TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE

Data entry: David Schneider
Checked by: Peter Slemon
Approved by: Peter Slemon

Fn and Ft: ALEMEL TEXT
Author: d'Alembert, Jean-Le Rond
Title: Élémens de musique, theorique et pratique
Source: Élémens de musique, theorique et pratique, suivant les principes de Monsieur Rameau (Paris: David, 1752; reprint ed., New York: Broude Brothers, 1966).
Graphics: ALEMEL 01GF-ALEMEL 11GF

[-iii-] ELEMENS DE MUSIQUE, THEORIQUE ET PRATIQUE, suivant les principes de Monsieur Rameau.

A Paris, Chez David l'aîné, rue Saint Jacques, à la Plume d'Or.

Le Breton, Imprimeur ordinaire du Roi, au bas de la rue de la Harpe.

Durand, rue Saint Jacques, à Saint Landry, et au Griffon.

M. DCCLII.

Avec approbation et privilege du roi.

[-v-] AVERTISSEMENT.

EN lisant les excellens Traités que Monsieur Rameau a donnés sur son Art, j'ai composé ce petit Ouvrage, à la priere de quelques amis, qui desiroient, quoique peu versés dans la Musique, de s'instruire des découvertes et des principes de cet illustre Artiste. L'Ouvrage leur ayant paru clair et méthodique, ils m'ont engagé à le mettre au jour, persuadés, peut-être trop légerement, qu'il servira à faciliter aux Commençans l'étude de l'Harmonie. C'est le seul motif qui soit capable de me déterminer à publier un Livre, dont je n'hésiterois pas à me faire honneur si le fonds m'en appartenoit, mais dans lequel rien n'est à moi que l'ordre, et les fautes qui pourront s'y trouver.

Il ne s'agit point ici du principe physique [-vj-] de la resonnance des corps sonores, encore moins du principe métaphysique du sentiment de l'harmonie; l'un et l'autre sont à peu près aussi connus, et selon toutes les apparences le seront toûjours à peu près autant qu'ils l'étoient du tems de Pythagore. Il s'agit uniquement de faire voir comment on peut déduire d'un seul principe d'expérience les loix de l'harmonie, que les Artistes n'ont trouvées, pour ainsi dire, qu'à tâtons.

Dans le dessein de rendre cet Ouvrage d'une utilité presque générale, j'ai tâché de le mettre à la portée des personnes même qui n'ont aucune teinture de Musique: voici le plan que j'ai suivi pour cela.

Je commence par une courte introduction, où je définis les termes les plus usités dans cet Art, accord, harmonie, ton, tierce, quinte, octave, et cetera.

[-vij-] J'entre ensuite dans la théorie de l'harmonie, que j'expose d'après Monsieur Rameau, le plus clairement qu'il m'est possible. C'est la matiere du premier Livre, qui ne suppose, ainsi que l'Introduction, aucune autre connoissance de Musique, que celle des syllabes ut, ré, mi, fa, sol, la, si, ut, que tout le monde sçait.

La théorie de l'harmonie demande quelques calculs arithmétiques, nécessaires pour qu'on puisse comparer les sons entr'eux. Ces calculs sont très-courts, très-simples, et j'ai fait ensorte de les rendre sensibles à tout le monde; ils n'éxigent aucune opération qui ne soit clairement expliquée, et qu'un enfant ne puisse faire avec la plus legere attention. Cependant pour épargner même cette peine à ceux qui voudroient s'en dispenser, je n'ai point inséré ces calculs dans le texte; je les ai rejettés dans des notes, qu'on pourra ne pas lire, si [-viij-] on le juge à propos, en se contentant de supposer comme vraies les propositions énoncées dans le texte, et dont la preuve se trouve dans les notes.

Le second Livre contient les principales regles de la composition, ou ce qui est la même chose, la pratique de l'harmonie. Ces regles sont fondées sur les principes exposés dans le premier Livre; cependant ceux qui voudront se renfermer dans la pratique, sans en approfondir les raisons, peuvent se borner à lire l'Introduction, et le second Livre. Ceux qui auront lû le premier Livre, trouveront à chaque regle que contient le second, un renvoi à l'endroit du premier Livre, où l'on donne la raison de cette regle.

Pour ne point présenter à la fois un trop grand nombre d'objets et de préceptes, j'ai rejetté dans les notes de cette seconde Partie plusieurs observations et regles d'un usage moins fréquent, [-ix-] qu'il sera peut-être bon de reserver pour une seconde lecture, quand on se sera bien instruit des regles essentielles et fondamentales expliquées dans le texte.

Ce second Livre ne suppose non plus à la rigueur, aucune habitude de chant, ni même aucune connoissance de Musique; il demande seulement qu'on sçache, non l'intonnation, mais simplement la position des notes dans la clef de fa sur la quatriéme ligne, et dans celle de sol sur la seconde; encore pourra-t-on acquérir cette connoissance dans mon Ouvrage même; car j'explique au commencement du second Livre, la position des clefs et des notes. Il n'est question que de se la rendre un peu familiere, et on n'aura plus de difficulté.

On ne doit pas s'attendre à trouver ici toutes les regles de la composition, sur-tout celles qui concernent la Musique [-x-] à plusieurs parties, et qui étant moins rigoureuses, s'apprennent principalement par l'usage, l'étude des des grands modeles, le secours d'un bon Maître, et sur-tout par l'oreille, et par le goût. Cet Ouvrage n'est proprement, si je puis m'exprimer ainsi, qu'un Rudiment de Musique destiné à développer aux Commençans les principes fondamentaux, et non les détails.

On doit encore moins se persuader qu'il suffise, pour faire de bonne Musique, de s'être bien familiarisé avec les principes exposés dans ce Livre. On pourra seulement y apprendre jusqu'à un certain point la méchanique de l'Art; c'est à la nature à faire le reste: sans elle on ne composera pas de meilleure Musique pour avoir lû cet Ouvrage, qu'on ne fera de bons Vers avec Richelet. Ce sont, en un mot, des Elémens de Musique, et non des Elémens [-xj-] de Génie que je prétends donner.

Tel est l'objet pour lequel j'ai composé, et tel est l'esprit dans lequel il faut lire ces Elémens, dont encore une fois, le fonds ne m'appartient en aucune maniere. Mon unique but a été de me rendre utile; je n'ai rien oublié pour y parvenir, et je souhaite y avoir réussi.

[-xij-] TABLE DES CHAPITRES.

Introduction, Qui contient les définitions de quelques termes, page 1.

Chapitre I. CE que c'est que mélodie, accord, harmonie, intervalle, 1

Chapitre II. Noms par lesquels on désigne les différens intervalles de la gamme, 5

Chapitre III. Des intervalles plus grands que l'octave, 7

[-xiij-] Chapitre IV. Ce que c'est que diéze et bémol, 9

Chapitre V. Ce que c'est que consonance et dissonance, 10

Livre premier.

Qui contient la théorie de l'harmonie, 12

Chapitre. I. EXpériences préliminaires et fondamentales, 12

Chapitre II. Origines des deux modes, au chant le plus naturel, et de plus parfaite harmonie, 18

Chapitre III. De la suite des quintes, et des loix qu'elle doit observer, 21

Chapitre IV. Du mode en général, 25

Chapitre V. Formation de l'échelle diatonique des Grecs, 27

Chapitre VI. Formation de l'échelle diatonique des Modernes, ou gamme ordinaire, 34

Chapitre VII. Du tempérament, 39

Chapitre VIII. Des repos ou cadences, 51

Chapitre IX. Du mode mineur, 54

[-xiv-] Chapitre X. De l'échelle diatonique du mode mineur, 59

Chapitre XI. De la dissonance, 63

Chapitre XII. Du double emploi de la dissonance, 66

Chapitre XIII. Usages et regles du double emploi, 69

Chapitre XIV. Des différentes sortes d'accords de septiéme, 72

Chapitre XV. De la préparation des dissonances, 75

Chapitre XVI. De la regle de sauver les dissonances, 78

Chapitre XVII. De la cadence rompue, ou interrompue, 81

Chapitre XVIII. Du genre chromatique, 84

Chapitre XIX. Du genre enharmonique, 87

Chapitre XX. Du genre diatonique enharmonique, 21

Chapitre XXI. Du genre chromatique enharmonique, 92

Chapitre XXII. Que la mélodie naît de l'harmonie, 94

[-xv-] Livre second.

Qui contient les principales regles de la composition. 97

Chapitre I. DEs différens noms que l'on donne à un même intervalle, 97

Chapitre II. Comparaison des différens intervalles, 99

Chapitre III. Des différentes clefs, de la valeur des notes, de la mesure, et de la syncope, 101

Chapitre IV. Définition des principaux accords, 106

Chapitre V. De la basse fondamentale, 110

Chapitre VI. Regles de la basse fondamentale, 112

Chapitre VII. Des regles que le dessus doit observer par rapport à la basse fondamentale, 118

Chapitre VIII. De la basse continue et de ses regles, 122

Chapitre IX. De quelques licences de la basse fondamentale, 127

[-xvj-] Article I. De quelques routes particulieres de la basse fondamentale, 127

Article II. De la cadence rompue et interrompue, 129

Article III. De la supposition, 130

Article IV. De l'accord de septiéme diminuée, 135

Chapitre X. De quelques licences du dessus, et de la basse continue, 138

Chapitre XI. Où l'on enseigne à trouver la basse fondamentale, quand la basse continue est chiffrée, 139

Chapitre XII. Ce que c'est qu'être dans un mode ou ton, 144

Chapitre XIII. Trouver la basse fondamentale d'un chant donné, 151

Chapitre XIV. Du chromatique et de l'enharmonique, 164

Chapitre XV. Du dessein, de l'imitation et de la fugue, 167

Chapitre XVI. Définition des différens airs, 168

Fin de la Table des Chapitres.

[-1-] ÉLÉMENS DE MUSIQUE, Theorique et pratique,

Suivant les principes de Monsieur Rameau.

Introduction,

Qui contient les définitions de quelques termes.

Chapitre premier.

Ce que c'est que mélodie, accord, harmonie, intervalle.

1. LE chant, ou la mélodie, n'est autre chose qu'une suite de sons qui se succedent les uns aux autres d'une maniere agréable à l'oreille.

2. On appelle accord le mélange de plusieurs [-2-] sons qui se font entendre à-la-fois; et l'harmonie est proprement une suite d'accords qui en se succédant flattent l'organe.

3. Dans la mélodie et dans l'harmonie, on nomme intervalle la différence qu'il y a d'un son à un autre plus ou moins aigu.

4. Pour apprendre à connoître les intervalles, et la maniere de les distinguer, prenons la gamme ordinaire ut, ré, mi, fa, sol, la, si, UT, que toute personne entonne naturellement, pourvû qu'elle n'ait ni l'oreille ni la voix excessivement fausse. Voici ce que nous remarquerons en chantant cette gamme.

Le son ré est plus haut ou plus aigu que le son ut, le son mi plus que le son ré, le son fa plus que le son mi, et cetera et ainsi de suite; de sorte que l'intervalle, ou la différence du son ut au son ré, est moindre que l'intervalle ou la différence du son ut au son mi, l'intervalle de ut à mi, moindre que celui de ut à fa, et cetera et qu'enfin l'intervalle du premier ut au second UT est le plus grand de tous. C'est pour distinguer ces deux ut, que j'ai désigné le second par des lettres majuscules.

5. En général l'intervalle de deux sons est d'autant plus grand, que l'un de ces sons est plus aigu ou plus grave par rapport à l'autre: mais il faut bien remarquer que deux [-3-] sons peuvent être également aigus ou également graves, quoique d'inégale force. Une corde de violon touchée avec un archet rend toûjours un son également aigu, soit qu'on la touche fortement ou foiblement; le son sera seulement plus ou moins fort. In en est de même de la voix: qu'on forme un son en enflant la voix peu à peu, on s'appercevra que le son augmentera de force, mais qu'il sera toûjours également grave, ou également aigu.

6. Nous remarquerons encore dans la gamme, que les intervalles de l'ut au ré, du ré au mi, du fa au sol, du sol au la, du la au si, sont égaux, ou à peu près égaux; et que les intervalles du mi au fa, et du si à l'ut, sont aussi égaux entr'eux, mais qu'ils ne sont qu'environ la moitié des premiers. Ce fait est connu et avoüé de tout le monde: nous en donnerons la raison dans la suite, et on peut facilement s'en assûrer par le secours de l'expérience. (a)

[-4-] 7. C'est pour cela qu'on a nommé demi-ton [-5-] l'intervalle du mi au fa, ou du si à l'ut; et ton l'intervalle d'ut à ré, celui de ré à mi, de fa à sol, de sol à la, de la à si. [Voyez la figure marquée A [ALEMEL 02GF]. in marg.]

Le ton s'appelle encore seconde majeure, et le demi-ton, seconde mineure.

8. Descendre ou monter diatoniquement, c'est descendre ou monter d'un son à un autre par l'intervalle d'un ton ou d'un demi-ton, ou en général de seconde, soit majeure soit mineure, comme de ré à ut, ou de ut à ré; de fa à mi, ou de mi à fa.

Chapitre II.

Noms par lesquels on désigne les différens intervalles de la gamme.

9. UN intervalle composé d'un ton et demi, comme mi sol, ou la ut, ou ré fa, s'appelle tierce mineure.

Un intervalle composé de deux tons, comme ut mi, ou fa la, ou sol si, s'appelle tierce majeure.

Un intervalle composé de deux tons et [-6-] demi, comme ut fa, ou sol ut, s'appelle quarte.

Un intervalle composé de trois tons, comme fa si, s'appelle triton ou quarte superflue.

Un intervalle composé de trois tons et demi, comme ut sol, ou fa ut, ou ré la, ou mi si, et cetera s'appelle quinte.

Un intervalle composé de trois tons et de deux demi-tons, comme mi UT, s'appelle sixte mineure.

Un intervalle composé de quatre tons et un demi-ton, comme ut la, s'appelle sixte majeure.

Un intervalle composé de quatre tons et deux demi-tons, comme ré UT, s'appelle septiéme mineure.

Un intervalle composé de cinq tons et demi, comme ut si, s'appelle septiéme majeure.

Enfin, un intervalle composé de cinq tons et deux demi-tons, comme ut UT, est appellé octave.

10. Deux sons également aigus, ou également graves, quelque inégalité qu'il y ait d'ailleurs dans leur force, sont dits à l'unisson l'un de l'autre.

11. Quand deux sons forment entr'eux un intervalle quelconque, on dit que le plus aigu [-7-] est à cet intervalle en montant par rapport au plus grave, et que le plus grave est à cet intervalle en descendant par rapport au plus aigu. Ainsi dans la tierce mineure mi sol, où mi est le son grave et sol le son aigu, sol est à la tierce mineure de mi en montant, et et mi à la tierce mineure de sol en descendant.

12. De même, si en parlant de deux corps sonores, on dit que l'un est à la quinte de l'autre au-dessus ou en montant, cela veut dire que le son rendu par l'un est à la quinte en montant du son rendu par l'autre, et cetera.

Chapitre III.

Des intervalles plus grands que l'octave.

13. [Voyez la figure B [ALEMEL 02GF]. in marg.] SI après avoir entonné la gamme ut, ré, mi, fa, sol, la, si, UT, on veut pousser cette gamme plus loin en montant, on s'appercevra sans peine qu'on formera une nouvelle gamme UT, RE, MI, FA, et cetera entierement semblable à la premiere, et dont les sons seront à l'octave, en montant, de ceux qui leur répondent dans la premiere gamme; ainsi RE, second son de la seconde gamme, sera à l'octave en montant du ré de la premiere gamme; de même MI sera l'octave [-8-] de mi, et cetera et ainsi des autres.

14. Comme il y a neuf sons depuis le premier ut jusqu'au second RE, l'intervalle de ces deux sons s'appelle neuviéme, et cette neuviéme est composée de six tons et deux demi-tons Par la même raison l'intervalle de ut à FA s'appelle onziéme, l'intervalle de ut à SOL, douziéme, et cetera.

Il est visible que la neuviéme est l'octave de la seconde; que la onziéme est l'octave de la quarte; que la douziéme est l'octave de la quinte, et cetera.

L'octave de l'octave d'un son s'appelle la double octave; l'octave de la double octave se nomme triple octave, et ainsi de suite.

La double octave se nomme aussi quinziéme, et par la même raison la double octave de la tierce est nommée dix-septiéme; la double octave de la quinte, dix-neuviéme, et cetera. (b)

[-9-] Chapitre IV.

Ce que c'est que dieze et bémol.

15. IL est visible qu'on peut imaginer les cinq tons qui entrent dans la gamme, comme partagés chacun en deux demi-tons; ainsi [-10-] on peut arriver d'ut à ré, en passant par un son intermédiaire qui sera plus haut d'un demi-ton que ut, et plus bas d'un demi-ton que ré. Un son de la gamme s'appelle dieze, quand il est élevé d'un demi-ton, et se désigne par cette marque [x]; ainsi ut [x] signifie ut dieze, c'est-à-dire, ut élevé d'un demi-ton au-dessus de l'ut de la gamme. Un son de la gamme baissé d'un demi-ton s'appelle bémol, et se désigne par un [rob]; ainsi la [rob] signifie la bémol, ou la baissé d'un demi-ton.

Chapitre V.

Ce que c'est que consonance et dissonance.

16. UN accord composé de sons dont l'union plaît à l'oreille, s'appelle accord consonant; et les sons qui forment cet accord s'appellent consonances les uns par rapport aux autres. La raison de cette dénomination est qu'un accord est d'autant plus parfait, que les sons qui le forment se confondent davantage ensemble.

17. L'octave d'un son est la plus parfaite des consonances que ce son puisse avoir; ensuite [-11-] la quinte, puis la tierce, et cetera. C'est un fait d'expérience.

18. Un accord composé de sons dont l'union déplaît à l'oreille s'appelle accord dissonant, et les sons qui le forment sont appellés dissonances les uns par rapport aux autres. La seconde, le triton, et la septiéme d'un son, sont des dissonances par rapport à lui. Ainsi un accord composé des sons ut ré, ou ut si, ou fa si, et cetera est un accord dissonant.

19. Le terme de dissonance vient de deux mots, l'un grec, l'autre latin, qui signifient sonner deux fois; en effet, la raison qui rend la dissonance desagréable, c'est que les sons qui la forment ne se confondent nullement à l'oreille, et sont entendus par elle comme deux sons distincts, quoique frappés à-la-fois.

[-12-] Livre premier,

Qui contient la théorie de l'Harmonie.

Chapitre premier.

Expériences préliminaires et fondamentales.

Premiere Experience.

20. SI on fait resonner un corps sonore, on entend, outre le son principal et son octave, deux autres sons très-aigus, dont l'un est la douziéme au-dessus du son principal, c'est-à-dire, l'octave de la quinte de ce son; et l'autre est la dix-septiéme majeure au-dessus de ce même son, c'est-à-dire, la double octave de sa tierce majeure.

21. Cette expérience est principalement sensible sur les grosses cordes d'un violoncelle, dont le son étant fort grave, laisse distinguer assez facilement à une oreille tant soit peu exercée, la douziéme et la dix-septiéme dont il s'agit. (c)

[-13-] 22. Le son principal est appellé générateur, et les deux autres sons qu'il engendre et qui l'accompagnent, sont appellés ses harmoniques, en y comprenant l'octave.

Seconde Expérience.

23. Si on accorde avec le corps sonore deux autres corps dont l'un soit à la douziéme au-dessus [-14-] du corps sonore, l'autre à la dix-septiéme majeure au-dessus, ces deux derniers corps frémiront dans leur totalité dès qu'on fera resonner le premier, et de plus ils resonneront; ce qui prouve de nouveau combien la douziéme et la dix-septiéme majeure au-dessus d'un son principal ont d'analogie avec ce son. Mais si on accorde avec le même corps sonore deux autres corps dont l'un soit à la douziéme au-dessous du corps sonore, et l'autre à sa dix-septiéme majeure au-dessous, ces deux derniers corps frémiront dès qu'on fera resonner le premier, mais ils ne frémiront point dans leur totalité; en frémissant ils se diviseront par une espece d'ondulation, l'un en trois, l'autre en cinq parties égales; ensorte qu'il y aura pendant le frémissement des points qui resteront en repos. [Voyez C [ALEMEL 02GF]. in marg.] Ainsi supposons que AB soit une corde sonore fixe par ses deux extrémités A, B; CF (Voyez Ibidem) une autre corde sonore aussi fixe par ses extrémités C, F, et dont le son soit à la douziéme au-dessous du son que rend la corde AB; dès qu'on fera resonner la corde AB toute seule, on verra la corde CF frémir sans resonner, et prendre en frémissant la figure C K D H E G F, dans laquelle on distinguera facilement les points immobiles D, E, et les trois ventres K, H, G; ensorte [-15-] que les trois parties CD, DE, EF, et cetera seront égales, et les points D, E en repos. De même si la corde LM (Figure C [ALEMEL 02GF].) fixe par ses extrémités L, M, rend un son qui soit à la dix-septiéme au-dessous du son que rend la corde AB, cette corde LM frémira dès qu'on fera resonner la corde AB, et on remarquera dans la corde LM, pendant son frémissement, cinq ventres X, V, T, S, R, et quatre points fixes et immobiles N, O, P, Q, outre les deux extrémités L, M; de plus ces points seront à égales distances les uns des autres. (d)

[-16-] Troisiéme Expérience.

24. Il n'y a personne qui ne s'apperçoive de la ressemblance qu'il y a entre un son et [-17-] son octave en montant ou en descendant. Ces deux sons se confondent presque entierement à l'oreille lorsqu'ils sont entendus ensemble. On peut d'ailleurs se convaincre par deux faits très-simples de la facilité qu'on a à prendre l'un pour l'autre.

Je suppose que l'on veuille chanter un air, et qu'ayant pris d'abord cet air sur un ton trop haut ou trop bas pour sa voix, on soit obligé, pour ne point trop s'efforcer, de chanter l'air dont il s'agit sur un ton plus bas ou plus haut que le premier; je dis que sans être Musicien en aucune maniere, on prendra naturellement le nouveau ton à l'octave en bas, ou à l'octave en haut du premier; et que pour prendre ce nouveau ton à un autre intervalle que l'octave, il faut y faire attention. C'est un fait dont il est facile de s'assurer par l'expérience.

Autre fait. Qu'une personne chante un air en notre presence, et le chante sur un ton trop haut ou trop bas pour notre voix; si nous voulons chanter cet air avec elle, nous [-18-] prenons naturellement l'octave en bas ou en haut, et souvent en prenant cette octave, nous croyons prendre l'unisson (e).

Chapitre II.

Origine des deux modes; du chant le plus naturel, et de la plus parfaite harmonie.

25. POur fixer davantage les idées, nous appellerons ut le son rendu par le corps sonore: il est évident, par la premiere expérience, que ce son est toûjours accompagné de sa douziéme et de sa dix-septiéme majeures, c'est-à-dire de l'octave de sol et de la double octave de mi.

26. Donc cette octave de sol et cette double octave de mi fournissent l'accord le plus parfait qu'on puisse joindre à ut, puisque cet accord est l'ouvrage de la nature (f).

[-19-] 27. Par la même raison le chant formé d'ut, de l'octave de sol et de la double octave de mi, entonnées l'une après l'autre, seroit aussi le chant le plus simple et le plus naturel de tous, si notre voix avoit assez d'étenduë pour former sans peine d'aussi grands intervalles: mais la liberté et la facilité que nous avons de substituer à un son son octave, lorsque cela est plus commode à notre voix, nous fournit un moyen de représenter ce chant.

C'est pour cela qu'après avoir entonné le son ut, nous entonnons naturellement la tierce mi et la quinte sol, au lieu de la double octave de mi, et de l'octave de sol; d'où nous formons, en y joignant l'octave du son ut, ce chant ut, mi, sol, ut, qui est en effet le plus simple et le plus facile de tous; aussi a-t-il son origine dans la resonnance même du corps sonore.

28. Ce chant ut, mi, sol, ut, dans lequel la tierce ut mi est majeure, constitue ce qu'on [-20-] appelle le genre ou mode majeur; d'où il s'ensuit que le mode majeur est l'ouvrage immédiat de la nature.

29. Le frémissement de la douziéme et de la dix-septiéme majeure au-dessous du son principal, frémissement qu'on a établi dans la seconde expérience, nous conduit à une autre découverte. La tierce mineure au-dessous d'ut étant la, il s'ensuit que la tierce majeure au-dessous d'ut sera la [rob]; car la tierce majeure, par les définitions données dans l'Introduction, est un intervalle plus grand d'un demi-ton que la tierce mineure: or l'intervalle de ut à la est une tierce mineure, donc l'intervalle de ut à la [rob], sera une tierce majeure. D'où il s'ensuit que la dix-septiéme majeure au-dessous d'ut, sera la double octave de la [rob] en descendant. De même la quinte au-dessous d'ut étant fa, la douziéme au-dessous d'ut sera l'octave de fa en descendant.

30. De-là, et de cette facilité naturelle que nous avons de confondre les sons avec leurs octaves, nous pouvons former ce chant indiqué par la nature fa, la [rob], ut, dans lequel la tierce fa la [rob] en partant du premier son fa, est mineure; et voilà l'origine du genre ou mode appellé mineur.

31. Mais comme les sons fa, la [rob], ou [-21-] plûtôt leurs octaves, ne font que frémir quand ut resonne, et ne resonnent pas avec lui comme les octaves de mi et de sol; il s'ensuit de là que le mode ou genre mineur est donné par la nature moins immédiatement et moins directement que le mode majeur.

32. Donc les accords les plus parfaits sont: premier. tout accord, comme ut mi sol ut, formé d'un son, de sa tierce majeure, de sa quinte et de son octave: second. tout accord, comme fa la [rob] ut fa, formé d'un son, de sa tierce mineure, de sa quinte et de son octave. En effet, ces deux accords sont donnés par la nature, mais le premier plus immédiatement que le second. Le premier est appellé accord parfait majeur, et le second, accord parfait mineur.

Chapitre III.

De la suite des quintes, et des loix qu'elle doit observer.

33. PUisque le son ut fait entendre le son sol et fait frémir le son fa, qui sont ses deux douziémes, nous pouvons imaginer un chant composé de ce son ut et de ses deux douziémes, ou ce qui revient au même [-22-] (Article 24), de ses deux quintes fa et sol, l'une au-dessous, l'autre au-dessus; ce qui donne le chant ou la suite de quintes fa, ut, sol, que j'appelle Basse fondamentale d'ut par quintes.

Nous verrons dans la suite qu'il y a des basses fondamentales par tierces, tirées des deux dix-septiémes, dont l'une resonne et l'autre frémit avec le son principal. Mais il faut aller pied à pied, et nous nous contentons pour le présent d'envisager d'abord les basses fondamentales par quintes.

34. Ainsi du son ut, on peut aller indifféremment au son sol ou au son fa.

35. On peut, par la même raison, continuer cette suite de quintes en montant et en descendant depuis ut, en cette sorte,

mi [rob], si [rob], fa, ut, sol, ré, la, et cetera

et dans cette progression on peut passer d'un son quelconque à celui qui le précede ou qui le suit immédiatement.

36. Mais il n'est pas permis de même de passer d'un son à un autre qui n'en soit pas immédiatement voisin, par exemple de ut à ré, ou de ré à ut. Pour le faire voir, nous observerons d'abord que le son ré emporte nécessairement avec lui le son la; car la est quinte de ré, et l'octave de cette quinte resonne [-23-] avec ré, par la premiere expérience, (Article 20): par conséquent en passant d'ut à ré, ou de ré à ut, on passe nécessairement de ut à la, ou de la à ut. Or ce dernier passage est contre les regles indiquées par la nature; car la étant considéré dans la suite des quintes comme quinte de ré, et par conséquent comme quinte de la quinte de sol, ne sçauroit faire avec ut une tierce mineure juste et harmonique: c'est dequoi tous les Musiciens conviennent, et on peut le démontrer aisément (g). Ainsi les sons ut et la [-24-] pris dans la progression des quintes, ne sont en aucune maniere harmoniques l'un de l'autre, et par conséquent ils ne sçauroient se succéder immédiatement (h). Donc les sons ut et ré ne sçauroient non plus se succéder immédiatement dans la basse fondamentale.

37. Et comme ces sons ut et ré, par la premiere expérience, portent naturellement avec eux les accords parfaits majeurs ut mi sol ut, ré fa [x] la ré; il en résulte cette regle, que deux accords parfaits, sur-tout lorsqu'ils sont majeurs (i), ne peuvent se succéder diatoniquement dans une basse fondamentale; [-25-] c'est-à-dire que dans une basse fondamentale on ne sçauroit faire succéder diatoniquement deux sons portant chacun l'accord parfait, sur-tout si l'accord parfait est majeur dans tous les deux.

Chapitre IV.

Du mode en général.

38. LE mode en musique n'est autre chose que l'ordre prescrit entre les sons, tant en harmonie qu'en mélodie, par la progression des quintes. Ainsi les trois sons fa, ut, sol, et les harmoniques de chacun de ces trois sons, c'est-à-dire leurs tierces majeures et leurs quintes, composent tout le mode majeur d'ut.

39. Donc la progression ou basse fondamentale fa, ut, sol, dans laquelle ut tient le milieu, peut être regardée comme représentant le mode d'ut. On pourra de même prendre la progression ou basse fondamentale ut, sol, ré, comme représentant le mode de sol; de même si [rob], fa, ut, représentera le mode de fa.

On voit par-là que le mode de sol, ou plûtôt la basse fondamentale de ce mode, a [-26-] deux sons communs avec la basse fondamentale du mode d'ut. Il en est de même de la basse fondamentale du mode de fa.

40. Le mode d'ut (fa, ut, sol) est appellé mode principal par rapport aux modes de ses deux quintes, qui sont appellées ses deux adjoints.

41. Il est donc en quelque maniere indifférent à l'oreille de passer du mode principal à l'un ou à l'autre de ses adjoints, puisque chacun de ces adjoints a également deux sons communs avec le mode principal. Cependant on doit avoir un peu plus de prédilection pour le mode de sol; car sol resonne dans ut, et fa ne fait que frémir, comme on le voit par la premiere et la seconde expérience. C'est pourquoi l'oreille affectée du mode d'ut, est un peu plus préoccupée pour le mode de sol, que pour celui de fa. Aussi rien n'est-il plus ordinaire et plus naturel que de passer du mode d'ut au mode de sol.

42. C'est pour cette raison, et pour distinguer les deux quintes l'une de l'autre, qu'on appelle dominante la quinte sol au-dessus du générateur, et sous-dominante la quinte fa au-dessous de ce même générateur.

43. Au reste, comme on a vû dans le Chapitre précédent qu'on peut dans la progression [-27-] des quintes passer indifféremment d'un son à celui qui en est voisin: on peut de même, et par la même raison, après avoir passé du mode d'ut au mode de sol, passer du mode de sol au mode de ré, comme du mode de fa au mode de si [rob]: mais il faut cependant observer que l'oreille qui a été affectée d'abord du mode principal, s'empresse toûjours d'y revenir. Ainsi plus les modes dans lesquels on passe s'éloignent du mode principal, moins on doit y rester long-tems, ou pour parler en termes de l'art, moins les phrases de ces modes doivent être longues.

Chapitre V.

Formation de l'échelle diatonique des Grecs.

44. DE ce qu'on peut faire succéder immédiatement deux sons voisins dans la suite des quintes fa, ut, sol, il s'ensuit qu'on peut former ce chant ou cette basse fondamentale par quintes

sol, ut, sol, ut, fa, ut, fa. [Voyez D [ALEMEL 02GF]. in marg.]

45. Chacun des sons qui forment ce chant, porte nécessairement avec lui sa tierce majeure, [-28-] sa quinte et son octave; ensorte qu'en chantant, par exemple sol, on est censé chanter en même tems les sons sol, si, ré, sol; de même le son ut de la basse fondamentale emporte avec lui ce chant ut, mi, sol, ut, et enfin le son fa emporte avec lui fa, la, ut, fa: donc ce chant ou cette basse fondamentale

sol, ut, sol, ut, fa, ut, fa,

donne le chant diatonique suivant,

si, ut, ré, mi, fa, sol, la, [Voyez D [ALEMEL 02GF]. in marg.]

qui est précisément l'échelle diatonique des Grecs. Nous ignorons par quels principes ils l'avoient formée; mais il est visible que cette échelle naît de la basse sol, ut, sol, ut, fa, ut, fa, et que par conséquent cette basse est nommée avec raison fondamentale, comme étant le véritable chant primitif, celui qui guide l'oreille et qu'elle sous-entend dans le chant diatonique si, ut, ré, mi, fa, sol, la (l).

[-29-] 46. On se convaincra de nouveau de cette vérité par les remarques suivantes.

Dans le chant si, ut, ré, mi, fa, sol, la, [-30-] les sons ré et fa forment entr'eux une tierce mineure qui n'est pas parfaitement juste comme l'est celle de mi à sol (m). Cependant cette altération dans la tierce mineure de ré à fa ne fait aucune peine à l'oreille, parce que ce ré et ce fa, qui ne forment pas entr'eux une tierce mineure juste, forment chacun en particulier des consonances parfaitement justes avec les sons de la basse fondamentale qui leur répondent; car ré de l'échelle est la quinte juste du sol qui lui répond dans la basse fondamentale, et fa de l'échelle est l'octave juste du fa qui lui répond dans cette même basse.

47. Donc, pourvû que les sons de l'échelle fassent des consonances parfaitement justes avec les sons qui leur répondent dans la basse fondamentale, l'oreille se met peu en peine de l'altération qu'il peut y avoir dans les intervalles que ces sons de l'échelle forment entr'eux. Nouvelle preuve que la basse fondamentale est le vrai guide de l'oreille et la véritable origine du chant diatonique.

[-31-] 48. De plus, cette échelle diatonique ne renferme que sept sons, et ne va pas jusqu'au si en haut, qui seroit l'octave du premier: nouvelle singularité dont on peut rendre raison par les principes établis ci-dessus. En effet, pour que le son si succédât immédiatement dans l'échelle au son la, il faudroit que le son sol, qui est le seul d'où si puisse être tiré, succédât immédiatement dans la basse fondamentale au son fa, qui est le seul d'où la puisse être tiré. Or la succession diatonique de fa à sol ne peut avoir lieu dans la basse fondamentale, suivant ce qu'on a démontré dans le Chapitre III. Article 36. Donc les sons la et si ne sçauroient se succéder immédiatement dans l'échelle: nous verrons dans la suite pourquoi cela n'est pas ainsi dans la gamme ut, ré, mi, fa, sol, la, si, UT, qui commence par ut; au lieu que l'échelle dont il s'agit ici commence par si.

49. Aussi les Grecs, pour former l'octave entiere, ajoûtoient au-dessous du premier si, le son la, qu'ils distinguoient et séparoient du reste de l'échelle, et qu'ils appelloient par cette raison proslambanomene, c'est-à-dire corde ou son sur-ajoûté au-devant de l'échelle.

50. L'échelle diatonique si, ut, ré, mi, fa, sol, la, est composée de deux tétracordes, [-32-] c'est-à-dire de deux échelles diatoniques de quatre sons chacune, si, ut, ré, mi; et mi, fa, sol, la: ces deux tétracordes sont parfaitement semblables; car du mi au fa, il y a même intervalle que du si à l'ut; du fa au sol, le même que de l'ut au ré; du sol au la, le même que du ré au mi (n); voilà pourquoi les Grecs distinguoient ces deux tétracordes, et les joignoient cependant par le son mi, qui leur est commun, ce qui leur a fait donner le nom de tétracordes conjoints.

51. De plus, les intervalles de deux sons quelconques, pris dans chaque tétracorde en particulier, sont parfaitement justes: ainsi dans le premier tétracorde les intervalles ut mi et si ré, sont des tierces, l'une majeure, l'autre mineure, parfaitement justes, aussi-bien que la quarte si mi (o); il en est de même dans le tétracorde mi, fa, sol, la, [-33-] puisque ce tétracorde est parfaitement semblable au premier.

52. Mais il n'en est pas de même quand on compare deux sons pris dans les deux tétracordes; car nous avons déjà vû que le son ré du premier tétracorde fait avec le son fa du second une tierce mineure qui n'est pas juste. On trouvera de même que la quinte de ré à la n'est pas parfaitement juste, ce qui est évident: car la tierce majeure de fa à la est juste, et la tierce mineure de ré à fa ne l'est pas; or pour former une quinte juste, il faut une tierce majeure et une tierce mineure qui soient parfaitement justes l'une et l'autre.

53. De-là il s'ensuit que tout est absolument parfait dans chaque tétracorde pris en particulier; mais qu'il y a altération d'un tétracorde à l'autre. Nouvelle raison pour distinguer l'échelle en ces deux tetracordes.

54. On peut s'assurer par le calcul, que dans le tétracorde si, ut, ré, mi, l'intervalle ou le ton du ré au mi est un peu moindre que l'intervalle ou le ton de l'ut au ré (p); de même [-34-] dans le second tétracorde mi, fa, sol, la, qui est, comme nous l'avons prouvé, parfaitement semblable au premier, le ton du sol au la est un peu moindre que le ton du fa au sol; c'est pour cette raison qu'on distingue deux sortes de tons, le ton majeur comme d'ut à ré, de fa à sol, et cetera et le ton mineur comme de ré à mi, de sol à la, et cetera.

Chapitre VI.

Formation de l'échelle diatonique des Modernes, ou gamme ordinaire.

55. NOus venons de montrer dans le Chapitre précédent, comment se forme l'échelle des Grecs, si, ut, ré, mi, fa, [-35-] sol, la, par le moyen d'une basse fondamentale composée seulement des trois sons fa, ut, sol: mais pour former l'échelle ut, ré, mi, fa, sol, la, si, UT, qui est en usage aujourd'hui, il faut nécessairement ajoûter à la basse fondamentale le son ré, et former avec les quatre sons fa, ut, sol, ré, la basse fondamentale suivante,

ut, sol, ut, fa, ut, sol, ré, sol, ut, [Voyez E [ALEMEL 02GF]. in marg.]

d'où l'on tire le chant ou la gamme

ut, ré, mi, fa, sol, sol, la, si, UT.

(q) En effet, ut de la gamme appartient à l'harmonie d'ut qui lui répond dans la basse; ré, qui est le second son de la gamme, appartient à l'harmonie de sol, second son de la basse; mi, troisiéme son de la gamme, appartient à l'harmonie d'ut, troisiéme son de la basse, et cetera.

[-36-] 56. De-là il s'ensuit que l'échelle diatonique des Grecs est plus simple que la nôtre, du moins à quelques égards, puisque l'échelle des Grecs est formée du seul mode d'ut, (Chapitre V.) au lieu que la nôtre est primitivement et originairement formée du mode d'ut (fa, ut, sol,) et du mode de sol, (ut, sol, ré.)

Aussi voit-on que cette derniere échelle est composée de deux parties, dont l'une, ut, ré, mi, fa, sol, est dans le mode d'ut, et l'autre, sol, la, si, ut, est dans le mode de sol.

57. C'est pour cette raison que le son sol se trouve répété deux fois de suite dans cette gamme; la premiere comme quinte d'ut qui lui répond dans la basse fondamentale; la seconde, comme octave de sol, qui suit immédiatement ut dans cette basse. Du reste ces deux sol consécutifs sont d'ailleurs parfaitement à l'unisson: c'est pour cela qu'on se contente d'en dire un seul quand on chante la gamme ut, ré, mi, fa, sol, la, si, UT: mais cela n'empêche pas qu'on ne pratique un repos exprimé ou sous-entendu, après le son fa. Il n'y a personne qui ne s'en apperçoive en entonnant soi-même la gamme.

58. Donc l'échelle des Modernes peut être regardée comme composée de deux [-37-] tétracordes disjoints et parfaitement semblables, ut, ré, mi, fa, et sol, la, si, ut, l'un dans le mode d'ut, l'autre dans celui de sol. Au reste, nous verrons dans la suite par quel artifice on peut faire que l'échelle ut, ré, mi, fa, sol, la, si, UT, soit regardée comme appartenante au seul mode d'ut. Il faut pour cela faire quelques changemens à la basse fondamentale que nous venons de donner: c'est ce qui sera expliqué plus au long.

59. L'introduction du mode de sol dans la basse fondamentale fait que les trois tons fa, sol, la, si, peuvent se succéder immédiatement dans l'échelle, ce qui ne sçauroit avoir lieu (Article 48.) dans l'échelle des Grecs, parce qu'elle est formée du seul mode d'ut. D'où il s'ensuit:

Premier. Qu'on change de mode toutes les fois qu'on entonne trois tons de suite.

Second. Que si on entonne ces trois tons de suite dans la gamme ut, ré, mi, fa, sol, la, si, UT, ce ne peut être qu'à la faveur d'un repos exprimé ou sous-entendu après le son fa; ensorte que les trois tons fa, sol, la, si, sont censés appartenir à deux tétracordes différens.

60. On ne doit donc plus être étonné de l'espece de difficulté qu'on éprouve à entonner [-38-] naturellement trois tons de suite, puisque l'on ne sçauroit le faire sans changer de mode, et que si on reste dans le même mode, le quatriéme son au-dessus du premier son ne sera jamais supérieur que d'un demi-ton au son qui le précede, comme on le voit dans ut, ré, mi, fa, et dans sol, la, si, ut, où il n'y a qu'un demi-ton de mi à fa, et de si à ut.

61. On peut encore observer dans l'échelle ut, ré, mi, fa, que la tierce mineure du ré au fa n'est pas juste, par les raisons qui ont déjà été exposées (Article 46.) Il en est de même de la tierce mineure la ut, et de la tierce majeure fa la: mais chacun de ces sons fait d'ailleurs des consonances parfaitement justes avec les sons correspondans de la basse fondamentale.

62. Les tierces la ut, fa la, qui étoient justes dans la premiere échelle, sont fausses dans celle-ci, parce que dans la premiere échelle la étoit tierce de fa, et qu'ici il est quinte de ré qui lui répond dans la basse fondamentale.

63. Ainsi on voit que l'échelle des Grecs renferme moins de consonances alterées que la nôtre (r), et cela vient encore de l'introduction [-39-] du mode de sol dans la basse fondamentale.

On voit aussi que la valeur de la dans l'échelle diatonique, valeur sur laquelle les Auteurs ont été partagés, dépend uniquement de la basse fondamentale, et qu'elle sera différente selon que ce la aura fa ou ré pour basse. Voyez la note (q).

Chapitre VII.

Du tempérament.

64. L'Altération que nous venons d'observer entre certains sons de l'échelle diatonique, nous conduit naturellement à parler du tempérament. Pour en donner une idée nette, et en faire sentir la nécessité, supposons que l'on ait un instrument à touche, un clavecin, par exemple, composé de plusieurs octaves ou gammes, dont chacune renferme ses douze demi-tons.

Prenons dans ce clavecin une des cordes qui rend le son UT (Voyez F [ALEMEL 02GF]) et accordons [-40-] la corde SOL à la quinte parfaitement juste d'UT en montant; accordons ensuite à la quinte juste de ce dernier SOL le RE qui est au-dessus, il est évident que ce RE sera dans la gamme au-dessus de celle d'où l'on est parti: mais il est évident aussi que ce RE aura dans la gamme d'où l'on est parti, un ré qui lui répond et qu'il faudra accorder à l'octave juste au-dessous du RE qui fait la quinte de SOL; de sorte que le ré de la premiere gamme sera la quarte juste au-dessous du SOL de cette même gamme. On accordera ensuite le son LA de la premiere gamme à la quinte juste de ce dernier ré, puis le son MI de la gamme au-dessus à la quinte juste de ce nouveau LA, et par conséquent le mi de la premiere gamme à la quarte juste au-dessous de ce même LA: cela fait, on trouvera que le dernier mi, ainsi accordé, ne fera pas la tierce majeure du son UT (s); c'est-à-dire, qu'il est impossible que mi puisse faire en même tems la tierce [-41-] majeure juste d'UT et la quinte juste de LA ou, ce qui revient au même, la quarte juste de LA en descendant.

65. Il y a plus: si après avoir accordé successivement et alternativement à la quinte et à la quarte juste l'une de l'autre, les cordes UT, SOL, ré, LA, mi, on continue à accorder successivement par quintes et par quartes justes les cordes mi, si, fa [x], ut [x], sol [x], ré [x], la [x], mi [x], si [x], on trouvera qu'il s'en faut beaucoup que ce si [x] ne fasse l'octave juste du premier UT, et qu'il est plus haut que cette octave (t); cependant [-42-] ce si [x] sur le clavecin ne doit point être différent de l'octave au-dessus de UT; car tous les si [x] et les UT sont la même [-43-] chose, puisque l'octave ou la gamme n'y est formée que de douze demi-tons.

66. De-là il s'ensuit nécessairement: premier. qu'il est impossible que toutes les octaves et toutes les quintes soient justes à-la-fois, principalement dans les instrumens à touche, où l'on ne connoît point d'intervalles plus petits que le demi-ton: second. qu'il faut par conséquent, si on accorde les quintes justes, altérer les octaves; or la ressemblance qu'il y a entre un son et son octave, ne nous permet pas une telle altération: cette ressemblance fait que l'octave sert de bornes aux intervalles, et que tout ce qui est contenu par de-là la gamme ordinaire, n'est que la réplique, c'est-à-dire la répétition de tout ce qui a précedé. C'est pourquoi, si on se permettoit une fois d'altérer l'octave, il n'y auroit plus de point fixe dans l'harmonie ni dans la mélodie. Il faut donc de nécessité absolue accorder le dernier ut ou si [x] à l'octave juste du premier; d'où il s'ensuit que dans la progression des quintes, ou, ce qui est la même chose, dans la suite alternative des quintes et des quartes UT, SOL, ré, LA, mi, si, fa [x], ut [x], sol [x], ré [x], la [x], mi [x], si [x], il est nécessaire que toutes les quintes soient altérées, ou du moins quelques-unes. Or n'y ayant point de [-44-] raison pour altérer l'une préférablement à l'autre, il s'ensuit que nous devons les altérer toutes également. Par ce moyen l'altération se trouvant également répanduë sur toutes les quintes, sera presque imperceptible pour chacune, et ainsi la quinte qui est après l'octave, la plus parfaite de toutes les consonances, et que nous sommes forcés d'altérer, ne le sera que le moins qu'il est possible.

67. Il est vrai que les tierces seront un peu dures, mais la tierce étant un intervalle moins consonant que la quinte, il est nécessaire, dit Monsieur Rameau, d'en sacrifier la justesse à celle de la quinte; car plus un intervalle est consonant, plus l'altération en déplaît à l'oreille: la moindre altération dans l'octave est insupportable.

68. Cette altération des intervalles dans les instrumens à touche, et même dans les instrumens sans touche, est ce qu'on appelle tempérament.

69. Il résulte donc de tout ce que nous venons de dire, que la théorie du tempérament se réduit à cette question.

Etant donnée la suite alternative des quintes et des quartes UT, SOL, ré, LA, mi, si, fa [x], ut [x], sol [x], ré [x], la [x], mi [x], si [x], dans laquelle si [x] ou ut, n'est [-45-] pas l'octave juste du premier UT, on propose d'altérer également toutes les quintes de maniere que les deux ut soient parfaitement à l'octave l'un de l'autre.

70. Pour résoudre cette question, on commencera par mettre les deux ut parfaitement à l'octave l'un de l'autre, ensuite de quoi on rendra le plus égaux qu'il sera possible tous les demi-tons dont l'octave est composée. Par-là (u) toutes les quintes seront chacune très-peu [-46-] altérées, et le seront toutes également.

71. Voilà en quoi consiste la théorie du tempérament: mais comme il seroit difficile dans la pratique d'accorder un clavecin ou une orgue, en rendant ainsi tous les demi-tons égaux, Monsieur Rameau, dans sa Génération harmonique, nous a donné le moyen suivant pour altérer toutes les quintes le plus également qu'il est possible.

72. Prenez telle touche du clavecin qu'il [-47-] vous plaira vers le milieu du clavier, par exemple UT; accordez-en la quinte SOL d'abord fort juste, puis diminuez-la imperceptiblement; accordez ensuite la quinte juste de cette quinte ainsi diminuée, puis diminuez imperceptiblement cette seconde quinte, et procedez ainsi d'une quinte à l'autre en montant; et comme l'oreille n'apprétie pas si exactement les sons trop aigus, il faut, quand vos quintes commenceront à devenir trop aigues, accorder juste l'octave au-dessous de la derniere quinte que vous venez d'accorder, puis vous continuerez toûjours de même; et vous arriverez enfin à une derniere quinte mi [x], si [x], qui doit se trouver d'accord d'elle-même, c'est-à-dire, qui doit être telle que si [x] le plus aigu des deux sons qui la forment, soit le son même UT, par lequel vous avez commencé, ou du moins l'octave parfaitement juste de ce son; il faudra donc essayer si cet UT ou son octave fait une quinte juste avec le dernier son mi [x] ou fa que l'on a accordé. Si cela est, on peut être assuré que le clavecin est bien d'accord: mais si cette derniere quinte n'est pas juste, en ce cas, ou elle sera trop forte, et c'est une marque que l'on a trop diminué les autres quintes, ou du moins quelques-unes; ou la quinte sera trop [-48-] foible, et c'est une marque qu'on ne les a pas assez diminuées. Il faudra donc revenir sur ses pas jusqu'à ce que la derniere quinte soit d'accord d'elle-même (x).

[-49-] Par cette pratique tous les douze sons qui composent une des gammes seront accordés; il n'y aura plus qu'à accorder parfaitement justes leurs octaves dans les autres gammes, et le clavecin sera bien d'accord.

Nous avons donné cette regle pour le tempérament, d'après Monsieur Rameau, et c'est aux Artistes desintéressés à en juger. Quoi qu'il en soit, et quelque espece de tempérament qu'on adopte, les altérations qu'il causera dans l'harmonie ne seront que peu ou point sensibles à l'oreille, qui uniquement [-50-] occupée de la basse fondamentale et de s'accorder avec elle, tolere sans peine ces altérations, ou plûtôt n'y fait aucune attention, parce qu'elle supplée d'elle-même à ce qui manque aux intervalles pour être justes.

Deux expériences simples et journalieres fortifient ce que nous avançons. Ecoutez une voix qui chante accompagnée de différens instrumens; quoique le tempérament de la voix, et celui de chacun de ces instrumens different tous entr'eux, cependant vous ne serez nullement affecté de l'espece de cacophonie qui devroit en résulter, parce que l'oreille suppose justes des intervalles dont elle n'apprétie point la différence.

Autre expérience. Enfoncez les trois touches de l'orgue, mi, sol, si, vous n'entendrez que l'accord parfait mineur, quoique mi, par la construction de cet instrument, fasse toûjours resonner sol [x]; que sol fasse resonner ré; et si, fa [x]; de sorte que l'oreille est affectée à-la-fois de tous ces sons, ré, mi, fa [x], sol, sol [x], si: que de dissonnances à-la-fois, et quel desagrément en résulteroit-il pour l'oreille, si l'accord parfait dont elle est préoccupée, ne servoit pas à l'en distraire?

[-51-] Chapitre VIII.

Des repos ou cadences.

73. DAns une basse fondamentale qui marche par quintes, il y a toûjours, ou il peut y avoir toûjours repos d'un son à l'autre: mais le repos est plus ou moins marqué, et par conséquent plus ou moins parfait. Si on monte de quinte, si on va, par exemple d'ut à sol, c'est le générateur qui passe à l'une de ses quintes, et cette quinte préexistoit déjà dans le générateur: mais le générateur n'existe plus dans cette quinte; et l'oreille, pour qui ce générateur est le principe de toute l'harmonie et de toute la mélodie, desire d'y revenir. Ainsi le passage d'un son à sa quinte en montant, est appellé repos imparfait ou cadence imparfaite: mais le passage d'un son à sa quinte en descendant, comme de sol à ut, est appellé cadence parfaite ou repos absolu; c'est le produit qui retourne au générateur, et qui se retrouve dans ce générateur même avec lequel il resonne (Chapitre I).

74. Parmi les repos absolus, il y en a, pour ainsi dire, de plus absolus, c'est-à-dire [-52-] de plus parfaits les uns que les autres. Ainsi dans la basse fondamentale

ut, sol, ut, fa, ut, sol, ré, sol, ut,

qui donne, comme nous avons vû, l'échelle diatonique des Modernes, il y a repos absolu de ré à sol, comme de sol à ut; cependant ce dernier repos absolu est plus parfait que le précédent, parce que l'oreille préoccupée du mode d'ut par l'impression multipliée du son ut qu'elle a déjà entendu trois fois auparavant, desire de revenir à ce générateur ut; et c'est ce qu'elle fait par le repos absolu sol ut.

75. Au reste, il ne faut pas confondre ce qu'on appelle vulgairement cadence dans la mélodie avec ce que nous venons de nommer cadence dans l'harmonie.

Dans le premier cas, ce mot ne signifie qu'un tremblement de la voix; dans le second, il signifie un repos. Il est vrai cependant que les tremblemens dans la voix indiquent ou du moins annoncent assez souvent un repos ou actuel ou prochain dans la basse fondamentale.

76. Puisqu'il y a repos d'un son à l'autre dans la basse fondamentale, il y aussi repos d'un son à l'autre dans l'échelle diatonique qui en est tirée, et qui représente cette basse, [-53-] et comme le repos absolu sol ut, terminé par le générateur ut, est le plus parfait de tous dans la basse fondamentale, le repos de si à ut, qui lui répond dans la gamme, et qui est aussi terminé par le générateur, est par cette raison le plus parfait de tous dans l'ordre diatonique en montant.

77. C'est donc une loi dictée par la nature même, que quand on veut monter diatoniquement au générateur d'un mode, on ne le peut que par le moyen de la tierce majeure de la quinte de ce générateur. Cette tierce majeure qui forme avec le générateur un demi-ton, a été par cette raison appellée note sensible, comme annonçant le générateur, et préparant le plus parfait de tous les repos.

Nous avons déjà prouvé que la basse fondamentale est le principe de la mélodie. Nous ferons encore voir dans la suite, que l'effet du repos dans la mélodie vient uniquement de la basse fondamentale.

[-54-] Chapitre IX.

Du mode mineur.

78. IL a été prouvé (Chapitre II.) que la nature donne immédiatement le mode majeur par la resonnance du corps sonore, et qu'elle indique le mode mineur par le frémissement de la douziéme et de la dix-septiéme majeure au dessous du son principal. Nous avons vû de plus que cette douziéme et cette dix-septiéme, en fremissant, se divisent, l'une en trois, l'autre en cinq parties égales; de sorte que si la corde CF (Voyez C [ALEMEL 02GF] et l'article 23 ci-dessus) venoit à resonner dans son état de frémissement, les trois parties CKD, DHE, EGF, donneroient chacune le même son, comme si ces trois parties étoient trois cordes différentes fixes en C, D, E, F. Or l'on sçait par l'expérience, que le son rendu par une corde CD, fixe en C et en D, et qui seroit le tiers de la corde CF, seroit la douziéme au-dessus du son rendu par la corde totale CF. Donc, puisque le son rendu par la corde totale CF, est, par l'hypothese, la douziéme au-dessous du son principal, il s'ensuit que le son rendu par chacune [-55-] des trois parties de cette corde CD, seroit le son principal lui-même. Donc, puisque la corde CF se divise en frémissant dans les trois parties CD, DE, EF, il s'ensuit que si cette corde venoit à resonner, elle ne rendroit que l'unisson du son principal. Il en est de même de la dix-septiéme LM (voyez C [ALEMEL 02GF].)

79. Donc la nature, en nous indiquant le mode mineur par le frémissement de cette douziéme et de cette dix-septiéme, nous ramene en même tems, autant qu'il est possible, au son principal ut, pour former le genre ou mode mineur; puisque si cette douziéme et cette dix-septiéme resonnoient en frémissant, elles ne rendroient que le son principal ut.

80. A la vérité le son principal ne pourra l'être dans le nouveau mode, puisque ut ne fait resonner que la tierce majeure mi, et non la mineure mi [rob]: mais au défaut de cette place, il occupera celle qui est ici en quelque maniere la principale, en ce quelle constitue le nouveau genre, et en fait la différence d'avec le majeur. Le son ut deviendra donc la tierce mineure du son fondamental, lequel sera par conséquent la. De plus la tierce majeure mi du son ut deviendra la quinte du son fondamental; et c'est la quinte, comme nous l'avons vû, qui donne la loi dans [-56-] l'harmonie, et dans la mélodie; ainsi le principe ut a toute la part qu'il peut avoir à la formation du nouveau genre.

81. On voit de plus combien il y a de liaison entre le genre mineur la ut mi, et le genre majeur ut mi sol, puisque ces genres ont deux sons communs ut, mi.

La même chose s'observe dans les adjoints de ces deux modes, c'est-à-dire (Article 40) dans les modes de leurs quintes en montant, et en descendant; car les adjoints d'ut, sçavoir fa et sol, donnent les deux genres ou modes majeurs fa la ut, et sol si ré, et les adjoints de la, sçavoir ré et mi, donnent les deux modes mineurs ré fa la, et mi sol si, qui ont chacun deux sons communs avec les deux précédens.

82. Ainsi le seul mode majeur d'ut en produit cinq autres qui lui sont plus ou moins relatifs.

On voit de plus, que quand on passe d'un mode à un autre par l'intervalle de tierce, soit en montant, soit en descendant, comme d'ut à mi, ou d'ut à la; de mi à ut, ou de la à ut, le mode, de majeur devient mineur, ou mineur devient majeur.

83. On pourroit nous faire ici deux objections auxquelles il est bon de répondre, quoique la solution s'en déduise assez facilement de nos principes.

[-57-] Premiere Objection. Nous venons de faire voir que par la génération du mode mineur, les sons ut et la pouvoient se succéder dans une basse fondamentale; cependant nous avons dit plus haut que les deux accords parfaits ut mi sol ut, ré fa [x] la ré, ne peuvent se succéder, parce que la du second accord ne peut succéder à ut: comment accorder tout cela? En voici le dénouement.

Dans la succession des deux accords parfaits ut mi sol ut, ré fa [x] la ré, la étant nécessairement quinte de ré, forme avec ut, comme nous l'avons vû, une tierce mineure fort altérée, qui fait que l'oreille se prête avec peine à cette succession, sur laquelle rien ne peut la distraire. Au contraire dans la succession des accords ut mi sol ut, la ut mi la, les sons ut et mi joints avec le son la font prendre ce la pour la tierce mineure juste d'ut; de sorte que l'oreille satisfaite et trompée tout-à-la-fois par les sons ut et mi communs aux deux accords, supplée, pour ainsi dire, d'elle-même à ce qui manque au son la pour qu'il soit la tierce mineure d'ut parfaitement juste.

Seconde Objection. Nous avons observé, Chapitre premier, que ut mi sol donnant le mode majeur, fa la [rob] ut donnoit le mode mineur; cependant le mode mineur fa la [rob] [-58-] ut, n'est nullement analogue au mode majeur d'ut; et d'ailleurs, il paroît que nous abandonnons ensuite nous-mêmes ce mode fa la [rob] ut, pour y substituer celui de la, la ut mi, que la nature ne donne pas.

Voici la réponse à ces deux observations. Premier. Le mode mineur de fa n'est pas si étranger qu'il le paroît au mode majeur d'ut. Il est très-possible de faire suivre immédiatement, et agréablement pour l'oreille, deux airs dont l'un appartienne au mode majeur d'ut, l'autre au mode mineur de fa. Monsieur Rameau l'a exécuté dans la belle Sarabande de Pigmalion, et le Rigaudon précédent. Second. La nature ne fait que nous indiquer le mode mineur par le frémissement des cordes fa et la [rob], ou plûtôt de leurs octaves: mais par la maniere dont ces cordes frémissent, elle nous ramene, autant qu'il est possible, au son ut, comme nous l'avons déjà observé; de sorte qu'elle nous force, pour ainsi dire, à donner à ut dans le nouveau mode, la place de tierce mineure, qui est la principal de toutes celles qu'il y peut occuper.

84. Dans tout mode majeur ou mineur, le son principal portant l'accord parfait majeur ou mineur, est appellé tonique; ainsi ut est tonique dans le mode d'ut, la dans celui de la, et cetera.

[-59-] Chapitre X.

De l'échelle diatonique du mode mineur.

85. NOus avons fait voir comment les trois sons fa, ut, sol, donnent l'échelle si, ut, ré, mi, fa, sol, la, du mode majeur, [Voyez D [ALEMEL 02GF] in marg.] par le moyen de la basse fondamentale sol, ut, sol, ut, fa, ut, fa: prenons de même les trois sons ré, la, mi, qui constituent le mode de la, et formons-en cette basse fondamentale toute semblable à la précédente; [Voyez G [ALEMEL 02GF] in marg.] mi, la, mi, la, ré, la, ré: mettons ensuite au-dessus de chacun de ces sons un de leurs sons harmoniques, comme nous avons fait (Chapitre V.) pour la premiere échelle du mode majeur, avec cette différence que nous ferons porter la tierce mineure aux sons ré et la de la basse fondamentale pour caractériser le mode mineur; et nous aurons l'échelle diatonique du mode mineur,

sol [x], la, si, ut, ré, mi, fa.

Le sol [x] qui répond au mi de la basse fondamentale fait avec ce mi une tierce majeure, quoique le mode soit mineur, par la raison que la tierce de la quinte du son fondamentale [-60-] doit être majeure (Article 77.) dès que cette tierce monte au son fondamental la.

86. On remarque cette premiere différence entre l'échelle

sol [x], la, si, ut, ré, mi, fa,

et l'échelle qui lui répond dans le mode majeur,

si, ut, ré, mi, fa, sol, la,

que du mi au fa, qui sont les deux derniers sons de la premiere échelle, il n'y a qu'un demi-ton; au lieu que du sol au la, qui sont les deux derniers sons de la seconde, il y a un ton entier: mais ce n'est pas la seule différence qui se trouve entre les échelles des deux modes.

87. Pour développer ces différences, et en faire sentir la raison, nous commencerons par former une nouvelle échelle diatonique du mode mineur, semblable à la seconde échelle du mode majeur,

ut, ré, mi, fa, sol, sol, la, si, ut. [Voyez E [ALEMEL 02GF]. in marg.]

Cette derniere échelle, comme nous l'avons vû, a été formée par le moyen de la basse fondamentale fa ut sol ré, disposée en cette sorte,

ut, sol, ut, fa, ut, sol, ré, sol, ut.

[-61-] Prenons de même la basse fondamentale ré la mi si, et disposons-la de la maniere suivante,

la, mi, la, ré, la, mi, si, mi, la, [Voyez H [ALEMEL 02GF]. in marg.]

elle nous donnera l'échelle que voici:

la, si, ut, ré, mi, mi, fa [x], sol [x], la,

dans laquelle ut fait une tierce mineure avec la, qui lui répond dans la basse fondamentale; ce qui désigne le mode mineur: et au-contraire sol [x] fait une tierce majeure avec mi de la basse fondamentale, parce que sol [x] monte au la (Article 77.).

88. On voit de plus dans cette échelle un fa [x], qui ne se trouve point dans la premiere,

sol [x], la, si, ut, ré, mi, fa,

où le fa est naturel. C'est que dans la premiere échelle fa est tierce mineure du ré de la basse, et que dans la seconde, fa [x] est quinte du si de la basse.

89. Ainsi les deux échelles du mode mineur sont encore à cet égard bien plus différentes entr'elles que les deux échelles du mode majeur; car on ne remarque point cette différence d'un demi-ton entre les deux échelles du mode majeur. Nous avons seulement [-62-] observé (Article 63.) quelque différence entre la valeur du la dans les deux échelles, mais elle est bien au-dessous d'un demi-ton.

90. De-là on voit pourquoi le fa et le sol sont diézes en montant dans le mode mineur; aussi le fa n'est-il naturel dans la premiere échelle sol [x], la, si, ut, ré, mi, fa, que parce que ce fa ne sçauroit monter au sol [x] (Article 48).

91. Il n'en n'est pas de même en descendant; car la quinte mi du générateur ne doit porter la tierce majeure sol [x], que dans le cas où cette quinte mi descend au générateur la pour former un repos parfait (Article 77), et en ce cas la tierce majeure sol [x] monte au générateur la. Mais la basse fondamentale la mi, peut donner en descendant, l'échelle la sol naturel, pourvû que sol ne remonte point au la. De même la basse ré la, donne fa mi en descendant.

92. On voit par-là pourquoi le sol et le fa peuvent être naturels et non diézes en descendant dans le mode mineur.

93. Au reste, dans l'échelle diatonique du mode mineur en descendant la, sol, fa, mi, ré, ut, si, la, on peut regarder sol comme une note de passage ajoûtée simplement pour le goût du chant, et pour descendre diatoniquement au fa naturel: on le voit aisément [-63-] par cette basse fondamentale,

la, ré, la, ré, la, mi, la,

qui donne

la, fa, mi, ré, ut, si, la,

qu'on peut regarder comme la véritable échelle du mode mineur en descendant, dans laquelle on ajoûte sol naturel entre la et fa, pour conserver l'ordre diatonique.

Chapitre XI.

De la dissonance.

94. ON a déjà observé que le mode d'ut (fa, ut, sol) a deux sons communs avec le mode de sol (ut, sol, ré), et deux sons communs avec le mode de fa (si [rob], fa, ut); par conséquent cette marche de basse ut sol, peut appartenir au mode d'ut, ou au mode de sol, comme la marche de basse fa ut ou ut fa peut appartenir au mode d'ut, ou au mode de fa. Donc, quand on passe d'ut à fa ou à sol dans une basse fondamentale, on ignore encore jusque-là dans quel mode on est. Il seroit pourtant avantageux de le scavoir, et de pouvoir par quelque [-64-] moyen distinguer le générateur de ses quintes.

95. On parviendra à cet avantage en joignant ensemble les sons sol et fa dans une même harmonie, c'est-à-dire en joignant à l'harmonie sol, si, ré de la quinte sol, l'autre quinte fa en cette maniere, sol, si, ré, fa; ce fa ajoûté étant la septiéme de sol, fait dissonance avec sol (Article 18.): c'est pour cette raison que l'accord sol, si, ré, fa, est appellé accord dissonant, ou accord de septiéme. Il sert à distinguer la quinte sol du générateur ut, qui porte toûjours sans mélange, et sans altération, l'accord parfait ut, mi, sol, ut donné par la nature même (Article 32.). Par-là on voit que quand on passe d'ut à sol, on passe en même tems d'ut à fa, parce que fa se trouve compris dans l'accord de sol, et le mode d'ut se trouve par ce moyen entierement déterminé, parce qu'il n'y a que ce mode auquel les sons fa et sol appartiennent à-la-fois.

96. Voyons maintenant ce que nous ajoûterons à l'harmonie fa, la, ut de la quinte fa au-dessous du générateur, pour distinguer cette harmonie de celle du générateur. Il semble d'abord que l'on doive y ajoûter l'autre quinte sol, afin que le générateur ut, en passant à fa, passe en même-tems à sol, et [-65-] que le mode soit déterminé par-là: mais cette introduction de sol, dans l'accord fa la ut, donneroit deux secondes de suite, fa sol, sol la, c'est-à-dire deux dissonances dont l'un on seroit trop desagréable à l'oreille; inconvénient qu'il faut éviter. Car si pour distinguer le mode, nous altérons l'harmonie de cette quinte fa dans la basse fondamentale, il faut ne l'altérer que le moins qu'il est possible.

97. C'est pourquoi au lieu de sol, nous prendrons sa quinte ré, qui est le son qui en approche le plus, et nous aurons pour la quinte fa, l'accord fa la ut ré, qu'on appelle accord de grande sixte.

On peut remarquer ici l'analogie qui s'observe entre l'harmonie de la quinte sol, et celle de la quinte fa.

98. La quinte sol en montant au-dessus du générateur a un accord tout composé de tierces en montant depuis sol, sol, si, ré, fa; or la quinte fa étant au-dessous du générateur ut en descendant, on trouvera en descendant d'ut vers fa par tierces, ut, la, fa, ré, qui contient les mêmes sons que l'accord fa, la, ut, ré, donné à la quinte fa.

99. On voit de plus, que l'altération de l'harmonie des deux quintes ne consiste que dans la tierce mineure ré fa, ajoûtée de part et d'autre à l'harmonie de ces deux quintes.

[-66-] Chapitre XII.

Du double emploi de la dissonance.

100. IL est évident par la ressemblance des sons avec leurs octaves, que l'accord fa, la, ut, ré est au fond le même que l'accord ré, fa, la, ut, et que cet accord ré, fa, la, ut, n'est lui-même, pris à rebours, que l'accord renversé ut, la, fa, ré, qui a été trouvé (Article 98.) en descendant par tierces depuis le générateur ut.

101. L'accord ré, fa, la, ut est un accord de septiéme semblable à l'accord sol, si, ré, fa; avec cette seule différence que dans celui-ci la tierce sol si est majeure, au lieu que dans le second la tierce ré fa est mineure. Si le fa étoit diéze, l'accord ré, fa [x], la, ut, seroit un vrai accord de dominante semblable à l'accord sol, si, ré, fa; et comme la dominante sol peut descendre à ut dans la basse fondamentale, la dominante ré portant la tierce majeure fa [x], pourroit de même descendre à sol.

102. Or je dis que si on change le fa [x] en fa naturel, la note fondamentale ré de cet accord ré, fa, la, ut pourra toûjours descendre [-67-] à sol; car le changement du fa [x] en fa naturel, ne fera que conserver l'impression du mode d'ut au lieu de celle du mode de sol, que le fa [x] y auroit introduite; du reste, le son ré conservera toûjours son caractere de dominante au moyen de la dissonance ut, qui en fait la septiéme. Ainsi dans cet accord, ré, fa, la, ut, ré peut être regardé comme une dominante imparfaite; je dis imparfaite, parce qu'elle porte la tierce mineure fa, au lieu de la majeure fa [x]; c'est pour cela que dans la suite je l'appellerai simplement dominante pour la distinguer de la dominante sol, qui sera nommée dominante tonique.

103. Ainsi les sons fa et sol, qui ne peuvent se succéder dans une basse diatonique, lorsqu'ils ne portent que les accords parfaits fa la ut, sol si ré, peuvent se succéder, si on joint ré à l'harmonie du premier, et fa à l'harmonie du second, et qu'on renverse le premier accord, c'est-à-dire, si on donne aux deux accords cette forme, ré fa la ut, sol si ré fa.

104. De plus, l'accord fa, la, ut, ré pouvant succéder à l'accord parfait ut, mi, sol, ut, il s'ensuit par les mêmes raisons que l'accord ut, mi, sol, ut pourra être suivi de ré, fa, la, ut; ce qui n'est point contraire à ce que nous avons dit ci-dessus (Article 37.), [-68-] que les sons ut et ré ne peuvent se succéder diatoniquement dans la basse fondamentale; car dans l'endroit cité, nous supposions que ut et ré portassent l'un et l'autre l'accord parfait majeur, au lieu que dans le cas présent, ré porte la tierce mineure fa, et de plus le son ut, par lequel l'accord ré, fa, la, ut est lié avec celui qui le précede, ut, mi, sol, ut, et dans lequel ut se trouve. D'ailleurs cet accord ré, fa, la, ut, n'est proprement que l'accord fa, la, ut, ré renversé, et, pour ainsi dire, déguisé.

105. Cette maniere de présenter l'accord de la sous-dominante sous deux formes différentes, et de l'employer sous ces deux différentes formes, a été nommée par Monsieur Rameau, double emploi; c'est la source d'une des plus belles variétés de l'harmonie; et nous verrons dans le Chapitre suivant, les avantages qui en résultent.

Au reste, le double emploi étant une espece de licence, ne doit être employé qu'avec une sorte de précaution: nous venons de voir que l'accord ré, fa, la, ut, considéré comme renversé de fa, la, ut, ré, peut succéder à ut, mi, sol, ut, mais cela n'est pas réciproque; et quoique l'accord fa, la, ut, ré puisse être suivi de ut, mi, sol, ut, on n'est pas en droit d'en conclure que l'accord [-69-] ré, fa, la, ut, considéré comme renversé de fa, la, ut, ré, puisse être suivi de l'accord ut, mi, sol, ut. On en dira la raison au Chapitre XVI.

Chapitre XIII.

Usages et regles du double emploi.

106. NOus avons fait voir (Chapitre VI.) comment l'échelle diatonique, ou gamme ordinaire, se forme de la basse fondamentale fa, ut, sol, ré, en répétant deux fois le son sol dans cette gamme; de sorte que cette gamme est primitivement et originairement composée de deux tétracordes semblables, l'un dans le mode d'ut, l'autre dans celui de sol. Or on peut, au moyen du double emploi, conserver l'impression du mode d'ut dans toute l'étendue de la gamme, et se dispenser de répéter deux fois le son sol, ou même de sous-entendre cette répétition. Il ne faut pour cela que former la basse fondamentale suivante (Voyez I [ALEMEL 02GF].)

ut, sol, ut, fa, ut, ré, sol, ut,

dans laquelle ut est censé porter l'accord parfait ut mi sol ut; sol, l'accord sol si ré fa; fa, [-70-] l'accord fa la ut ré; et ré, l'accord ré fa la ut. Il est clair par ce qui a été dit dans le Chapitre précédent, que ut peut dans ce cas monter à ré dans la basse fondamentale, et ré descendre à sol, et que l'impression du mode d'ut est conservée par le fa naturel qui forme la tierce mineure ré fa, au lieu de la majeure, que ré devroit naturellement porter.

107. Cette basse fondamentale donnera, comme il est évident, l'échelle diatonique ordinaire,

ut, ré, mi, fa, sol, la, si, UT,

qui sera par conséquent dans le seul mode d'ut, et si on vouloit que le second tétracorde fût dans le mode de sol, il faudroit substituer le fa [x] au fa naturel, dans l'harmonie de ré.

108. Ainsi le générateur ut peut être suivi à volonté en montant diatoniquement d'une dominante tonique (ré, fa [x], la, ut), ou d'une simple dominante (ré, fa, la, ut).

109. Dans le mode mineur de la, la dominante tonique mi doit toûjours porter la tierce majeure mi sol [x], lorsque cette dominante mi descend au générateur la (Article 77); et l'accord de cette dominante sera mi sol [x] si ré, en tout semblable à sol si ré fa: à l'égard de la sous-dominante ré, elle portera [-71-] d'abord la tierce mineure fa, pour désigner le mode mineur, et on ajoûtera si au-dessus de son accord ré fa la, en cette sorte ré fa la si: accord semblable à l'accord fa la ut ré; et comme on a tiré de l'accord fa la ut ré, l'accord ré fa la ut, on tirera de même de l'accord ré fa la si, un nouvel accord de septiéme, si ré fa la, qui sera le double emploi dans le mode mineur.

110. On peut employer cet accord si ré fa la, pour conserver l'impression du mode de la dans l'échelle diatonique du mode mineur, et pour se dispenser de répeter deux fois le son mi: mais, en ce cas, il faudra rendre le fa diéze, et changer cet accord en si ré fa [x] la, parce que la quinte de si est fa [x], comme on a vû plus haut; cet accord est alors renversé de ré fa [x] la si, où la sous-dominante ré porte la tierce majeure, ce qui ne doit point surprendre. Car dans le mode mineur de la, le second tétracorde mi fa [x] sol [x] la [x], est précisément le même qu'il seroit dans le mode majeur de la; or, dans le mode majeur de la, la sous-dominante ré doit porter le tierce majeure fa [x].

111. De-là on voit que le mode mineur est susceptible d'un plus grand nombre de variétés que le mode majeur; aussi ce dernier mode est-il l'ouvrage de la nature seule, au lieu [-72-] que le mineur est en partie l'ouvrage de l'art. Mais en récompense le mode majeur a reçu de la nature, dont il est immédiatement formé, une force et une vigueur que le mineur n'a pas.

Chapitre XIV.

Des différentes sortes d'accords de septiéme.

112. LA dissonance ajoûtée à l'accord de la dominante et de la sous-dominante, quoiqu'indiquée en quelque maniere par la nature (Chapitre II.), est cependant un ouvrage de l'art: mais comme elle produit de grandes beautés dans l'harmonie par la variété qu'elle y introduit, voyons si en conséquence de ce premier pas, l'art ne pourroit pas encore aller plus loin.

113. Nous avons déjà trois différentes especes d'accords de septiéme, sçavoir:

Premier. L'accord sol si ré fa, composé d'une tierce majeure suivie de deux tierces mineures.

Second. L'accord ré fa la ut, ou si ré fa [x] la, composé d'une tierce majeure entre deux mineures.

Troisiéme. L'accord si ré fa la, composé de deux [-73-] tierces mineures suivies d'une majeure.

114. Il y a encore deux especes d'accords de septiéme qu'on employe dans l'harmonie; l'un est composé d'une tierce mineure entre deux majeures, ut mi sol si, ou fa la ut mi; l'autre est tout composé de tierces mineures sol [x] si ré fa. Ces deux accords, qui d'abord ne paroissent point devoir entrer dans l'harmonie, si on s'en tient aux regles précédentes, sont néanmoins souvent pratiqués avec succès dans la basse fondamentale. En voici la raison.

115. Suivant ce qui a été dit ci-dessus, si on veut ajoûter une septiéme à l'accord ut mi sol, pour faire de ut une dominante, on ne peut y ajoûter que si [rob], et en ce cas ut mi sol si [rob], seroit l'accord de dominante tonique dans le mode da fa, comme sol si ré fa est accord de dominante tonique dans le mode d'ut: mais si on veut conserver l'impression du mode d'ut dans l'harmonie, alors on change ce si [rob] en si naturel, et l'accord ut mi sol si [rob] devient ut mi sol si. Il en est de même de l'accord fa la ut mi, qui n'est autre chose que l'accord fa la ut mi [rob], dans lequel on substitue au mi [rob], le mi naturel pour conserver l'impression du mode d'ut, ou du mode de fa.

116. A l'égard de l'accord de septiéme sol [-74-] [x] si ré fa, tout composé de tierces mineures, on peut le regarder comme formé de la réunion des deux accords de la dominante et de la sous-dominante dans le mode mineur. En effet, dans le mode mineur de la, par exemple, ces deux accords sont mi sol [x] si ré, et ré fa la si, dont la réunion donne mi, sol [x], si, ré, fa, la: or, si on laissoit subsister ainsi cet accord, il seroit desagréable à l'oreille, à cause des dissonances multipliés ré mi, mi fa, la sol [x], la si, ré sol [x] (Article 18.); de sorte que pour éviter cet inconvénient, on retranche d'abord le générateur la, qui (Chapitre I.) est comme sous-entendu dans ré, et la quinte ou dominante mi, dont la note sensible sol [x], est censée tenir la place; ainsi il ne reste plus que l'accord sol [x] si ré fa tout composé de tierces mineures, et dans lequel la dominante mi est regardée comme sous-entendue: de maniere que cet accord sol [x] si ré fa, représente l'accord de dominante tonique mi sol [x] si ré, auquel on a joint l'accord de sous-dominante ré fa la si, mais dans lequel la dominante mi est toûjours censée la note principale.

117. Donc, puisque de l'accord mi sol [x] si ré, on passe à accord parfait la ut mi la, et réciproquement; on peut de même passer [-75-] de l'accord sol [x] si ré fa, à l'accord la ut mi la, et passer de ce dernier accord à l'accord sol [x] si ré fa: cette remarque nous sera fort utile dans la suite.

Chapitre XV.

De la préparation des dissonances.

118. DAns tout accord de septiéme, la note supérieure, c'est-à-dire la septiéme au-dessus de la fondamentale, s'appelle dissonance; ainsi fa est la dissonance dans l'accord sol si ré fa, ut dans l'accord ré fa la ut, et cetera.

119. Quand l'accord sol si ré fa suit l'accord ut mi sol ut, comme cela peut arriver, et arrive souvent en effet, il est clair que la dissonance fa ne se trouve point dans l'accord précédent ut mi sol ut; et en effet, elle ne doit point s'y trouver; car cette dissonance n'est autre chose que la sous-dominante ajoûtée à l'harmonie de la dominante pour déterminer le mode: or, la sous-dominante ne se trouve point dans l'harmonie du générateur.

120. Par la même raison, quand l'accord de sous-dominante fa la ut ré suit l'accord ut mi sol ut, la note ré, qui forme dissonance [-76-] avec ut, ne se trouve point dans l'accord précédent.

Il n'en est pas de même quand l'accord ré fa la ut suit l'accord ut mi sol ut; car ut, qui fait dissonance dans le second accord, se trouve comme consonance dans le précédent.

121. En général la dissonance étant un ouvrage de l'art (Chapitre XI.), sur-tout dans les accords qui ne sont point de dominante tonique, ou de sous-dominante, le seul moyen d'empêcher qu'elle ne déplaise en paroissant trop etrangere à l'accord, c'est qu'elle soit, pour ainsi dire, annoncée à l'oreille en se trouvant dans l'accord précédent, et qu'elle serve par-là à lier les deux accords: d'où suit la regle que voici:

122. Dans tout accord de septiéme, qui n'est point accord de dominante tonique, c'est-à-dire (Article 102.) qui n'est point composé d'une tierce majeure suivie de deux tierces mineures, la dissonance qui forme cet accord doit se trouver comme consonance dans l'accord qui précede.

C'est ce que l'on appelle dissonance préparée.

123. De-là il s'ensuit que pour préparer la dissonance, il faut nécessairement que la basse fondamentale monte de seconde comme

[-77-] ut mi sol ut, ré fa la ut,

ou descende de tierce comme

ut mi sol ut, la ut mi sol,

ou descende de quinte comme

ut mi sol ut, fa la ut mi:

dans tout autre cas la dissonance ne sera point préparée. C'est dequoi on peut s'assurer facilement. Si, par exemple, la basse fondamentale monte de tierce, comme ut mi sol ut, mi sol si ré, la dissonance ré ne se trouve point dans l'accord ut mi sol ut. Il en est de même de ut mi sol ut, sol si ré fa, et de ut mi sol ut, si ré fa la, dans lesquels la basse fondamentale monte de quinte, ou descend de seconde.

124. Au reste, lorsqu'une tonique, c'est-à-dire une note qui porte l'accord parfait, est suivie d'une dominante par l'intervalle de quinte ou de tierce, on peut regarder cette marche comme une marche de cette même tonique à une autre tonique, que l'on a rendu dominante en y ajoûtant la dissonance.

De plus, nous avons vû (Articles 119 et 120.) que la dissonance n'a pas besoin d'être préparée dans les accords de dominante tonique, et de sous-dominante; d'où il s'ensuit [-78-] que toute tonique portant l'accord parfait majeur, peut être changée en dominante tonique, ou en sous-dominante, en y ajoûtant tout d'un coup la dissonance.

Chapitre XVI.

De la regle de sauver les dissonances.

125. NOus avons vû (Chapitres V. et VI.) comment l'échelle diatonique, si naturelle à la voix, se forme par les harmoniques des sons fondamentaux; d'où il s'ensuit que la succession la plus naturelle des sons harmoniques est d'être diatonique: donc pour faire en quelque sorte de la dissonance un son harmonique le plus qu'il est possible, il faut que cette dissonance, dans la partie de chant où elle se trouve, descende ou monte diatoniquement sur une autre note, qui soit l'une des consonances de l'accord suivant.

126. Or elle doit plûtôt descendre que monter: en voici la raison. Prenons, par exemple, l'accord sol si ré fa suivi de l'accord ut mi sol ut; la partie qui a fait la dissonance fa doit descendre au mi plûtôt que monter au sol, quoique l'un et l'autre de ces sons mi et sol se trouvent dans l'accord suivant [-79-] ut mi sol ut; parce qu'il est plus naturel que le sol se trouve dans la même partie qui a déjà dit sol, pendant que l'autre disoit fa, comme onle voit ici (premiere et quatriéme parties).

Premiere partie,    fa mi,
Deuxieme,           si ut,
Troisiéme,          ré ut,
Quatriéme,          sol sol,

Basse fondamentale, sol ut.

127. Par la même raison, dans l'accord ré fa la ut, suivi de sol si ré fa, la dissonance ut doit descendre à si plûtôt que de monter à ré.

128. Enfin, on prouvera par les mêmes raisons, que dans l'accord de sous-dominante fa la ut ré, la dissonance ré doit monter au mi de l'accord suivant ut mi sol ut, plûtôt que de descendre à ut; d'où suivent ces regles.

129. Premier. Dans tout accord de dominante, soit tonique, soit simple, la note qui fait la septiéme, c'est-à-dire la dissonance, doit descendre diatoniquement sur une des notes qui font consonance dans l'accord suivant.

Second. Dans tout accord de sous-dominante, [-80-] la dissonance doit monter diatoniquement sur la tierce de l'accord suivant.

130. Une dissonance qui descend ou qui monte diatoniquement suivant ces deux regles, s'appelle dissonance sauvée.

Il résulte de cette regle, que l'accord de septiéme ré fa la ut, quand même on le regarderoit comme renversé de fa la ut ré, ne peut être suivi de l'accord ut mi sol ut, puisqu'il n'y a point dans ce dernier accord de si sur lequel puisse descendre la dissonance ut de l'accord ré fa la ut.

On peut d'ailleurs trouver une autre raison de cette regle en examinant la nature du double emploi. En effet, pour passer de ré fa la ut à ut mi sol ut, il faudroit que ré fa la ut pût en ce cas être censé renversé de fa la ut ré. Or l'accord ré fa la ut, ne peut être censé renversé de fa la ut ré, que lorsque cet accord ré fa la ut précede ou suit immédiatement l'accord ut mi sol ut; dans tout autre cas l'accord ré fa la ut est un accord primitif formé de l'accord parfait mineur ré fa la, auquel on a ajoûté la dissonance ut, pour ôter à ré le caractere de tonique; ainsi l'accord ré fa la ut ne pourroit être suivi de l'accord ut mi sol ut, qu'après avoir été précédé de ce même accord. Or, en ce cas, le double emploi seroit une chose tout-à-fait futile, et [-81-] qui ne produiroit rien, puisqu'au lieu de cette suite d'accords, ut mi sol ut, ré fa la ut, ut mi sol ut, il seroit beaucoup plus simple de substituer celle-ci que fournit la progression naturelle; ut mi sol ut, fa la ut ré, ut mi sol ut. L'usage du double emploi est de pouvoir, au moyen du renversement de l'accord de sous-dominante, passer de cet accord ainsi renversé, à un autre accord que l'accord de tonique, auquel il conduit naturellement.

Chapitre XVII.

De la cadence rompuë ou interrompuë.

131. DAns une basse fondamentale par quintes, il y a toûjours, comme on l'a déjà observé (Chapitre VIII.), un repos plus ou moins parfait d'un son à l'autre; et par conséquent il y a aussi repos plus ou moins parfait d'un son à l'autre dans l'échelle diatonique qui résulte de cette basse. On peut démontrer par une expérience fort simple, que la cause du repos dans la mélodie est uniquement dans la basse fondamentale exprimée ou sous-entendue. Qu'une personne chante ces trois notes ut ré ut, en faisant sur le ré un tremblement appellé communément [-82-] cadence, le chant lui paroîtra fini après le second ut, de maniere que l'oreille n'y desirera point de suite. Il en sera de même si on accompagne ce chant de sa basse fondamentale naturelle ut sol ut; mais si au lieu de cette basse on lui donne celle-ci, ut sol la, alors le chant ut ré ut ne paroîtra plus fini, et l'oreille lui desirera une suite. C'est une expérience aisée à faire.

132. Ce passage sol la, où la dominante sol monte diatoniquement sur le la, au lieu de descendre de quinte sur le générateur ut, comme elle le devroit naturellement, s'appelle cadence rompuë, parce que la cadence parfaite sol ut, à laquelle l'oreille s'attend après la dominante sol, est pour ainsi dire, rompuë et arrêtée par le passage de sol à la.

133. De-là il s'ensuit que si le chant ut ré ut paroît fini quand on ne lui suppose aucune basse, c'est qu'on sous-entend sa basse fondamentale naturelle ut sol ut, puisque l'oreille desire une suite à ce chant, dès qu'elle est forcée d'entendre une autre basse.

134. La cadence rompuë peut, ce me semble, être regardée comme ayant son origine dans le double emploi, puisqu'elle ne consiste, comme le double emploi, que dans une marche diatonique de la basse en montant (Chapitre XII.). En effet, rien n'empêche de [-83-] descendre de l'accord sol si ré fa à l'accord ut mi sol la, en rendant la tonique ut sous-dominante, c'est-à-dire, en passant tout d'un coup du mode d'ut dans le mode de sol; or descendre de sol si ré fa à ut mi sol la, c'est la même chose que de monter de l'accord sol si ré fa à l'accord la ut mi sol, en changeant l'accord de sous-dominante ut mi sol la, en accord de dominante imparfaite, suivant les loix du double emploi.

135. Dans cette sorte de cadence, la dissonance du premier accord se sauve en descendant diatoniquement sur la quinte de l'accord suivant. Par exemple, dans la cadence rompuë sol si ré fa, la ut mi sol, la dissonance fa se sauve en descendant diatoniquement sur la quinte mi.

136. Il est encore une autre espece de cadence appellée cadence interrompuë, ou la dominante descend de tierce sur une autre dominante, au lieu de descendre de quinte sur la tonique, comme dans cette marche de basse sol si ré fa, mi sol si ré; dans le cas de la cadence interrompuë, la dissonance du premier accord se sauve en descendant diatoniquement sur l'octave de la note fondamentale de l'accord suivant, comme on voit ici, où fa se sauve sur l'octave de mi.

137. La cadence interrompuë a aussi, ce [-84-] me semble, en quelque maniere son origine dans le double emploi; car supposons ces deux accords consécutifs sol si ré fa, sol si ré mi, où sol est successivement dominante tonique, et sous dominante, c'est-à-dire où l'on passe du mode d'ut au mode de ré; si on change le second de ces accords en accord de dominante suivant les loix du double emploi, on aura la cadence interrompue sol si ré fa, mi sol si ré.

Chapitre XVIII.

Du genre chromatique.

138. LA succession ou basse fondamentale par quintes donne le genre diatonique ordinaire (Chapitre VI.): or la tierce majeure étant une des harmoniques du son fondamental aussi-bien que la quinte, il s'ensuit que nous pouvons former des basses fondamentales par tierces majeures, comme nous avons formé des basses fondamentales par quintes.

[Voyez K [ALEMEL 02GF]. in marg.] 139. Si donc nous formons cette basse ut, mi, sol [x], les deux premiers sons portant chacun leurs tierces majeures et leurs quintes, il est évident que ut donnera sol, et que [-85-] mi donnera sol [x]: or le demi-ton qui se trouve entre ce sol et ce sol [x] est beaucoup plus petit que le demi-ton qui se trouve dans l'échelle diatonique entre mi et fa, ou entre si et ut: on peut s'en assurer par le calcul (y); c'est pour cela que le demi-ton du mi au fa est appellé majeur, et l'autre mineur (z).

140. Si la basse fondamentale procédoit par tierces mineures, en cette sorte, ut mi [rob], [-86-] succession qui est permise dès qu'on a reconnu l'origine du mode mineur (Chapitre IX.), on trouveroit ce chant sol, sol [rob], qui donneroit encore un demi-ton mineur (aa).

141. Le demi-ton mineur s'entonne avec beaucoup moins de facilité que le demi-ton majeur: nos principes en donnent la raison. Le demi-ton majeur, qui se trouve dans l'échelle diatonique, comme mi fa, vient d'une basse fondamentale par quintes ut fa, c'est-à-dire de la succession la plus naturelle, et par cette raison la plus agréable à l'oreille. Au contraire, le demi-ton mineur vient de la succession fondamentale par tierces, moins naturelle que la premiere; aussi pour entonner juste le demi-ton mineur, on employe presque toujours l'artifice suivant. Supposons, par exemple, qu'on veuille monter du sol au sol [x], on monte d'abord du sol au la, puis on descend du la au sol [x] par l'intervalle d'un demi-ton majeur; car ce sol dieze, qui est un demi-ton majeur au-dessous de la, se trouve un demi-ton mineur au-dessus de sol (Voyez les notes (y) et (z)).

142. Toute progression de la basse fondamentale [-87-] par tierces, soit majeures, soit mineures, en montant ou en descendant, donne le demi-ton mineur: nous l'avons déjà vû de la progression des tierces en montant. La progression de tierces mineures en descendant, ut, la, donne ut, ut [x] (bb), et la progression de tierces majeures en descendant, ut, la [rob], donne ut, ut [rob] (cc).

143. Le demi-ton mineur constitue le genre appellé chromatique; et avec le genre diatonique, donné par la succession des quintes (Chapitres V et VI.), il renferme toute la mélodie.

Chapitre XIX.

Du genre enharmonique.

144. LEs deux extrêmes ut sol [x] [Voyez L [ALEMEL 02GF]. in marg.] de la basse fondamentale par tierces majeures, ut mi sol [x], donnent ce chant ut si [x], et ces deux sons ut si [x] different entr'eux d'un petit intervalle appellé quart de [-88-] ton enharmonique (dd), qui est la différence du demi-ton majeur au demi-ton mineur (ee); [-89-] ce quart de ton est inapprétiable à l'oreille, et n'a point lieu dans nos instrumens. On trouve cependant moyen de le pratiquer de la maniere suivante, ou plûtôt d'en suppléer l'effet à l'oreille.

145. Nous avons expliqué (Article 116.) de quelle maniere on introduit dans le mode mineur l'accord sol [x] si ré fa, tout composé de tierces mineures parfaitement justes, ou du moins supposées telles. Cet accord tenant lieu de l'accord de la dominante (Article 116.) on peut passer de cet accord à celui de la tonique ou génératrice la (Article 117.): mais il faut remarquer,

Premier. Que cet accord sol [x] si ré fa, tout composé de tierces mineures, peut se renverser des trois manieres suivantes, si ré fa sol [x], ré fa sol [x] si, fa sol [x] si ré, et que dans ces trois différens états, il demeurera toujours composé de tierces mineures, ou du moins, il ne s'en faudra que d'un quart de ton enharmonique que la tierce mineure entre fa et sol [x] ne soit juste; car la tierce mineure juste, comme celle de mi à sol dans l'échelle diatonique, est composée d'un demi-ton majeur et d'un ton majeur: or, de fa à sol il y a un ton majeur, et de sol à sol [x], il n'y a qu'un demi-ton [-90-] mineur. Donc (Article 144.) il s'en faut un quart de ton enharmonique, que la tierce mineure fa sol [x] ne soit juste.

Second. Mais comme ce quart de ton est inconnu sur nos instrumens, et inapprétiable à l'oreille, l'oreille prend les trois différens accords,

si  ré       fa       sol [x],
ré  fa       sol [x]  si,
fa  sol [x]  si       ré,

qui ne sont que le même, pour des accords composés chacun de tierces mineures justes.

Or l'accord sol [x] si ré fa, appartenant au mode mineur de la, où sol [x] est la note sensible; l'accord si ré fa sol [x], ou si ré fa la [rob], appartiendra par la même raison au mode mineur d'ut, où si est la note sensible. De même l'accord ré fa sol [x] si, appartiendra au mode mineur de mi [rob], et l'accord fa sol [x] si ré, au mode mineur de sol [rob].

Donc après avoir passé par le mode de la à l'accord sol [x] si ré fa (Article 117.), on peut, au moyen de ce dernier accord, et en se contentant simplement de le renverser, passer ensuite tout d'un coup aux modes d'ut mineur, ou de mi [rob] mineur, ou de sol [rob] mineur, c'est-à-dire dans des modes qui n'ont rien ou presque rien de commun [-91-] avec le mode mineur de la, et qui lui sont totalement étrangers.

146. Il faut avoüer pourtant qu'un passage si brusque, et si peu attendu, ne donne pas le change à l'oreille; elle en est frappée sans pouvoir s'en rendre raison; et cette raison a son principe dans le quart de ton, que l'on néglige comme nul parce qu'il est inapprétiable à l'oreille et dont néanmoins elle ne laisse pas de sentir toute la dureté: mais le moment de la surprise passe bien-tôt, et cette surprise se tourne en admiration de se voir comme transporté tout d'un coup, et presque sans s'en être apperçu, d'un mode dans un autre qui ne lui est nullement relatif, et dans lequel on n'auroit jamais pû passer immédiatement par les successions fondamentales ordinaires.

Chapitre XX.

Du genre diatonique enharmonique.

147. SI on forme une basse fondamentale qui monte alternativement de quinte et de tierce, comme fa ut mi si, cette basse donnera le chant fa mi mi ré [x], dans lequel les demi-tons de fa à mi, [Voyez M [ALEMEL 02GF]. in marg.] et de mi à [-92-] ré [x], sont égaux (ff) et majeurs.

Ce genre de chant, dans lequel tous les demi-tons sont majeurs, s'appelle diatonique enharmonique, parce que deux demi-tons majeurs de suite forment un ton trop grand d'un quart de ton enharmonique.

Chapitre XXI.

Du genre chromatique enharmonique.

148. SI on passe alternativement d'une tierce mineure en descendant à une majeure en montant, [Voyez N [ALEMEL 02GF]. in marg.] comme ut, ut, la, ut [x], ut [x], on formera ce chant mi [rob], mi, mi, mi, mi [x], dans lequel tous les demi-tons sont mineurs (gg).

[-93-] Ce genre est appellé chromatique enharmonique, parce que deux demi-tons mineurs de suite forment un ton trop foible d'un quart de ton enharmonique.

149. Ces nouveaux genres confirment ce que nous avons dit jusqu'ici, que tout l'effet de l'harmonie, et de la mélodie, réside dans la basse fondamentale.

150. Le genre diatonique est le plus agréable, parce que la basse fondamentale qui le produit est formée de la seule progression des quintes, qui est la plus naturelle de toutes.

151. Le chromatique formé par la progression des tierces est le plus naturel après le précédent.

152. Enfin, l'enharmonique est le moins agréable de tous, parce que la basse fondamentale qui le donne, n'est point immédiatement indiquée par la nature. Le quart de ton qui constitue ce genre, et qui est par lui-même inapprétiable à l'oreille, ne produit et ne peut produire d'effet qu'autant qu'on y sous-entend la basse fondamentale qui la donne, basse dont la progression n'est nullement naturelle, puisqu'elle est formée [-94-] de deux sons qui ne sont pas voisins l'un de l'autre dans la progression des tierces (Article 144.).

Chapitre XXII.

Que la mélodie naît de l'harmonie.

153. TOut ce que nous avons dit jusqu'ici est, ce me semble, plus que suffisant pour nous convaincre que la mélodie a son principe dans l'harmonie, et que c'est dans l'harmonie exprimée ou sous-entendue, qu'on doit chercher les effets de la mélodie.

154. Si on en doutoit encore, il ne faudroit que faire attention à l'expérience premiere (Article 20.), où l'on voit que le son principal est toujours le plus grave, et que les sons aigus qu'il engendre sont par rapport à lui ce que le dessus d'un chant est par rapport à sa basse.

155. De plus, nous avons prouvé à l'occasion de la cadence rompue, que la différence des basses produit des effets tout différens dans un chant qui d'ailleurs reste le même.

156. En desire-t-on d'autres preuves? Il [-95-] n'y a qu'à examiner les différentes basses qu'on peut donner à ce chant très-simple, sol ut, on en trouvera un très-grand nombre, et chacune de ces différentes basses donnera un caractere différent au chant sol ut, quoique ce chant demeure toujours le même; de maniere qu'on change toute la nature et tout l'effet d'un chant, en se contentant de changer sa basse fondamentale.

Monsieur Rameau a fait voir dans son nouveau systême de Musique, page 44, Paris 1726, que ce chant sol ut, peut avoir vingt basses fondamentales différentes. Or une même basse fondamentale, comme on le verra dans la seconde Partie, fournit plusieurs basses continues. Que de moyens par conséquent de varier l'expression du même chant!

Remarque Générale.

L'échelle diatonique ou gamme étant composée de douze demi-tons, il est visible que chacun de ces demi-tons en particulier peut être le générateur d'un mode, et qu'ainsi il y a vingt-quatre modes en tout, douze majeurs et douze mineurs. Nous avons pris le mode majeur d'ut pour représenter en général tous les modes majeurs, et le mode mineur de la pour représenter les mineurs, afin d'éviter l'embarras des diézes et des bémols [-96-] qui se rencontrent en nombre plus ou moins grand dans les autres modes: mais les regles que nous avons données pour chaque mode sont générales, quelque son de la gamme que l'on prenne pour le générateur d'un mode.

[-97-] LIVRE SECOND

Qui contient les principales regles de la composition.

157. LA composition, que l'on appelle aussi contrepoint, est non-seulement l'art de composer un chant agréable, mais encore de composer plusieurs chants de maniere qu'étant entendus ensemble ils produisent un effet agréable à l'oreille; c'est ce que l'on appelle faire de la Musique à plusieurs parties.

158. La plus aigue de ces parties s'appelle premier dessus, ou simplement dessus; la plus grave s'appelle basse; les autres parties, quand il y en a, s'appellent parties du milieu, et se désignent par différens noms.

Chapitre premier.

Des différens noms que l'on donne à un même intervalle.

159. NOus avons exposé (Article 9.) dans l'introduction qui est à la tête de cet ouvrage, les noms les plus connus que l'on [-98-] donne aux différens intervalles: mais il y a certains intervalles qui reçoivent différens noms suivant les circonstances; ce qu'il est bon d'expliquer.

160. Un intervalle composé d'un ton et demi, qui s'appelle ordinairement tierce mineure, se nomme aussi quelquefois seconde superflue; tel est l'intervalle de ut à ré [x], ou celui de la à sol [rob].

Cet intervalle est ainsi nommé, parce que l'un des sons qui le forme est toujours diéze ou bémol, et que si on ôtoit ce diéze ou ce bémol, l'intervalle deviendroit de seconde.

161. Un intervalle composé de deux tons et de deux demi-tons, comme celui de si à fa, s'appelle fausse quinte. Cet intervalle est évidemment le même que le triton (Article 9.), puisque deux tons et deux demi-tons sont la même chose que trois tons. Il y a cependant des raisons de les distinguer, comme on le verra plus bas.

162. Comme on a nommé seconde superflue l'intervalle d'ut à ré [x], on nomme de même quinte superflue l'intervalle d'ut à sol [x], ou de si à mi [rob], intervalle composé de quatre tons. Cet intervalle est au fond le même que celui de sixte mineure (Article 9.): mais dans la quinte superflue, il y a toujours un son qui est diéze ou bémol, de maniere [-99-] que si on retranchoit le diéze ou le bémol, l'intervalle deviendroit une quinte juste.

163. Par la même raison un intervalle composé de trois tons et trois demi-tons, comme celui de sol [x] à fa, s'appelle septiéme diminuée; parce que si on ôtoit le diéze du sol, l'intervalle sol fa deviendroit intervalle de septiéme ordinaire. L'intervalle de septiéme diminuée est d'ailleurs le même que celui de sixte majeure (Article 9.).

164. La septiéme majeure s'appelle aussi quelquefois septiéme superflue (hh).

Chapitre II.

Comparaison des différens intervalles.

165. SI on entonne ut si en descendant de seconde, et ensuite ut si en montant de septiéme, ces deux si seront à l'octave l'un de l'autre, ou, comme on s'exprime ordinairement, seront la réplique l'un de l'autre.

166. Donc à cause de la ressemblance d'un [-100-] son avec son octave (Article 24.), il s'ensuit que monter de septiéme, ou descendre de seconde, c'est la même chose.

167. De même, il est évident que la sixte n'est que la réplique de la tierce, et la quarte que la réplique de la quinte.

168. Donc les expressions suivantes sont synonymes, ou doivent être regardées comme synonymes.

Monter                Descendre
          de seconde.           de septiéme.
Descendre             Monter
---
Monter                Descendre
          de tierce.            de sixte.
Descendre             Monter
---
Monter                Descendre
          de quarte.            de quinte.
Descendre             Monter
---

169. Ainsi nous employerons indifféremment les unes au lieu des autres; de sorte que quand nous dirons, par exemple, monter de tierce, on pourra dire également descendre de sixte, et cetera.

[-101-] Chapitre III.

Des différentes clefs, de la valeur des notes, de la mesure, et de la syncope.

170. IL y a trois clefs dans la Musique: la clef de fa

[D'Alembert, Elémens de Musique, 101,1; text: ou] [ALEMEL 01GF];

la clef d'ut

[D'Alembert, Elémens de Musique, 101,2] [ALEMEL 01GF],

et la clef de sol

[D'Alembert, Elémens de Musique, 101,3] [ALEMEL 01GF].

[Voyez O [ALEMEL 03GF]. in marg.] La clef de fa se pose sur la quatriéme ligne ou sur la troisiéme, et la ligne sur laquelle est cette clef donne le nom de fa à toutes les notes qui sont sur cette ligne.

[Voyez P [ALEMEL 03GF]. in marg.] La clef d'ut se pose ou sur la quatriéme, ou sur la troisiéme, ou sur la seconde, ou sur la premiere ligne; et dans ces différens cas, toutes les notes qui sont sur la ligne où est la clef, portent le nom d'ut.

[Voyez Q [ALEMEL 03GF]. in marg.] Enfin, la clef de sol se met sur la seconde ou sur la premiere ligne; et toutes les notes qui sont sur la ligne où est la clef, portent le nom de sol.

171. Comme les notes se mettent sur les lignes, et dans l'intervalle des lignes, on [-102-] peut facilement, quand on voit la clef, sçavoir le nom d'une note quelconque; ainsi on voit que dans la premiere clef de fa, la note qui traverse la plus basse ligne doit être un sol; [Voyez O [ALEMEL 03GF]. in marg.] que celle qui occupe l'intervalle entre les deux premieres lignes est un la; que celle qui traverse la seconde ligne est un si, et cetera. (ii)

[-103-] 172. Une note devant laquelle il y a un diéze [x], doit être haussée d'un demi-ton; et si au contraire il y a un [rob] devant, elle doit être baissée d'un demi-ton, [rob] étant la marque du bémol.

Le bécare [sqb] sert à remettre dans sa valeur naturelle une note qui a été haussée ou baissée d'un demi-ton.

173. Quand on met à la clef un diéze ou un bémol, toutes les notes qui sont sur la ligne où est ce diéze ou ce bémol, sont diézes ou bémols: [Voyez R [ALEMEL 03GF]. in marg.] ainsi prenons la clef d'ut sur la premiere ligne, et mettons un diéze dans l'intervalle entre la seconde et la troisiéme ligne, qui est la place du fa; toutes les notes qui seront dans cet intervalle seront fa [x]; et si on veut les remettre dans leur valeur de fa naturel, il faut mettre au-devant un [sqb] ou un [rob]. [Voyez S [ALEMEL 03GF]. in marg.]

De même si un bémol est à la clef, et qu'on veuille remettre la note dans son état [-104-] naturel, on met au-devant un [sqb] ou un [x] (Voyez X [ALEMEL 03GF].)

174. Toute piece de Musique se partage en différens tems égaux, que l'on nomme mesures, et chaque mesure se divise aussi en différens tems.

Il y a proprement deux sortes de mesures: la mesure à deux tems, que l'on désigne par un 2 placé au commencement de l'air (Voyez T [ALEMEL 03GF]); et la mesure à trois tems, que l'on distingue par un 3 placé de même (Voyez V [ALEMEL 03GF]).

Les différentes mesures sont distinguées par des lignes perpendiculaires.

On distingue dans une mesure un tems fort et un tems foible; le tems fort est celui du frappé, le foible celui du levé; de sorte que dans une mesure à trois tems, il y a deux tems foibles. Une mesure à quatre tems doit être regardée comme composée de deux mesures à deux tems chacune; ainsi il y a dans cette mesure deux tems forts et deux foibles. En général, par les mots de fort et de foible, on distingue les parties même de chaque tems; ainsi la premiere note de chaque tems est censée sur la partie forte, et les autres sur la partie foible.

[Voyez Y [ALEMEL 03GF]. in marg.] 175. La plus longue de toutes les notes est la ronde. La blanche vaut la moitié d'une [-105-] ronde, c'est-à-dire qu'on ne met à chanter deux blanches, que le même tems qu'on met à chanter une seule ronde. La blanche vaut de même deux noires, la noire deux croches, et cetera.

176. Une note qui est coupée en deux par un tems, c'est-à-dire, qui commence à la fin d'un tems, et qui finit dans le tems suivant, est appellée note syncopée (Voyez Z [ALEMEL 03GF], où ut, si et la sont chacune syncopées). (ll)

177. Une note suivie d'un point est augmentée de la moitié de sa valeur. Par exemple, dans la cinquiéme mesure de l'exemple Y [ALEMEL 03GF], le si suivi d'un point a la valeur d'une blanche et d'une noire ensemble.

[-106-] Chapitre IV.

Définition des principaux accords.

178. L'Accord composé de tierce, quinte et octave, comme ut mi sol ut, s'appelle accord parfait (Article 32.).

Si la tierce est majeure, comme dans ut mi sol ut, l'accord parfait se nomme majeur: si la tierce est mineure, comme dans la ut mi la, l'accord parfait est mineur. L'accord parfait majeur constitue ce qu'on appelle le mode majeur, et l'accord parfait mineur, ce qu'on appelle le mode mineur (Article 30.).

179. Un accord composé de tierce, quinte et septiéme, comme sol si ré fa, ou ré fa la ut, et cetera s'appelle accord de septiéme. Il est visible qu'un tel accord est tout composé de tierces en montant.

Tous les accords de septiéme se pratiquent dans l'harmonie, excepté celui qui porteroit la tierce mineure et la septiéme majeure, comme ut mi [rob] sol si; celui qui porteroit la fausse quinte et la septiéme majeures, comme si ré fa la [x]; et celui qui porteroit la tierce majeure et la fausse quinte, comme si ré [x] fa, et cetera (Chapitre XIV. premiere Partie).

[-107-] 180. Comme les tierces sont majeures ou mineures, et qu'elles peuvent être arrangées différemment, il est visible qu'il y a différentes sortes d'accords de septiéme; il y en a même un, si ré fa la, qui est composé de tierce, fausse quinte et septiéme.

181. Un accord composé de tierce, quinte et sixte, comme fa la ut ré, ré fa la si, se nomme accord de grande sixte.

182. Toute note qui porte l'accord parfait se nomme tonique, et l'accord parfait se marque par un 8 que l'on écrit au-dessus de la note; mais le plus souvent on supprime ce 8: ainsi dans l'exemple I [ALEMEL 03GF], les deux ut portent également l'accord parfait.

183. Toute note qui porte accord de septiéme se nomme dominante (Article 102.), et cet accord se marque par un 7 écrit au-dessus de la note; ainsi dans l'exemple II [ALEMEL 03GF], ré porte l'accord ré fa la ut, et sol, l'accord sol si ré fa.

Il faut remarquer que parmi les accords de septiéme, nous ne comptons point ici l'accord de septiéme diminuée, qui n'est qu'improprement appellé accord de septiéme: nous en parlerons plus bas.

184. Toute note qui porte l'accord de grande sixte se nomme sous-dominante (97) et se chiffre d'un 6; ainsi dans l'exemple III [ALEMEL 03GF], [-108-] fa porte l'accord fa la ut ré. Remarquez que la sixte doit toujours être majeure (97 et 109.).

185. Dans tout accord, soit parfait, soit de septiéme, soit de grande sixte, la note qui porte cet accord, et qui en est la plus basse ou la plus grave, s'appelle fondamentale; ainsi ut est fondamentale dans l'exemple I [ALEMEL 03GF], ré et sol dans l'exemple II [ALEMEL 03GF], et fa dans l'exemple III [ALEMEL 03GF].

186. Dans tout accord de septiéme et de grande sixte, la note qui fait la septiéme ou la sixte au-dessus de la fondamentale, c'est-à-dire la plus haute note de l'accord, s'appelle dissonance; ainsi dans les accords de septiéme sol si ré fa, ré fa la ut, fa et ut sont la dissonance; sçavoir, fa par rapport à sol dans le premier accord, et ut par rapport à ré dans le second; dans l'accord de grande sixte fa la ut ré, ré est la dissonance (Article 120.): mais ce ré n'est proprement dissonance que par rapport à ut, dont il est la seconde, et non par rapport à fa dont il est la sixte majeure (Articles 18 et 128).

187. Quand un accord de septiéme est composé d'une tierce majeure suivie de deux tierces mineures, la note fondamentale de cet accord se nomme dominante tonique. Dans tout autre accord de septiéme, la fondamentale [-109-] se nomme simple dominante (Article 102.); ainsi dans l'accord sol si ré fa composé d'une tierce majeure sol si, suivie de deux tierces mineures si ré, ré fa, la fondamentale sol est dominante tonique: mais dans les autres accords de septiéme, comme ut mi sol si, ré fa la ut, et cetera les fondamentales ut et ré sont de simples dominantes.

188. Dans tout accord, soit parfait, soit de septiéme, soit de sixte, si on veut que la tierce au-dessus de la note fondamentale soit majeure, quoique cette tierce soit mineure naturellement, on met un diéze au-dessus de la note fondamentale. Par exemple, si je veux désigner l'accord parfait majeur ré fa [x] la ré; comme la tierce fa au-dessus de ré est naturellement mineure, je mets au-dessus du ré un diéze, comme on le voit exemple IV [ALEMEL 03GF]. De même l'accord de septiéme ré fa [x] la ut, et l'accord de grande sixte ré fa [x] la si se désigne par [x] au-dessus du ré, et au-dessus du [x] un 7 ou un 6 (Voyez V. et VI. [ALEMEL 03GF]).

Au contraire, quand la tierce est naturellement majeure, et qu'on veut la rendre mineure, on met au-dessus de la fondamentale un [rob]; ainsi les exemples VII, VIII, IX, [ALEMEL 03GF] indiquent les accords sol si [rob] ré sol, sol si [rob] ré fa, sol si [rob] ré mi (mm).

[-110-] Chapitre V.

De la basse fondamentale.

189. IMaginez un chant à volonté, et qu'il y ait sous ce chant une basse composée de différentes notes dont les unes portent l'accord parfait, d'autres l'accord de [-111-] septiéme, d'autres l'accord de grande sixte; ensorte que la note du chant qui répond à une note de la basse soit une de celles qui entrent dans l'accord de cette note de la basse; cette basse composée suivant les regles que nous allons donner, sera la basse fondamentale du chant proposé (Voyez la premiere Partie.).

Ainsi (exemple XVIII [ALEMEL 03GF].) on trouvera que ce chant ut ré mi fa sol la si ut, a ou peut avoir pour basse fondamentale,

    7        6       7   7
ut  sol  ut  fa  ut  ré  sol  ut.

En effet, la premiere note ut du dessus se trouve dans l'accord de la premiere note ut de la basse, lequel accord est ut mi sol ut; la seconde note ré du dessus se trouve dans l'accord sol si ré fa de la seconde note de la basse, et cetera et la basse n'est composée que de notes qui portent l'accord parfait, ou celui de septiéme, ou celui de grande sixte: de plus elle est formée suivant les regles que nous allons donner.

[-112-] Chapitre VI.

Regles de la basse fondamentale.

190. TOutes les notes de la basse fondamentale ne pouvant porter que l'accord parfait, ou l'accord de septiéme, ou celui de grande sixte, sont ou toniques, ou dominantes, ou sous-dominantes, et les dominantes y peuvent être simples ou toniques.

La basse fondamentale doit toujours commencer par une tonique, autant qu'il est possible: voici maintenant les regles pour tous les accords suivans, regles qui dérivent évidemment des principes posés dans la premiere Partie de cet Ouvrage; il ne faut pour s'en convaincre, que relire les articles 34, 82, 122, 124, 126, 127.

Premiere Regle.

191. Dans tout accord de tonique, ou de dominante tonique, il faut qu'au moins une des notes qui forment l'accord se trouve dans l'accord précédent.

Seconde Regle.

192. Dans tout accord de simple dominante, [-113-] il faut que la note qui fait la septiéme, ou dissonance, se rencontre dans l'accord précédent.

Troisiéme Regle.

193. Dans tout accord de sous-dominante, il faut qu'au moins une des consonances de l'accord se trouve dans l'accord précédent: ainsi dans l'accord de sous-dominante fa la ut ré, il faut que fa, ou la, ou ut, qui sont les consonances de l'accord, se rencontrent dans l'accord précédent; la dissonance ré peut s'y rencontrer ou non.

Quatriéme Regle.

194. Toute dominante simple ou tonique doit descendre de quinte. Dans le premier cas, c'est-à-dire si la dominante est simple, la note qui suit ne peut être que dominante: dans le second elle peut être tout ce qu'on voudra, c'est-à-dire tonique, dominante tonique, dominante simple, ou sous-dominante: mais il faut pourtant que les conditions de la deuxiéme regle soient observées si elle est dominante simple.

Cette derniere restriction est nécessaire, comme on le va voir. Car prenons la succession des deux accords la ut [x] mi sol, ré fa la ut (Voyez l'exemple XIX [ALEMEL 03GF].), [-114-] cette succession n'est pas bonne, quoique la premiere dominante y descende de quinte, parce que l'ut, qui fait dissonance dans le second accord, et qui appartient à une simple dominante, n'est point dans l'accord précédent: mais la succession seroit bonne, si sans toucher au second accord, on ôtoit le diéze porté par l'ut du premier accord, ou si sans toucher au premier accord, ou rendoit diéze l'ut du second accord, ou enfin si on rendoit simplement le ré du second accord dominante tonique en lui faisant porter le fa [x] au lieu du fa naturel (119 et 122.).

C'est aussi par la même seconde regle que l'on doit rejetter la succession de ces deux accords

ré fa la ut, sol si ré fa [x],

(Voyez l'exemple XX [ALEMEL 03GF].).

Cinquiéme Regle.

195. Toute sous-dominante doit monter de quinte, et la note qui la suit peut être à volonté, ou tonique, ou dominante tonique, ou sous dominante.

Remarque.

Des cinq regles fondamentales qui précedent, on peut, au lieu des trois premieres [-115-] substituer les trois suivantes, qui n'en sont que des conséquences, et qu'on peut même passer, si on le juge à propos.

Premiere Regle.

Si une note de la basse fondamentale est tonique, et qu'elle monte de quinte ou de tierce sur une autre note, cette seconde note peut être ou tonique (82 et 34.) Voyez exemple XXI et XXII [ALEMEL 03GF]. (nn) ou dominante tonique (124.), Voyez XXIII et XXIV [ALEMEL 03GF], ou sous-dominante (124.), Voyez XXV et XXVI [ALEMEL 03GF]: ou pour rendre l'énoncé de la regle plus simple, cette seconde note peut être tout ce qu'on voudra, excepté simple dominante.

Seconde Regle.

Si une note de la basse fondamentale est tonique, et qu'elle descende de quinte ou de tierce sur une autre note, cette seconde note [-116-] peut être ou tonique (82 et 34.) Voyez exemple XXVII et XXVIII [ALEMEL 03GF], ou dominante tonique, ou simple dominante, pourvû néanmoins que la regle de l'article 192 soit observée (124.) Voyez XXIX, XXX, XXXI, XXXII [ALEMEL 04GF], ou sous-dominante (124.) Voyez XXXIII et XXXIV [ALEMEL 04GF].

La marche de basse ut mi [rob] sol ut, fa la ut mi, de la tonique ut à la dominante fa (exemple XXXV [ALEMEL 04GF].) est exclue par l'article 192.

Troisiéme Regle.

Si une note de la basse fondamentale est tonique, et qu'elle monte de seconde sur une autre note, cette note doit être dominante tonique, ou simple dominante (101 et 102.) Voyez XXXVI et XXXVII [ALEMEL 04GF] (oo).

Avertissement.

Les exemples XXXVIII, XXXIX, XL, XLI [ALEMEL 04GF], appartiennent à la quatriéme regle ci-dessus, article 194, et les exemples XLII, XLIII, XLIV [ALEMEL 04GF], à la cinquiéme [-117-] regle ci-dessus, article 195 (Voyez les articles 34, 121, 123, 124.)

Remarque Premiere.

196. Le passage d'une dominante tonique à une tonique, s'appelle repos absolu, ou cadence parfaite (73), et le passage d'une sous-dominante à une tonique s'appelle cadence imparfaite, ou irréguliere (73.), ces cadences ou repos se font au moins de quatre en quatre mesures, la tonique tombant alors sur le premier moment de la mesure (Voyez XLV et XLVI [ALEMEL 04GF].).

Remarque Seconde.

197. Il faut éviter, autant que l'on peut, de faire syncoper les notes de la basse fondamentale, afin que dans le premier moment d'une mesure, l'oreille entende une harmonie différente de celle qu'elle a entendue dans le dernier tems de la mesure précédente. Cependant on fait quelquefois syncoper la basse fondamentale, mais c'est une licence (pp).

[-118-] Chapitre VII.

Des regles que le dessus doit observer par rapport à la basse fondamentale.

198. LE dessus n'est autre chose qu'un chant supérieur à la basse fondamentale, et dont les notes se trouvent dans les accords des notes de cette basse qui lui répondent (190.); ainsi dans l'exemple XVIII [ALEMEL 03GF], la gamme ut ré mi fa sol la si ut est un dessus par rapport à la basse fondamentale ut sol ut fa ut ré sol ut.

199. Voici les regles du dessus, précédées des deux remarques suivantes.

Premiere. Il est visible que plusieurs notes du dessus peuvent répondre à une même note de la basse fondamentale, lorsque ces notes appartiennent à l'accord d'une même note [-119-] de la basse fondamentale; par exemple, ce chant ut mi sol mi ut, peut avoir pour basse fondamentale la seule note ut, parce que l'accord de cette note renferme les sons ut, mi, sol, qui se trouvent dans le dessus.

Seconde. De même une seule note dans le dessus peut, par la même raison, répondre à plusieurs notes de la basse; par exemple, sol peut répondre seul aux trois notes de basse ut sol ut (qq).

Premiere Regle du dessus.

200. Si la note qui forme la septiéme dans [-120-] un accord de simple dominante se trouve dans le dessus, il faut que la note qui la précede soit la même; c'est ce qu'on appelle dissonance préparée (122.). Par exemple, supposons que la note de la basse fondamentale soit ré, portant l'accord de simple dominante ré fa la ut, et que cet ut, qui (Article 118.) est la dissonance, se trouve dans le dessus, il faudra que la note qui précede dans le dessus soit encore un ut.

201. Et il est bon d'observer que suivant les regles que nous avons données de la basse fondamentale, ut se trouvera toujours dans l'accord de la note de basse fondamentale qui précede la simple dominante ré. Voyez XLVIII, XLIX, L [ALEMEL 04GF]. Dans le premier de ces trois exemples, la dissonance est ut, dans le second sol, et dans le troisiéme mi (rr).

[-121-] Seconde Regle.

202. Si la note de basse fondamentale est dominante tonique, ou simple dominante, et que la dissonance se trouve dans le dessus, cette dissonance doit descendre diatoniquement dans le même dessus: mais si la note de basse est sous-dominante, et que la dissonance soit dans le dessus, elle doit monter diatoniquement; cette dissonance qui descend ou monte diatoniquement, est ce qu'on appelle dissonance sauvée (129. 130.), Voyez LII, LIII, LIV [ALEMEL 04GF].

203. On peut encore observer ici que suivant les regles que nous avons données de la basse fondamentale, la note sur laquelle la dissonance doit descendre ou monter, se trouvera toujours dans l'accord suivant (ss).

[-122-] Chapitre VIII.

De la basse continue, et de ses regles.

204. LA basse continue n'est autre chose qu'une basse fondamentale dont les accords sont renversés. On renverse un accord quand on change l'ordre des notes qui le composent. Par exemple, si au lieu de l'accord sol si ré fa, je dis si ré fa sol, ou ré fa sol si, et cetera l'accord est renversé. Voyons donc en premier lieu tous les renversemens possibles des accords.

Renversemens de l'accord parfait.

205. L'accord parfait ut mi sol ut peut se renverser de deux manieres.

Premiere. Mi sol ut mi, ce qu'on nomme accord de sixte composé de tierce, quarte, sixte et octave, et en ce cas le mi se chiffre d'un 6 (Voyez LVI [ALEMEL 04GF]).

Seconde. Sol ut mi sol, ce qu'on nomme accord de sixte et quarte, composé de quarte, sixte et octave, et il se chiffre d'un 6/4 (Voyez LVII [ALEMEL 04GF]).

L'accord parfait mineur se renverse de même.

[-123-] Renversemens de l'accord de septiéme.

206. Dans l'accord de dominante tonique, comme sol si ré fa, la tierce majeure si au-dessus de la fondamentale sol est nommée note sensible (77.), et l'accord renversé si ré fa sol, composé de tierce, fausse quinte et sixte, se nomme accord de fausse quinte ou accord sensible, et se chiffre d'un [5/] ou d'un [rob] 5 (Voyez LVIII et LIX [ALEMEL 04GF].).

L'accord ré fa sol si composé de tierce, quarte et sixte, se nomme de petite sixte, et se chiffre d'un [6\] ou d'un [x] 6. Dans cet accord ainsi chiffré, la tierce est mineure, et la sixte est majeure, comme il est aisé de le voir (Voyez LX [ALEMEL 04GF].).

L'accord fa sol si ré composé de seconde, triton et sixte, se nomme de triton, et se chiffre d'un [signum] ou d'un [4/], ou d'un +4, ou d'un [x] 4 (Voyez LXI [ALEMEL 04GF].).

207. Dans l'accord de simple dominante ré fa la ut, on trouve:

Premier. Fa la ut ré, accord de grande sixte, qui est composé de tierce, quinte et sixte, et qui se chiffre d'un 6/5, Voyez LXIII [ALEMEL 04GF]. (tt).

[-124-] Second. La ut ré fa, accord de petite sixte, qui se chiffre d'un 6, Voyez LXIV [ALEMEL 04GF], (uu).

Troisiéme. Ut ré fa la, accord de seconde composé de seconde, quarte et sixte, et qui se chiffre d'un 2 (Voyez LXII [ALEMEL 04GF].).

Renversemens de l'accord de sous-dominante.

208. L'accord de sous-dominante, comme fa la ut ré, peut se renverser de trois façons, mais le renversement le plus en usage est l'accord de petite sixte la ut ré fa, qui se chiffre d'un 6, et l'accord de septiéme ré fa la ut, Voyez LXIV [ALEMEL 04GF], (xx).

[-125-] Regles de la Basse continue.

209. La basse continue est une basse fondamentale dont les accords ne sont renversés que pour la rendre plus chantante; voyez LXV [ALEMEL 04GF], où la basse fondamentale peu chantante et monotone, ut sol ut sol ut sol ut, donne par le renversement de ses accords cette basse continue très-chantante, ut si ut ré mi fa mi, et cetera (yy).

La basse continue n'est donc proprement qu'un dessus par rapport à la basse fondamentale: en voici les regles, qui excepté la premiere, ne sont proprement que celles que nous avons données pour le dessus.

Premiere Regle.

210. Toute note qui porte accord de fausse quinte, et qui par conséquent est note [-126-] sensible, doit (77.) monter diatoniquement sur la note qui la suit: ainsi dans l'exemple LXV [ALEMEL 04GF], la note si portant accord de fausse quinte marqué d'un [5/], monte diatoniquement sur ut.

Seconde Regle.

211. Toute note portant accord de triton doit descendre diatoniquement sur la note suivante; ainsi dans le même exemple LXV [ALEMEL 04GF], fa, qui porte l'accord de triton marqué d'un [4+], descend diatoniquement sur mi (Article 202.).

Troisiéme Regle.

212. L'accord de seconde se pratique ordinairement sur des notes qui syncopent en descendant, parce que ces notes sont des dissonances qui doivent être préparées et sauvées (200 202). Voyez l'exemple LXVI [ALEMEL 04GF], où le second ut qui est syncopé, et qui descend ensuite sur le si, porte accord de seconde (zz).

[-127-] Chapitre IX.

De quelques licences de la basse fondamentale.

Article I.

De quelques routes particulieres de la basse fondamentale.

213. UNe dominante peut quelquefois être suivie d'une autre dominante en descendant diatoniquement: par exemple, [-128-] une dominante comme la, portant l'accord la ut mi sol, peut quelquefois descendre diatoniquement sur la dominante sol portant [-129-] l'accord sol si ré fa; cela vient de ce que l'accord la ut mi sol peut être regardé comme représentant l'accord de sous-dominante ut mi sol la, qui n'en est que le renversement (104.); or (195.) l'accord de sous-dominante ut mi sol la peut être suivi de l'accord sol si ré fa (aaa).

Article II.

De la cadence rompue et interrompue.

214. La cadence rompue s'exécute par le moyen d'une dominante qui monte diatoniquement sur une autre, ou sur une tonique par licence. Voyez dans l'exemple LXXIV [ALEMEL 05GF], sol la (132 et 134).

La cadence interrompue se forme par une dominante qui descend de tierce sur une autre (136). Voyez dans l'exemple LXXV [ALEMEL 05GF], sol mi.

[-130-] On ne doit se permettre ces sortes de cadences que rarement, et avec précaution.

Article III.

De la supposition.

215. Quand une dominante est précédée d'une tonique dans la basse fondamentale, on ajoute quelquefois dans la basse continue à l'accord de cette dominante, une nouvelle note qui est la tierce ou la quinte au-dessous, et l'accord qui en résulte dans cette basse continue s'appelle accord par supposition.

216. Par exemple, supposons que dans la basse fondamentale on ait la dominante sol portant accord de septiéme sol si ré fa: ajoûtons à cet accord la note ut, qui est la quinte au-dessous de cette dominante, et nous aurons l'accord total ut sol si ré fa, ou ut ré fa sol si, qu'on appelle accord par supposition (bbb).

[-131-] Des différentes sortes d'accords par supposition.

216. Il est aisé de voir que l'accord par supposition est de différentes sortes: par exemple l'accord de dominante tonique sol si ré fa donne:

Premier. En ajoûtant la quinte ut, l'accord ut sol si ré fa, ou ut ré fa sol si, appellé accord de septiéme superflue, et composé de seconde, quarte, quinte et septiéme, il se chiffre d'un [x] 7, voyez LXXVI [ALEMEL 05GF] (ccc); cet accord ne se pratique que sur la tonique, on en retranche quelquefois la note sensible pour les raisons que nous dirons dans la note (fff) sur l'article 219, alors il se réduit à ut fa sol ré, et se chiffre 9/4.

[-132-] Second. En ajoûtant la tierce mi, on a l'accord mi sol si ré fa, appellé accord de neuviéme, et composé de tierce, quinte, septiéme et neuviéme, il se chiffre d'un 9; cette tierce peut s'ajoûter à tout accord de dominante. Voyez LXXVII [ALEMEL 05GF] (ddd).

Troisiéme. Si à un accord de simple dominante, comme ré fa la ut, on ajoûte la quinte sol, on aura l'accord sol ré fa la ut, appellé accord de onziéme, et qui se chiffre de 9/4 ou 4/9 (Voyez LXXVIII [ALEMEL 05GF].).

Remarque.

217. Quand la dominante n'est pas une dominante tonique, on retranche souvent quelques notes de l'accord. Par exemple, supposons que l'on ait à la basse fondamentale [-133-] cette simple dominante mi, portant l'accord mi sol si ré; si on ajoûte la tierce ut au-dessous, on aura l'accord de basse continue ut mi sol si ré, mais on supprime la septiéme si, pour les raisons qui seront expliquées dans la note (fff) sur l'article 219; en cet état l'accord est simplement composé de tierce, quinte et neuviéme, et se chiffre d'un 9. Voyez LXXIX [ALEMEL 05GF] (eee).

218. De plus, dans l'accord de simple dominante, comme ré fa la ut, lorsqu'on ajoûte la quinte sol, on retranche souvent les sons fa et la, pour éviter le trop grand nombre de dissonances, ce qui réduit l'accord à sol ut ré. Ce dernier est composé seulement de quarte et de quinte; on le nomme accord de quarte, et on le chiffre d'un 4 (Voyez LXXX [ALEMEL 05GF].).

Quelquefois on ôte la note fa seulement, et alors l'accord doit être chiffré de 7/4 ou 4/7.

219. Plusieurs Musiciens appellent accord [-134-] de onziéme, ce que nous appellons, d'après Monsieur Rameau, accord de quarte; et accord de neuviéme et quatriéme, l'accord de onziéme chiffré d'un 4/7, qu'ils chiffrent de 4/9: mais les dénominations de Monsieur Rameau sont préférables, étant plus simples (fff).

220. Enfin dans le mode mineur, par exemple dans celui de la, où l'accord de dominante tonique (109.) est mi sol [x] si ré; si on ajoûte à cet accord la tierce ut au-dessous, on aura ut mi sol [x] si ré, nommé accord de quinte superflue, et composé de tierce, fausse quinte, septiéme et neuviéme, il se chiffre d'un [x] 5, ou d'un +5, Voyez LXXXI [ALEMEL 05GF] (ggg).

[-135-] Article IV.

De l'accord de septiéme diminuée.

221. Dans le mode mineur, par exemple dans celui de la, mi quinte de la est dominante tonique (109.) et porte l'accord mi sol [x] si ré, où sol [x] est la note sensible. On substitue quelquefois à cet accord celui-ci sol [x] si ré fa (116.), tout composé de tierces mineures, et qui a pour sa note fondamentale la note sensible sol [x]: cet accord se nomme de septiéme diminuée, et se chiffre d'un [7/] dans la basse fondamentale (Voyez [-136-] LXXXII [ALEMEL 05GF].): mais il est toûjours censé représenter l'accord de dominante tonique.

222. Cet accord de la basse fondamentale produit dans la basse continue les accords suivans.

Premier. L'accord si ré fa sol [x] composé de tierce, fausse quinte et sixte majeure; on le nomme accord de fausse quinte, et sixte majeure, et on le chiffre ainsi [x]6/[5/] ou +6/[5/] (Voyez LXXXIII [ALEMEL 05GF].).

Second. L'accord ré fa sol [x] si, composé de tierce, triton et sixte; on le nomme accord de triton et tierce mineure, et on le chiffre ainsi [x]4/[rob] (Voyez LXXXIV [ALEMEL 05GF].).

Troisiéme. L'accord fa sol [x] si ré, composé de seconde superflue, triton et sixte; on le nomme accord de seconde superflue, et on le chiffre ainsi [x] 2 ou +2 (Voyez LXXXV [ALEMEL 05GF]).

223. De plus, puisque l'accord sol [x] si ré fa représente l'accord mi sol [x] si ré, il s'ensuit que si on pratique la supposition sur le premier de ces accords, il faudra la pratiquer comme sur l'accord mi sol [x] si ré; c'est-à-dire qu'il faudra ajoûter à l'accord sol [x] si ré fa, les notes ut ou la, qui sont la tierce ou la quinte au-dessous de mi, ce qui donnera:

[-137-] Premier. En ajoûtant ut, l'accord ut sol [x] si ré fa, ou ut fa sol [x] si ré, composé de quarte, quinte superflue, septiéme et neuviéme; on l'appelle accord de quarte et quinte superflue, et on le chiffre ainsi +5/4 ou [x]5/4. (Voyez LXXXVI [ALEMEL 06GF].)

Second. En ajoûtant la, on aura l'accord la sol [x] si ré fa, ou la si ré fa sol [x], composé de seconde, quarte, sixte et septiéme superflue; on l'appelle accord de septiéme superflue et sixte mineure, et on le chiffre ainsi +7/[rob]6 ou [x]7/6[rob]. Voyez LXXXVII [ALEMEL 06GF] (hhh).

On peut voir dans le Traité de l'Harmonie de Monsieur Rameau, un plus long détail sur les différentes sortes d'accords par supposition: nous ne donnons ici que des Elémens.

[-138-] Chapitre X.

De quelques licences du dessus, et de la basse continue.

224. QUelquefois dans un dessus, la dissonance qui devroit être sauvée en descendant diatoniquement sur la note suivante, monte au contraire diatoniquement au lieu de descendre: mais alors la note sur laquelle elle doit descendre se trouve dans quelques-unes des autres parties. Cette licence doit se pratiquer rarement.

225. Quelquefois aussi, pour rendre une basse continue plus agréable en la faisant proceder diatoniquement, on insere entre deux sons de cette basse une note qui n'appartient point à leur accord. Voyez l'exemple XCIV [ALEMEL 06GF], où la basse fondamentale sol ut donne la basse continue sol la si sol ut, où la est ajoûté pour le chant diatonique; ce la est couvert d'une barre pour indiquer qu'il porte l'accord sol si ré fa, ou si ré fa sol.

De même (Voyez XCV [ALEMEL 06GF].) cette basse fondamentale ut fa, peut donner la basse continue ut ré mi ut fa, où la note ré ajoûtée, porte l'accord parfait ut mi sol ut, auquel on la joint.

[-139-] Chapitre XI.

Où l'on enseigne à trouver la basse fondamentale, quand la basse continue est chiffrée.

226. POur s'exercer plus facilement à trouver la basse fondamentale, et se la rendre plus familiere, il est nécessaire de voir comment les grands Maîtres, sur-tout Monsieur Rameau, en ont pratiqué les regles. Or, comme ils ne mettent jamais dans leurs Ouvrages que la basse continue, il est donc nécessaire de sçavoir retrouver la basse fondamentale quand la basse continue est chiffrée. Ce problême est bien facile à résoudre par les regles suivantes:

227. Premiere. Toute note qui n'a aucun chiffre dans la basse continue, doit être la même et sans chiffre dans la basse fondamentale; et elle est tonique, ou censée telle.

Seconde. Toute note qui porte un 6 dans la basse continue, doit donner à la basse fondamentale sa tierce au-dessous non chiffrée, ou sa quinte au-dessous chiffrée d'un 7. Nous distinguerons plus bas ces deux cas (Voyez LVI et LXIV [ALEMEL 04GF]. et la note iii).

Troisiéme. Toute note portant 6/4 donne à la basse [-140-] fondamentale sa quinte au-dessous non chiffrée (Voyez LVII [ALEMEL 04GF].).

Quatriéme. Toute note chiffrée d'un 7 ou d'un [7/] est la même dans les deux basses, et avec le même chiffre.

Cinquiéme. Toute note chiffrée d'un 2 donne à la basse fondamentale la note diatonique au-dessus chiffrée d'un 7 (Voyez LXII [ALEMEL 04GF].).

Sixiéme. Toute note chiffrée d'un [4+] donne à la basse fondamentale la note diatonique au-dessus, chiffrée d'un 7 (Voyez LXI [ALEMEL 04GF].)

Septiéme. Toute note chiffrée d'un [5/] donne la tierce au-dessous chiffrée d'un 7 (Voyez LVIII [ALEMEL 04GF].).

Huitiéme. Toute note chiffrée d'un [6/] donne la quinte au-dessous chiffrée d'un 7 (Voyez LX [ALEMEL 04GF].); et il est évident, par l'article 212, que dans l'accord de septiéme dont il s'agit, la tierce doit être majeure, et la septiéme mineure, cet accord de septiéme étant un accord de dominante tonique.

Neuviéme. Toute note chiffrée d'un 9 donne la tierce au-dessus chiffrée d'un 7 (Voyez LXXVII [ALEMEL 05GF].).

Dixiéme. Toute note chiffrée d'un 9/4 ou d'un 7/4 donne la quinte au-dessus chiffree d'un 7 (Voyez LXXVIII [ALEMEL 05GF].).

Onziéme. Toute note chiffrée d'un [x] 5 ou d'un [-141-] +5, donne la tierce au-dessus chiffrée d'un 7/[x] (Voyez LXXXI [ALEMEL 05GF].).

Douziéme. Toute note chiffrée d'un [x] 7 donne la quinte au-dessus chiffrée d'un 7 (Voyez LXXVI [ALEMEL 05GF].).

Treiziéme. Toute note chiffrée d'un 4 donne la quinte au-dessus, ou ce qui est la même chose, la quarte au-dessous chiffrée d'un 7 (Voyez LXXX [ALEMEL 05GF].)

Quatorziéme. Toute note chiffrée d'un [x]6/[5/] donne la tierce mineure au-dessous chiffrée d'un [7/] (Voyez LXXXIII [ALEMEL 05GF].).

Quinziéme. Toute note chiffrée d'un [x]4/[rob] donne le triton au-dessus chiffré d'un [7/] (Voyez LXXXIV [ALEMEL 05GF].).

Seiziéme. Toute note chiffrée d'un +2 donne la seconde superflue au-dessus chiffrée d'un [7/] (Voyez LXXXV [ALEMEL 05GF].).

Dix-septiéme. Toute note chiffrée d'un [x]5/4 donne la quinte superflue au-dessus chiffrée d'un [7/] (Voyez LXXXVI [ALEMEL 06GF].).

Dix-huitiéme. Toute note chiffrée d'un [x]7/[rob]6 donne la seconde mineure au-dessous chiffrée d'un [7/], voyez LXXXVII [ALEMEL 06GF] (iii).

[-142-] Remarque.

228. Nous avons omis deux cas qui peuvent causer quelque incertitude.

Le premier est celui où la note de basse continue est chiffrée d'un 6: voici la raison de cette difficulté.

Supposons que l'on ait la dominante 7/ré à la basse fondamentale, la note qui lui répond dans la basse continue pourra être la portant le chiffre 6 (Voyez LXIV [ALEMEL 04GF]), c'est-à-dire [-143-] l'accord la ut ré fa; or si on avoit la sous-dominante 6/fa à la basse fondamentale, cette sous-dominante pourroit donner à la basse continue la même note la chiffrée d'un 6. Donc quand on trouve à la basse continue une note chiffrée d'un 6, il paroît d'abord incertain si l'on doit mettre à la basse fondamentale la quinte au-dessous chiffrée d'un 7, ou la tierce au-dessous chiffrée d'un 6.

229. Le second cas est celui où la basse continue est chiffrée d'un 6/5. Par exemple, si on trouve 6/5/fa à la basse continue, on ne sçait d'abord si l'on doit mettre à la basse fondamentale 6/fa ou 7/ré (Voyez encore la note (iii)).

230. On se tirera aisément de ce petit embarras en laissant pour un moment cette note incerta ne en suspens, et en examinant quelle est la note suivante de la basse fondamentale; car si cette note est dans le cas présent une quinte au-dessus de fa, c'est-à-dire si elle est ut, en ce cas, et en ce seul cas, on mettra 6/fa à la basse fondamentale; c'est une suite de cette regle, que dans la [-144-] basse fondamentale, toute sous-dominante doit monter de quinte (195) (lll).

Chapitre XII.

Ce que c'est qu'être dans un mode ou ton.

231. NOus avons expliqué dans la premiere partie de cet Ouvrage, comment au moyen de la note ut, et de ses deux quintes sol et fa, l'une en montant, qu'on appelle dominante tonique, l'autre en descendant [-145-] qu'on nomme sous-dominante, on trouve l'échelle ut ré mi fa sol la si ut; les différens sons qui forment cette échelle composent ce qu'on appelle le mode majeur d'ut, parce que la tierce mi au-dessus d'ut est majeure: ainsi pour qu'un chant soit dans le mode majeur d'ut, il faut qu'il n'y entre point d'autres sons que ceux qui composent cette échelle; de sorte que si je trouve, par exemple, un fa [x] dans le chant, ce fa [x] me fait voir que je ne suis pas dans le mode d'ut, ou du moins que je n'y suis plus.

232. De même, si je forme cette échelle ou gamme en montant la si ut [x] ré mi fa [x] sol [x] la, parfaitement semblable à la gamme ut ré mi fa sol la si ut du mode majeur d'ut; cette échelle, dans laquelle la tierce de la à ut [x] est majeure, sera dans le mode majeur de la; et si je veux être dans le mode mineur de la, je n'ai qu'à substituer à l'ut diéze l'ut naturel, afin que la tierce majeure la ut [x] devienne mineure la ut, j'aurai

la si ut ré mi fa [x] sol [x] la,

qui est (87.) l'échelle du mode mineur de la en montant; et l'échelle du mode mineur de la en descendant, sera (93.)

la sol fa mi ré ut si la,

[-146-] dans laquelle le sol et le fa ne sont plus diézes; car c'est une singularité propre au mode mineur, que son échelle n'est pas la même en montant qu'en descendant (91.).

233. Voilà pourquoi, lorsqu'on veut commencer une piece dans le mode majeur de la, on met trois diézes à la clef sur fa, ut et sol; et qu'au contraire, dans le mode mineur de la, on ne met rien, parce que le mode mineur de la, en descendant, n'a ni diézes ni bémols.

234. Comme la gamme contient douze sons distans l'un de l'autre d'un demi-ton chacun, il est visible que chacun de ces sons peut fournir un mode majeur et un mode mineur, ce qui fait vingt-quatre modes en tout: nous en allons donner la table, qui peut être fort utile pour reconnoître le mode où l'on est.

Table des différens Modes.

Modes majeurs.

Mode majeure

d'ut      ut ré mi fa sol la si ut.
de sol    sol la si ut ré mi fa [x] sol.
de ré     ré mi fa [x] sol la si ut [x] ré.
de la     la si ut [x] ré mi fa [x] sol [x] la.
de mi     mi fa [x] sol [x] la si ut [x] ré [x] mi.
de si     si ut [x] ré [x] mi fa [x] sol [x] la [x] si.

[-147-]

de fa [x] fa [x] sol [x] la [x] si ut [x] r[x] mi [x] fa [x] (mmm)

de ut [x] ou ré [rob]}

ré [rob] mi [rob] fa sol [rob] la [rob] si [rob] ut ré [rob].

de sol [x] ou la [rob]}

la [rob] si [rob] ut ré [rob] mi [rob] fa sol la [rob].

de ré [x] ou mi [rob]}

mi [rob] fa sol la [rob] si [rob] ut ré mi [rob].

de la [x] ou si [rob]}

si [rob] ut ré mi [rob] fa sol la si [rob].

de mi [x] ou fa}

fa sol la si [rob] ut ré mi fa.

de si [x] ou ut.}

ut ré mi fa sol la si ut.

[-148-] Modes mineurs.

De la.

En descendant. la sol fa mi ré ut si la.

En montant. la si ut ré mi fa [x] sol [x] la.

De mi.

En descendant. mi ré ut si la sol fa [x] mi.

En montant. mi fa [x] sol la si ut [x] ré [x] mi.

De si.

En descendant. si la sol fa [x] mi ré ut [x] si.

En montant. si ut [x] ré mi fa [x] sol [x] la [x] si.

De fa [x].

En descendant. fa [x] mi ré ut [x] si la sol [x] fa [x].

En montant. fa [x] sol [x] la si ut [x] ré [x] mi [x] fa [x].

De ut [x].

En descendant. ut [x] si la sol [x] fa [x] mi ré [x] ut.

En montant. ut [x] ré [x] mi fa [x] sol [x] la [x] si [x] ut [x].

De sol [x] ou la [rob].

En descendant. sol [x] fa [x] mi ré [x] ut [x] si la [x] sol [x].

En montant. la [rob] si [rob] ut [rob] ré [rob] mi [rob] fa sol la [rob].

De ré [x] ou mi [rob].

En descendant. mi [rob] ré [rob] ut [rob] si [rob] la [rob] sol [rob] fa mi [rob].

En montant. mi [rob] fa sol [rob] la [rob] si [rob] ut ré mi [rob].

[-149-] De la [x] ou si [rob].

En descendant. si [rob] la [rob] sol [rob] fa mi [rob] ré [rob] ut si [rob].

En montant. si [rob] ut ré [rob] mi [rob] fa sol la si [rob].

De mi [x] ou fa.

En descendant. fa mi [rob] ré [rob] ut si [rob] la [rob] sol fa.

En montant. fa sol la [rob] si [rob] ut ré mi fa.

De ut.

En descendant. ut si [rob] la [rob] sol fa mi [rob] ré ut.

En montant. ut ré mi [rob] fa sol la si ut.

De sol.

En descendant. sol fa mi [rob] ré ut si [rob] la sol.

En montant. sol la si [rob] ut ré mi fa [x] sol.

De ré.

En descendant. ré ut si [rob] la sol fa mi ré.

En montant. ré mi fa sol la si ut [x] ré.

235. Voilà donc tous les modes, tant majeurs que mineurs: ceux qui sont chargés de diézes ou de bémols sont peu usités, étant d'une trop difficile exécution.

236. De-là il s'ensuit:

Premier. Que quand il n'y a ni diézes ni bémols à la clef, c'est une marque que la piece commence en ut majeur, ou en la mineur.

Second. Que quand il y a un seul diéze, il [-150-] doit toûjours être mis sur le fa, et que la piece commence en sol majeur, ou en mi mineur; de sorte qu'on peut la chanter comme s'il n'y avoit point de diéze, en disant si au lieu de fa [x], et chantant l'air comme s'il étoit sur une autre clef. Par exemple, qu'il y ait un diéze sur le fa à la clef de sol sur la premiere ligne, alors on peut chanter l'air comme s'il n'y avoit point de diézes, et qu'au lieu de la clef de sol sur la premiere ligne, ce fût la clef d'ut; car le fa [x] étant changé en si, la clef de sol se change en clef d'ut, comme on le peut voir aisément: c'est ce qu'on nomme transposer.

237. Il est évident que dès que fa [x] se change en si, sol se change en ut, et mi en la. Ainsi en transposant, l'air se chante comme s'il étoit dans le mode majeur d'ut, ou dans le mode mineur de la. Donc les modes de sol majeur, et de mi mineur, se réduisent par la transposition, à ceux d'ut majeur, et de la mineur. Il en est de même de tous les autres modes, comme on peut aisément s'en convaincre (nnn).

[-151-] Chapitre XIII.

Trouver la basse fondamentale d'un chant donné.

238. COmme nous avons réduit à un fort petit nombre les regles de la basse fondamentale, et celles que le dessus [-152-] doit observer par rapport à cette basse, il ne doit plus être difficile de trouver la basse [-153-] fondamentale d'un chant donné, et souvent même d'en trouver plusieurs; car toute basse fondamentale sera bonne, lorsqu'elle sera formée suivant les regles que nous avons données (Chapitre VI.), et qu'outre cela les dissonances que le chant fera avec cette basse seront préparées, si elles ont besoin de l'être, et toûjours sauvées (ooo).

239. Il est d'une grande utilité dans la recherche de la basse fondamentale, de sçavoir [-154-] dans quel ton ou mode est le chant; on en verra la raison plus bas. Mais il est difficile de donner sur cela des regles générales et absolument sans exception, et sans laisser rien d'arbitraire, parce que quelquefois il est libre de rapporter un chant à tel ou tel mode; par exemple, ce chant sol ut peut appartenir à tous les modes, tant majeurs que mineurs, où sol et ut se rencontrent, et chacun de ces deux sons peut même être regardé comme appartenant à un mode différent.

240. Au reste, on peut quelquefois, ce me semble, se passer de la connoissance du mode pour deux raisons: premiere. parce que les mêmes sons appartenant à plusieurs modes différens, le mode est quelquefois assez indéterminé, sur-tout dans le milieu d'une piece, et dans une ou deux mesures: seconde. parce que sans se mettre en peine du mode, il suffit souvent, pour ne point s'égarer, d'observer de la maniere la plus simple, les regles données ci-dessus (Chapitre VI.) pour la marche de la basse fondamentale.

241. Cependant il est sur-tout nécessaire de sçavoir dans quel mode on est au commencement de la piece, parce qu'il faut que la basse fondamentale commence par ce même mode, et que le dessus et la basse finissent aussi dans ce même mode, et même [-155-] par la note fondamentale du mode, qui est ut dans le mode d'ut, la dans celui de la, et cetera. D'ailleurs dans les endroits du chant où il y a repos, il faut ordinairement que le mode de la basse fondamentale soit le même que celui du chant.

242. Pour sçavoir en quel ton une piece commence, tout se réduit à sçavoir distinguer le mode majeur d'ut du mode mineur de la. Car nous avons vû (Chapitre précédent.) que tous les modes se réduisent à ces deux là, du moins au commencement d'une piece. Or voici les différens moyens de distinguer ces deux modes.

Premier. Les sons principaux et caractéristiques du mode, qui sont ut mi sol dans l'un, et la ut mi dans l'autre; ensorte que si une piece commence, par exemple, ainsi, la ut mi la, je puis conclurre presque toûjours, que le ton ou mode est en la mineur, quoique les sons la ut mi appartiennent au mode d'ut.

Second. La note sensible, qui est si dans l'un et sol [x] dans l'autre, de maniere que si je vois sol [x] dès les premieres mesures de la piece, je suis assuré d'être dans le mode de la.

Troisiéme. Les adjoints du mode, c'est-à-dire les modes de ses deux quintes, qui sont fa et sol pour ut, et ré et mi pour la. Par exemple, [-156-] si après avoir commencé un chant par des notes commmunes au mode d'ut, et au mode de la (comme mi ré mi fa mi ré ut si ut), je rencontre ensuite le mode de sol, ce que je reconnois par le fa [x], ou le mode de fa que je reconnois par le si [rob] et l'ut naturel, je puis conclurre que j'ai commencé dans le mode d'ut: mais si je rencontre le mode de ré ou celui de mi, ce que je reconnois par le si [rob], ou l'ut [x], ou le ré [x], et cetera j'en conclus que j'ai commencé dans le mode de la.

Quatriéme. Un mode ne cesse ordinairement, sur-tout dans le commencement d'une piece, que pour passer dans l'un ou l'autre de ses modes les plus relatifs, qui sont le mode de sa quinte au-dessus, et celui de sa tierce au-dessous. Ainsi les modes les plus relatifs du mode majeur d'ut, sont le mode de sol majeur, et celui de la mineur. On passe ordinairement du mode d'ut dans l'un ou l'autre de ces modes, de sorte qu'on peut quelquefois juger du mode principal où on est, par le mode relatif qui le suit ou qui le précede, lorsque ce mode relatif est bien décidé. Au reste, outre ces deux modes relatifs, il y en a encore deux autres dans lesquels le mode principal passe, mais plus rarement, sçavoir le mode de sa quinte au-dessous, et celui de sa [-157-] tierce au-dessus, comme fa et mi pour le mode d'ut.

Cinquiéme. Le mode se reconnoît encore par les repos du chant. Ces repos doivent se trouver de deux en deux mesures, ou au moins de quatre en quatre, comme dans la basse fondamentale: or la note de basse fondamentale qui convient à ces repos est toûjours facile à trouver. On peut voir ce que dit là-dessus Monsieur Rameau, page 54 de son nouveau système de Musique théorique et pratique.

Quand une fois on connoît le mode, et qu'on s'en est assuré par les moyens différens que nous venons d'indiquer, la basse fondamentale coûtera peu de peine.

Car dans chaque mode, il y a trois sons fondamentaux:

Premier. La tonique du mode, ou le son principal, qui porte toûjours l'accord parfait majeur ou mineur, selon que le mode est majeur ou mineur.

Mode majeur. ut mi sol ut

Mode mineur. la ut mi la.

Second. La dominante tonique, qui est la quinte au-dessus de la tonique, et qui, soit dans le mode majeur, soit dans le mineur, porte toûjours un accord de septiéme composé [-158-] d'une tierce majeure suivie de deux tierces mineures.

Dominante tonique.

Mode majeur d'ut. sol si ré fa.

Dominante tonique.

Mode mineur de la. mi sol [x] si ré.

Troisiéme. La sous-dominante, qui est la quinte au-dessous de la tonique, et qui porte un accord composé de tierce, quinte et sixte majeure, la tierce étant majeure ou mineure, selon que le mode est majeur ou mineur.

Sous-dominante.

Mode majeur d'ut. fa la ut ré.

Mode mineur de la. ré fa la si.

Ces trois sons, la tonique, la dominante tonique et la sous-dominante, contiennent dans leurs accords tous les sons qui entrent dans la gamme du mode, ensorte que le chant étant donné, on peut trouver presque toûjours lequel de ces trois sons doit être mis à la basse fondamentale sous une note du chant. Cependant il arrive quelquefois qu'aucun de ces sons ne peut être employé. Par exemple, je suppose que je sois dans le mode [-159-] d'ut, et que je trouve dans le chant ces deux notes consécutives la si: si je me borne à mettre à la basse fondamentale un des trois sons ut, sol, fa, je ne trouverai pour le chant la si, que cette basse fondamentale 6/fa 7/sol; or une telle succession de 6/fa à 7/sol est interdite par la cinquiéme regle de la basse fondamentale, suivant laquelle toute sous-dominante comme 6/fa, doit monter de quinte; de sorte que 6/fa ne peut être suivi que d'ut dans la basse fondamentale, et non pas de 7/sol.

Pour remédier à cet inconvénient, on renverse l'accord de sous-dominante fa la ut ré, en accord de septiéme de cette maniere ré fa la ut, ce qu'on appelle le double emploi (Article 105.), parce que c'est une seconde maniere d'employer l'accord de la sous-dominante; et on donne par ce moyen au chant la si, cette basse fondamentale 7/ré 7/sol, dont la marche est conforme aux regles.

Voilà donc quatre accords ut mi sol ut, sol si ré fa, fa la ut ré, ré fa la ut, qu'on peut employer dans le mode majeur d'ut. [-160-] On trouvera de même dans le mode mineur de la ces quatre accords

la ut mi la, mi sol [x] si ré,

ré fa la si, si ré fa la,

et dans ce mode on change quelquefois le dernier de ces accords en si ré fa [x] la, substituant le fa [x] au fa naturel; par exemple, si j'ai ce chant dans le mode mineur de la, mi fa [x] sol [x] la, je ferai porter à la premiere note mi l'accord parfait la ut mi la, à la seconde fa [x] l'accord de septiéme si ré fa [x] la, à la troisiéme sol [x] l'accord de dominante tonique mi sol [x] si ré, et enfin l'accord parfait la ut mi la, à la derniere.

Au contraire si j'ai ce chant toûjours dans le mode mineur, la la sol [x] la, le second la étant syncopé; je lui donnerai la même basse qu'au chant mi fa [x] sol [x] la, avec cette seule différence, que je pourrai substituer le fa naturel au fa [x] dans l'accord de si ré fa [x] la, pour mieux désigner le mode mineur.

Outre ces accords dont nous venons de faire mention, et qu'on peut regarder comme les principaux du mode, il y en a encore beaucoup d'autres; par exemple cette suite de dominantes

[-161-] ut 7/la 7/ré 7/sol 7/ut 7/fa 7/si 7/mi 7/la 7/ré 7/sol ut,

qui se termine de part et d'autre par la tonique ut, appartient toute entiere au mode d'ut, parce qu'aucune de ces dominantes n'est dominante tonique, excepté sol, qui est la dominante tonique du mode d'ut; et que d'ailleurs l'accord de chacune de ces dominantes n'est formé que de sons qui appartiennent à la gamme d'ut.

Mais fi je formois cette basse fondamentale

ut 7/la 7/ré 7/sol 7 [rob]/ut,

en rendant le dernier ut dominante tonique en cette sorte ut mi sol si [rob], alors le mode changeroit à ce second ut, et on entreroit dans le mode de fa, parce que l'accord ut mi sol si [rob] indique la dominante tonique du mode de fa: d'ailleurs, il est évident qu'on change de mode, puisque si [rob] n'appartient point à la gamme d'ut.

De même si je formois cette basse fondamentale

ut 7/la 7/ré 7/sol 6/ut,

en rendant le dernier ut sous-dominante en cette sorte ut mi sol la, ce dernier ut indiqueroit [-162-] le mode de sol, dont ut est la sous-dominante.

De même encore si dans la premiere suite de dominantes, je faisois porter la tierce majeure au premier ré en cette sorte ré fa [x] la ut, ce ré devenu dominante tonique, m'indiqueroit le mode majeur de sol, et le 7/sol qui le suivroit, portant l'accord si ré fa, retomberoit dans le mode d'ut, d'où l'on étoit parti.

De même enfin si dans cette suite de dominantes, on faisoit porter au si le fa [x] en cette sorte, si ré fa [x] la, ce fa [x] indiqueroit qu'on est sorti du mode d'ut, pour entrer dans celui de sol.

De-là il est facile de former cette regle pour reconnoître les changemens de mode dans la basse fondamentale.

Premier. Lorsqu'on trouve une tonique dans la basse fondamentale, on est dans le mode de cette tonique, et le mode est majeur ou mineur, selon que l'accord parfait est majeur ou mineur.

Second. Lorsqu'on trouve une sous-dominante, on est dans le mode de la quinte au-dessus de cette sous-dominante, et le mode est majeur ou mineur, selon que la tierce est majeure ou mineure dans l'accord de cette sous-dominante.

[-163-] Troisiéme. Lorsqu'on trouve une dominante tonique, on est dans le mode de la quinte au-dessous de cette dominante tonique. Comme la dominante tonique porte toûjours la tierce majeure, on ne peut s'assurer par le secours de cette seule dominante, si le mode est majeur ou mineur: mais il n'y a qu'à jetter les yeux sur la note suivante, qui doit être la tonique du mode où l'on est, on verra par la tierce de cette tonique si le mode est majeur ou mineur.

243. Tout changement de mode suppose un repos, et quand le mode change dans la basse fondamentale, c'est presque toûjours ou après la tonique du mode où l'on étoit, ou après la dominante tonique de ce mode, censée pour lors tonique à la faveur d'un repos qui doit nécessairement s'y trouver: de-là vient que les repos dans un chant annoncent ordinairement un changement de mode qui doit les suivre.

244. Toutes ces regles jointes à la table des modes que nous avons donnée (Article 234.) serviront à connoître dans quel ton on est au milieu d'une piece, sur-tout dans les endroits essentiels, comme les repos. (ppp)

[-164-] Je joins ici le monologue d'Armide avec la basse continue et la basse fondamentale. Les changemens de mode se distingueront aisément dans la basse fondamentale, par les regles que nous venons de donner à la fin de l'article 242. Ce monologue servira de leçon de composition aux Commençans. Monsieur Rameau le cite dans son nouveau système de Musique, comme un exemple de modulation parfaite, et très-simple (Voyez Planche 6 [ALEMEL 07GF]).

Chapitre XIV.

Du chromatique et de l'enharmonique.

245. ON appelle chromatique un chant composé de plusieurs notes successives en montant ou en descendant par demi-tons. (Voyez LXXXVIII et LXXXIX [ALEMEL 06GF]).

246. Lorsque le chant est chromatique en [-165-] descendant, la basse fondamentale la plus ordinaire, et la plus naturelle, est un enchaînement de dominantes toniques qui se suivent toutes en descendant de quinte, ou ce qui revient au même, en montant de quarte. Voyez LXXXVIII [ALEMEL 06GF] (qqq).

247. Lorsque le chant est chromatique en [-166-] montant, on peut former la basse fondamentale par une suite de toniques et de dominantes toniques, qui se succédent alternativement par les intervalles de tierce en descendant, et de quarte en montant (Voyez LXXXIX [ALEMEL 06GF]).

248. A l'égard de l'enharmonique, il est fort rarement mis en usage, et nous en avons expliqué la formation dans le premier Livre, auquel nous renvoyons. Nous nous contenterons de dire qu'on trouve dans l'admirable monologue du quatriéme Acte de Dardanus, Lieux funestes, et cetera un exemple de l'enharmonique; un exemple du diatonique enharmonique dans le Trio des Parques, où cours-tu malheureux, d'Hippolite et Aricie; et qu'il n'y a point d'exemple du chromatique enharmonique, du moins dans nos Opéras François. Monsieur Rameau avoit fait un tremblement de terre dans ce genre pour le second Acte des Indes Galantes, mais il ne pût, dit-il, le faire exécuter en 1735 par l'Orchestre. Le Trio des Parques d'Hippolite n'a jamais été chanté à l'Opéra tel qu'il est: mais Monsieur Rameau assure (et cela est vrai) que l'essai lui en avoit réussi avec d'habiles Musiciens de bonne volonté, et que l'effet en est surprenant.

[-167-] Chapitre XV.

Du dessein, de l'imitation, et de la fugue.

249. EN Musique, on donne communément le nom de dessein à un certain chant qu'on veut faire régner dans la suite d'une piece, soit pour se conformer au sens des paroles, soit par goût ou par fantaisie. Dans ce dernier cas, on distingue le dessein en imitation et en fugue.

250. L'imitation consiste à faire répéter le chant d'une ou de plusieurs mesures dans une seule partie ou dans toutes, et sur tels différens modes que l'on veut. Lorsque toutes les parties répétent absolument le même chant, et commencent les unes après les autres, cela s'appelle canon. La fugue consiste à faire répéter alternativement ce chant dans le dessus, et dans la basse, ou même dans toutes les parties, s'il y en a plus de deux.

251. L'imitation et la fugue ont quelques regles de goût, que l'on peut voir page 332 et suivantes du Traité de l'Harmonie de Monsieur Rameau, ainsi que le détail de ce qui regarde la composition à plusieurs parties. Les [-168-] principales regles de la composition à plusieurs parties sont, que les dissonances se trouvent, autant qu'il est possible, préparées et sauvées dans la même partie; que la dissonance ne se trouve pas à la fois dans plusieurs sieurs parties, parce que sa dureté révolteroit l'oreille; qu'il n'y ait dans aucune partie deux octaves ou deux quintes de suite, par rapport à la basse. On ne laisse pourtant pas de transgresser quelquefois ces préceptes, quand le goût et l'occasion l'exigent. En Musique, comme dans tous les beaux Arts, c'est à l'Artiste à donner, et à suivre les regles; c'est à l'homme de goût et de génie à trouver les exceptions.

Chapitre XVI.

Définitions des différens airs.

252. JE finirai cet Ouvrage par dire en peu de mots en quoi consiste le caractere des différens airs auxquels on a donné des noms, comme Chaconne, Menuet, Rigaudon, et cetera.

La Chaconne est une longue piece de Musique à trois tems, dont le mouvement est moderé, et la mesure bien marquée. Elle [-169-] est composée de plusieurs couplets qu'on varie le plus qu'il est possible. Autrefois la basse de la Chaconne étoit une basse contrainte de quatre en quatre mesures, c'est-à-dire qui revenoit toûjours la même de quatre en quatre mesures; aujourd'hui on ne s'astraint plus à cet usage. La Chaconne commence pour l'ordinaire, non en frappant, mais au second tems.

La Vilanelle est une chaconne un peu gaie, d'un mouvement un peu plus vif que la chaconne ordinaire.

La Passacaille ne differe de la chaconne qu'en ce qu'elle est plus lente, plus tendre, et qu'elle commence d'ordinaire en frappant.

Le Menuet est un air à trois tems d'un mouvement modéré, composé de deux parties qu'on recommence chacune deux fois, et que pour cette raison on appelle reprises; chaque reprise du Menuet commence en frappant, et doit être de quatre, de huit, de douze mesures; de maniere que les repos soient bien marqués de quatre en quatre.

La Sarabande est proprement un menuet lent, et la Courante, une Sarabande fort lente: cette derniere n'est plus en usage.

Le Passepied est proprement un menuet fort vif, qui ne commence pas en frappant, comme le menuet ordinaire; mais dont les deux reprises commencent au troisiéme tems.

[-170-] La Loure est un air dont le mouvement est grave, se marque de la mesure 6/4, et se bat à deux tems; elle commence d'ordinaire en levant: on pointe ordinairement la note du milieu de chaque tems.

La Gigue n'est proprement qu'une Loure très-vive, et dont le mouvement est fort accéleré.

La Forlane a un mouvement moderé, moyen entre la Loure et la Gigue.

Le Rigaudon est à deux tems, composé de deux reprises chacune de quatre, de huit, de douze et cetera mesures; son mouvement est vif; chaque reprise commence, non en frappant, mais à la derniere note du second tems.

La Bourée est à peu près la même chose que le Rigaudon.

La Gavotte est à deux tems, composée de deux reprises, chacune de quatre, de huit, de douze mesures; le mouvement de la Gavotte est tantôt lent, tantôt gai; mais jamais extrêmement vif, ni excessivement lent.

Le Tambourin est à deux reprises, chacune ordinairement de quatre, de huit, de douze mesures, et cetera il se bat à deux tems très-vifs, et chaque reprise commence pour l'ordinaire au second tems.

La Musette est à deux ou à trois tems, [-171-] son mouvement est moderé, et sa basse est souvent composée d'une seule note qui fait tenue durant tout l'air.

FIN.

De l'Imprimerie de Le Breton, Imprimeur ordinaire du ROI, rue de la Harpe.

[-172-] APPROBATION.

J'Ai lû par l'ordre de Monseigneur le Chancelier, un Manuscrit intitulé Elémens de Musique théorique et pratique: les systèmes dont l'expérience donne ou confirme les principes, peuvent seuls contribuer aux progrès des Arts et des Sciences: celui-ci me paroît un modele en ce genre; l'ordre, la netteté et la précision en font le caractere. Monsieur Rameau doit être flatté de voir à la portée de tout Lecteur intelligent, un système dont il a découvert les principes, et qui, ce me semble, pour être approuvé, n'a besoin que d'être connu. A Paris, ce 23 Novembre 1751.

CONDILLAC.

[Planches]

[-1-] [D'Alembert, Elémens de Musique, 1; text: Planche premiere, A, B, C, D, E, F, G, H, I, K, L, M, N, ut, re, mi, fa, sol, la, si, VT, RE, MI, FA, SOL, et, ton, demiton, Premiere Gamme. Deuxieme Gamme. O, P, Q, R, S, T, V, X, Echelle diatonique des Grecs, Basse Fondamentale, Ut, Re, Mi, Fa, Sol, La, Si, Gamme ou Echelle des modernes, VT [x], re [x], mi [x], ou fa, fa [x], sol [x], la [x], si [x] ou ut, ut [x], RE [x], MI [x] ou FA, Premiere Echelle du mode mineur, Tierce majeure, Tierce mineure, Seconde Echelle du mode mineur. Genre Chromatique. et cetera, Mi [rob]] [ALEMEL 02GF]

[-2-] [D'Alembert, Elémens de Musique, 2; text: Planche 2, O, P, Q, R, S, T, V, X, Y, Z, ut, fa, Sol, la, ou, 2, 3, 6, 7, 8, Premiere mesure, Seconde, Troisiéme, Quatriéme, Cinquiéme, Sixiéme, Septiéme, tems, a deux Tems, ronde, blanches, noires, croches, note pointée, et cetera, I. II. III. IV. V. VI. VII. VIII. IX. X. XI. XII. XIII. XIV. XV. XVI. XVII. XVIII. XIX. XX. XXI. XXII. XXIII. XXIV. XXV. XXVI. XXVII. XXVIII. Chant ou Dessus, Basse Fondamentale. monter de tierce, quinte, Descendre, Quarte] [ALEMEL 03GF]

[-3-] [D'Alembert, Elémens de Musique, 3; text: Planche 3, XXIX. XXX. XXXI. XXXII. XXXIII. XXXIV. XXXV. XXXVI. XXXVII. XXXVIII. XXXIX. XL. XLI. XLII. XLIII. XLIV. XLV. XLVI. XLVII. XLVIII. XLIX. L. LI. LII. LIII. LIV. LV. LVI. LVII. LVIII. LIX. LX. LXI. LXII. LXIII. LXIV. LXV. LXVI. 2, 4, 5, 6, 7, Chant ou dessus, Dessus, Basse fondamentale, dissonance preparée. Dissonance sauvée, Basse continue, Cadence parfaite, imparfaite] [ALEMEL 04GF]

[-4-] [D'Alembert, Elémens de Musique, 4; text: Planche 4, LXVII, LXVIII, LXIX, LXX, LXXI, LXXII, LXXIII, LXXIV, LXXV, LXXVI, LXXVII, LXXVIII, LXXIX, LXXX, LXXXI, LXXXII, LXXXIII, LXXXIV, LXXXV, Dessus. Basse Continue, Basse Fondamentale, Tonique, note sensible, Cadence rompue. Cadence interrompue. 2, 4, 5, 6, 7, 9] [ALEMEL 05GF]

[-5-] [D'Alembert, Elémens de Musique, 5; text: Planche 5, LXXXVI. LXXXVII. LXXXVIII. LXXXIX. XC. XCI. XCII. XCIII. XCIV. XCV. 4, 5, 6, 7, Dessus, Basse fondamentale, Basse continue, Chant Chromatique en descendant, Chant Chromatique en montant] [ALEMEL 06GF]

[-6-] [D'Alembert, Elémens de Musique, 6; text: Planche 6, Basse Continue, Basse Fondamentale, 3, 4, 5, 6, 7, 9, En fin, il est en ma puissance, Ce fatal ennemi, Ce superbe vainqueur, Le charme du sommeil le livre à ma vengeance, Je vais percer son invincible coeur: Par luy, tous mes Captifs sont sortis d'esclavage,] [ALEMEL 07GF]

[-7-] [D'Alembert, Elémens de Musique, 7; text: Planche 7, Basse Continue, Basse Fondamentale, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, Qu'il éprouve toute ma rage ... Quel trouble me saisit! Qui me fait hésiter? Qu'est-ce qu'en sa faveur la pitié me veut dire? Frapons, Ciel! qui peut m'arrêter? Achevons ... je fremis! Vengeons nous ... je soûpire! Est-ce ainsi que je] [ALEMEL 08GF]

[-8-] [D'Alembert, Elémens de Musique, 8; text: Planche 8, Basse Continue, Basse Fondamentale, 3, 4, 5, 6, 7, 9, dois me venger aujourd'huy! Ma colere séteint Quand j'aproche de luy ... Plus je le vois! plus ma vengeance est vaine; Mon bras tremblant se refuse à ma haine: Ah! quelle cruauté de luy ravir le jour! A ce jeune Heros,] [ALEMEL 09GF]

[-9-] [D'Alembert, Elémens de Musique, 9; text: Planche 9, Basse Continue, Basse Fondamentale, 2, 3, 4, 5, 6, 7, tout céde sur la terre: Qui croiroit qu'il fût né seulement pour la guerre, Il semble être fait pour l'Amour. Ne puis-je me venger à moins qu'il ne perisse? Hé! ne suffi-t-il pas que l'Amour le punisse? Puisqu'il n'a pu trouver] [ALEMEL 10GF]

[-10-] [D'Alembert, Elémens de Musique, 10; text: Planche 10, Basse Continue. Basse Fondamentale. 3, 5, 6, 7, mes yeux assez charmants; Qu'il m'aime au moins par mes enchantements; Que s'il se peut, je le haisse.] [ALEMEL 11GF]

[-11-] Fautes qu'il est nécessaire de corriger avant que de lire cet Ouvrage.

PAge 114, ligne 9, au lieu de ou, lisez on.

Ibidem ligne 10, après l'ut, ajoûtez, et le fa. (Cette addition est nécessaire, parce que l'accord ré fa la ut [x], dans lequel l'ut seroit diéze sans le fa, est exclu par l'article 179).

Page 122, ligne 16, effacés quarte.

Page 134, ligne 13, au lieu de fausse quinte, lisez quinte superflue.

[Footnotes]

[cf. p.3] (a) Cette expérience est facile à faire. Que l'on chante la gamme ut, ré, mi, fa, sol, la, si, UT, on remarquera d'abord sans peine, que la demi-gamme sol, la, si, UT, est toute semblable à la demi-gamme ut, re, mi, fa; ensorte que si après avoir chanté cette gamme, on vouloit la chanter de nouveau en donnant à ut le même son que sol avoit dans le premier chant, le ré du nouveau chant auroit le même son que le la du premier, le mi que le si, et le fa que l'UT.

[-4-] D'où il s'ensuit qu'il y a même intervalle d'ut à ré, que de sol à la; de ré à mi, que de la à si, et de mi à fa, que de si à UT.

On trouvera de même que du ré au mi, du fa au sol, il y a le même intervalle que de l'ut au ré. Pour s'en convaincre, il faudra d'abord chanter la gamme une fois, puis la chanter de nouveau en donnant à ut, dans ce nouveau chant, le même son que l'on a donné à ré dans le premier; et l'on s'appercevra que le ré du second chant aura le même son, du moins sensiblement, que le mi du premier chant: d'où il s'ensuit que l'intervalle de ré à mi est du moins sensiblement égal à celui d'ut à ré. On trouvera de même que l'intervalle de fa à sol est sensiblement le même que celui d'ut à ré.

Cette expérience peut coûter quelque peine à faire quand on n'a pas une certaine habitude avec le chant: mais on pourra la faire très-facilement en se servant d'un Clavecin, par le moyen duquel on sera dispensé de retenir les sons. En touchant sur ce Clavecin les cordes sol, la, si, ut, et entonnant en même tems ut, ré, mi, fa, ensorte que l'on donne à ut le même son que celui de la corde sol, on verra que ré du chant sera le même que la du Clavecin, et cetera.

On éprouvera aussi sur ce même Clavecin, que si on veut chanter la gamme en donnaut à ut le même son que mi, le ré qui devra suivre ut, sera très-sensiblement plus haut que le fa qui suit mi; aiusi l'on conclura que l'intervalle du mi au fa est moindre que celui d'ut à ré; et si on veut monter du fa à un autre son qui fasse avec fa le même intervalle que fa fait avec mi, on trouvera de la même maniere, que l'intervalle de mi, à ce nouveau son, est à peu près le même que celui d'ut à ré. Donc l'intervalle de mi à fa est à peu près la moitié de celui d'ut à ré.

Donc, puisque les deux demi-gammes

ut, re, mi, fa,

sol, la, si, UT,

sont parfaitement semblables, et que les intervalles d'ut à [-5-] ré, de ré à mi, et de fa à sol, sont égaux, il s'ensuit que les intervalles de sol à la et de la à si sont encore égaux à chacun des trois intervalles d'ut à ré, de ré à mi et de fa à sol, et que les intervalles de mi à fa et de si à ut sont aussi égaux, mais ne sont que la moitié des autres.

[cf. p.8] (b) Supposons deux cordes sonores de même matiere, de même grosseur et également tendues, mais inégales en longueur, on trouvera par expérience,

Premier. Que si la plus petite est exactement la moitié de la plus grande, le son qu'elle rendra sera à l'octave au-dessus du son que rendra la plus grande.

Second. Que si la plus petite est le tiers de la plus grande, elle rendra la douziéme au-dessus du son de la plus grande.

Troisiéme. Que si elle en est le cinquiéme, elle rendra la dix-septiéme au-dessus.

De plus, c'est une vérité démontrée et généralement admise, que plus une corde est petite, plus elle fait de vibrations [-9-] dans un même tems; par exemple, dans une heure, dans une minute, dans une seconde, et cetera ensorte qu'une corde qui est le tiers d'une autre, fait trois vibrations pendant que la plus grande n'en fait qu'une. De même une corde qui est la moitié d'une autre, fait deux vibrations pendant que cette autre en fait une; et une corde qui n'en seroit que la cinquiéme partie, feroit cinq vibrations dans le même tems.

De-là il s'ensuit que le son d'une corde est d'autant plus ou d'autant moins aigu, que cette corde fait plus ou moins de vibrations dans un certain tems fixe; par exemple, dans une seconde.

C'est pourquoi, si on représente un son quelconque par 1, on peut représenter l'octave au-dessus par 2, c'est-à-dire, par le nombre de vibrations que fait la corde qui donne l'octave, tandis que l'autre corde fait une vibration: de même, on représentera la douziéme au-dessus du son 1 par 3, la dix-septiéme majeure au-dessus par 5, et cetera. Mais il faut bien remarquer que par ces expressions numériques, on ne prétend point comparer les sons en eux-mêmes; car les sons, en eux-mêmes, ne sont que des sensations, et on ne peut pas dire qu'une sensation soit triple ou double d'une autre: ainsi les expressions 1, 2, 3, et cetera employées pour désigner un son, son octave au-dessus, sa douziéme au-dessus, et cetera signifient seulement que si une corde fait un certain nombre de vibrations dans une seconde, par exemple, la corde qui est à l'octave au-dessus en fera le double dans le même tems, la corde qui est à la douziéme au-dessus en fera le triple, et cetera.

[-10-] Ainsi comparer des sons entr'eux n'est autre chose que comparer entr'eux les nombres de vibrations qu font pendant un certain tems les cordes qui produisent ces sons.

[cf. p.12] (c) Puisque l'octave an dessus du son 1 est 2, l'octave au-dessous de ce même son sera 1/2; c'est-à-dire, que la corde qui donnera cette octave, fera une demi-vibration [-13-] pendant que la corde qui donne le son 1, en fera une. Donc pour avoir l'octave au-dessus d'un son, il faut multiplier par 2 la quantité qui exprime ce son; et pour avoir l'octave au-dessous, il faut au contraire diviser par 2 cette même quantité.

C'est pourquoi si un son quelconque, par exemple ut, est 
appellé                                1.
Son octave au-dessus sera              2.
Sa double octave au-dessus             4.
Sa triple octave au-dessus             8.
De même son octave au-dessous sera     1/2.
Sa double octave au-dessous            1/4.
Sa triple octave au-dessous            1/8.
Et ainsi de suite.
Sa douziéme au-dessus                  3.
Sa douziéme au-dessous                 1/3.
Sa dix-septiéme majeure au-dessus      5.
Sa dix-septiéme majeure au-dessous     1/5.

Donc, la quinte au-dessus du son 1 étant l'octave au-dessous de la douziéme, sera, par ce qu'on vient de dire, 3/2, ce qui signifie que cette corde fait 3/2 vibrations c'est-à-dire une vibration et demie pendant une seule vibration de la corde qui rend le son 1.

[cf. p.15] (d) Pour avoir la quarte au-dessus du son 1, il faut prendre la douziéme au-dessous du son 1, et la double octave au-dessus de cette douziéme. En effet, la douziéme au-dessous d'ut, par exemple, est fa, dont la double octave est la quarte fa au-dessus d'ut. Donc, puisque la douziéme au-dessous de 1 est 1/3, il s'ensuit que la double octave au-dessus de cette douziéme, c'est-à-dire la quarte du son 1 en montant, sera 1/3 multiplié par 4, ou 4/3.

Enfin la tierce majeure n'étant que la double octave au-dessous de la dix-septiéme, il s'ensuit que la tierce majeure au-dessus du son 1 sera 5 divisé par 4, c'est-à-dire 5/4.

La tierce majeure d'un son, par exemple, la tierce majeure mi du son ut, et sa quinte sol, forment entr'elles une tierce mineure mi, sol; or mi est 5/4, et sol 3/2, par ce qui vient d'être démontré: d'où il s'ensuit que la tierce mineure, ou l'intervalle de mi à sol, sera exprimé par le rapport de la fraction 5/4, à la fraction 3/2.

Pour déterminer ce rapport, il faut remarquer que 5/4 est la même chose que 10/8, et que 3/2 est la même chose que [-16-] 12/8: de sorte que 5/4 sera à 3/2 dans le même rapport que 10/8 à 12/8, c'est-à-dire dans le même rapport que 10 à 12, ou que 5 à 6. Donc, si deux sons forment entr'eux une tierce mineure, et que le premier soit représenté par 5, le second le sera par 6; ou, ce qui est la même chose, si le premier est représenté par 1, le second le sera par 6/5.

Ainsi la tierce mineure harmonique qui se trouve dans la resonnance même du corps sonore entre les sons mi et sol, harmoniques du son principal, peut être exprimée par la fraction 6/5.

Nota Bene. On voit par cet exemple, que pour comparer entr'eux deux sons qui sont exprimés par des fractions, il faut d'abord multiplier le haut de la fraction qui exprime le premier, par le bas de la fraction qui exprime le second, ce qui donnera un premier nombre, comme ici le haut 5 de la fraction 5/4 multiplié par le bas 2 de la fraction 3/2 a donné 10. Ensuite on multipliera le haut de la seconde fraction par le bas de la premiere, ce qui donnera un second nombre, comme ici 12 qui est le produit de 4 par 3; et le rapport de ces deux nombres (qui dans l'exemple précédent sont 10 et 12) exprimera le rapport de ces sons, ou, ce qui revient au même, l'intervalle qu'il y a de l'un à l'autre; de maniere que plus le rapport de ces sons différera de l'unité, plus l'intervalle sera grand.

Voilà comment on compare entr'eux deux sons dont on connoit la valeur numérique. Voici maintenant comment on trouve l'expression numérique d'un son, quand on sçait le rapport qu'il doit avoir avec un autre son dont l'expression numérique est donnée

Par exemple, supposons que l'on cherche la tierce majeure de la quinte 3/2, cette tierce majeure doit être, par ce qui a été dit ci-dessus, les 5/4 de la quinte; car la tierce [-17-] majeure d'un son quelconque est les 5/4 de ce son. Il faut donc chercher une fraction qui exprime les 5/4 de 3/2; c'est ce qui se fait en multipliant le haut et le bas des deux fractions l'un par l'autre; d'ou résulte la nouvelle fraction 15/8. On trouvera de même que la quinte de la quinte est 9/4, parce que la quinte de la quinte est les 3/2 de 3/2.

[cf. p.18] (e) Donc on n'est point censé changer la valeur d'un son en multipliant ou en divisant par 2, par 4, ou par 8, et cetera le nombre qui exprime ce son, puisque par ces opérations, on ne fait que prendre l'octave simple, double, ou triple, et cetera du son dont il s'agit, et qu'un son se confond avec son octave.

[cf. p.18] (f) L'accord formé de la douziéme et de la dix-septiéme majeures unies au son principal étant exactement conforme à celui que donne la nature, est aussi par cette raison le plus agréable de tous, sur-tout lorsque le Compositeur peut proportionner ensemble les voix et les instrumens [-19-] d'une maniere propre à donner à cet accord tout son effet. Monsieur Rameau l'a exécuté avec le plus grand succès dans l'Acte de Pygmalion, page 34. où Pygmalion chante avec le Choeur, l'Amour triomphe, et cetera. Dans cet endroit du Choeur, les deux parties de basse vocale et instrumentale rendent le son principal et son octave; le premier dessus et la partie de haute-contre rendent la dix-septiéme majeure et l'octave de cette dix-septiéme en descendant; enfin, le second dessus rend la douziéme.

[cf. p.23] (g) Supposons que le son ut soit appellé 1, sa quinte sol sera 3/2, la quinte ré de cette quinte sera 9/4, et la quinte de ré, c'est-à-dire la, sera 27/8: ce ré et ce la se trouveront dans la seconde octave au-dessus d'ut. Donc la double octave au-dessous de ce la, devroit naturellement être la tierce mineure au-dessous d'ut, comme on le verra aisément par cette figure

[D'Alembert, Elémens de Musique, 23; text: 1, 3/2, 2, 9/4, 27/8, ut, sol, ré, la, Premiere Octave. Seconde Octave.] [ALEMEL 01GF]

où l'on voit au-dessus de chaque son sa valeur numérique.

Cela posé, la double octave au-dessous de la est 27/32 (Note c), parce qu'il faut diviser par 4 la fraction 27/8: donc la tierce mineure de la à ut sera 27/32; or la tierce mineure harmonique au-dessous d'ut, est 5/6 (Note d): donc pour comparer la tierce mineure la ut avec la tierce mineure harmonique, il faut comparer ensemble les intervalles 27/32 et 5/6. [-24-] C'est à quoi on parviendra facilement par la méthode expliquée (Note d); et on trouvera que le premier de ces intervalles est au second comme 27 fois 6 est à 5 fois 32, ou, ce qui est la même chose, comme 27 fois 3 à 5 fois 16, c'est-à-dire comme 81 à 80: donc la tierce mineure de la à ut n'est pas la même que la tierce mineure harmonique: donc cette tierce de la à ut n'est pas parfaitement juste, lorsqu'on considere la comme quinte de re.

[cf. p.24] (h) Lorsque ut et fa se succedent, la resonne dans fa; mais ce la, ou sa double octave, est tierce majeure juste de fa, et fait une tierce mineure parfaitement juste avec ut. Ainsi il n'y a pas alors le même inconvénient que quand ut et ré se succedent.

[cf. p.24] (i) Je dis sur-tout lorsqu'ils sont majeurs; car dans l'accord majeur ré fa [x] la ré, outre le la qui fait avec ut une tierce mineure altérée, on trouve encore fa [x] qui fait une fausse quinte avec cet ut; l'accord mineur ré fa la ré seroit plus supportable, parce que le fa naturel qui s'y rencontre porte avec lui sa quinte ut; ou plûtôt l'octave de cette quinte. Aussi on fait quelquefois, par licence, succéder diatoniquement un accord mineur à un majeur.

[cf. p.28] (l) Rien n'est plus facile que de trouver dans cette échelle la valeur de chaque son par rapport au son ut, que nous appellons 1; car les deux sons sol et fa de la basse sont 3/2 et 2/3; d'où il s'ensuit,

Premier. Que ut de l'échelle est l'octave de ut de la basse, c'est-à-dire 2.

[-29-] Second. Que si est la tierce majeure de sol, c'est-à-dire 5/4 de 3/2, (Note d) et par conséquent 15/8.

Troisiéme. Que ré est la quinte de sol, c'est-à-dire les 3/2 de 3/2, et par conséquent 9/4.

Quatriéme. Que mi est la tierce majeure de l'octave d'ut, et par conséquent le double de 5/4, c'est-à-dire 5/2.

Cinquiéme. Que fa est la double octave de fa de la basse, et par conséquent 8/3.

Sixiéme. Que sol de l'échelle est l'octave de sol de la basse, et par conséquent 3.

Septiéme. Enfin, que la de l'échelle est la tierce majeure du fa de l'échelle, c'est-à-dire 5/4 de 8/3, ou 10/3.

On aura donc la table suivante, dans laquelle chaque son a sa valeur numérique au dessous de lui.

Echelle diatonique.

15/8  2    9/4   5/2  8/3  3     10/3
si,   ut,  ré,   mi,  fa,  sol,  la.
sol,  ut,  sol,  ut,  fa,  ut,   fa.
3/2   1    3/2   1    2/3  1     2/3

Basse fondamentale.

et si, pour la commodité du calcul, on veut appeller 1 le son ut de l'échelle, il n'y a qu'à en ce cas diviser par 2 chacun des nombres qui représentent l'échelle diatonique, et on aura

15/16  1,   9/8  5/4  4/3  3/2   5/3
si,    ut,  ré,  mi,  fa,  sol,  la.

[cf. p.30] (m) Pour comparer le ré au fa, il n'y a qu'à comparer 9/8 à 4/3; le rapport de ces fractions sera (Note d) celui de 9 fois 3 à 8 fois 4, c'est-à-dire de 27 à 32: donc la tierce mineure de ré à fa n'est pas juste, puisque le rapport de 27 à 32 n'est pas le même que celui de 5 à 6, (Note g) ces deux rapports étant entr'eux comme 81 à 80.

[cf. p.32] (n) Le rapport du si à l'ut est de 15/16 à 1, c'est-à-dire de 15 à 16; celui du mi au fa est de 5/4 à 4/3, c'est-à-dire (Note d) de 5 fois 3 à 4 fois 4, ou de 15 à 16: donc ces deux rapports sont égaux. De même le rapport de ut à re est celui de 1 à 9/8 ou de 8 à 9; celui de fa à sol est de 4/3 à 3/2, c'est-à-dire (Note d) de 8 à 9. Le rapport de mi à ut est de 5/4 à 1 ou de 5 à 4; celui de la à fa est de 5/3 à 4/3, c'est-à-dire de 5 à 4: donc, et cetera.

[cf. p.32] (o) L'intervalle de mi à ut est de 5/4 à 1 ou de 5 à 4, tierce majeure juste; celui de re à si est de 9/8 à 15/16, c'est-à-dire de 9 fois 16 à 15 fois 8, ou de 9 fois 2 à 15, ou de 6 à 5. [-33-] On trouve de même que le rapport de mi à si est de 5/4 à 15/16, c'est-à-dire de 5 fois 16 à 15 fois 4, ou de 4 à 3; ce qui donne une quarte juste.

[cf. p.33] (p) Le rapport de ré à ut est 9/8; celui de mi à ré est le rapport de 5/4 à 9/8, c'est-à-dire de 40 à 36, ou de 10 à 9; [-34-] or 10/9 differe moins de l'unité que 9/8; donc l'intervalle de ré à mi est un peu moindre que celui de ut à ré.

Si on veut sçavoir le rapport de 10/9 à 9/8, on trouvera (Note d) que c'est celui de 8 fois 10 à 9 fois 9, c'est-à-dire de 80 à 81. Ainsi la différence du ton mineur au ton majeur est de 80 à 81; cette différence est ce que les Grecs ont appellé comma. Elle est insensible à l'oreille, quoique réelle.

On peut remarquer que cette différence d'un comma se trouve entre la tierce mineure juste et harmonique, et la tierce mineure altérée re fa, que nous avons remarqué dans l'échelle (Note m); car nous avons vû que cette tierce mineure alterée est dans le rapport de 80 à 81 avec la tierce mineure juste.

[cf. p.35] (q) Les valeurs des sons seront les mêmes dans cette échelle que dans la premiere, à l'exception du la; car ré étant 9/8, sa quinte sera 27/16: de sorte que l'échelle sera

1    9/8  5/4  4/3  3/2   27/16  15/8  2
ut,  ré,  mi,  fa,  sol,  la,    si,   UT,

où l'on voit que le la de cette échelle est différent de celui de l'échelle des Grecs, et que le rapport de ces deux la est celui de 27/16 à 5/3, c'est-à-dire de 81 à 80: donc ces deux la different encore d'un comma.

[cf. p.38] (r) Dans l'échelle des Grecs, le la étant tierce du fa, on a une quinte altérée entre la et ré; mais dans la nôtre, [-39-] la étant quinte du ré, donne deux tierces alterées fa la et la ut, et une quinte aussi altérée la mi, comme nous le verrons dans le Chapitre suivant. Ainsi il y a dans notre échelle deux intervalles de plus d'alterés que dans l'échelle des Grecs.

[cf. p.40] (s) Le LA consideré comme quinte du ré est 27/16, et la quarte au-dessous de ce LA est les 3/4 de 27/16, c'est-à-dire 81/64; donc 81/64 sera la valeur de mi consideré comme quarte juste de LA, en descendant: or mi, consideré comme tierce majeure du son UT, est 5/4 ou 80/64: donc ces deux mi sont entr'eux dans le rapport de 81 à 80; ainsi il est impossible que mi soit à la-fois la tierce majeure juste d'UT, et la quarte juste au-dessous de LA.

[cf. p.41] (t) En effet, si on accorde ainsi alternativement les quintes et les quartes dans une même octave, voici quel sera le procedé de l'opération.

UT, SOL quinte, ré quarte, LA quinte, mi quarte, si quinte, fa [x] quarte, ut [x] quinte, sol [x] quarte, RE [x] quinte, la [x] quarte, MI [x] ou FA quinte, si [x] quarte; or on trouve par un calcul très-facile, que le premier UT étant 1, SOL sera 3/2, ré 9/8, LA 27/16, mi 81/64, et cetera et ainsi de suite jusqu'à si [x], qu'on trouvera 531441/262144. Cette fraction est évidemment plus grande que le nombre 2, qui indique l'octave juste ut du son UT; et l'octave au-dessous de si [x], seroit la moitié de cette même fraction, c'est-à-dire 531441/524288, qui est évidemment plus grande que UT, représenté par l'unité. Cette derniere fraction 531441/524288 est composée de deux nombres: le haut de la fraction n'est aaute chose que le nombre 3 multiplié 11 fois de suite par lui-même; et le bas est le nombre 2 multiplié 18 fois de suite par lui-même. Or il est évident que cette fraction, qui exprime la valeur du si [x], n'est point égale à l'unité qui exprime la valeur du son UT, quoique sur le clavecin [-42-] le si [x] et l'UT soient confondus. Cette fraction surpasse l'unité de 7153/524288, c'est-à-dire d'environ 1/73, et cette différence a été nommée comma de Pythagore. Il est visible que ce comma est beaucoup plus considérable que celui dont nous avons déjà parlé (Note p), et qui n'est que 1/80.

On vient de prouver que la progression des quintes donne un si [x] différent de l'ut. La progression des tierces majeures en donne un autre encore plus différent. Car supposons cette progression ut, mi, sol [x], si [x], on aura mi égal à 5/4, sol à 25/16 et si à 125/64, dont l'octave au-dessous est 125/128; d'où l'on voit que ce dernier si est plus petit que l'unité (c'est-à-dire que UT) de 3/128 ou de 1/42, à peu-près. Nouveau comma beaucoup plus fort que le précédent, et que les Grecs ont nommé apotome majeur.

De plus, si après avoir trouvé le sol [x] 25/16, on accorde ensuite par quintes et par quartes, sol [x], ré [x], la [x], mi [x], si [x], comme nous avons fait pour la premiere progression des quintes, on trouve que le si [x] sera 2025/2048; donc sa différence avec l'unité, c'est-à-dire avec UT, est 23/2048, c'est à dire environ 1/89, comma plus petit que tous le précédens, et que les Grecs ont nommé apotome mineur.

Enfin, si après avoir trouvé mi égal à 5/4 dans la progression des tierces, on accorde ensuite par quinte et par quartes, mi, si, fa [x], ut [x], et cetera on parviendra à un nouveau si [x], qui sera 32805/32768, et qui ne différera de l'unité que d'environ 1/885, dernier comma, le plus petit de tous: mais il faut observer que dans ce cas, les tierces majeures de mi à sol [x], de sol [x] à si [x] ou ut, et cetera sont très-fausses, et très-altérées.

[cf. p.45] (u) Tous les demi-tons étant égaux dans le tempérament que Monsieur Rameau propose, il s'ensuit que les douze demi-tons ut, ut [x], ré, ré [x], mi, mi [x], et cetera formeront une progression géométrique continue, c'est-à-dire, une suite dans laquelle ut sera à ut [x] dans le même rapport que ut [x] à re, que ré à ré [x], et cetera et ainsi de suite.

Ces douze demi-tons sont formés par une suite de treize sons dont UT et son octave ut sont le premier et le dernier. Ainsi pour trouver par le calcul la valeur de chaque son dans le tempérament dont il s'agit, la question se réduit à trouver entre les nombres 1 et 2 onze autres nombres qui fassent avec 1 et 2, une progression géométrique continue.

Pour peu qu'on ait d'usage du calcul, on trouvera facilement chacun de ces nombres, ou du moins sa valeur approchée. En voici l'expression que les Mathématiciens reconnoîtront facilement, et que les autres peuvent passer.

[D'Alembert, Elémens de Musique, 45; text: UT, ut [x], ré, ré [x], mi, fa, fa [x], sol, sol [x], la, la [x], si, ut, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12] [ALEMEL 01GF]

[-46-] Il est visible que toutes les quintes sont également altérées dans ce tempérament. On peut de plus prouver qu'elles ne le sont chacune que très-peu; car on trouvera par exemple, que la quinte d'ut à sol, qui devroit être 3/2, doit être diminuée d'environ 1/12 de 1/73, c'est-à-dire de 1/876, quantité d'une petitesse extrême.

Il est vrai que les tierces majeures seront un peu plus altérées; car la tierce majeure d'ut à mi, par exemple, sera trop forte d'environ 1/100: mais il vaut mieux que l'altération tombe sur la tierce que sur la quinte qui est, après l'octave, l'intervalle le plus parfait, et dans lequel on doit ne s'écarter de la justesse que le moins qu'il est possible.

D'ailleurs, on a vû par la progression des tierces majeures ut, mi, sol [x], si [x], que ce dernier si [x] differe beaucoup de l'ut (Note r); d'où il s'ensuit que si on veut mettre ce dernier si [x] à l'unisson de l'octave d'ut et altérer en même tems chacune des tierces majeures le moins qu'il est possible, il faut les altérer toutes également; c'est ce qui arrive dans le tempéramment que nous proposons; et si la tierce y est plus altérée que la quinte, c'est une suite de la différence qui se trouve entre le degré de perfection de ces intervalles, différence à laquelle le tempérament proposé se conforme pour ainsi dire. Ainsi cette différence d'altération est plûtôt un avantage qu'un inconvénient.

[cf. p.48] (x) Au reste, nous devons avoüer avec Monsieur Rameau, que ce tempérament s'écarte beaucoup de celui qui est en usage: voici en quoi ce dernier consiste pour l'orgue et le clavecin. On commence par l'ut du milieu du clavier, et on affoiblit les quatre premieres quintes sol, ré, la, mi, jusqu'à ce que mi fasse la tierce majeure juste avec ut; partant ensuite de ce mi, on accorde les quintes si, fa [x], ut [x], sol [x], mais en les affoiblissant moins que les premieres, de maniere que sol [x] fasse à peu près la tierce majeure juste avec mi. Quand on est arrivé au sol [x] on s'arrête; on reprend le premier ut, on accorde sa quinte fa en descendant, puis la quinte si [rob], et cetera et on renforce un peu toutes ces quintes jusqu'à ce qu'on soit arrivé au ré [rob], qui doit faire en descendant la quinte juste, ou à très-peu près, avec le sol [x] déjà accordé.

Si dans le tempérament ordinaire on rencontre des tierces moins altérées que dans celui de Monsieur Rameau, en récompense les quintes y sont beaucoup plus fausses, et plusieurs tierces le sont aussi; de maniere que sur un clavecin accordé par le tempérament ordinaire, il y a cinq ou six modes insupportables, et dans lesquels on ne peut rien exécuter. Au contraire, dans le tempérament de Monsieur Rameau, tous les modes sont également parfaits, nouvelle preuve en sa faveur, puisque le tempérament est principalement nécessaire pour passer d'un mode dans un autre sans que l'oreille soit choquée; par exemple du mode d'ut au mode de sol, du mode de sol au mode de re, et cetera. Je sçai bien que cette uniformité dans les modulations paroîtra un défaut à la plûpart des Musiciens; car ils s'imaginent qu'en faisant les demi-tons de la gamme inégaux, ils donnent à chaque mode un caractere particulier, de maniere que, selon eux, la gamme d'ut,

ut, ré, mi, fa, sol, la, si, UT,

[-49-] n'est pas parfaitement semblable à la gamme ou échelle diatonique du mode de mi,

mi, fa [x], sol [x], la, si, ut [x], ré [x], mi;

ce qui rend, selon eux, le mode d'ut et le mode de mi propres à des expressions différentes. Mais après tout ce que nous avons dit dans cet ouvrage sur la formation du genre diatonique, on doit être convaincu que, suivant l'intention de la nature, l'échelle diatonique doit être parfaitment la même dans tous les modes; l'opinion contraire, dit Monsieur Rameau, est un préjugé de Musicien. Le caractere d'un air vient principalement de l'entrelacement des modes, de la mesure plus ou moins vive, du ton plus ou moins grave, plus ou moins fort qu'on assigne au son principal ou générateur du mode, et des cordes plus ou moins belles, plus ou moins sourdes qui s'y rencontrent.

Enfin, le dernier avantage de notre tempérament, c'est qu'il est conforme, ou du moins qu'il differe peu de celui que l'on pratique sur les instrumens sans touche, comme la viole et le violon, où l'on préfere la justesse des quintes et des quartes à celle des tierces et des sixtes; tempérament qui paroit contradictoire à celui qu'on observe d'ordinaire sur le clavecin.

[cf. p.85] (y) En effet ut étant 1, comme nous le supposons toûjours, mi est 5/4, et sol [x] 25/16: or sol étant 3/2, donc sol [x] sera à sol comme 25/16 est à 3/2, c'est-à-dire comme 25 fois 2 à 3 fois 16, ou comme 25 à 24: donc le rapport de sol [x] à sol est de 25 à 24, intervalle beaucoup plus petit que celui de 16 à 15, qui constitue le demi-ton de ut à si, ou de fa à mi (Note n).

[cf. p.85.2] (z) On peut observer que le demi-ton mineur, joint avec le demi-ton majeur, forme le ton mineur, c'est-à-dire que si on monte, par exemple, du mi au fa par l'intervalle du demi-ton majeur, et ensuite du fa au fa [x] par l'intervalle du demi-ton mineur, l'intervalle du mi au fa [x] sera un ton mineur; car supposons que mi soit 1, fa sera 16/15, et fa [x] sera 25/24 de 16/15, c'est-à-dire 25 fois 16 divisé par 24 fois 15, ou 10/9; intervalle qui constitue le ton mineur (Note p).

A l'égard du ton majeur, on ne sçauroit le former exactement par deux demi-tons; car premier. deux demi-tons majeurs consécutifs donneroient plus qu'un ton majeur: en effet 16/15 multiplié par 16/15 donne 256/225, qui est plus grand que 9/8, intervalle qui constitue le ton majeur: second. un demi ton mineur et un demi-ton majeur donneroient moins que le ton majeur, puisqu'ils donnent le ton mineur: troisiéme. à plus forte raison deux demi-tons mineurs donneroient encore moins.

[cf. p.86] (aa) En effet mi [rob] étant 6/5, sol [rob] sera 6/5 de 6/5, c'est-à-dire (Note d) 36/25, et sol sera 3/2: or le rapport de 3/2 à 36/25 (Note d) est celui de 3 fois 25 à 2 fois 36, c'est-à-dire, de 25 à 24.

[cf. p.87] (bb) La étant 5/6, ut [x] est 5/4 de 5/6, c'est-à-dire 25/24, et ut est 1: donc le rapport de ut à ut [x] est celui de 1 à 25/24 ou de 24 à 25.

[cf. p.87] (cc) La [rob] étant 4/5, ut [rob] est 6/5 de 4/5, c'est-à-dire 24/25: donc le rapport de ut à ut [rob] est de 24 à 25.

[cf. p.88] (dd) Sol [x] étant 25/16, et si [x] étant 5/4 de 25/16, on aura si [x] égal (Note d) à 125/64, et son octave au dessous sera 125/128 intervalle plus petit que l'unité de 3/128 ou de 1/42 environ: il s'en faut donc de cette fraction, que le si [x] dont il s'agit ne soit le même que l'ut.

On a nommé cet intervalle quart de ton, et cette dénomination est fondée en raison. En effet, on peut distinguer dans la Musique quatre sortes de quarts de ton.

Premier. Le quarte du ton majeur: or le ton majeur étant 9/8 et sa différence d'avec l'unité étant 1/8, la différence de ce quart de ton avec l'unité sera à peu près le quart de 1/8, c'est-à-dire 1/32.

Second. Le quart du ton mineur; et comme le ton mineur, qui est 10/9, differe de l'unité de 1/9, le quart du ton mineur différera de l'unité d'environ 1/36.

Troisiéme. La moitié du demi-ton majeur, et comme ce demi-ton differe de l'unité de 1/15, sa moitié différera de l'unité d'environ 1/30.

Quatriéme. Enfin, la moitié du demi-ton mineur, lequel differe de l'unité de 1/24: donc sa moitié sera 1/48.

Donc l'intervalle qui forme le quart de ton enharmonique, ne différant de l'unité que de 1/42, peut avec raison être appellé quart de ton, puisqu'il differe moins de l'unité que le plus grand des quarts de ton, et plus que le plus petit.

[cf. p.88] (ee) C'est-à-dire, que si on monte du mi au fa, par exemple, en faisant un demi-ton majeur, et qu'ensuite revenant au mi, on monte par l'intervalle d'un demi-ton mineur à un autre son qui n'est point dans la gamme, et que j'appellerai fa +, les deux sons fa + et fa formeront un quart de ton enharmonique; car mi étant 1, fa sera 16/15, et fa +, 25/24; donc le rapport de fa + à fa est celui de 25/24 à 16/15 [-89-] (Note d), c'est-à-dire, de 25 fois 15 à 16 fois 24, c'est-à-dire de 25 fois 5 à 16 fois 8, ou de 125 à 128.

[cf. p.92] (ff) Il est visible que fa de la basse étant supposé 1, fa de l'échelle est 2, ut de la basse est 3/2, et mi de l'échelle, 5/4 de 3/2, c'est-à-dire 15/8: donc le rapport de fa à mi est celui de 2 à 15/8, ou de 1 à 15/16: or mi de la basse étant 5/8 de 3/2, ou 15/16, si de la basse est 3/4 de 15/16, et ré [x] est 5/4 de si. Donc mi est à ré [x] comme 15/16 est à 15/16 de 15/16, c'est-à-dire, comme 16 est à 15: donc les demi-tons de fa à mi et de mi à ré [x] sont majeurs l'un et l'autre.

[cf. p.92] (gg) Il est clair que mi [rob] est 6/5 (Note d), et que mi est 5/4: donc ces deux mi sont entr'eux comme 6/5 à 5/4, c'est-à-dire comme 6 fois 4 à 5 fois 5, ou comme 24 à 25, intervalle qui constitue le demi-ton mineur. De plus, le la [-93-] de la basse est 5/6, et ut [x] est les 5/4 de 5/6 ou 25/24: donc le mi [x] est les 5/4 de 25/24; donc le mi de l'échelle est encore au mi [x] qui le suit, comme 24 à 25: donc tous les demi-tons sont mineurs dans cette échelle.

[cf. p.99] (hh) Le principal usage de ces différentes dénominations est de distinguer les accords: par exemple, l'accord de quinte superflue et celui de septiéme diminuée sont différens de l'accord de sixte; l'accord de septiéme superflue, de celui de sixte majeure: cela s'éclaircira par les Chapitres suivans.

[cf. p.102] (ii) C'est à cause de la différente portée des voix et des instrumens, que l'on a inventé ces différentes clefs.

La voix masculine la plus grave peut aller sans se gêner jusqu'au sol qui fait la derniere ligne de la premiere clef de fa; et la voix féminine la plus aigue peut s'élever jusqu'à un sol, qui est la triple octave au-dessus de celui-là.

La plus grave des voix masculines s'appelle basse-taille, et sa clef est celle de fa sur la quatriéme ligne; cette clef est aussi celle des basses, violoncelles, contre-basses, tymbales, et cetera en un mot, des instrumens les plus graves. Une basse-taille extrêmement grave s'appelle basse-contre.

La voix masculine la plus grave, après la basse-taille, s'appelle concordant: sa clef est celle de fa sur la troisiéme ligne.

La voix masculine qui suit le concordant s'appelle taille; c'est la voix la plus ordinaire, et pourtant la plus rarement belle; sa clef est celle d'ut sur la quatriéme ligne. Cette clef est aussi celle des bassons.

La voix masculine la plus aigue de toutes s'appelle haute-contre; sa clef est celle d'ut sur la troisiéme ligne. C'est aussi la clef des violes, des quintes de violon, et cetera.

La voix féminine la plus grave suit immédiatement la haute-contre, et s'appelle bas-dessus; sa clef est celle d'ut sur la premiere ligne. La clef d'ut sur la seconde ligne est peu en usage.

La voix féminine la plus aigue s'appelle dessus; sa clef est celle de sol sur la second ligne.

Cette derniere clef, ainsi que celle de sol sur la premiere [-103-] ligne, est aussi la clef des instrumens les plus aigus, comme violons, flutes, trompettes, haut-bois, flageolets, et cetera.

L'ut que l'on voit dans les clefs de fa, et dans les clefs d'ut, est une quinte au-dessus du fa qui est sur la ligne de la clef de fa; et le sol qui est sur les deux clefs de sol est la quinte au-dessus d'ut: de sorte que le sol qui est sur la plus basse ligne de la premiere clef de fa, est plus bas de deux octaves entieres que le sol qui est sur la plus basse ligne de la seconde clef de sol.

[cf. p.105] (ll) La syncope consiste dans une note qui appartient à deux tems, ou à deux mesures différentes, sans pourtant occuper et remplir entierement les deux tems ou les deux mesures. Par exemple, une note qui commence sur le tems foible d une mesure, et qui finit sur le tems fort de la suivante, ou qui dans une même mesure commence sur la partie foible d'un tems et finit sur la partie forte du suivant, est syncopée. Une note qui remplit seule une ou deux mesures dans une mesure à deux ou à trois tems, n est point censée syncopée; c'est une suite de la définition précédente. Ainsi dans la fin de l'exemple Z [ALEMEL 03GF], l'ut de la premiere mesure ne syncope pas, parce qu'il remplit deux tems entiers; il en est de même du mi de la seconde mesure, et de l'ut de la quatriéme, et de la cinquiéme.

[cf. p.109] (mm) Au reste, on se dispense de ce diéze ou de ce bémol [-110-] lorsqu'il est déjà à la clef. Par exemple, si le dieze est à la clef sur le fa (Voyez l'exemple X [ALEMEL 03GF]), on se contente d'écrire simplement ré sans diéze pour désigner l'accord parfait majeur de ré, ré fa [x] la ré. De même dans l'exemple XI [ALEMEL 03GF], où le bémol est à la clef sur le si, on se contente d'écrire sol simplement, pour désigner l'accord parfait mineur sol si [rob] ré sol.

Mais dans le cas où il y a un diéze ou un bémol à la clef, si on veut rendre mineur l'accord qui seroit majeur, ou majeur celui qui seroit mineur, on met au-dessus de la note fondamentale un [sqb] ou bécare; ainsi l'exemple XII [ALEMEL 03GF] désigne l'accord mineur ré fa la ré, et l'exemple XIII [ALEMEL 03GF], l'accord majeur sol si re sol. Souvent, au lieu de bécare, on met un bémol pour désigner l'accord mineur, et un dieze pour désigner l'accord majeur. Ainsi l'exemple XIV [ALEMEL 03GF] désigne l'accord mineur ré fa la ré, et l'exemple XV [ALEMEL 03GF], l'accord majeur sol si ré sol.

Lorsque dans un accord de septiéme ou de grande sixte, la dissonance doit être un diéze ou un bémol, et que ce diéze ou ce bémol ne se trouve point à la clef, plusieurs Musiciens écrivent le diéze ou le bémol avant ou après le 7 ou le 6. Par exemple, si je veux désigner l'accord sol si ré fa [x], j'écris cet accord comme on le voit exemple XVI [ALEMEL 03GF]. De même l'exemple XVII [ALEMEL 03GF] désigne l'accord de grande sixte la ut mi fa [x]. Mais Monsieur Rameau supprime ce diéze, sur-tout au-devant du 7: on en dira la raison plus bas, en parlant des accords par supposition.

[-111-] Si le diéze est à la clef sur le fa, et que je veuille désigner l'accord sol si ré fa, ou l'accord la ut mi fa, je mets au-devant du 7 ou du 6 un [sqb] ou un [rob].

De même si le bémol est à la clef sur le si, et que je veuille désigner l'accord ut mi sol si, je mets au-devant du 7 un diéze ou un bécare, et ainsi des autres.

[cf. p.115] (nn) Lorsque la basse monte ou descend d'une tonique à une autre par intervalle de tierces, le mode change ordinairement, c'est-à-dire de majeur devient mineur; par exemple, si je monte de la tonique ut à la tonique mi, le mode majeur d'ut, ut mi sol ut, se change dans le mode mineur de mi, mi sol si mi; au reste, il ne faut jamais monter d'une tonique à une autre, lorsque leurs modes n'ont aucun sons communs; par exemple, on ne sçauroit monter du mode d'ut, ut mi sol ut, au mode mineur de mi [rob], mi [rob] sol [rob] si [rob] mi [rob] (34 et 82.).

[cf. p.116] (oo) On voit par-là que tous les intervalles, sçavoir, de tierce, de quinte et de seconde, ont lieu dans la basse fondamentale, excepté celui de seconde en descendant. On se le permet pourtant quelquefois. Nous en parlerons au Chapitre IX.

[cf. p.117] (pp) Il y a des notes qui peuvent se trouver plusieurs fois de suite dans la basse fondamentale avec une harmonie différente. Par exemple, la tonique ut, après avoir porté l'accord ut mi sol ut, peut être suivie d'un autre ut qui porte accord de septiéme, pourvû que cet accord soit celui de dominante tonique, ut mi sol si [rob] (Voyez LXXII [ALEMEL 05GF]). De même la tonique ut peut être suivie de la même tonique [-118-] ut que l'on rendra sous-dominante en lui faisant porter l'accord ut mi sol la (Voyez LXXIII [ALEMEL 05GF].). Une dominante tonique ou simple descend ou monte quelquefois sur une autre par l'intervalle de triton ou de fausse quinte. Par exemple, la dominante fa portant l'accord fa la ut mi, peut être suivie d'une autre dominante si portant l'accord si ré fa la, c'est une licence qu'on se permet pour ne point sortir de la gamme dans laquelle on est; par exemple, de la gamme d'ut, à laquelle fa et si appartiennent. Si on descendoit du fa au si [rob] par intervalle de quinte juste, on sortiroit alors de cette gamme, puisque si [rob] n'en est pas.

[cf. p.119] (qq) Il y a souvent dans un dessus plusieurs notes qui peuvent si l'on veut, ne point porter d'accord, et être regardées comme des notes de passage, servant seulement à lier entr'elles les notes qui portent accord, et à former uu chant plus agréable. Ces notes de passage sont ordinairement des croches (Voyez exemple XLVII [ALEMEL 04GF].), ou ce chant ut ré mi fa sol, peut être regardé comme équivalent à celui-ci, ut mi sol, ré et fa n'étant que des notes de passage; de sorte que la basse de ce chant peut être simplement ut sol.

Quand les notes sont égales, et suivent un ordre diatonique, les notes qui sont sur la partie forte de chaque tems doivent porter harmonie: celles qui sont sur la partie foible sont des notes de passage; quelquefois cependant on fait porter harmonie à la note qui est sur la partie foible, mais alors la valeur de cette note est ordinairement augmentée par un point qu'on met après, ce qui abrege d'autant la note qui est sur le tems fort, et la faire passer plus vîte.

Quand les notes ne marchent point diatoniquement, elles doivent ordinairement entrer toutes dans l'accord qu'on met au-dessous d'elles.

[cf. p.120] (rr) Il y a pourtant un cas où la septiéme d'une simple dominante peut se rencontrer dans un chant sans être préparée, c'est lorsqu'ayant déjà employé cette dominante dans la basse fondamentale, sa septiéme se présente ensuite dans le chant, tandis qu'on peut conserver cette dominante. Par exemple imaginons ce chant,

[D'Alembert, Elémens de Musique, 120; ut, ré, si, et cette basse fondamentale, 7, sol] [ALEMEL 01GF]

(Voyez l'exemple LI [ALEMEL 04GF].) le 7/ré de la basse fondamentale répondant aux deux notes ré, ut du dessus, la dissonance ut n'a [-121-] pas besoin de préparation, parce que la note 7/ré de la basse fondamentale ayant déjà été employée pour le ré qui précede ut, la dissonance ut se présente ensuite, au-dessous de laquelle on peut conserver l'accord 7/ré, ou ré fa la ut.

[cf. p.121] (ss) Quand le dessus syncope en descendant diatoniquement, il est assez ordinaire de faire porter la dissonance à la seconde partie de la syncope, et la consonance à la premiere (Voyez exemple LV [ALEMEL 04GF].), où la premiere partie de la note syncopée sol est consonance dans l'accord ut mi sol ut, qui lui répond dans la basse fondamentale, et la seconde est dissonance dans l'accord suivant la ut mi sol. De même la premiere partie de la note syncopée fa est consonance dans l'accord ré fa la ut, qui lui répond; et la seconde partie est dissonance dans l'accord sol si ré fa, qui lui répond, et cetera.

[cf. p.123] (tt) C'est ce même accord qui se chiffre d'un 6 seulement dans la basse fondamentale, mais qu'on est obligé de chiffrer d'un 6/5 dans la basse continue, pour le distinguer [-124-] des accords de sixte et de petite sixte (Voyez exemple LVI et LXIV [ALEMEL 04GF]); au reste l'accord de grande sixte dans la basse fondamentale porte toujours la sixte majeure, au lieu que dans la basse continue, il peut porter la sixte mineure. Par exemple, l'accord de septiéme ut mi sol si, donne l'accord de grande sixte mi sol si ut, où la sixte de mi à ut est mineure.

[cf. p.124] (uu) Monsieur Rameau observe avec raison qu'on devroit plûtôt chiffrer cette petite sixte d'un 4/3, pour la distinguer de la sixte qui vient de l'accord de dominante tonique, et de la sixte qui vient de l'accord parfait. Cependant il chiffre dans ses ouvrages d'un simple 6 les petites sixtes qui ne viennent point de dominante tonique, c'est-à-dire qu'il les chiffre comme celles qui viennent de l'accord parfait; et nous l'avons suivi en cela ainsi qu'en tout le reste. Nous en parlerons encore plus bas.

[cf. p.124] (xx) L'accord de septiéme si ré fa la donne dans un renversement l'accord fa la si ré,, composé de tierce, triton et sixte; cet accord se chiffre ordinairement d'un 6, comme si le triton étoit une quarte juste; c'est à l'accompagnateur [-125-] à sçavoir que la quarte au-dessus de fa est un triton, ou quarte superfluë. On pourroit au reste chiffrer ainsi cet accord 6/4+/3.

[cf. p.125] (yy) La basse continue est d'autant plus chantante, que les sons qui la forment observent plus exactement l'ordre diatonique, parce que cet ordre est le plus agréable de tous; ainsi il faut tâcher de l'observer autant qu'il est possible. C'est pour cette raison que la basse continue de cet exemple LXI [ALEMEL 04GF], est plus chantante et plus agréable que la basse fondamentale qui lui répond.

[cf. p.126] (zz) Quand il y a repos dans le dessus, la note de basse continue doit être la même que celle de la basse fondamentale (Voyez l'exemple LXVII [ALEMEL 05GF].). Dans les repos qui se trouvent dans le dessus, à si et à ut (troisiéme et quatriéme mesures), les notes de basse fondamentale et de basse continue sont les mêmes, sçavoir sol pour le premier repos, et ut pour le second. Cette regle doit sur-tout s'observer [-127-] dans les cadences finales qui terminent une piece, ou un chant.

Il faut, autant qu'on peut, éviter que la même note se rencontre dans le dessus, et dans la basse continue, à moins que la marche de la basse continue ne soit contraire à celle du dessus; par exemple, dans la seconde note de la seconde mesure de l'exemple LXVII [ALEMEL 05GF], mi se trouve en même tems à la basse continue, et au-dessus: mais le dessus descend de fa à mi, tandis que la basse monte de ré à mi.

Il faut aussi éviter deux octaves ou deux quintes de suite: Par exemple, si le dessus dit sol mi, il faut éviter que la basse dise sol mi, ou ut la, ou ré si, parce que dans le premier cas, il y a deux octaves de suite, sol contre sol, et mi contre mi, et que dans le second cas, il y a deux quintes de suite, ut contre sol, et la contre mi, ou ré contre sol, et si contre mi. Cette regle, ainsi que la précédente, est fondée sur ce que la basse continue ne doit point copier le dessus, mais former un chant différent.

Toutes les fois que plusieurs notes de la basse continue répondent à une seule note de la basse fondamentale, on se contente de chiffrer la premiere de ces notes, ou même [-128-] on ne la chiffre pas si c'est une tonique, et on met sur les autres une barre (Voyez l'exemple LXVIII [ALEMEL 05GF], où la basse fondamentale ut donne la basse continue ut mi sol mi); les deux mi doivent porter dans cette basse l'accord 6, et le sol l'accord 6/4: mais comme ces accords sont renfermés dans l'accord parfait ut mi sol ut, qui est le premier de la basse continue, on ne met rien sur ut, et on met une barre sur mi sol mi.

De même dans la seconde mesure du même exemple, les notes fa et ré de la basse continue, venant de la seule note sol de la basse fondamentale qui porte l'accord sol si ré fa; on se contente de chiffrer fa de l'accord de triton [4+], et on met une barre sur le ré.

Remarquez que ce fa devroit naturellement descendre au mi: mais ce fa est censé subsister tandis que l'accord subsiste, et quand l'accord change, on doit nécessairement trouver le mi comme on le voit dans cet exemple.

En général quand un accord subsiste en passant par différentes notes, l'accord est censé le même que si la premiere note de l'accord subsistoit: de maniere que si la premiere note de l'accord est, par exemple, la note sensible, on doit rencontrer la tonique quand l'accord change. Voyez exemple LXIX [ALEMEL 05GF], où cette basse continue ut si sol si ré ut, est censée la même que celle-ci, ut si ut (Exemple LXX [ALEMEL 05GF].).

Si une même note de la basse continue répond à plusieurs notes de la basse fondamentale, elle se chiffre des différens accords qui lui conviennent. Par exemple, la note sol, dans une basse continue, peut répondre à cette basse fondamentale ut sol ut (Voyez l'exemple LXXI [ALEMEL 05GF]); en ce cas, on peut regarder la note sol comme divisée en trois parties, dont la premiere porte l'accord 6/4, la seconde l'accord 7, et la troisiéme l'accord 6/4.

[cf. p.129] (aaa) Si la dominante la, suivie de la dominante sol, étoit dominante tonique, ensorte qu'elle portât l'accord la ut [x] mi sol, la licence seroit encore plus grande; aussi ce dernier cas est-il fort rare.

On peut quelquefois, mais très-rarement, faire succéder diatoniquement en montant, ou en descendant, plusieurs toniques de suite, comme ut mi sol ut, ré fa la ré, ou ut mi sol ut, si [rob] ré fa si [rob]; mais outre que cette succession est dure, il faut pour qu'on la puisse pratiquer, que la quinte au-dessous de la premiere tonique se trouve dans l'accord de la tonique suivante, comme ici fa, quinte au-dessous de la premiere tonique ut, se trouve dans l'accord ré fa la ré, et dans l'accord si [rob] ré fa si [rob] (37 et note i.).

[cf. p.130] (bbb) Quoique la supposition soit une sorte de licence, cependant elle est en quelque maniere fondée sur l'expérience seconde, Chapitre premier de la premiere Partie, où l'on voit que tout son principal ou fondamentale, fait frémir sa douziéme et sa dix-septiéme en descendant, pendant que la douziéme et la dix-septiéme en montant resonnent. Ce qui semble nous autori er à joindre en certains cas à l'harmonie fondamentale cette douziéme et cette dix-septiéme en descendant, ou ce qui revient au même, la quinte ou la tierce au-dessous du son fondamental.

[cf. p.131] (ccc) Plusieurs Musiciens chiffrent cet accord d'un [x]7/2; Monsieur Rameau supprime ce 2 et met simplement 7 [x] ou [x] 7 pour l'accord de septiéme superflue. Mais, dira-ton, ne confondra t-on pas alors cet accord avec celui de septiéme majeure, que nous avons dit être désigné par 7 [x]? Monsieur Rameau répond que non, parce que dans l'accord de septiéme majeure, la septiéme devant être préparée, se trouve dans l'accord précédent, et qu'ainsi le diéze étant déjà dans cet accord précédent, il est inutile de le répéter; ainsi 7/[x]/ré 7/sol, chez Monsieur Rameau, indiqueroient ré fa [x] la ut, sol si ré fa [x]. Si on vouloit changer le fa [x] du second accord en fa; alors il faudroit écrire 7/[x]/ré 7[sqb]/sol. Tout cela paroît juste et bien fondé.

[cf. p.132] (ddd) La supposition introduit dans un accord des dissonances qui n'y étoient pas auparavant. Par exemple, si à l'accord mi sol si ré, on ajoûte la note de supposition ut en descendant de tierce, il est visible qu'outre la dissonance entre mi et ré, qu'on avoit dans l'accord primitif, on a deux nouvelles dissonances ut si, et ut ré, c'est-à-dire la septiéme et la neuviéme; ces dissonances doivent être, comme les autres, préparées et sauvées. On les prépare en les faisant syncoper, et on les sauve en les faisant descendre diatoniquement sur une des consonances de l'accord suivant. La seule note sensible se sauve en montant, encore faut-il que cette note sensible soit dans l'accord de dominante tonique. A l'égard des dissonances qui se trouvent dans l'accord primitif, elles doivent toûjours suivre les regles ordinaires (Voyez l'article 202.).

[cf. p.133] (eee) Plusieurs Musiciens appellent accord de neuviéme ce dernier accord; et accord de neuviéme et septieme, celui que nous avons appellé simplement, avec Monsieur Rameau, accord de neuvieme; ils chiffrent ce dernier accord de 9/7; mais la dénomination, et le chiffre de Monsieur Rameau sont plus simples, et ne peuvent jetter dans l'erreur, parce que l'accord de neuviéme emporte toûjours la septiéme, excepté dans le cas dont nous venons de parler.

[cf. p.134] (fff) On retranche souvent quelques dissonances des accords de supposition, soit pour diminuer la dureté de l'accord, soit parce qu'elles ne peuvent pas être préparées et sauvées. Par exemple, si dans une basse continue la tonique ut est précédée de la note sensible si, et qu'on veuille pratiquer sur cette tonique ut, l'accord de neuviéme ut mi sol si ré, il faut retrancher la septiéme si, parce qu'en la conservant, on détruiroit l'effet de la note sensible [5/]/si, qui doit monter à ut.

De même si à l'harmonie d'une dominante tonique sol si ré fa, on ajoûte la note par supposition ut, on a coûtume de retrancher de cet accord la note sensible si, parce que le ré devant descendre diatoniquement à ut, et le si devant y monter, l'effet de l'un détruiroit l'effet de l'autre. Cela a lieu sur-tout dans la suspension dont on va parler.

[cf. p.134] (ggg) La supposition produit ce qu'on appelle la suspension, et qui est à peu près la même chose. La suspension [-135-] consiste à conserver le plus de sons que l'on peut d'un accord pour les faire entendre dans l'accord suivant. Par exemple si j'ai cette basse fondamentale ut 7/sol ut, et cette basse continue au-dessus ut [x]7/ut ut, c'est une supposition: mais si j'ai cette basse fondamentale ut 7/sol 7/sol ut, et cette basse continue au dessus ut 7/sol [x]7/ut ut, c'est une suspension, parce que l'accord parfait de ut, qu'on attend naturellement après 7/sol dans la basse continue, est suspendu et retardé par l'accord [x]7/ut, qui se forme en conservant les sons sol si ré fa de l'accord précédent pour les joindre à la note ut, en cette sorte, ut ré fa sol si; mais cet accord [x]7/ut ne fait en ce cas que suspendre pour un moment l'accord parfait ut mi sol ut, qui doit le suivre.

[cf. p.137] (hhh) Comme l'accord de septiéme diminuée sol [x] si ré fa, et l'accord de dominante tonique mi sol [x] si ré, ne different l'un de l'autre que par les notes mi et fa; on peut former un chant diatonique de ces deux notes, et pour lors la basse fondamentale ne fait que passer de la dominante tonique à la note sensible, et de cette note à la dominante tonique, jusqu'à ce qu'on arrive à la tonique (Voyez XCII [ALEMEL 06GF].).

Par la même raison, comme l'accord de septiéme diminuée sol [x] si ré fa, et l'accord si ré fa la, que porte la quinte si de la dominante tonique mi, ne different que par la note sensible sol [x], et la tonique la; on peut quelquefois, tandis que le dessus chante sol [x] la sol [x] la sol [x] la, monter dans la basse fondamentale, de la note sensible à la tierce au-dessus, pourvû que l'on descende enfin de-là à la dominante tonique, et de-là à la tonique (Voyez XCIII [ALEMEL 06GF]). Au reste, cet exemple et le précédent sont des licences.

[cf. p.141] (iii) Au reste, nous supposons ici, et dans les articles précédens, que la basse continue soit chiffrée à la maniere [-142-] de Monsieur Rameau; car il est bon d'observer qu'il n'y a peut-être pas deux Musiciens qui chiffrent de la même maniere, ce qui produit un grand inconvénient pour l'accompagnateur, comme on le verra dans l'article Chiffrer, au troisiéme volume de l'Encyclopédie, article excellent, et dont Monsieur Rousseau de Genêve est l'Auteur; mais il n'est pas question ici de l'accompagnement. Nous exhortons donc les Commençans, par toutes sortes de raisons, à préférer les basses continues de Monsieur Rameau, à toutes les autres, pour y étudier la basse fondamentale.

Je dois même avertir, et je l'ai déjà fait, que Monsieur Rameau ne chiffre la petite sixte que d'un 6 non barré, lorsque cette petite sixte ne vient point d'un accord de dominante tonique; de sorte que le chiffre 6 rend incertain s'il faut mettre à la basse fondamentale la tierce au-dessous ou la quinte au-dessous: mais il sera aisé de voir si c'est la tierce ou la quinte qu'il indique; c'est ce qu'on distinguera: premier. en voyant laquelle des deux notes est exclue par les regles de la basse fondamentale: second. si les deux notes peuvent également être mises à la basse fondamentale; on se décidera par le ton ou mode dans lequel est le dessus. Nous donnerons dans les Chapitres suivans des regles pour déterminer le mode.

[cf. p.144] (lll) Quelquefois une note qui porte un 7 à la basse continue, donne à la basse fondamentale sa tierce au-dessus chiffrée d'un 6: mais en ce cas, il faut que cette note chiffrée d'un 6 monte de quinte. Par exemple, cette basse continue

7/la [5/]/si ut

donne cette basse fondamentale,

6/ut 7/sol ut

elle pourroit aussi à la rigueur donner celle-ci,

7/la 7/sol ut,

et en ce cas, on auroit à la basse continue, et à la basse fondamentale, la même note chiffrée d'un 7, suivant la regle prescrite; mais cette marche de basse fondamentale 7/la 7/sol est une licence (Voyez l'article 213.).

[cf. p.147] (mmm) Les modes majeures de fa [x], d'ut [x] ou re [rob], et de sol [x] ou la [rob], sont peu usités; dans l'Opéra de Pyrame et Thisbé, page 267, il y a une portion de scene dont une partie est dans le mode majeur de fa [x], et l'autre dans le mode majeur d'ut [x], et il y a six diézes à la clef. Je n'en connois point d'autres exemples.

Lorsqu'une piece commence en ut [x], on devroit mettre sept diézes à la clef: mais il est plus commode de ne mettre que cinq bémols, et de mettre la piece en ré [rob], qui revient au même que ut [x]: c'est pour cela que nous substituons ici le mode de ré [rob] à celui d'ut [x].

Il est encore bien plus nécessaire de substituer le mode de la [rob] à celui de sol [x]; car l'échelle du mode de sol [x] est

sol [x], la [x], si [x], ut [x], ré [x], mi [x], sol sol [x],

dans laquelle on voit qu'il y a tout-à-la-fois un sol naturel et un sol [x]; il faudroit donc tout-à-la-fois qu'il y eut un diéze sur le sol à la clef, et qu'il n'y en eut pas, ce qui est choquant. Il est vrai qu'on pourroit éviter cet inconvénient en mettant un diéze sur le sol à la clef, et en mettant dans la suite de la Piece un bécare avant le sol, lorsqu'il devroit être naturel; mais cela deviendroit embarrassant, sur-tout si on vouloit transposer. Nous dirons à l'article 236, ce que c'est que transposer. En substituant la [rob] à sol [x], il n'y a plus d'embarras.

[cf. p.150] (nnn) Deux diézes, fa [x] et ut [x] indiquent le mode majeur de ré, ou le mineur de si; et alors ut [x], par la transposition, se change en si, et par conséquent ré en ut, et si en la.

Trois diézes, fa [x] ut [x] sol [x], indiquent le mode majeur [-151-] de la, ou le mineur de fa [x]; et c'est alors sol [x] qui se change en si, et par conséquent la en ut, et fa [x] en la.

Quatre diézes, fa [x] ut [x] sol [x] re [x], indiquent le mode majeur de mi, et le mineur d'ut [x]; alors le ré [x] se change en si, et par conséquent mi en ut, et ut [x] en la.

Cinq diézes, fa [x] ut [x] sol [x] ré [x] la [x], indiquent le mode majeur de si, ou le mineur de sol [x]; alors la [x] se change en si, et par conséquent si en ut, et sol [x] en la.

Six diézes, fa [x] ut [x] sol [x] ré [x] la [x] mi [x], indiquent le mode majeur de fa [x]; alors mi [x] se change en si, et par conséquent fa [x] en ut.

Six bémols, si [rob] mi [rob] la [rob] ré [rob] sol [rob] ut [rob], indiquent le mode mineur de mi [rob]; ut [rob] se change en fa, et par conséquent mi [rob] en la.

Cinq bémols, si [rob] mi [rob] la [rob] ré [rob] sol [rob], indiquent le mode majeur de ré [rob], ou le mode mineur de si [rob]; alors le sol [rob] se change en fa, et par conséquent le ré [rob] en ut, et le si [rob] en la.

Quatre bémols, si [rob] mi [rob] la [rob] ré [rob], indiquent le mode majeur de la [rob], ou le mode mineur de fa; alors ré [rob] se change en fa, et par conséquent la [rob] en ut, et fa en la.

Trois bémols, si [rob] mi [rob] la [rob], indiquent le mode majeur de mi [rob], ou le mineur d'ut; alors le la [rob] se change en fa, et par conséquent mi [rob] en ut, et ut en la.

Deux bémols, si [rob] mi [rob], indiquent le mode majeur de si [rob], ou le mode mineur de sol; alors le mi [rob] se change en [-152-] fa, et par conséquent le si [rob] en ut, et le sol en la.

Un bémol si [rob], indique le mode majeur de fa, ou le mode mineur de ré, et le si [rob] se change en fa, par conséquent le fa se change en ut, et le ré en la.

Donc tous les modes majeurs peuvent se réduire au mode d'ut, et les mineurs à celui de la.

Il faut remarquer, au reste, que plusieurs Musiciens, entr'autres presque tous le Musiciens François, excepté Monsieur Rameau, mettent un bémol de moins dans le mode mineur; ensorte que dans le mode mineur de ré, ils ne mettent rien à la clef; dans le mode mineur de sol, un bémol seulement; dans le mode mineur d'ut, deux bémols, et cetera.

Cela est assez indifférent en soi-même, et ne vaut guere la peine de disputer: cependant la méthode que nous donnons ici, d'après Monsieur Rameau, a l'avantage de réduire tous les modes à deux, et d'ailleurs elle est fondée sur cette regle très-simple et très-générale, que dans le mode majeur, il faut mettre autant de diezes, ou de bémols à la clef, que l'échelle diatonique du mode en contient en montant; et dans le mode mineur, autant que cette même échelle en contient en descendant.

Quoi qu'il en soit, voici pour la transposition une regle qui me paroît plus simple que la regle ordinaire.

Pour les diézes.

Dites sol, ré, la, mi, si, fa, et changez sol en ut, s'il y a un diéze à la clef; ré en ut, s'il y a deux diézes; la en ut, s'il y en a trois, et cetera.

Pour les bémols.

Dites fa, si, mi, la, re, sol, et changez fa en ut, s'il y a un bémol à la clef; si en ut, s'il y a deux bémols; mi en ut, s'il y en trois, et cetera.

[cf. p.153] (ooo) On dit souvent être dans un ton, pour être dans un mode; ainsi les expressions suivantes sont synonymes: telle Piece est en ut majeur, ou dans le mode d'ut majeur, ou dans le ton d'ut majeur.

Nous avons vû que l'échelle diatonique ou gamme des Grecs étoit la si ut ré mi fa sol la (Article 49.). On a imaginé de représenter chacun des sons de cette échelle par une des lettres de l'alphabet; la par A, si par B, ut par C, et cetera c'est de-là que sont venues ces façons de parler: telle Piece est en A mi la mineur, en C sol ut majeur, pour dire qu'elle est en la mineur, en ut majeur; cette derniere façon de parler est plus courte, aussi commence-t-elle à devenir commune.

On dit de même la clef de F ut fa, la clef de G re sol, et cetera pour dire la clef de fa, la clef de sol, et cetera.

On dit aussi prendre l'A mi la, donner l'A mi la, c'est-à-dire prendre l'unisson d'un certain la du clavecin, lequel la est celui qui occupe la cinquiéme ligne, ou la ligne supérieure dans la premiere clef de fa. Ce la partage par le milieu les deux octaves que nous avons remarqué qu'il y a depuis le sol en bas de la premiere clef de fa, jusqu'au sol en bas de la seconde clef de sol; et comme il tient, pour ainsi dire, le milieu entre les sons les plus aigus et les plus graves, on l'a choisi pour être le son par rapport auquel toutes les voix et les instrumens doivent s'accorder dans un concert.

[cf. p.163] (ppp) Deux modes sont d'autant plus relatifs, qu'ils ont plus de sons communs; par exemple, le mode majeur [-164-] d'ut et le mode majeur de sol, ou le mode majeur d'ut, et le mode mineur de la: au contraire deux modes sont d'autant moins relatifs, qu'ils ont moins de sons communs; par exemple, le mode majeur d'ut, et le mode majeur de si, et cetera.

Quand on se trouve entraîné par la suite de la modulation, c'est-à-dire par la maniere dont on a formé la basse fondamentale, dans un mode éloigné de celui par lequel une piece a commencé, il faut y rester peu, parce que l'oreille s'empresse toujours de revenir au premier mode.

[cf. p.165] (qqq) On peut aussi donner au chant chromatique en descendant, une basse fondamentale dans laquelle il entrera des accords de septiéme et de septiéme diminuée qui se succéderont par intervalles de fausses quintes et de quintes superflues; ainsi dans l'exemple XC [ALEMEL 06GF], où la basse continue descend chromatiquement, on voit aisément que la basse fondamentale porte alternativement accord de septiéme et de septiéme diminuée, et que dans cette basse, il y a une fausse quinte du re au sol [x], une quinte superflue du sol [x] à l'ut, et cetera.

La raison de cette licence est, ce me semble, que l'accord de septiéme diminuée peut être censé représenter (Article 221.) l'accord de dominante tonique; de sorte que cette basse fondamentale,

la 7/ré [7/]/sol[x] 7/ut [7/]/fa[x] 7/si 7/[x]/mi la,

(Voyez exemple XCI [ALEMEL 06GF].) peut être censée représenter (116.) celle qui est écrite au-dessus,

la 7/ré 7/[x]/mi 7/ut 7/[x]/ré 7/si 7/[x]/mi la.

Or cette derniere basse fondamentale est formée suivant les regles ordinaires, fi ce n'est qu'il y a une cadence rompue de ré à 7/[x]/mi, et deux cadences interrompues de mi à ut, et de ré à si, qui sont des licences (Article 214.).


Return to the 18th-Century Filelist

Return to the TFM home page