dérive du Parfait, ou de celui de la Septiéme d'une telle Notte, après lequel je passe ordinairement à celui-ci, qui dérive encore de celui-là; car l'on ne peut s'y prendre de trop de façons, lorsque l'on veut posseder promptement et parfaitement la connoissance de quoique ce soit, d'autant plus qu'on est presque au bout de toutes les difficultez, quand on est une fois parvenu au point de connoître la suite des Accords dans l'Octave de chaque Ton, en se souvenant que cette suite est la même dans quelque Ton que ce soit.
Ceux qui s'ennuiront à étudier tous ces Tons, pourront passer outre après les seize ou dix-huit premiers, et ne reprendre les autres que lorsqu'ils voudront ne douter de rien.
CHAPITRE SEPTIÉME.
De l'ordre qu'il faut se prescrire pour la suite des Accords qui se rencontrent dans l'étenduë de l'Octave de chaque Ton.
IL faut s'imaginer d'abord que toute Notte qui porte l'Accord parfait est la Tonique; que dans chaque Ton il n'y a que la Notte tonique et sa Dominante qui ayent ce privilege, et que quand même cette Dominante porteroit l'Accord de la Septiéme, elle peut être toûjours prise pour Tonique; ce qui détermine plus promptement la connoissance des Accords qui doivent se faire sur les Nottes qui précédent cette Notte tonique ou sa Dominante, car ils sont à peu près toûjours les mêmes.
Premier. Si la Notte tonique doit être précédé d'un Accord de Septiéme, lorsque la Basse monte de Quarte ou descend de Quinte (ce qui est la même chose) sa Dominante doit l'être également en pareille progression.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 388; text: Progression de Quarte en montant sur la Notte de tonique. Progression de Quarte en montant sur la Dominante. 7] [RAMTRA4 12GF]
[-389-] Deuxiéme. Si la Notte tonique doit être précédée de l'Accord de petite Sixte en descendant diatoniquement sur elle, et de l'Accord de la fausse-Quinte en y montant de même, la Dominante le sera également en pareille progression.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 389,1; text: Notte tonique précédée en descendant, ou en montant diatoniquement. Dominante précédée en montant ou en descendant diatoniquement. 5, 6, 7, ou] [RAMTRA4 12GF]
Vous venez de voir que lorsque la Dominante porte l'Accord parfait, on ajoûte un [x] à la Sixte qui la précéde; de sorte que l'Accord de la petite Sixte qui en est formé, étant composé de même que celui qui a précédé la Notte tonique en pareille progression, l'on ne peut distinguer pour lors cette Dominante de la Notte tonique que par ce qui suit; mais si l'on doit faire la Septiéme sur cette Dominante, cela doit vous la faire distinguer d'abord.
A l'égard de la Notte tonique et de sa Dominante précédées de l'Accord de la fausse-Quinte en montant diatoniquement, vous y trouverez une difference, en ce que c'est l'Accord de la fausse-Quinte qui précéde la Notte tonique, et que c'est celui de la grande Sixte qui précéde la Dominante; mais la difference de ces deux Accords ne consiste que dans la Basse, qui monte d'un semi-Ton sur la Notte tonnique, et d'un Ton sur la Dominante; car d'ailleurs les Accords sont disposez de même, comme l'Exemple vous le prouve; et cela doit vous servir à distinguer une Notte sensible d'une quatriéme Notte, et une Notte tonique de sa Dominante.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 389,2; text: Notte sensible qui monte d'un semi-Ton sur la Notte tonique. Quatriéme Notte qui monte d'un Ton sur la dominante. 5, 6] [RAMTRA4 12GF]
[-390-] Remarquez, qui plus est, que les Accords de Septiéme, de petite et grande Sixte, ou de fausse-Quinte, dont la Notte tonique et sa Dominante ont été précédées, selon la differente progression de la Basse, ne sont differens qu'en apparence, puisqu'ils proviennent tous de celui de la Septiéme; d'où vous devez conclure, que toute Notte qui en précéde une autre en montant de Quarte, on en descendant de Quinte, doit porter l'Accord de la Septiéme; et que si la progression de cette premiere Notte à l'autre, est diatonique, elle doit porter un Accord dérivé de celui de la Septiéme, supposé que la Notte où l'on tombe porte l'Accord parfait, ou celui de la Septiéme, ce qui se connoît par les chiffres, car les Commençans ne doivent jamais accompagner sans chiffres.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 390; text: Basse qui monte de Quarte, ou descend de Quinte. Basse qui descend diatoniquement. Basse qui monte diatoniquement. 5, 6, 7] [RAMTRA4 13GF]
Les mêmes Accords servent ici pour chaque Basse, où l'on voit que ceux de fausse-Quinte, de petite et de grande Sixte sont formez des mêmes Nottes qui composent celui de la Septiéme de cette Notte, qui a monté de Quarte; et que ces Accords ne prennent des noms differens, que par rapport à la differente progression de la Basse, puisque dans le fonds ils proviennent tous d'un même Accord.
Pour ce qui est de la difference du majeur au mineur qui peut se [-391-] rencontrer dans les Accords, comme entre la fausse-Quinte et la grande Sixte, et cetera cela se connoît ou par la progression de la Basse, ou par la Modulation, qui nous oblige de n'employer que certaines Nottes ou Touches dans un tel Ton; car si le Ton change, on trouve pour lors quelques Diezes ou B-mols associez aux chiffres, qui le font remarquer.
Il faut conclure de ces Remarques, que toute Notte ne prêtant son Accord parfait ou de Septiéme qu'à sa Tierce, à sa Quinte ou à sa Septiéme, les Accords de Sixte et de Sixte-quarte, qui proviennent du Parfait, doivent être précédez du même Accord qui précéde naturellement ce Parfait, comme on a pû le remarquer dans les Octaves précédentes, où la Mediante exige avant elle le même Accord qu'exige le Parfait.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 391; text: 4, 6] [RAMTRA4 13GF]
La progression d'un Accord consonant à un autre ou à un dissonant, n'est pas difficile à pratiquer, et merite moins d'attention que celle d'un Dissonant à un autre, laquelle subsiste principalement et le plus frequemment dans celle de la Septiéme qui vient de paroître au pénultiéme Exemple, et dont voici les differentes suites d'Accords qui peuvent en être tirées.
Voyez l'Exemple suivant.
[-392-] EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 392; text: Basse de la Septiéme. Basses dont les Accords dérivent de celui de la Septiéme. 2, 4, 5, 6, 7, A] [RAMTRA4 13GF]
Ces Accords servent à chaque Basse, l'on peut meme y laisser les quatre Nottes qu'ils contiennent, excepté la Notte sensible A, qu'il faut en retrancher lorsqu'elle se trouve à la Basse, ou bien il n'y a qu'à retrancher de chaque Accord l'Octave de la Notte que l'on touchera dans l'une des cinq Basses inferieures, en attendant une Regle plus étenduë sur le meme sujet.
Si l'Accord parfait ou de Septiéme d'une certaine Notte doit précéder celui d'une certaine autre Notte, par consequent l'Accord de cette derniere Notte doit suivre celui de la premiere; de sorte que la connoissance de l'un conduit à celle de l'autre, ne s'agissant que d'avoir ces progressions presentes à l'esprit, tant d'une façon que de l'autre, soit à l'égard des Accords premiers, soit à l'égard de leurs dérivez.
Pour achever de se convaincre sur ce sujet, il n'y a qu'à consulter les Octaves précédentes, où l'on verra que les Accords qui conduisent en montant de la Mediante à la Dominante, et de la sixiéme Notte à la Tonique sont les mêmes, aussi-bien que ceux qui conduisent en descendant de la septiéme Notte à la Dominante, et de la Mediante à la Tonique; et que la Mediante est précédée par tout de même que la Tonique, ce qui va être éclairci par le détail.
CHAPITRE HUITIÉME.
Regles generales.
IL ne faut considerer à present qu'un seul Ton, en se souvenant que l'Accord parfait n'est affecté qu'à la Notte tonique et à sa Dominante, sans se mettre en peine de la Septiéme, qui peut être jointe à l'Accord parfait de cette Dominante.
[-393-] Il faut donner l'Accord de la grande Sixte à toute Notte qui monte d'un Ton sur l'Accord parfait, et celui de la fausse-Quinte à celle qui n'y monte que d'un semi-Ton; l'on peut donner aussi l'Accord de la Septiéme à cette Notte qui monte, mais il faut que cela soit précisément désigné par un chiffre.
Il faut donner l'Accord de petite Sixte à toute Notte qui descend diatoniquement sur l'Accord parfait, ou qui monte de même sur la Mediante.
Il faut donner l'Accord du Tri-Ton, ou quelquefois celui de la grande Sixte à toute Notte qui descend diatoniquement sur la Mediante.
Il faut donner l'Accord de Sixte à toute Notte qui monte diatoniquement sur une autre qui porte celui de la grande Sixte ou du Tri-Ton à celle qui descend diatoniquement sur une autre qui porte celui de la petite Sixte, et à celle qui se trouve une Tierce au-dessus ou au-dessous d'une autre, qui doit porter ensuite l'Accord parfait.
L'on peut donner l'Accord parfait à toutes les Nottes qui procedent par des Intervales consonans; car dans un Intervale de Tierce, l'Accord parfait convient quelquefois à la premiere Notte, aussi-bien que celui de la Sixte, mais le chiffre doit regler en ce cas.
L'on peut ajoûter la Septiéme à l'Accord parfait de toutes les Nottes, qui sont suivies d'une autre en montant de Quarte, ou en descendant de Quinte; et l'on peut aussi ajoûter la Sixte à l'Accord parfait de toutes les Nottes, qui sont suivies d'une autre en montant de Quinte ou en descendant de Quarte, supposé que ces Nottes qui suivent les premieres, portent l'Accord parfait ou celui de la Septiéme, ces deux dernieres Regles servant de fondement à toutes les précédentes.
De toutes ces Regles, on peut encore tirer les suivantes.
Si l'on peut descendre diatoniquement sur la Mediante après un Accord de grande Sixte ou de Tri-Ton, donc on peut descendre aussi de Quarte sur la Notte tonique, ou monter diatoniquement sur la Dominante, portant l'Accord de Sixte-quarte après les Accords de grande-Sixte ou de Tri-Ton, puisque l'Accord parfait de la Notte tonique compose celui de la Sixte de sa Mediante, et celui de la Sixte-quarte de sa Dominante, bien que l'on monte rarement sur la Dominante aprés l'Accord du Tri-Ton; mais la suite nous mettra encore mieux au fait. De plus, il faut dire, si un tel Accord doit précéder celui-là, donc il doit, ou du moins il peut en être suivi conformément à la progression déterminée à la Basse, pouvant tirer presque toutes ces differentes Regles des Octaves du Chapitre VI.
[-394-] Exemple de la Progression des Accords de Septiéme, et de ses dérivez par renversement.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 394; text: A, 4, 6, 7] [RAMTRA4 14GF]
Vous trouverez ici deux Basses sous les mêmes Accords, dont l'une monte de Quarte ou descend de Quinte, en portant par tout un Accord de Septiéme, pendant que l'autre descend diatoniquement, en portant sur chaque Notte en même degré l'Accord de Septiéme et celui de la petite Sixte, ce qui est conforme à nos Regles précédentes.
Les Nottes (A) portent trois differens Accords de Sixte, pour faire remarquer que l'un de ces trois Accords peut précéder la premiere Septiéme seulement, dans une progression pareille à celle que la Basse y tient.
Cet Exemple, qui doit servir pour tous les Tons mineurs, vous [-395-] servira également pour tous les majeurs, en retranchant les B-mols qui sont à la suite des Clefs, n'y ayant qu'à le copier sur d'autres Tons conformément à celui-ci, tant pour les mineurs que pour les majeurs; Remarquez que nous avons ajoûté un B-mol à ceux que l'on a accoûtumé de mettre devant la Clef pour un pareil Ton, et que ce B-mol marque la Sixte mineure de tous les Tons mineurs; ce que nous aurions dû faire par tout, si l'usage ne l'emportoit pas sur cette observation.
Il faut pratiquer cette suite d'Accords, non seulement dans tous les Tons, mais encore dans les trois differens endroits du Clavier, comme nous l'avons marqué, ce qui doit s'entendre également de tous les Exemples que nous donnerons dans la suite; et pour se faciliter la pratique du précédent, l'on peut y remarquer que d'un Accord a l'autre il se trouve toûjours deux doigts qui descendent, pendant que l'autre reste sur le même degré, celui-ci descendant à son tour, pendant que les deux premiers restent, et ainsi alternativement jusqu'à la fin.
Comme nous avons encore d'autres suites d'Accords qui dérivent de ces premiers, nous allons en donner un nouvel Exemple dans le Ton majeur, qui pourra servir également pour le mineur, en mettant à la suite de la Clef les B-mols de l'Exemple précédent, et en remarquant que la Notte sensible qui se trouve à la fin, ne doit point changer dans l'un et dans l'autre Ton.
De plus, nous ajoûterons ici une Notte à chaque Accord, où pour lors il se trouvera toûjours deux doigts qui resteront, pendant que les deux autres descendront, ceux-ci restant à leur tour, pendant que les premiers descendront, ainsi jusqu'à la fin, en vous souvenant qu'il ne faudra pas s'y servir du pouce.
Tournez pour voir l'Exemple.
[-396-] EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 396; text: 2, 5, 6, 7] [RAMTRA4 15GF]
[-397-] Ces deux differentes manieres de pratiquer les Accords, tantôt à quatre Parties, c'est-à-dire, trois de la main droite, et tantôt à cinq, sont fort necessaires; la premiere sert pour tous les Accords renversez, et la derniere pour tous les Accords de Septiéme qui ne sont point entre-lacez avec d'autres, excepté que ce ne soit avec des Accords de grande Sixte, ou avec des Accords par supposition, dont nous parlerons dans la suite; et pour que ce dernier Exemple puisse servir à quatre Parties, il n'y a qu'à en retrancher la Notte qui dans les Accords fait Octave avec chaque Notte de la Basse, bien que cela ne doive pas se faire à l'égard de la Basse qui monte de Quarte ou qui descend de Quinte; parce que l'habitude n'en est pas moins utile de cette façon (comme nous venons de le dire) que de l'autre.
Il se trouve une si grande liaison dans cette suite d'Accords, qui est le noeud de l'Harmonie la plus naturelle, que l'habitude s'en acquiert souvent avant la connoissance; de sorte que l'on peut dire, en ce cas, que les doigts préviennent l'esprit, supposé que l'on s'attache à la position et à l'arrangement de ces doigts, selon ce qui en a été dit.
Comme il est facile de se faire des Exemples particuliers des trois differens endroits du Clavier, et de tous les Tons où ces derniers Accords doivent être pratiquez, nous nous sommes contentez d'en donner un seul Exemple.
Vous venez de voir des Accords de petite et de grande Sixte, de fausse-Quinte, de Tri-Ton, et de Septiéme, dont la progression est conforme à nos Regles précédentes; de sorte qu'il est inutile d'en parler davantage, les Accords de Septiéme y étant précédez, de même que les Parfaits; mais il nous reste quelque chose à ajoûter au sujet des Accords de Septiéme et de Seconde, dont les Chapitres suivants nous instruiront.
CHAPITRE NEUVIÉME.
Des differens Accords qui doivent suivre celui de la Septiéme sur une Notte en même degré.
ARTICLE PREMIER.
TOute Notte qui a porté un Accord de Septiéme, doit porter ensuite une Sixte, quelqu'Accord qui se trouve après cette Septiéme sur la même Notte; mais comme la Sixte peut se rencontrer [-398-] dans plusieurs Accords differens, il est à propos de s'expliquer là-dessus.
Comme les Accords de la petite Sixte, de la grande Sixte, de la fausse-Quinte, de la Sixte, de Sixte-quarte, du Tri-Ton ou de Seconde peuvent se trouver après un Accord de Septiéme sur une Notte en même degré, parce que la Sixte fait partie dans tous ces Accords, ce ne peut être que par le moyen de la Notte qui suit celles qui sont en même degré, où celle dont la valeur nous permet de lui donner deux Accords differens, (ce qui est la même chose) que l'on peut juger du choix que l'on doit faire de tous ces Accords; et voici comme il faut s'y prendre, supposé que la Basse ne soit point chiffrée, ou qu'elle soit mal chiffrée, ce qui arrive très-souvent.
Bien qu'il soit libre au Compositeur de donner le même Accord à plusieurs Nottes en même degré, cependant lorsqu'il s'en trouve deux, dont la premiere commence dans le premier Temps de la Mesure, elle porte ordinairement un Accord de Septiéme, et pour lors la Seconde doit porter l'un de nos Accords proposez. Or l'on ne peut bien réüssir dans le choix de ces derniers Accords, si l'on ne connoît parfaitement la Modulation, ce qui sera très-facile, en ne s'attachant qu'à un seul Ton, où l'on sçait que la Notte tonique et sa Dominante portent naturellement l'Accord parfait, sans avoir égard à la Septiéme qui peut être jointe à l'Accord parfait de cette Dominante, et où l'on sçait pareillement que la seconde Notte porte l'Accord de la petite Sixte, et que la sixiéme Notte en porte un pareil en descendant; que la Mediante porte l'Accord de Sixte; que la sixiéme Notte en porte un pareil en montant, et que la Septiéme Notte en porte aussi un pareil en descendant; que la quatriéme Notte porte l'Accord du Tri-Ton en descendant, et celui de la grande Sixte en montant; et qu'enfin la Notte sensible ou la septiéme Notte porte l'Accord de la fausse-Quinte en montant; de sorte que ne pouvant se trouver que l'une de ces Nottes dans vôtre Basse, vous sçavez l'Accord qui doit suivre celui de la Septiéme sur la Notte en même degré. D'ailleurs, Si vous voyez que vous montez ou que vous descendez diatoniquement sur l'une de ces Nottes, vous sçavez en même-temps l'Accord qui doit les précéder naturellement, de sorte que vous ne pouvez vous tromper; et si les Nottes en même degré sont formées de la Dominante, vous sçavez que celle-ci ne peut porter d'autres Accords de Sixte que celui de Sixte-Quarte, ne s'agissant après cela que de sçavoir distinguer la difference des Tons dans la suite d'une Piece; mais ce n'est pas-là le plus difficile.
[-399-] EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 399; text: Seconde Notte, Mediante. Quatrieme Notte. Sixiéme Notte. Dominante. Notte sensible. A, 3, 4, 5, 6, 7, ou] [cf. Supplément] [RAMTRA4 14GF]
Vous connoissez ici l'Accord de Sixte, que vous devez donner à la même Notte qui a porté celui de la Septiéme, non seulement par le rang que cette Notte tient dans le Ton, mais encore par le rang qu'y tient celle qui la suit, et par l'Accord que doit porter cette Notte suivante.
Nôtre Regle est immanquable, lorsque la Basse monte diatoniquement; mais lorsqu'elle descend de même, et que chaque Notte a une valeur competente pour porter deux Accords differens, ou que cela paroît par les chiffres, il faut pour lors se guider sur la Regle du Chapitre précédent; de sorte que l'Accord qui doit précéder celui de la Septiéme en descendant diatoniquement, est toûjours celui de la petite Sixte.
Remarquez à (A) que lorsque la Basse monte diatoniquement pour faire entendre la Septiéme après l'Accord parfait, cette Septiéme doit être accompagnée de l'Octave au lieu de la Quinte; de sorte que le doigt qui a touché l'Octave de la Basse dans l'Accord parfait, reste sur le même degré pour former la Septiéme suivante, pendant que les deux autres doigts descendent diatoniquement.
Si après un Accord de Septiéme la Basse procede diatoniquement, nos dernieres Regles ne peuvent y être contrariées, qu'en ce que la même Notte qui aura porté cet Accord passera incontinent sur la plus voisine, sans qu'on ait pû lui donner l'Accord qui lui convenoit [-400-] naturellement après celui de la Septiéme; de sorte que si elle monte diatoniquement en ce cas, ce ne pourra être que sur l'Accord parfait, ou sur un autre Accord de Septiéme, comme il a été dit au Chapitre précédent; et si elle descend de même, ce ne pourra être encore que sur un autre Accord de Septiéme. De plus, il arrive souvent que la Notte qui suit porte un Accord composé des mêmes Nottes que celui qui devoit paroître naturellement sur cette Notte, où la Septiéme a été entenduë; ce qui fait que nôtre Regle se soûtient toûjours ici en ce cas, car les doigts y suivent leur progression accoûtumée; c'est de quoi l'on peut s'instruire dans le Troisiéme Livre, Chapitre XXVI. et XXVII.
ARTICLE SECOND.
Une Notte qui passe à son Dieze ou à son B-mol, ou bien une Notte jointe à un Dieze ou à un B-mol, et qui devient ensuite naturelle, ne doit être regardée que comme une même Notte a l'égard des Accords; de sorte que si l'on passe d'Ut à Ut[x], ou d'Ut[x] à Ut, de Si à Si [rob], ou de Si[rob] à Si, et cetera il faut se déterminer là-dessus, comme si c'étoit deux Ut ou deux Si, selon nos Regles précédentes, en conformant les Accords à la Modulation.
Une Basse qui procéde par des Intervales disjoints, ne peut jamais monter de Quinte ni descendre de Quarte après un Accord de Septiéme; mais si elle descend de Tierce, ou qu'elle monte de Sixte, ou bien si elle monte de Tierce, ou si elle descend de Sixte, c'est sur la Notte qui suit celle où l'on a passé après cet Accord de Septiéme qu'il faut se déterminer.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 400; text: A, B, C, 4, 5, 6, 7] [cf. Supplément] [RAMTRA4 16GF]
[-401-] Vous voyez que ces Nottes diezées qui descendent sur les Nottes naturelles, et que celles qui montent sur leurs Diezes n'empêchent pas la suite naturelle des Accords; et pour être plus certain ici de ce que l'on fait, on dit, ces Diezes qui se trouvent en descendant, ne conviennent point naturellement ; donc je dois regarder ces Nottes comme s'il n'y avoit point de Diezes, pour pouvoir déterminer mes Accords plus vîte; et au contraire ces Diezes doivent se trouver naturellement en montant; donc je dois regarder ces Nottes comme si elles étoient diezées, excepté que l'Auteur peut donner l'Accord parfait à toute Notte qui monte d'un semi-Ton, conformément à la Notte (A) bien qu'on eût pû lui donner celui de la grande Sixte, qui auroit été pour lors le même que celui de la fausse-Quinte qui se trouve sur le [x] de cette Notte (A.)
L'Accord de la Notte (B) où la Basse descend de Tierce après celui de la Septiéme, ne m'est déterminé que par la Notte qui suit, laquelle devant porter l'Accord parfait, m'oblige de donner celui de la petite Sixte à celle qui y descend diatoniquement, au lieu que si elle monte diatoniquement sur l'Accord parfait, elle auroit dû porter celui de la grande Sixte ou de la fausse-Quinte, ainsi du reste.
Lorsque la Basse monte de Tierce après l'Accord de la Septiéme, la Notte montée porte ordinairement un Accord dérivé du précédent, comme cela paroît à (C) où l'Accord de la fausse-Quinte n'est autre que celui de la Septiéme qui a précédé.
Souvenez-vous que monter de Tierce ou descendre de Sixte, c'est la même chose, et cetera.
Nous ne parlons point ici de la progression de Quinte en descendant après l'Accord de la Septiéme, puisqu'il en a été fait mention au Chapitre précédent.
CHAPITRE DIXIÉME.
De l'Accord de la Seconde.
LOrsque nous avons dit que de deux Nottes en même degré, la premiere pouvoit porter l'Accord de la Septiéme, ce n'est qu'autant qu'elle ne se trouvera pas dans le dernier Temps de la Mesure; car si cela se peut en cette occasion, l'Accord de la Seconde doit se faire immediatement après sur la même Notte qui se trouve dans le premier Temps de la Mesure suivante, et ce n'est plus pour lors l'Accord de la Septiéme qui nous regle, mais celui de la Seconde; de sorte que cet Accord de Septiéme peut se trouver ici par [-402-] hazard pour précéder celui de la Seconde, de même que le Parfait et tous les Accords de Sixte; mais dès que de deux Nottes en même degré, la derniere se trouve dans le premier Temps de la Mesure, elle doit porter l'Accord de la Seconde, et doit estre précédée naturellement de celui de la grande-Sixte sur la premiere Notte en même degré, qui se trouvera dans le dernier Temps de la Mesure qui précéde celle où se fait cet Accord de Seconde, comme cela paroît dans la Basse des Secondes, ce qui est encore expliqué au Troisiéme Livre, Chapitre VIII. et XXI.
Ces Nottes qui se trouvent ainsi sur le même degré dans deux Mesures differentes, s'appellent syncopées; ainsi voyez ce que nous en disons au Troisieme Livre Chapitre XXXV. Article VII. bien que cette syncope ne se rencontre jamais dans la Basse qu'à l'occasion des Accords de Seconde ou de Quarte [x].
Souvenez-vous que dans la premiere syncope qui paroît, l'Accord de la Seconde peut estre précédé d'un Parfait, d'un de Septiéme ou de Sixte quelconque; mais dès qu'il s'en trouve plusieurs de suite, ces Accords de Seconde doivent estre naturellement précédez et suivis d'un Accord de grande Sixte, Souvenez-vous encore que l'Accord du Tri-Ton 4[x] peut tenir quelquefois la place de celui de Seconde, sur tout dans la derniere sycope, et qu'après le dernier Accord de Seconde, celui qui doit le suivre ne peut se déterminer que sur celui qui doit encore suivre, car il faut toûjours se guider sur ce qui suit, plûtôt que sur ce qui précéde.
Les Accords de Seconde peuvent estre encore entre-lacez avec des Accords de petite Sixte, mais cela est très-rare.
Pour ne point se tromper ici dans une Mesure à quatre Temps, il faut la diviser toûjours en deux Mesures à deux Temps.
La pratique de toutes ces Regles est encore plus necessaire aux Accompagnateurs que la connoissance; de sorte qu'on ne peut trop s'exercer sur les differens Exemples qui ont paru jusqu'à present, en les transposant dans differens Tons, et en s'accoûtumant à les toucher dans les trois differens endroits du Clavier; ce qui servira non seulement à bien accompagner avec des chiffres, mais encore sans chiffres.
CHAPITRE ONZIÉME.
Des Accords de Sixte.
L'On trouve souvent des Basses qui ne portent que des Accords de Sixte, en procedant diatoniquement, dont la pratique sera très-facile, en se conformant à l'Exemple suivant.
[-403-] EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 403; text: A, B, C, 4, 5, 6, ou] [cf. Supplément] [RAMTRA4 16GF]
Si l'on se souvient de ce que nous avons dit au Chapitre VIII. que l'on pouvoit passer de l'Accord de la grande Sixte à celui de la Sixte; de la Mediante à celui de la Sixte-quarte; de la Dominante, ou au Parfait, de la Notte tonique, l'on ne trouvera rien de nouveau ici; cependant il faut encore pratiquer cette suite d'Accords, parce qu'elle est très-frequente; et cet Exemple qui peut servir pour tous les Tons mineurs, en remarquant le B-mol que nous y avons ajoûté, pourra servir pour tous les Tons majeurs, en retranchant les B-mols.
Remarquez que la quatriéme Notte (A) peut porter en descendant sur la Mediante (B) ou même sur la Tonique (C) l'Accord de la grande Sixte, ou celui du Tri-Ton, ou bien tous les deux l'un après l'autre, pourvû que celui de la grande Sixte soit le premier.
Cette derniere Regle est tirée de la Cadence irreguliere, et ce seroit assez ici le lieu de parler de la Parfaite, de l'Imparfaite et de la Rompuë, mais ces Cadences se trouvent confonduës dans nos autres Regles; comme par exemple, l'Accord de la Septiéme suivi de celui de Sixte-quarte sur une Dominante tonique nous represente une Cadence imparfaite, en ce que la Cadence parfaite devant se faire toûjours de la Dominante à la Notte tonique (comme cela paroît dans tous nos Exemples de l'Octave, Chapitre VI.) cet Accord de Sixte-quarte que porte la Dominante, represente le Parfait qu'auroit dû porter naturellement la Tonique après celui de la Septiéme que cette Dominante a porté; et par consequent cette Dominante peut passer encore sur la Mediante, sans changer le fond des deux Accords proposez. Pareillement la Regle où nous avons dit au Chapitre VIII. que l'on pouvoit monter diatoniquement sur l'Accord parfait ou sur celui de la Septiéme après un Accord de Septiéme, est tirée de la Cadence rompuë. Voyez cependant ce que nous disons de toutes ces Cadences au Troisiéme Livre, Chapitre XIII. XVI. XXV. et XXVIII. [-404-] parce qu'on peut en tirer de très-grandes lumieres, tant par rapport au renversement, que par rapport à la connoissance des Tons, et par consequent des Nottes qui peuvent ou qui doivent porter certains Accords, et encore de la differente progression de la Basse qui nous induit à cette connoissance.
CHAPITRE DOUZIÉME.
De l'Accord de la Seconde superfluë, et de ses dérivez.
L'Accord de la Seconde superfluë qui se chiffre ainsi 2[x], s'accompagne du Tri-ton et de la Sixte majeure, et ne se fait jamais que sur la sixiéme Notte des Tons mineurs.
Pour trouver cet Accord, il n'y a qu'à faire celui de la Septiéme d'une Dominante tonique, en portant cette Dominante un semi-Ton plus haut sur la sixiéme Notte; de sorte que si nous supposons que la Notte Mi est cette Dominante, nous y joindrons sa Tierce majeure, sa Quinte et sa Septiéme de la main droite, et nous toucherons de la gauche la Notte Fa, au lieu de Mi, ainsi des autres Dominantes toniques.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 404; text: Ton mineur de La. Ton mineur de Ré. Ton mineur de Sol. Dominante tonique. Sixiéme Notte. 2, 7] [RAMTRA4 16GF]
Cette transposition de la Dominante tonique à la sixiéme Notte, cause un changement pareil à celui qui paroît ici dans tous les Accords qui dérivent de celui de la Septiéme de cette Dominante, comme on peut le remarquer dans l'Exemple suivant.
[-405-] Exemple des Accords dérivez de celui de la 2[x].
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 405; text: 2, 4, 5, 6, 7, Remarquez que tous les Sons de cet Accord sont toûjours divisez par Tierces, en quelque endroit du Clavier qu'on les Touche. Sixiéme Notte où se fait ordinairement l'Accord de la petite Sixte; lorsqu'elle descend sur la Dominante; la difference de cet Accord de petite Sixte à celui de la Seconde [x] ne consistant que dans la Tierce au lieu de la Seconde [x]. Quatriéme Notte où se fait ordinairement l'Accord du Tri-Ton, que l'on accompagne ici de la Tierce mineure au lieu de la Seconde. Seconde Notte où se fait ordinairement l'Accord de la petite Sixte, que l'on accompagne ici de la fausse-Quinte au lieu de la Quarte. Notte sensible où se fait ordinairement l'Accord de la fausse-Quinte, que l'on accompagne ici de la Septiéme diminuée au lieu de la Sixte. Mediante où se fait quelquefois l'Accord de la Quinte superfluë, que l'on accompagne ici de la Quarte au lieu de la Tierce. Notte tonique où se fait quelquefois l'Accord de la Septiéme superfluë, que l'on accompagne ici de la Sixte mineure au lieu de la Quinte. Voyez le Troisiéme Livre sur ce sujet. Chapitre XXXIII.] [RAMTRA4 17GF]
Ces Accords de petite Sixte, fausse-Quinte, Tri-Ton, Quinte et Septiéme-superfluë, qui dérivent de la Septiéme d'une Dominante tonique, peuvent participer (comme vous le voyez) de la difference que cause la transposition de cette Dominante à la sixiéme Notte; ainsi vous devez pratiquer tous ces Accords dans tous les Tons mineurs, en les accompagnant alternativement des deux manieres differentes dont ils peuvent l'être, et en remarquant les Nottes de chaque Ton sur lesquelles ces Accords peuvent avoir lieu, parce que cela en donne une idée plus juste.
Les deux dernieres Basses nous representent des Accords, ausquels il ne faut faire attention qu'après avoir lû le Chapitre suivant, où il en est fait mention.
[-406-] Souvenez-vous qu'il faut retrancher l'Octave de la Basse dans tous les Accords de ce dernier Exemple, lorsque vous voulez les mettre en pratique.
CHAPITRE TREIZIÉME.
Des Accords par supposition.
IL n'y a que deux Accords par supposition, qui sont ceux de la Neuviéme et de la Onziéme, d'où proviennent ceux de la Quinte-superfluë et de la Septiéme-superfluë; leur difference consistant seulement dans celle de la Tierce d'un Accord de Septiéme dont ils dérivent, cette Tierce étant mineure d'un côté et majeure de l'autre.
Ces Accords contiennent cinq Sons, differens dans leur construction.
ARTICLE PREMIER.
De la Neuviéme.
L'Intervale de la Neuviéme est le même que celui de la Tierce, mais l'Accord en est different; il s'accompagne de la Tierce, de la Quinte et de la Septiéme, ainsi 1. 3. 5. 7. 9. et se chiffrent seulement d'un 9.
Il est facile de trouver cet Accord sur le Clavier, n'y ayant qu'à tenir l'Accord qui le précéde, en y ajoûtant la Tierce de la Notte sur laquelle cette Neuviéme est chiffrée; ou bien, si l'une des Nottes de l'Accord précédent fait la Quarte avec celle où cette Neuviéme doit être entenduë, il n'y a qu'à glisser sur la Tierce le doigt qui tient cette Quarte, sans rien changer d'ailleurs, et pour lors l'Accord n'est pas toûjours rempli de tous les Sons dont il est composé, mais cela doit estre indifferent. Si après l'Accord de la Septiéme la Basse monte diatoniquement pour porter celui de la Neuviéme, pour lors les doigts suivent la même route que celle des Septiémes du Chapitre VIII. comme on le voit ici entre F et B.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 406; text: A, B, C, D, E, 5, 6, 7, 9] [RAMTRA4 17GF]
[-407-] (A) La Tierce ajoûtée à l'Accord précédent. (B) Remarquez qu'il y a ici deux doigts qui descendent depuis (A) conformément à la Regle des Septiémes; ce qui doit vous faire appercevoir qu'aprés un pareil Accord de Neuviéme, la main droite suit ordinairement la route qui lui est prescrite dans cette Regle des Septiémes.
(C) Le doigt de l'Accord précédent, qui glisse de la Quarte sur la Tierce, pendant que les autres restent.
(D) Idem.
ARTICLE SECOND.
De l'Accord de la Quinte-superfluë.
Cet Accord est composé de même que celui de la Neuviéme, excepté que la Quinte y est superfluë; il se chiffre ainsi 5[x]; il ne se fait jamais que sur la Mediante des Tons mineurs, et l'on s'en sert souvent pour rompre la Cadence.
ARTICLE TROISIÉME.
De l'Accord de la Septiéme-superfluë.
Cet Accord s'accompagne de la Quinte, de la Neuviéme et de la Onziéme, ainsi, 1. 5. 7. 9. 11. et se chiffre ainsi 7[x], il ne se fait jamais que sur la Notte tonique.
ARTICLE QUATRIÉME.
De l'Accord de la Onziéme, dite Quarte.
Cet Accord est composé de même que celui de la 7[x], excepté que la Septiéme y est juste; il se chiffre ordinairement ainsi, 4, ou 4/9 ou 9/4. Lorsqu'on le chiffre d'un simple 4, c'est le même que celui que nous avons employé dans toutes les Cadences finales de chaque Octave; et lorsqu'on y joint un 9, il en est different, en ce qu'il contient pour lors cinq Sons, quoique pour la commodité de la main, on n'en tienne souvent que trois de la droite, qui avec celui de la Basse font quatre.
Ce dernier Accord est facile à trouver sur le Clavier, puisqu'il se forme des mêmes Nottes, ou des mêmes Touches de l'Accord qui le précédent.
Tournez, pour en voir l'Exemple.
[-408-] EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 408,1; text: A, 4, 6, 7, 9] [RAMTRA4 18GF]
Le Guidon (A) marque le Son qu'on devoit ajoûter à cet Accord de 9/4.
Cet Accord s'accompagne encore quelquefois de la Quinte et de la Seconde, lorsque la Basse descend ensuite diatoniquement, et pour lors il est le même sous les doigts que celui de la fausse-Quinte ou de la grande Sixte, qui doit se faire ensuite sur la Notte où l'on descend.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 408,2; text: 2, 5, 6, ou, Idem.] [RAMTRA4 18GF]
Cet Accord devroit se chiffrer ainsi 2/4; mais pour l'ordinaire il se chiffre ainsi 5/2.
Voyez le Troisiéme Livre, Chapitre XXIX. XXX. XXXI. et XXXII. au sujet des Accords contenus dans ce Chapitre.
CHAPITRE QUATORZIÉME.
Observations sur le rapport de tous les Accords précédens.
LA main droite qui tient un Accord parfait, tient en même-temps tous les Accords consonans, qui sont celui de la Sixte et celui de la Sixte-Quarte; et lorsqu'elle tient un Accord de Septiéme, elle tient aussi tous les Dissonans, qui sont ceux de la petite et de la grande Sixte, de la fausse-Quinte, du Tri-Ton, de la Seconde, de la Neuviéme, de la Onziéme, ou Quarte, de la Quinte-superfluë et de la Septiéme superfluë, avec quelques particuliaritez qu'il faut y remarquer.
Tous les Accords dissonans se distinguent en majeurs et en mineurs, ce qui dépend de la Tierce de la Notte sur laquelle on fait un Accord de Septiéme.
La suite des Accords est presque toûjours la même; aprés le Dissonant mineur, suit ordinairement un autre Dissonant mineur, jusqu'à [-409-] ce que le Dissonant majeur paroisse, après lequel suit ordinairement le Consonant; de sorte que la Regle des Septiémes, Chapitre VIII. nous donne l'habitude de faire plusieurs Accords dissonans de suite; et la Regle de l'Octave et des Sixtes, Chapitre VI. et XI. nous donne l'habitude d'entre-lacer les Accords dissonans avec les consonans; pouvant remarquer la grande conformité d'Accords qui se trouvent dans ces differentes Regles, qui servent également pour la pratique des Accords par supposition. Si l'on employe quatre doigts dans ces Accords par supposition, il n'y a qu'à suivre la route des 7, jusqu'à ce que l'Accord dissonant majeur paroisse, qui détermine la conclusion.
La progression de ces Accords sera très-facile dans l'execution, si l'on remarque que des quatre doigts qu'on y employe ordinairement de la main droite, il y en a toûjours deux qui descendent, pendant que les deux autres tiennent ferme; que ceux qui doivent descendre seront les plus hauts, s'ils sont tous arrangez par Tierces; si non, que ce sera celui qui se trouvera au-dessous d'un autre, qui le joint avec celui qui est encore au-dessous; que s'il ne s'en trouve point au-dessous de ces deux qui se joignent, le doigt le plus haut devra descendre avec le plus bas; que ces doigts qui descendent font toûjours la Quinte, et la Septiéme dans un Accord de Septiéme; la Septiéme et la Neuviéme dans un Accord de Neuviéme, ou la Neuviéme et la Onziéme dans un Accord de Onziéme; et que si l'on n'y employe que trois doigts, il faut neanmoins faire descendre les deux doigts qui touchent les Intervales précédens, pendant que l'autre reste.
Cette Regle n'est cependant pas generale; l'on est obligé quelquefois de faire descendre trois doigts, pendant que celui d'en-haut qui joint l'autre, reste; ou pendant que celui d'en-bas reste, si aucuns ne se joignent; et cela dans une Cadence rompuë, ou dans une suite d'Accords conforme à cette Cadence H; ou bien encore le doigt d'en-bas qui joint l'autre, descend seul, pendant que les trois autres restent, ou le doigt d'en-haut descend seul, quand il n'y en a aucuns qui se joignent; et cela dans une suite d'Accords conforme à celle où la Basse descend de Tierce, pendant que chaque Notte de cette progression porte un Accord de 3/7.
Voyez l'Exemple suivant.
[-410-] EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 410; text: H. J. 2, 5, 6, 7] [RAMTRA4 18GF]
L'on peut joindre la Septiéme à l'Accord parfait d'une Notte; si bien que telle Notte qui semble ne devoir porter qu'un Accord parfait, peut porter celui de la Septiéme; ce qui dépend du goût et de la connoissance du Compositeur.
Cette suite d'Accords marquée dans cet Exemple, où nous mettons plusieurs Basses differentes, doit être connuë à un chacun, quoiqu'elle soit beaucoup moins frequente que les autres; mais pour n'être jamais surpris, il ne faut rien ignorer. L'on ajoûte rarement l'Octave de la Basse dans les Accords dissonans majeurs, il n'y a que dans ceux de la Septiéme, de la petite et de la grande Sixte où elle puisse convenir; de sorte qu'il faut s'accoûtumer à passer tous ces Accords à quatre Parties seulement, c'est-à-dire, trois de la main droite avec celle de la Basse, qui fait la quatriéme. Pour ce qui est des Accords par supposition, ils contiennent toûjours cinq Parties sans l'Octave de la Basse, qui ne doit jamais y être jointe.
C'est pour rendre l'Accompagnement plus regulier que nous défendons de joindre l'Octave de la Basse aux Accords dissonans, autrement on ne pourroit s'empêcher d'y faire entendre deux Octave ou deux Quintes consecutives, ce qui est absolument défendu dans la Composition; raison pour laquelle nous faisons souvent doubler la Tierce ou la Sixte dans un Accord de Sixte, au lieu de l'Octave de la Basse; cependant on ne peut pas dire qu'un accompagnement, où l'on n'observeroit pas cette regularité, ne fût point bon, puisque l'accompagnement ne sert qu'à faire entendre tous les Sons d'un Accord, sans [-411-] autre observation; mais quand on peut porter les choses à leur perfection, c'est toûjours mieux fait. Aussi avons-nous disposé nos Accords de façon, que les personnes qui voudront se former sur la suite de ces Accords éviteront presque toutes les fautes, sans qu'ils ayent besoin d'y faire attention.
A l'égard du rapport des Accords, voyez les Exemples que nous en donnons au Chapitre V. VIII. XI. et XII. avec ce que nous en disons au Second et au Troisiéme Livre, ayant encore à expliquer le rapport de leur suite dans la maniere de preparer et de sauver les Dissonances.
CHAPITRE QUINZIÉME.
De la maniere de préparer et de sauver toutes les Dissonances, d'où l'on tire la connoissance du Ton dans lequel on est; et des Accords que doit porter chaque Notte de ce Ton.
SI nous avons distingué les Accords dissonans en majeurs et en mineurs, ce n'est que par rapport à un certain Intervale qui s'y rencontre; de sorte qu'au lieu de l'Accord, nous parlerons simplement de la Dissonance.
Les Regles précédentes donnent une si grande facilité à preparer les Dissonances, qu'il est inutile aux Accompagnateurs d'en sçavoir davantage sur ce sujet; cependant on peut voir ce que nous en disons au Second et au Troisiéme Livre. Elles donnent encore presqu'autant de facilité à les sauver; mais pour une plus grande intelligence, il est bon de sçavoir ce qui suit.
Les Dissonances se distinguent en majeures et en mineures; pour connoître cette distinction, il n'y a qu'à faire l'Accord de la Septiéme sur une Dominante tonique, où l'on trouvera que la Tierce majeure de cette Dominante formera toutes les Dissonances majeures, et que sa Septiéme formera toutes les mineures.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 411; text: Dissonance mineure. Dissonance majeure.] [RAMTRA4 18GF]
ARTICLE PREMIER.
De la Dissonance majeure.
La Dissonance majeure ne paroît jamais sans la mineure, étant inutile de faire attention à cette derniere, si-tôt que la majeure paroît; mais si l'Accord est dissonant, et que la Dissonance majeure n'y ait point lieu, pour lors la mineure fait tout l'objet de l'Accord.
[-412-] Pour mieux reconnoître cette Dissonance majeure, l'on remarquera qu'elle est toûjours formée de la Notte sensible du Ton dans lequel on est, puisque cette Notte sensible fait toûjours la Tierce majeure de la Dominante tonique, et que l'Accord dissonant où elle a lieu, est toûjours formé de l'Accord de la Septiéme de cette Dominante tonique; de sorte que l'Accord, ou bien la Notte sensible, vous font reconnoître ce Ton; et si vous connoissez le Ton, vous sçavez sur le champ l'Accord où cette Dissonance doit être, et la Notte qui la forme, puisque la Notte sensible se trouve toûjours un semi-Ton au-dessous de la Notte tonique, ou de son Octave, double, triple, et cetera.
Si l'on commence par un certain Ton, l'on en connoît la Notte sensible, et si dans la suite de la Piece, ce Ton change, il se trouvera toûjours un Dieze pour chiffre, ou joint à un chiffre, ou encore à une Notte de la Basse, qui marquera justement cette Notte sensible; ou tout au contraire, il se trouvera un B-mol associé à cette Notte sensible, ou bien le Dieze en sera retranché, soit dans la Basse, soit dans les Accords, ce qui marquera qu'elle n'est plus telle, et ce qui vous obligera de la chercher ailleurs; de sorte que le Ton dans lequel vous devez être vous étant déterminé par-là, vous sçavez non seulement la Composition, ou la construction de l'Accord dissonant majeur, mais encore celle de tous les Accords de ce Ton, conformément aux Regles de l'Octave, Chapitre VI. car si une Notte d'un Ton peut porter quelquefois un Accord different que celui qui lui est affecté dans ce Ton, (comme on a pû le remarquer dans les Regles des Septiémes et autres) elle reprend incontinent après son Accord ordinaire, ou du moins ce même Accord se fait sur la Notte qui suit; de sorte que si la Basse ne tient pas sa route naturelle, les Accords ne changent pas pour cela; si le nouveau Dieze qui a paru change, et qu'il en vienne un autre, il faut compter selon l'ordre de la position des Diezes, en prenant toûjours le dernier pour Notte sensible; cela est expliqué plus au long au Troisiéme Livre, Chapitre XXV. Article III. et il est absolument necessaire que l'Accompagnateur possede parfaitement cette connoissance.
Pour ce qui est de sauver la Dissonance majeure, il n'y a qu'à glisser un semi-Ton plus haut le doigt qui la touche, et l'on ne manquera jamais. De plus, l'Accord où elle a lieu, se sauve toûjours sur le Parfait de la Notte tonique, avec la seule exception que l'on est obligé d'ajoûter quelquefois la Septiéme à cet Accord parfait.
[-413-] EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 413; text: Notte sensible, Notte tonique, Dissonance majeure. Dissonance mineure. Dominante tonique. Idem. Quatriéme Notte, Mediante, Seconde Notte. Sixiéme Notte. 4, 5, 6, 7, 8, Ces deux Accords servent aux differentes Basses qui sont au-dessous, où tous les Accords dissonans majeurs sont contenus; et l'on voit que la Dissonance majeure formée de la Notte sensible, qui fait la Tierce majeure de la Dominante tonique, monte toûjours d'un semi-Ton sur la Notte tonique. L'Accord de la Septiéme de cette Dominante est sauvée naturellement sur le Parfait de la Notte tonique, et c'est de-là que dérive la suite des autres Accords contenus dans les autres Basses. La Dominante passe ici sur la Mediante, mais les Accords ne changent point. La Dominante reste sur le même degré, avec la même suite d'Accords. La Quatriéme Notte, qui porte ici l'Accord du Tri-Ton passe à la Mediante ou à la Notte tonique, avec la même suite d'Accords. La Mediante, qui porte ici l'Accord de la Quinte-superfluë, reste sur le même degré, ou passe à la Notte tonique, sans que les Accords changent. La Seconde Notte, qui porte l'Accord de la petite Sixte, passe sur la Mediante, ou sur la Notte tonique par les mêmes Accords. La Notte tonique, qui porte l'Accord de la Septiéme superfluë, reste sur le même degré pour reprendre son Accord parfait. La Notte sensible, qui porte toûjours l'Accord de la fausse-Quinte, passe à la Notte tonique, ou à la Mediante, avec la même suite d'Accords. La sixiéme Notte tient ici la place de la Dominante, qu'il faut par consequent retrancher du premier Accord; elle passe sur la Dominante ou sur la Mediante, avec la même suite d'Accords; et pour connoître encore la suite que le renversement de cet Accord de la Seconde superfluë peut causer dans les Nottes des autres Basses, il n'y a qu'à mettre cette sixiéme Notte dans le premier Accord, au lieu de la Dominante, cette Dominante ne pouvant plus pour lors avoir lieu dans la Basse, pendant que la sixiéme Notte occupe sa place.] [RAMTRA4 19GF]
[-414-] La Seconde superfluë et ses dérivez peuvent être sauvez en faisant monter la Dissonance majeure seule, pendant que les autres Nottes restent, ou bien en faisant descendre de même la Dissonance mineure; l'on en trouvera un Exemple au Troisiéme Livre, Chapitre XXXIII.
Remarquez que les Nottes qui portent les Accords marquez dans l'Exemple précédent, ne changent jamais de nom dans quelque Ton que ce soit; la 5[x] ne se fait que sur la Mediante, et cetera.
Cet Exemple qui est dans un Ton mineur, doit servir pour tous les Tons en general, excepté que l'Accord de la 5[x] et celui de la 2[x] avec ses dérivez n'ont point lieu dans les Tons majeurs.
Nous aurions pû parler de la Dissonance mineure avec la majeure, puisqu'elle s'y rencontre, et que la ligne qui la conduit à la Notte qui la suit, fait voir qu'elle doit toûjours descendre, n'y ayant qu'à prendre pour cela un Intervale de fausse-Quinte ou de Tri-Ton.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 414; text: Fausse-Quinte. Dissonance majeure. Dissonance mineure. Triton. A, B] [RAMTRA4 20GF]
Ces deux Intervales qui sont renversez l'un de l'autre, se sauvent également sur deux autres Intervales renversez; la Dissonance majeure qui monte toûjours, et la mineure qui descend toûjours se sauvent d'un côté sur la Tierce (A) et de l'autre sur la Sixte (B); ainsi Fa et Si se sauvent sur Mi et Ut; ou bien, pour pour parler de tous les Tons en general, la Notte sensible qui forme toutes les Dissonances majeures, se sauve toûjours en montant sur la Notte tonique, et la quatriéme Notte qui forme toutes les Dissonances mineures, lorsque la majeure a lieu, se sauve toûjours en descendant sur la Mediante, ce que l'on peut éprouver dans tous les Tons.
ARTICLE SECOND.
De la Dissonance mineure.
Toute Dissonance mineure est formée de la Septiéme; mais quand la majeure ne se rencontre point avec elle, on ne peut pas fixer la Notte du Ton qui la forme, ni qui la sauve, parce que l'on peut donner un Accord de Septiéme à toutes les Nottes d'un Ton; cependant pour reconnoître par son moyen le Ton dans lequel on est, il faut laisser suivre aux doigts l'habitude qu'ils ont de passer d'un Accord dissonant à un autre, jusqu'à ce que la Dissonance majeure se [-415-] trouve dans l'Accord par laquelle le Ton est pour lors declaré, excepté qu'après l'Accord de la grande Sixte, l'on peut tomber sur un Accord consonant, qui déclare lui-même le Ton; car l'on doit sçavoir qu'un tel Accord consonant précédé de celui de la grande Sixte, ne se fait ordinairement que sur une telle Notte du Ton, conformément à l'explication que nous en avons donné aux Chapitre VI. VII. VIII. et IX. quoiqu'après un Accord de grande Sixte, l'on monte quelquefois sur le Parfait, où le Ton ne se déclare pas toûjours, conformément au Chapitre des Septiémes, où la Basse monte de cette maniere sur l'Accord parfait, et descend de Tierce pour monter encore de même; mais la derniere progression de ces sortes de Basses, qui se terminent toûjours sur la Dominante ou sur la Notte tonique précédée pour lors de l'Accord de la fausse-Quinte, détermine absolument.
Il est inutile de donner ici un Exemple de la maniere dont se sauve la Dissonance mineure, puisque l'Exemple précédent en instruit suffisamment. L'on remarquera seulement que dans les Accords par supposition, il se trouve au moins deux Dissonances mineures, qui doivent toûjours descendre, et que dans l'Accord de la Onziéme, dite Quarte, il s'en trouve trois, lorsqu'il est rempli de tous les Sons qui le composent, car autrement, il n'y en a qu'une; de sorte que de ces trois Dissonances mineures, il ne faut faire descendre ordinairement que les deux plus dures, qui sont la Neuviéme et la Onzieme, pendant que la Septiéme reste, quoiqu'il se trouve des Musiques où l'on soit obligé de faire le contraire, mais cela est moins commun.
Le dénombrement des Dissonances majeures se trouvant dans l'Exemple que nous en avons donné, nous dirons que les mineurs sont la Seconde, la fausse-Quinte, la Septiéme, la Neuviéme et la Onziéme, dite Quarte, et que la Tierce d'un Accord de petite Sixte, avec la Quinte d'un Accord de grande Sixte doivent y être jointes.
Il faut faire ici une difference de la Seconde avec les autres Dissonances mineures, en ce que la Dissonance se trouve pour lors dans la Basse; de sorte que c'est la Basse qui doit descendre pour sauver cette Seconde.
Des deux doigts qui se joignent dans les Accords dissonans, c'est toûjours le plus bas qui forme la Dissonance mineure; si bien que dans l'Accord de la Seconde, l'on peut remarquer qu'il n'y a que la Basse qui puisse se joindre avec cette Seconde; et si dans les autres il ne s'y trouve point de doigts qui se joignent, ce sera pour lors celui d'en-haut qui touchera cette Dissonance mineure, et qui doit par consequent descendre.
[-416-] Il y a une exception à faire ici dans la Cadence irreguliere, où la Sixte d'un Accord de grande Sixte forme la Dissonance, et non pas la Quinte, cette Sixte devant pour lors monter diatoniquement, pendant que la Quinte reste sur le même degré.
CHAPITRE SEIZIÉME.
Du Chromatique.
LE Chromatique n'a lieu que dans les Tons mineurs, et ne consiste que dans la sixiéme et dans la septiéme Notte du Ton, que l'on fait procéder par semi-Tons, tant en montant, qu'en descendant, soit dans la Basse, soit dans les Accords.
Nous avons déja donné une ideé de cette progression dans le Chapitre XI. Article II. et pour achever de s'instruire sur ce sujet, l'on remarquera qu'en pareil cas, la Dissonance majeure qui doit naturellement monter d'un semi-Ton, descend au contraire d'un semi-Ton, mais toûjours sur le B-mol, ou sur la Touche naturelle de celle qui a formé cette Dissonance majeure; de sorte qu'il n'y qu'à ajoûter une Notte à tous les Accords consonans qui suivent ordinairement cette Dissonance majeure, cette Notte ajoûtée étant ce B-mol que nous venons de dire, et se trouvant toûjours immédiatement au-dessous de celle qui auroit dû être prise pour tonique après la Notte sensible, qui forme cette Dissonance majeure, conformément à nôtre observation du Chpitre précédent, au sujet de la Septiéme, qui pouvoit être ajoûtée à l'Accord parfait, dont se sauve la Dissonance majeure.
De plus, les Accords par emprunt et par supposition, ont souvent lieu dans ce dernier genre d'Harmonie; si bien qu'il est difficile de ne pas s'y tromper, lorsque la Basse n'est point chiffrée.
[-417-] EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 417; text: A. B. C. D. F. G. H. J. 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9] [RAMTRA4 20GF]
Toute la suite de ces Accords est conforme à nos Regles.
Si la Notte sensible descend d'un côté, l'on y trouve de l'autre une progression conforme à celle des Septiémes entre les Accords A, B, C, et par renversement entre F, G. L'on en trouve une dérivée de celle de la Cadence rompuë entre C, D.
D'H, à J, la Neuviéme suspend l'Octave qui suit immediatement.
L'on trouve dans le reste une progression à peu-près conforme à celle des Octaves du Chapitre VI. excepté que l'on passe ici de la Tierce mineure à la majeure, ou de la majeure à la mineure, en remarquant par tout dans les Accords par supposition ou par emprunt, les Nottes qui occupent la place de celles qui devroient se trouver naturellement; mais les doigts étant une fois habituez à ces differentes suites d'Accords, préviennent souvent la réflexion qu'elles demandent, n'étant necessaire que de bien prendre garde aux Intervales qui y changent à tout moment du majeur au mineur, en descendant; et du mineur au majeur, en montant.
L'on ne peut se tromper à l'égard des differens Tons où l'on passe danscet Exemple, en remarquant les differentes Nottes sensibles par le moyen des Diezes.
[-418-] Les B-quarres que nous joignons aux chiffres ou aux Nottes, servent à remettre chaque Notte dans son ordre naturel, détruisant ainsi le [x], ou le [rob] qui a paru auparavant; quelques-uns se servent en pareil cas du [x] ou du [rob], mais cela est moins regulier, parce qu'un 7 avec un [rob], marque ordinairement une Septiéme diminuée et avec un [x], il en marque une superfluë.
CHAPITRE DIX-SEPTIÉME.
Récapitulation des differentes suites d'Accords.
IL faut bien posseder la Modulation de chaque Ton, en tâchant de reconnoître celui dans lequel on est, par chaque Accord que l'on touche.
L'orsqu'on ne fait que des Accords consonans, le Ton est souvent incertain; et s'il ne se declare pas au premier Accord dissonant, cela ne peut venir que de ce que la Dissonance majeure ne s'y rencontre pas; mais pour lors ce que l'on perd d'un côté, se retrouve de l'autre, puisque la differente progression de la Basse nous apprend l'Accord qui doit suivre celui que l'on touche, étant encore aidé dans cette occasion par la progression de la Dissonance mineure, qui veut toûjours descendre; et comme ce ne peut gueres être que dans une progression pareille, ou dérivée de celle des Septiémes du Chapitre VIII. que le Ton devient incertain, la Dissonance majeure, qui termine presque toûjours cette progression, nous donne dans le moment ce que nous cherchons; il faudroit bien possedre la connoissance et la pratique des differentes suites d'Accords, pour ne pas se tromper; ainsi il ne sera pas hors de propos d'en donner une récapitulation.
Voyez avec attention la Recapitulation qui suit.
[-419-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 419; text: Progression fondamentale d'une 3. en montant, où la Dissonance A. ne peut être preparée. Progression de Quinte en descendant, conforme à celle du Chapitre VIII. Progression fondamentale de 3. en descendant où la Dissonance est sauvée de l'Octave et préparée de la 5. Progression de Quinte en descendant. Progression de 2. en montant où la Dissonance est sauvée de la Quinte et préparée de l'Octave. Progression de Quinte en descendant, où le Chromatique a lieu. La Sixte ajoûtée à l'Accord parfait C. qui prépare une Cadence irréguliere et qui se sauve en montant sur la Tierce. Cadence finale. Basse-Fondamentale. A, B, D, F, G, H, J, K, L, M, P, Q, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9] [cf. Supplément] [RAMTRA4 21GF]
[-420-] Les demi Cercles [CB] marquent la Dissonance préparée par la Consonance précédente: Les lignes tirées ainsi -- marquent la même chose dans le Chromatique, où l'on voit que la Consonance qui prépare, forme neanmoins la Dissonance majeure; et les lignes tirées ainsi \ ou ainsi / marquent la Consonance qui sauve la Dissonance.
Les mêmes Accords servent pour chaque Basse; mais comme c'est sur la progression de la Basse-fondamentale que se déterminent les differentes suites d'Accords qui se trouvent dans les autres Basses, il est bon d'avertir ici, que la plûpart des progressions de ces autres Basses sont extravagantes, par rapport à la suite de ces Accords, et qu'il est même rare d'en trouver de pareilles dans une Musique bien composée, sur tout, comme celles qui sont aux endroits marquez des lettres D. F. G. H. J. K. L. M. et N. cependant s'il s'en presentoit par hazard de pareilles, il n'y auroit qu'à pratiquer ce qui suit.
Premier. Si l'on ne vouloit pas se mettre en peine de deux Octaves ou de deux Quintes consecutives, il n'y auroit qu'à ajoûter l'Octave dans le premier Accord dissonant, et laisser suivre aux doigts leur cours naturel, selon ce qui paroît dans l'Exemple.
Deuxiéme. L'on peut éviter ces fautes, en accompagnant chaque Accord à l'ordinaire, c'est-à-dire, avec trois doigts de la main droite, où l'on retranche pour lors l'Octave de ces dernieres Basses dans les Accords dissonans; et supposé que de cette façon un Accord ne se trouvât pas facilement sous les doigts, il n'y auroit qu'à y retrancher l'un des Sons qui fait Dissonance, au lieu de l'Octave, en reduisant ainsi un Accord dissonant en un consonant; si bien qu'après un certain Accord dissonant, s'il en suit un de Septiéme, de petite ou de grande Sixte, l'on peut reduire le premier en un Accord parfait, et les deux autres en un simple Accord de Sixte, celui de petite Sixte pouvant être encore reduit en un de Sixte-quarte, et celui de grande Sixte en un Parfait; et c'est non seulement sur la progression naturelle des doigts, qui coulent presque toûjours diatoniquement d'une Touche à l'autre, qu'il faut se déterminer, mais encore sur les Regles qui vous disent, qu'après un tel Accord, il en doit suivre un tel autre, à proportion de la differente progression de la Basse: Donc l'Accord parfait devant suivre celui de la petite Sixte majeure, lorsque la Basse descend diatoniquement, s'il s'en trouve un de Septiéme ou de grande Sixte après cette petite Sixte en pareille progression, vous pouvez les reduire en un Parfait, comme à M. L'Accord parfait devant suivre également ceux de fausse-Quinte ou de grande Sixte, en montant diatoniquement, [-421-] l'on pourra reduire de même ceux de grande Sixte et de Septiéme, qui suivront en pareille progression, comme encore à M.
L'Accord de Sixte-quarte pouvant suivre celui de la petite Sixte en descendant diatoniquement, et celui de la grande Sixte en montant de même; l'on peut reduire en cet Accord de Sixte-quarte l'Accord de petite Sixte, qui paroîtra après l'un des deux autres dans la progression que nous venons de fixer, supposé que la Notte sensible n'ait point lieu dans le premier Accord de petite Sixte; car il faudroit pour lors reduire l'autre Accord de petite Sixte qui le suivroit en un Accord de Sixte.
L'Accord de la Sixte devant suivre naturellement celui du Tri-Ton, en descendant diatoniquement, et celui de la petite Sixte majeure, en montant de même. On pourra reduire en cet Accord de Sixte tout Accord de petite ou de grande Sixte, qui suivront ceux du Tri-Ton ou de petite Sixte dans une pareille progression, comme à N, à F, à G, à H et à R, bien que les Nottes F, G et H de la Septiéme Basse, ne suivent pas la progression que nous venons de déterminer; mais on y remarquera que les doigts toucheront ces Accords par la seule habitude. Il en est de même de l'Accord de la petite Sixte après celui de la Septiéme en descendant diatoniquement, comme à D, de la sixiéme Basse.
Troisiéme. Lorsqu'il se trouve deux Accords de suite en progression diatonique de la Basse, lesquels Accords sont de même genre, ou du moins ne sont pas tels qu'ils nous sont prescrits par la Regle naturelle; si l'on ne veut point s'attacher à la reduction précédente, il faut pour lors suivre une progression contraire entre la Basse et les Accords, faisant descendre les Accords si la Basse monte, ou faisant monter les Accords si la Basse descend, comme cela doit se pratiquer sur les Nottes P, Q, ou P, M, Q, supposé qu'on ne reduise pas en Parfait l'Accord qui se trouve sur la Notte M, de la troisiéme Basse; car la reduction d'un Accord supprime celle de l'Accord suivant, sur tout, dans une progression diatonique de la Basse; souvenez-vous que la progression contraire dont nous parlons, ne doit point nous obliger à faire changer de lieu le doigt d'en-bas, ni celui d'en-haut, si-tôt que l'un de ces doigts tient une Touche qui peut servir à l'Accord suivant, excepté que dans une progression diatonique de la Basse en montant, l'on ne trouve la fausse-Quinte, ou bien la grande Sixte après la Septiéme; ou encore la Septiéme après la Neuviéme. Ainsi qu'il est démontré dans l'Exemple suivant.
[-242 <recte 422>-] EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 422; text: 5, 6, 7, 9] [RAMTRA4 20GF]
La Dissonance n'est autre qu'un Son ajoûté à l'Accord consonant, dans lequel seul subsiste le fond de l'Harmonie; de sorte que cette Dissonance ne pouvant toûjours être employée avec la même facilité dans l'Accompagnement, il n'y a qu'à l'abandonner lorsqu'elle ne se trouve pas naturellement sous les doigts, en faisant entendre seulement l'Accord consonant que l'on sçait qui doit suivre, et sur lequel l'on sent que les doigts se portent d'eux-mêmes, supposé que cet Accord consonant ne contienne que les Sons dont la Dissonance doit être accompagnée, et supposé encore que l'on possede parfaitement la pratique de tous nos differents Exemples. Or c'est ainsi que l'on peut se mettre au-dessus de plusieurs difficultez, qui ne proviennent souvent que du défaut de ceux qui en chiffrant la Basse, ne s'attachent qu'aux Intervales qu'ils employent dans leur Musique, sans se mettre en peine du reste.
La reduction dont nous venons de parler, ne convient point
du tout aux Accords de Seconde par supposition, ni par emprunt, ni même gueres à ceux de Septiéme.
Quatriéme. Il se trouve deux Quintes de suite entre les Parties des Accords B. B. qui sont assez difficiles à éviter dans ces sortes d'occasions, de même que quand la Basse monte sur l'Accord de Sixte après le parfait, le tout par rapport à l'arrangement des doigts.
Cinquiéme. L'on trouve dans la huitiéme et dans la neuviéme Basse des Accords par supposition, qu'il faut remplir autant que l'on peut de tous les Sons qui les composent, en quoi l'on ne manquera jamais si l'on ajoûte l'Octave de la Basse à l'Accord qui les précéde immediatement, et en suivant d'ailleurs les Regles que nous en avons données.
Sixiéme. Remarquez sur tout, que lorsqu'il se trouve plusieurs Accords dissonans de suite, comme ceux de Septiéme, ou s'il s'en trouve d'autres qui soient de differens genres, sans être entre-lacez d'aucun Accord consonant, les doigts de la main droite descendent [-423-] toûjours, jusqu'à ce que la Notte sensible se rencontre dans l'un de ces Accords, où pour lors ils doivent monter, du moins celui qui touche cette Notte sensible.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 423; text: 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9] [cf. Supplément] [RAMTRA4 22GF]
Comme la Septiéme se trouve dans les Accords de Neuviéme, chiffrez sur cette Basse, la Sixte doit la suivre, bien qu'elle ne soit point chiffrée, et qu'il semble que l'Octave chiffrée après la Neuviéme, dénotte l'Accord parfait; car la Sixte doit sauver ici la Septiéme, de même que l'Octave y sauve la Neuviéme, ce qui se trouve sous les doigts sans y songer, en les laissant couler en descendant d'une Touche à l'autre, selon leur progression naturelle après toutes les Dissonances mineures.
Il en est de même lorsqu'on ne chiffre que d'un 5. une Notte qui peut porter un Accord de Septiéme ou de Neuviéme dans une progression diatonique de la Basse en montant, selon le premier Exemple du Chapitre IX. de sorte que cette même Notte chiffrée d'un 5. et d'un 6. ensuite, après laquelle on monte diatoniquement, pourroit embarrasser l'Accompagnateur, si nous ne le prévenions pas là-dessus, en disant, que les Dissonances de Septiéme et de Neuviéme qui se trouveront sous ses doigts, feront un très-bel effet avec l'Accord parfait que le 5. dénotte, et que l'Accord [-424-] dénotté par le 6. doit être déterminé sur celui que l'on tient pour lors, mais encore plus certainement sur le lieu qu'occupe, dans le Ton, la Notte que l'on touche à la Basse, comme cela est marqué dans cet Exemple du Chapitre IX. où l'on peut ajoûter la Neuviéme aux Accords qui ne sont chiffrez que d'un 7. lorsque cette Neuviéme se trouve sous les doigts qui ont touché l'Accord précedent.
Septiéme. Souvent la même Dissonance sert à en former une autre avant que d'être sauvée, comme on peut le voir au Troisiéme Livre Chapitre XII. XV. et XXVII. et souvent aussi une Notte peut porter plusieurs Accords differens de suite, selon ce qui a paru dans la plûpart de nos Exemples; et comme on va le voir encore dans ce que nous appellons point d'Orgue.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 424; text: Basse du point d'Orgue. Basse-Fondamentale. 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, A, B] [cf. Supplément] [RAMTRA4 22GF]
[-425-] Le Point d'Orgue n'a lieu que tant que la Notte de la Basse ne change point; de sorte qu'il finit à A, et recommence immediatement après.
L'Harmonie de ce Point d'Orgue est selon les regles, comme le prouve la Basse-fondamentale; en se souvenant que la sixiéme Notte tient la place de la Dominante dans les Accords par emprunt; et que cette Basse-fondamentale doit se trouver au-dessus de l'autre dans les Accords par supposition.
On trouve une double supposition aux Nottes B, en ce que la Quinte-superfluë doit se trouver naturellement sur la premiere, et que nous ne pouvous nous dispenser de donner l'Accord de la Onziéme heteroclite à la Seconde; mais il faut remarquer, que le Son permanent de la Basse, se dérobe pour ainsi dire à nôtre attention laquelle ne se porte pour lors que vers les Sons des Accords; si-bien que la regularité se trouvant dans la progression de ces Accords, le Son permanent de la Basse ne doit plus y être consideré que comme un point, ou bien comme un zero en chiffres; d'où vient encore la liberté que l'on a en pareil cas, de faire entendre la Sixiéme avec la Septiéme.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 425; text: Basse du Point d'Orgue. Basse-Fondamentale. 2, 3, 4, 5, 6, 7] [RAMTRA4 23GF]
Si l'on considere les Accords avec la Basse-fondamentale, en retranchant celle du Point d'Orgue; l'on y trouvera une Harmonie reguliere, et l'on ne peut en juger que de cette façon.
Nous expliquons au second Livre, Chapitre XIX. une autre maniere de pratiquer encore la Sixiéme avec la Septiéme.
Les Airs de Vielle et de Musette tirent, en quelque façon, leur [-426-] origine de ce Point d'Orgue; de sorte que par ce moyen l'on est au fait des differentes sortes de Basses de ce genre.
L'on ne peut trop bien posseder la connoissance et la pratique de ce renversement d'Accords, ou plûtôt de ce renversement de progression de la Basse qui paroît dans tous nos Exemples; car la difference des Accords ne provient, comme le prouvent nos Basses-fondamentales, que de celle de la progression de la Basse; de sorte que le rapport infini qui se trouve dans la progression des Accords, à laquelle les doigts s'accoûtument avec un peu d'habitude, nous prévient souvent au défaut de la memoire; les doigts y tiennent leur route naturelle; ceux qui frapent les Dissonances mineures se coulent naturellement en descendant sur la touche voisine, et ceux qui frapent les majeures en font de même en montant; si bien que sans songer au genre de l'Intervale, la Septiéme, la Neuviéme, la Onziéme, la fausse-Quinte, la Tierce dans un Accord de petite Sixte, et souvent la Quinte dans un Accord de grande Sixte devant descendre; le doigt qui touche l'un de ces Intervales se porte de luy-même où il doit passer, aussi-bien qu'aprés le Tri-Ton, aprés la Seconde-superfluë, et qui doivent monter, en se souvenant que de deux doigts qui se joignent, celui d'en-bas doit toûjours descendre, excepté dans la cadence irreguliere.
CHAPITRE DIX-HUITIÉME.
Regles necessaires pour bien accompagner.
Premier. AVant que de mettre les mains sur le Clavier, il faut regarder en quel Ton, et en quel Mode est composée la Piece de Musique dont il s'agit, quelle en est la Mesure et le mouvement; voir si dans le courant de la Piece le Mode, la Mesure, où la Clef ne changent point; prendre garde aux chiffres que portent les Nottes, de même qu'aux [x], ou aux [rob] qui peuvent y être associez; considerer la progression de la Basse, pour suppléer au défaut des chiffres: En un mot, il faut mettre en pratique toutes nos regles précedentes.
Deuxiéme. Il faut conformer son accompagnement au caractere des voix, et à celui des Airs; entrant dans l'esprit des Paroles ou de la seule expression de l'Air, s'il n'y a point de paroles: Il faut proportionner également cet accompagnement à la force des Voix , ou des Instruments; de sorte qu'on ne les étouffe point par un trop grand bruit, ou qu'on ne les soûtienne pas assez par le contraire; pouvant [-427-] doubler de la main gauche les Accords que l'on touche de la main droite, en exceptant les Dissonances de cette regle, ou pouvant retrancher des Accords les Octaves, ou même certaines Dissonances, selon le cas.
Troisiéme. Quand le Son du Clavecin ou du Theorbe se perd; l'on peut repeter un même Accord, faisant ensorte que ce soit plûtôt sur le premier temps de la Mesure, que sur aucun autre, et avec la derniere syllabe d'un mot; car cette repetition faite au milieu d'un mot, ou même au milieu d'une phrase, pourroit empescher souvent d'en entendre le sens; cela est inutile pour l'Orgue, puisque les Sons y sont contenus.
Quatriéme. Il faut tenir ses Accords au milieu du Clavier, autant que la Basse le permet; et quand on est obligé de les changer de lieu, il faut faire ensorte que ce soit sur le même Accord, ou du moins aprés un Accord consonant, jamais aprés un dissonant; bien que l'on n'en soit pas toûjours le maître, par rapport à des changemens imprévûs dans la Basse qui monte ou descend quelquefois de deux Octaves, selon la fantaisie du Compositeur: Au reste pour transposer ainsi les Accords d'un lieu à l'autre; si l'on voit, ou si l'on sent qu'une même touche de l'Accord que l'on tient peut servir à celui qu'il faut transposer, il faut y porter le doigt d'en-bas si c'est en montant, ou celui d'en-haut si c'est en descendant, de façon que la main ne se leve point, et que cette transposition se fasse du seul mouvement d'un doigt qui prend la place de l'autre; si bien que par ce moyen, l'on n'est point obligé de quitter la vûë de dessus le Livre, en se souvenant d'ailleurs de la maniere dont nous avons dit que les Accords devoient être harpegez.
Pour ce qui est d'accompagner sans chiffres, bien que toutes nos regles roulent sur ce sujet; il faut encore y joindre celles de la Composition, et malgré tout cela, l'on y réüssira difficilement, si l'oreille, le goût et les doigts ne préviennent pas la connoissance; ainsi il n'y a rien de tel que d'accoûtumer l'oreille à la bonne et à la veritable Harmonie par une frequente pratique des principes precedents.
[-428-] CHAPITRE DIX-NEUVIÉME.
De la maniere de chiffrer une Basse-Continuë, et de connoître les Accords que chaque chiffre dénotte.
L'Accord parfait peut être chiffré par l'un des trois Intervales qui le composent; quoique pour l'ordinaire il ne se chiffre point, si ce n'est pour en faire distinguer la Tierce par un [x], quand elle est majeure, ou par un [rob], quand elle mineure.
Le [x] seul marque par tout la Tierce majeure, et le [rob] seul marque la Tierce mineure; s'ils sont joint à quelques chiffres, ils en alterent l'Intervale d'un semi-Ton, à proportion de leur naturel.
Tous les Accords doivent se chiffrer par le chiffre dont ils portent le nom. Par exemple.[cf. Supplément]
Celui de la 2. par un 2.
Celui de la 2 superfluë par un 2[x].
Celui de la 11, dite 4, par un 4.
Celui du Triton par un 4 ou 4[x].
Celui de la fausse [5/] par un [5/] ou 5.
Celui de la 5 superfluë par un 5[x]
Celui de la 7. par un 7.
Celui de la 7 diminuée par un 7[rob].
Celui de la 7 superfluë par un 7[x]
Celui de la 6 mineure par un 6[rob]
Celui de la 6 majeure par un 6[x]
Celui de la petite sixte par un 6
Celui de la grande sixte par un 6/3
Celui de la 6--4 par un 6/4
Celui de la neuviéme par un 9
L'on ne doit pas joindre de [x] ni de [rob] aux chiffres qui marquent des Intervales qui sont naturellement majeurs ou mineurs dans le Ton que l'on traite; et au cas qu'il faille le faire, il vaut mieux se servir du [sqb]; il n'y a qu'au chiffre qui marque le Tri-Ton que l'on a accoûtumé de joindre un [x].
Il faut ajoûter le chiffre qui change la construction naturelle d'un Accord au chiffre qui marque cet Accord.
EXEMPLE.
La 11, dite 4 accompagné de la 2. au lieu de l'Octave. 4/2 ou 5/2
La 11, dite 4 accompagné de la 9. 4/9
La 7 accompagné de la fausse-Quinte. 7/[5/]
Le Tri-Ton accompagné de la 3. mineure. 4[x]/[rob]
La petite Sixte accompagné de la fausse Quinte. 6[x]/8
La 5. superfluë accompagné de la 4. 5[x]/4
La 7. superfluë accompagné de la 6. mineure. 7[x]/6[rob]
Tous les Accords où la Dissonance majeure peut avoir lieu, doivent [-429-] être désignez par le chiffre qui marque en même tems l'Intervale de cette Dissonance.
Il y a beaucoup de Basses-Continuës où cette regularité n'est pas observée; de sorte que cela peut tromper ceux qui ne se guident que par les chiffres; mais ceux qui voudront se guider par nos regles, verront combien elles sont necessaires en pareil cas.
Il y a des Auteurs qui mettent encore plusieurs chiffres où un seul suffiroit; ce qui embroüille beaucoup.
Un chiffre mis à côté d'une Notte, marque toûjours l'Accord; mais s'il est un peu aprés la Notte, et que cette Notte puisse porter un Accord parfait, c'est marque qu'il faut faire sur le premier tems de la Notte l'Accord parfait, et sur le second tems, ou troisiéme, ou quatriéme tems, selon l'éloignement du chiffre, l'Accord désigné par ce chiffre.
Une Notte qui vaut plusieurs tems, peut porter un Accord different pour chaque tems, ou quelquefois elle portera le même Accord pendant deux tems; de sorte que quand cela ne peut pas bien se distinguer par la disposition des chiffres, c'est à l'oreille à en decider.
Le Point represente la Notte qui le précede, ainsi; de sorte que le chiffre mis au-dessus ou au-dessous du Point, signifie que l'Accord doit être fait dans la valeur du tems de ce Point.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 429; text: 6] [RAMTRA4 23GF]
CHAPITRE VINGTIÉME.
Comment on peut distinguer dans une Basse les Nottes qui doivent porter un Accord.
L'On doit faire un Accord dans le premier moment de chaque tems de la Mesure; quoiqu'une même Notte puisse porter le même Accord pendant plusieurs tems ou plusieurs mesures.
Une Notte qui ne vaudra qu'un tems, peut se diviser en deux tems, et porter par consequent deux Accords differents; on pourroit même la diviser en davantage de tems; mais les Accords y seroient pour lors trop précipitez.
Dans les Basses figurées l'on fait souvent passer plusieurs Nottes dans un tems; mais c'est sur la premiere de chaque tems que l'Accord doit se faire; et la main droite qui frappe un Accord à chaque tems, bat pour ainsi dire la mesure.
Quand le mouvement est un peu précipité, et qu'un même [-430-] Accord peut servir dans plusieurs tems consecutifs, il est bon de ne pas le repeter, jusqu'à ce que l'on sente que le son de l'Instrument est entierement éteint; un même Accord trop réïteré devenant ennuyeux.
L'on trouve de certaines Basses figurées, qu'il est souvent difficile de bien chiffrer, parce que les Nottes de cette Basse ne sont pas toûjours contenuës dans l'Accord qui doit être entendu; si-bien que nos regles sont ici d'un grand secours; ne pouvant jamais s'y tromper en employant les Accords que l'on sçait qui doivent se suivre naturellement. Par exemple, si l'on voit plusieurs Accords dissonans de suite, comme plusieurs 7, ou 2, et dans une progression diatonique de la Basse, sans être entre-lacez par des Accords de Sixte, tels que la regle l'ordonne; supposé même que chacun de ces Accords dissonans frappe dans le premier moment de chaque tems; il faut pour lors partager chacun de ces tems en deux parties égales, et faire entendre sur la Notte, par où commence la seconde partie du tems, l'Accord que l'on sçait qui doit suivre et préceder un certain Accord dissonant; les doigts nous prévenant même souvent dans cette occasion, lorsque l'on s'est une fois formé une bonne habitude sur les principes précedents; et comme la Notte qui doit porter cet Accord non chiffré, ou chiffré d'une certaine façon qu'on n'a point accoûtumée, n'est pas toûjours celle qui devroit paroître naturellement; il faut se gouverner en ce cas, plûtôt sur la suite naturelle des doigts, que sur cette Notte qui pourroit nous tromper.
EXEMPLE.
[Rameau, Traité de l'Harmonie, 430; text: 2, 3, 4, 5, 6, 7, A, B.] [cf. Supplément] [RAMTRA4 23GF]
[-431-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 431; text: 2, 4, 5, 6, C, D] [RAMTRA4 24GF]
Comme l'on sçait que l'Accord de la petite Sixte doit préceder celui de la Septiéme en descendant diatoniquement, et que celui de la grande Sixte, ou de la fausse-Quinte doit préceder celui de la Seconde sur deux Nottes en même degré, bien que ces Nottes ne [-432-] se trouvent point dans le premier moment du tems où l'Accord doit être entendu, et bien que cet Accord ne soit point chiffré, comme à A, et à D, ou qu'il soit chiffré d'une maniere difficile à comprendre, comme à B, et à C; il ne faut pas moins faire ces Accords de petite ou de grande Sixte entre chacun de ces Accords de Septiéme ou de Seconde, selon la teneur des regles, et conformément à l'habitude où l'on est de faire descendre un ou deux doigts aprés la Dissonante mineure, pendant que les autres restent sur le même degré, ainsi de plusieurs autres progressions où de pareils inconveniens peuvent se rencontrer.
Il ne faut jamais quitter un Dieze ou un B-mol, qui ayant servis à un Accord, peuvent servir encore à l'Accord suivant, excepté que cela ne soit précisément marqué par un nouveau chiffre qui détruit ce Dieze ou ce B-mol; car ce Dieze ou ce B-mol étant pour lors naturels dans le Ton que l'on traite, peuvent former des Quintes fausses ou superfluës, qui doivent être préferées, en ce cas, à la Quinte juste, ainsi de tout autre Intervale; l'Auteur devant marquer le contraire, lorsque son sujet le demande; sinon il n'y a que l'oreille qui puisse en decider.
FIN.