TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE

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Fn and Ft: RAGPAI TEXT
Author: Raguenet, François
Title: La Paix de l'Opera
Source: La Paix de l'Opera, ou parallele impartial de la musique françoise et de la musique italienne (Amsterdam, 1753; reprint ed. in La Querelle des Bouffons, Genève: Minkoff, 1973), 1:513-552.

[-1-] LA PAIX DE L'OPERA, OU PARALLELE IMPARTIAL DE LA MUSIQUE FRANÇOISE ET DE LA MUSIQUE ITALIENNE.

A AMSTERDAM.

MDCCLIII.

[-3-] AVERTISSEMENT.

L'Écrit que l'on présente au Public n'est que l'extrait d'un petit Ouvrage qui parut en 1702, sous ce titre: Parallele des Italiens et des François, en ce qui regarde la Musique et les Opéra. L'Ouvrage est excellent pour le fond: mais le stile est si diffus et si peu correct, qu'il a été nécessaire d'élaguer et de rectifier beaucoup de choses. Il a même fallu ajoûter quelques remarques.

Si ce Parallele, tel qu'on le donne, paroît écrit avec plus de solidité que d'agrément, il faut se rappeller que c'est originairement un Ouvrage de l'année 1702, et non une brochure du jour. L'Auteur écrit naturellement, et sans enthousiasme: il ne prend point un ton dogmatique, ou railleur: il n'offense personne: il approfondit la matiére: il juge sainement. C'est ce qui distingue [-4-] son Ouvrage de toutes les brochures modernes qui ont paru sur le même sujet.

L'Éditeur a cru devoir terminer cet Écrit par quelques courtes Réflexions, qui concernent l'état présent de notre Musique: on connoîtra ces additions à cette marque [>].

[-5-] PARALLELE DE LA MUSIQUE FRANÇOISE ET DE LA MUSIQUE ITALIENNE.

ON regarde avec justice les Opéra comme les plus grands Ouvrages de Musique. Ce genre de Spectacle est commun aux Italiens et aux François: c'est-là que les plus célébres Artistes des deux nations se sont principalemeut efforcez de faire briller leur génie; c'est pourquoi ce sera sur ces sortes d'ouvrages que le ferai particulierement rouler ce Parallele.

Les François l'emportent sur les Italiens en beaucoup de choses: les Italiens à d'autres égards ont l'avantage sur les François. Mais en quoi consiste la supériorité des uns et des [-6-] autres? C'est ce qu'il est indispensable d'examiner, pour faire un Parallele impartial, et porter un jugement exact des deux Musiques. Commençons par l'Opera François.

Nos Poëmes Lyriques, tels qu'Armide, Thésée, Roland, et cetera, sont en général fort supéieurs aux Poëmes des Italiens; ce sont des Piéces travaillées avec art, pleines de chaleur et d'intérêt: quand on ne feroit qu'en délamer les paroles sans les chanter, elles plairoient presque autant que les Tragédies ordinaires. Rien n'est plus spirituel que les Dialogues qui s'y trouvent; les Dieux y parlent avec toute la dignité de leur caractére; les Rois avec toute la majesté de leur rang; les Bergers et les Bergeres, avec le tendre badinage qui leur convient. L'Amour, la Jalousie, la Fureur, et les autres passions y sont traitées avec un art et une délicatesse infinie; il y a peu de Tragédies plus belles que le Thesée de Quinault.

Au contraire, la plûpart des Opéra Italiens sont de pitoyables rapsodies, sans liaison, sans suite, sans intrigue. [-7-] Le canevas en est sec et trivial, l'action froide, les scenes décousues, les Dialogues sans esprit et sans finesse. *

Dans les Opéra François, les Paroles détachées qui se chantent dans les Divertissemens, ont toujours une sorte de connexion avec le sujet, et servent même quelquefois à lier l'action, comme dans le Divertissement du quatriéme Acte de Roland, dont l'idée est admirable. Dans les Opéra Italiens, les paroles des Ariettes n'ont quelquefois aucune liaison avec la scene: souvent même elles sont d'une autre main que le reste du Poëme. Quand l'Entrepreneur d'un Spectacle a rassemblé sa troupe dans quelque ville, il choisit pour sujet de son Opera la piéce qui lui plaît, comme Camille, Thémistocle, Xercès, et cetera. Ce n'est, comme je viens de le dire, [-8-] qu'un canevas, que l'Entrepreneur remplit des plus beaux airs que savent les Acteurs de la troupe. Car il n'y a point de scene à la fin de laquelle les Italiens ne sachent trouver une place pour quelqu'un de ces airs, qui sont (qu'on me pardonne cette expression basse) des selles à tous chevaux. On les place indistinctement dans toutes sortes de piéces, et c'est par-là que se terminent la plûpart des scenes. Ce sont ordinairement des déclarations d'amour, des plaintes d'Amants malheureux, des comparaisons empruntées de la mer, et cetera. Or de tels Opéra, faits ainsi de morceaux et de piéces, ne peuvent certainement être mis en parallele avec les nôtres, qui sont des ouvrages d'une composition et d'une conduite plus raisonnable.

Les François ont de plus un grand avantage sur les Italiens, du côté des voix, par les basse-tailles qui sont si communes chez nous, et si rares en Italie: car, au jugement de toute oreille, le son harmonieux de ces basses, que l'on entend quelquefois s'abîmer dans un creux profond, a quelque chose qui enchante: ces grosses [-9-] voix ébranlent une bien plus grande quantité d'air que les autres, et le remplissent par conséquent d'une bien plus vaste harmonie. Dans les personnages de Dieux et de Rois, quand il faut faire parler sur la scene un Jupiter, un Neptune, un Priam, un Agamemnon, nos Acteurs, avec leurs voix mâles ont toute une autre majesté que ceux d'Italie avec leurs faussets ou leurs fausses basses, qui n'ont ni creux ni force: outre que le mélange de ces basses avec les dessus forme un contraste très-agréable: plaisir que les Italiens ne goûtent jamais, les voix de leurs Musiciens, qui sont presque tous des Castrati, étant tout-à-fait semblables à celles de leurs femmes.

Outre l'avantage de la justesse des piéces, et des différentes espéces de voix, nous avons encore celui des Choeurs, des Danses, et des autres divertissemens: en quoi nos Opéra l'emportent infiniment sur ceux des Italians. Ceux-ci, au lieu des Choeurs et des Divertissemens qui font une si agréable varieté dans nos Opéra, et qui leur donnent même je ne sçai quel [-10-] air de grandeur et de magnificence, n'ont ordinairement que des scenes burlesques d'un bouffon, de quelque vieille qui sera amoureuse d'un valet, ou d'un magicien qui changera un chat en un oiseau, un violon en un hibou, et qui fera d'autres tours semblables, lesquels ne sçauroient divertir que le peuple. *

Enfin les François l'emportent sur les Italiens, pour les habillemens des Acteurs et des Actrices, qui sont d'une richesse, d'une magnificence, d'une élégance, et d'un goût qui passent tout ce qu'on voit ailleurs **. Il n'y a point en Europe, de Danseurs qui approchent des nôtres, de l'aveu même des Italiens; les Combattans et les Cyclopes de Persée, les Trembleurs et les Forgerons d'Isis, les Songes funestes d'Atis, et quelque autres Entrées de Ballet sont des Piéces originales, [-11-] soit pour les Airs composez par Lulli, soit pour les Pas que Beauchamp a faits sur ces Airs. On n'avoit rien vû de semblable sur le Théâtre avant ces deux grands hommes; ils en sont les inventeurs, et ils ont porté tout d'un coup ces Piéces à un si haut degré de perfection, que personne ni en Italie, ni en aucun autre endroit du monde, n'y a sçu atteindre depuis, et n'y atteindra peut-être jamais. Nul combat de Théâtre ne présente une image si naturelle de la guerre, que ceux que les François font quelquefois paroître sur la scene: en un mot tout est exécuté chez eux avec une justesse qui ne se dément en rien; tout y est lié, tout y est ordonné avec une suite et une économie admirable; tellement qu'il n'y a point de personne intelligente et équitable, qui ne demeure d'accord que les Opéra des François ont la forme d'un Spectacle bien plus parfait, que ceux des Italiens, et que ces sortes d'ouvrages, comme spectacles, sont au-dessus de ce qu'on voit en Italie. Voilà tout ce qu'on peut dire à l'avantage de la [-12-] France: voyons présentement ce qui peut être à l'avantage de l'Italie.

La Langue Italienne, considérée par rapport au chant, a un grand avantage sur la Langue Françoise, en ce que toutes ses voyelles ont un son plein, au lieu que dans notre Langue on rencontre presque à chaque pas des voyelles muettes qui n'ont presque point de son, sans parler de la concurrence des consonnes, qui sont moins fréquentes chez les Italiens, et qu'ils sçavent adoucir dans la prononciation. Il arrive de-là qu'on ne sçauroit faire aucune cadence, ni aucun passage agréble, sur la plûpart de nos syllabes, et qu'on perd la moitié de ce que chantent nos Acteurs. D'ailleurs quoique toutes les voyelles de la Langue Italienne ayent un son plein et articulé, les Compositeurs ont toujours l'attention de choisir les plus sonores, pour y faire leurs plus beaux passages. C'est sur la voyelle A qu'ils les placent ordinairement: et ils ont raison, puisque cette voyelle étant celle de toutes qui a le son le plus net, la beauté des passages et des [-13-] cadences en paroît d'avantage. Les Musiciens François, forcez de travailler sur une Langue moins douce et moins sonore, placent leurs passages et leurs cadences où ils peuvent, non seulement sur la voyelle A, mais sur l'E, et sur l'O, qui sont des voyelles très-sourdes. Ils les font même assez communément sur les diphtongues ai et oi, comme dans les mots chaîne et gloire, dont le son mixte et confus ne sçauroit avoir la beauté et la netteté des voyelles simples. Mais ce n'est là proprement que le matériel de la Musique: venons à ce qui en fait l'essence et la forme, c'est-à-dire, au caractére des Airs, considérez ou en particulier, ou par rapport aux diverses parties dont les grandes Piéces sont composées.

Les Airs Italiens sont plus détournez et plus hardis que les Airs François; le caractére en est poussé plus loin, soit pour la tendresse, soit pour la vivacité, soit pour les autres genres d'expression. Les François, dans les Piéces à plusieurs parties, ne travaillent communément que celle qui est [-14-] le sujet; les Italiens au contraire les travaillent toutes avec le même soin: enfin le génie des derniers est inépuisable pour inventer, au lieu que celui des premiers est assez étroitement borné; c'est ce que je vais tâcher de faire voir d'une maniere sensible, en entrant dans le détail de toutes ces choses.

On ne s'étonnera point que les Italiens trouvent que notre Musique berce et endort, quand on considérera la nature des Airs François, et celle des Airs Italiens. Les François dans les Airs qu'ils font, cherchent partout le doux, le facile, ce qui coule, ce qui se lie; tout y est sur le même mode, ou si quelquefois on en change, on le fait avec des préparations et des adoucissemens, qui rendent l'Air aussi naturel et aussi suivi, que si l'on n'en changeoit point du tout: il n'y a rien de fier, ni de hazardé; tout y est uni et symétrisé. Les Italiens, au contraire passent à tout moment du b carre au b mol, et du b mol au b carre; ils hazardent les dissonnances les plus irréguliéres, et leurs Airs sont d'un [-15-] chant si détourné, qu'ils ne ressemblent en rien à ceux que composent toutes les autres nations du monde.

Les Musiciens François croiroient commettre un attentat, s'ils faisoient la moindre chose contre les régles; ils flattent, chatouillent, respectent l'oreille, et tremblent encore de ne pas réussir, aprés avoir fait les choses dans toute la régularité possible. Les Italiens plus hardis changent brusquement de ton et de mode, font des cadences doublées et redoublées de sept et de huit mesures, sur des tons que nous ne croirions pas capables de porter le moindre tremblement; ils font des tenuës et des passages d'une longueur prodigieuse: ils y mêlent des échos et des fredonnemens de caprice. Les oreilles foibles sont surprises et presque indignées de ces hardiesses: mais les connoisseurs ne peuvent se lasser de les admirer: en effet l'harmonie naît de ces prétendues dissonnances, et tire sa plus grande force de ces irrégularitez, qui sembloient devoir la détruire.

Les Italiens hazardent les tons les plus extraordinaires, mais en gens [-16-] habiles, qui sont en droit de tout hazarder, et qui sont sûrs du succès. Ils se mettent quelquefois au-dessus de l'art, mais en maîtres de l'art, qui suivent ses loix quand ils veulent, et qui sçavent s'en affranchir quand il le faut. Au lieu de flatter, d'endormir, et de caresser perpétuellement l'oreille, comme font nos Musiciens, ils la tiennent alerte, ils tâchent de l'aguerrir, ils l'irritent quelquefois, et ils viennent à bout de la subjuguer.

Souvent vous entendez une Tenuë, contre laquelle les premiers tons de la Basse continue font une dissonance qui blesse l'oreille; mais la Basse continuant de jouer, revient à cette Tenuë par de si beaux accords, qu'on voit bien que le Musicien n'a fait ces premiéres dissonances, que pour faire sentir avec plus de plaisir ces belles cordes où il ramene aussi-tôt l'harmonie. Les Italiens sont plus difficiles que nous: un chant simple et uni leur paroît insipide: ils veulent des airs vifs, et variés à l'infini: sans cela on ne peut les réveiller, ni exciter leur attention.

[-17-] Continuons le parallele par rapport aux divers caractéres d'expression. C'est-là que les Italiens sont admirables: plus sensibles aux passions qu'aucun autre Peuple, ils les expriment dans leurs chants d'une maniere plus forte et plus énergique. S'il faut peindre quelqu'objet terrible, comme une tempête et un naufrage, ils en expriment si bien le caractére dans leurs Symphonie, que souvent la réalité n'agiroit pas plus fortement sur l'ame. Tout y est si vif, si aigu, si perçant, si impétueux, que l'imagination et tous les sens sont entraînés d'un commun transport: on ne peut se défendre de l'impression de ces mouvemens: l'effet ordinaire de ces sortes de Symphonies est d'inspirer, non-seulement aux Auditeurs, mais à ceux mêmes qui les éxécutent, un certain transport, et une espece d'enthousiasme qu'ils ont peine à dissimuler. Je n'ai jamais rien entendu de si frappant et de si terrible qu'un Air composé sur ces deux mots mille Saette, mille fléches, lequel fut éxécuté à Rome, en 1697, dans l'Oratoire de Saint Jerôme de la Charité. Toutes [-18-] les notes de cet air étoient pointées: l'expression étoit si forte et si spirituelle, qu'on ne pouvoit entendre rien de plus effrayant et de plus agréable tout à la fois.

Si la Musique doit peindre le calme et le repos, quoique cela demande un caractére d'expression tout opposé, les Italiens ne l'exécutent pas avec moins de succès; ce sont des tons qui descendent si bas, qu'ils abîment l'ame avec eux dans leur profondeur; ce sont des coups d'archet d'une longueur infinie, traînés d'un son mourant, qui s'affoiblit toujours jusqu'à ce qu'il expire entierement. Les Symphonies de leurs sommeils sont d'une expression admirable.

Ainsi, soit que les Airs soient d'un caractére vif ou d'un caractére tendre, soit qu'ils soient impétueux ou languissans, les Italiens l'emportent beaucoup sur nous pour l'expression. Mais ce que je trouve de plus admirable dans leur Musique, c'est qu'ils unissent quelquefois dans un même air des caractéres qui semblent incompatibles, comme on le peut voir dans la fameuse Ariette Mai non si vidde ancor [-19-] piú bella fedelta, et cetera. C'est l'air le plus doux et le plus tendre du monde, et sa Symphonie néanmoins est la plus vive et la plus piquante qu'on puisse entendre. Ils allient ces caractéres opposés d'une maniere, qui bien loin de gâter un contraire par son contraire, embellit toujours l'un par l'autre.

Que si des airs simples, nous passons aux Piéces composées de plusieurs parties, quel avantage les Italiens n'auront-ils pas sur les François? Dans nos grands airs d'Opera, c'est beaucoup quand le sujet est beau; il est rare que les parties qui l'accompagnent ayent seulement un chant suivi; on y trouve bien quelquefois des Basses continues qui roulent toujours, et que les François trouvent admirables à cause de cela; mais en ces occasions les Dessus sont peu de chose; ils cessent d'être le sujet, et la Basse le devient pour lors. En général nos accompagnemens sont fort négligés: il n'y a rien de si semblable: ce sont toujours les mêmes accords, les mêmes chûtes: nulle variété, nulle surprise: on y prévoit tout. Les accompagnemens [-20-] de violon ne sont la plûpart du tems que de simples coups d'archet qu'on entend par intervalles, qui n'ont aucun chant suivi, et qui ne servent qu'à exprimer de tems en tems quelques accords. En Italie, au contraire, le premier Dessus, le second, la Basse continuë, et les autres Parties, roulent ensemble, et sont toutes en mouvement. Un violon exécute la même Partie que la voix, la soutient, aide le Chanteur, et par conséquent l'Auditeur. Toutes les Parties sont chantantes, et quelquefois d'une beauté si égale, qu'on ne sçauroit dire laquelle est le sujet. Ce n'est point assez d'une ame pour sentir tant de beautés: il faudroit se multiplier pour les suivre et les goûter toutes à la fois.

Les Musiciens François se pillent communément les uns les autres, on se copient tellement eux-mêmes, que presque tous leurs ouvrages se ressemblent. Il semble au contraire que le génie des Italiens soit inépuisable, soit pour la quantité, soit pour la diversité des airs. Nous admirons tous les jours la fécondité du génie de [-21-] Lulli: jamais Musicien n'a paru en France avec tant de talent: il n'y a personne qui n'en convienne *. Mais outre que les Italiens pourroient peut-être revendiquer Lulli, leur compatriote, combien n'ont-ils pas d'Artistes, non moins illustres, à lui opposer. Il y en a à Rome, à Naple, à Florence, à Venise, à Milan, à Turin, et il y en a eu dans tous les tems: on y a vû les Lüigi, les Carissimi, les Mélani, les L'Egrenzi: à ceux-ci ont succédé les Scarlati, les Buononcini, les Corelli, les Bassani, et cetera. Les premiers sembloient avoir épuisé toutes les beautés de l'Art; cependant les seconds les ont au moins égalé dans une infinité d'ouvrages d'un caractére tout nouveau. Il s'en éleve chaque jour qui paroissent devoir encore renchérir sur tous les siécles passés; et cela, dans tous les endroits de l'Italie, au lieu qu'en France un de ces grands Maîtres est regardé [-22-] comme un Phénix, on n'en voit qu'un à la fois dans tout le Royaume, il faut un siécle entier pour le produire; encore désespere-t-on que tous les siécles ensemble produisent jamais un homme capable de remplacer Lulli. Il ne se fait plus rien de beau en France depuis la mort de ce grand homme, et comme chacun sçait par coeur ses Opéra, il arrive de-là que les Amateurs de la Musique sont aujourd'hui sans plaisir et sans espérance. Mais ils n'ont qu'à voyager en Italie, et je leur réponds que leur oreille, peut-être ennuyée d'entendre toujours les mêmes choses, trouvera un charme inconcevable dans la Musique Ultramontaine, qui a quelque chose de plus vif et de plus piquant que la nôtre. C'est ce qu'on ne comprendra jamais à moins que d'aller en Italie: Car tel est le préjugé de nos François, qu'ils ne sçauroient s'imaginer qu'on puisse rien faire de bon en fait de Musique, qui ne ressemble aux airs de Lulli. *

[-23-] Voilà les avantages qu'ont les Italiens sur les François du côté de la Musique considérée en général: disons quelque chose de particulier touchant leurs Opera, qui à certains égards ont aussi une grande supériorité sur les Opera François, comme j'ai montré qu'ils leur étoient inférieurs en plusieurs choses. Je me bornerai à l'examen des principales parties, qui concourent à former ce que nous appellons Opera: à sçavoir le Récitatif et les Symphonies: les voix et les Acteurs: les instrumens et ceux qui en jouent: enfin les décorations et les machines: je me renfermerai dans ces bornes étroites, et je traiterai même de toute ces choses avec la plus grande briéveté.

Il est certain que le Récitatif François est de sa nature plus chantant et plus mélodieux que celui des Italiens. Ce dernier est trop simple et trop uni. Ce n'est point proprement un chant, ce n'est qu'une déclamation notée, qui n'a presque point d'inflexion ni de modulation. Cependant les parties qui servent d'accompagnemens à cette espéce de psalmodie sont quelquefois [-24-] très-sçavantes; et tel est le génie des Italiens, qu'ils tirent des accords charmans de la seule articulation de la voix humaine; mais ces finesses de l'Art ne peuvent être sensibles que pour un petit nombre de connoisseurs: les Italiens eux-mêmes n'écoutent point ce Récitatif, et il paroît choquant à tous les étrangers. Il n'en est pas de même de la Symphonie des Opera Italiens; elle est moëlleuse, chantante, vive et hardie, soutenue, remplie d'accords les plus doux et les plus harmonieux, et cela sans presque aucune inégalité. Au contraire la Symphonie de nos Opera est en beaucoup d'endroits séche, maigre, languissante, et vuide d'harmonie. Il faut appliquer ici ce que j'ai dit plus haut touchant la Musique Italienne, considérée en général par rapport à la Musique Françoise.

Pour ce qui est des voix, si nous avons une grande supériorité sur les Italiens du côté des Basse-tailles et des Haute-contres, cet avantage est bien compensé chez eux par l'utilité qu'ils tirent de leurs Castrati. Ces voix artificielles sont infiniment plus [-25-] hautes et plus flexibles que nos plus beaux Dessus d'hommes et de femmes: elles exécutent les passages les plus difficiles, elles soutiennent des tenuës d'une longueur prodigieuse, qu'elles terminent par des cadences de la même durée: elles étonnent les oreilles; elles vont même quelquefois au coeur, et il s'en est trouvé de si touchantes, qu'on ne pouvoit les entendre sans être émû et attendri, sur-tout dans certains airs plaintifs, qui semblent particulierement faits pour ces sortes de voix.

Les voix de ces Castrati, quoique très-douces et très-légeres ont communément une grande étendue, en sorte qu'on les entend distinctement, même dans les plus varies Théâtres, dans quelqu'endroit qu'on soit placé. Elles se conservent long-tems dans la même force, et elles durent quelquefois des trente et quarante années.

Dans l'Opéra François, où il est si rare de trouver de grandes voix de femmes, et des Haute-contres d'une certaine étendue, ce sont ordinairement de petites filles et de jeunes garçons sans poumons, sans [-26-] force et sans haleine, qui chantent les dessus. On les entend à peine, et à moins qu'on ne soit fort près, on perd la moitié de ce qu'ils disent. Nos plus grandes voix de femmes ne se soutiennent guères que dix ou douze ans dans leur force et dans leur beauté, de sorte qu'une Actrice est à peine formée pour la déclamation, qu'elle dégénére du côté de la voix. Il faut songer à la remplacer, et l'on est forcé d'introduire sur la Scene des filles qui n'ont souvent aucune expérience du Théâtre, et à qui il faut des cinq ou six années d'exercice, pour être en état de jouer passablement un grand rôle.

La même chose arrive à l'égard des hommes: on les prend neufs: on est plusieurs années à les former, et lorsqu'ils commencent à chanter et à jouer comme il faut, ils perdent malheureusement la voix. Il y a toujours dans nos Opéra quelqu'Acteur ou quelqu'Actrice foibles, qui manquent au chant, ou à la mesure, ou à l'action.

Cette inégalité ne se trouve point, au moins au même degré dans les [-27-] Opera d'Italie. Si toutes les voix ne sont pas de la même excellence, il n'est aucun Acteur, ni homme ni femme, qui ne chantent avec justesse, et dont le talent ne soit formé à un certain point. Les Italiens, moins indulgens que nous, ne souffriroient pas que des apprentis osassent monter sur les grands Théâtres, et vinssent prendre des leçons aux dépens des Spectateurs.

Nous n'avons en France qu'un seul Opera, et l'on a toutes les peines du monde à le soutenir. Quand on se propose de représenter une Piéce nouvelle, il faut distribuer les partitions long-tems auparavant: on fait une infinité de répétitions particulieres; répétitions au Magazin, répétitions au Théâtre. J'ai assisté plusieurs fois aux unes et aux autres: quel embarras pour l'exécution d'un seul morceau de Musique! par exemple, d'un Choeur. L'un commence trop tôt, l'autre trop tard: L'un chante faux, l'autre sort de mesure: les Directeurs se tourmentent, le Compositeur est dans la plus violente agitation.

[-28-] Si une principale Actrice, si un Acteur d'un mérite distingué, viennent à nous manquer, il faut un tems infini pour réparer cette perte: non-seulement Paris, mais toute la France entiere ne peut les remplacer. Les Italiens n'éprouvent jamais cette disette: bien loin de manquer d'Acteurs, ils en fournissent à toute l'Europe. Outre les gens sans nombre qui sont Musiciens de profession, il y a une infinité de personnes, soit dans le commerce, soit dans les autres conditions, qui dans certains tems de l'année, montent sur le Théâtre. J'ai vû à Rome un Procureur qui abandonnoit son étude pendant le Carnaval pour prendre un rôle à l'Opera. C'étoit un habile Musicien, et outre cela un excellent Acteur pour le Comique. De-là cette multitude de Théâtres qu'on voit en Italie: tous les Hyvers il y a communément à Venise trois ou quatre Opéra, soit sérieux, soit comiques; et ces Opera ne sont rien en comparaison de ceux qu'on exécute à Rome, à Milan, et sur-tout à Naples, qui est la plus fameuse Ecole d'Italie.

[-29-] Passons à ce qui concerne les Instrumens. Les Italiens avoient autrefois un avantage infini sur nous de ce côté-là, non seulement pour la maniere de jouer, mais pour le matériel et pour la forme des instrumens mêmes. Les cordes de leurs violons étoient beaucoup plus grosses que les nôtres: leurs archets avoient plus de longueur: il en étoit de même de plusieurs autres instrumens; tout y étoit plus fort de moitié pour le calibre, et par conséquent pour le son. Nous ignorions l'usage des contrebasses, instrument nourri et moëlleux, qui produit un effet admirable dans les Concerts, et qui remplit l'air d'une agréable harmonie, dans une sphere très-vaste.

Les choses ont beaucoup changé à cet égard, et notre Orchestre, pour le matériel, est à peu près monté comme celui des Italiens, c'est-à-dire, que nous avons adopté leurs grands violons, leurs longs archets, et leurs grosses Basses. Quant à la maniere de s'en servir, nous n'avons qu'un très-petit nombre d'Artistes, [-30-] qui approchent de ceux d'Italie. * Les François, naturellenent dissipés, ne s'adonnent point avec une certaine ardeur à la Musique: ils l'apprennent tard, ils l'étudient mollement: peu de gens se destinent à cette Profession, qui n'est ni récompensée, ni honorée parmi nous. La plûpart de nos Artistes se contentent d'arriver à un certain degré de médiocrité, qui les met en passe de jouer dans nos Concerts, soit publics, soit particuliers: [-31-] cela les fait vivre, et ils s'en tiennent là. Les Italiens font une étude sérieuse de la Musique: ils s'y exercent dès leurs plus tendres années: ils apprennent à déchiffrer les notes, en même tems que nous apprenons à connoître les lettres: ils lisent dans la tablature comme nous lisons dans les livres ordinaires, et ils déchiffrent sans hésiter toute sorte de Musique, comme une personne bien exercée à la lecture déchiffre couramment toutes sortes de caractéres. On voit des enfans de douze ou treize ans figurer dans un Orchestre avec des Musiciens d'un âge fait, et exécuter, souvent sans préparation, des Symphonies d'une difficulté extrême, qui embarasseroient nos plus habiles Artistes. On ne bat point la mesure dans les Orchestres d'Italie: un seul homme, placé au clavessin, dirige de l'oeil les voix et les instrumens: on remarque à peine qu'il préside à l'éxécution. Cependant personne ne bronche: tout s'exécute avec la derniere justesse: tant les Italiens sont consommés dans la Musique.

Une autre chose contribue encore [-32-] à faire valoir les Orchestres d'Italie, et à leur assurer une grande supériorité sur les nôtres, c'est que les plus habiles Maîtres ne dédaignent pas d'y jouer *. On a vû à Rome à un même Opera Corelli, Pasquini, et Gaëtani, qui étoient constamment les premiers hommes du monde, l'un pour le Violon, l'autre pour le Clavessin, et le troisiéme pour le Thuorbe. Aussi leur donnoit-on à chacun trois et quatre cens pistoles pour un mois ou six semaines tout au plus. Ces récompenses, jointes à l'estime et à la considération attachée aux talens, font qu'en Italie il y a beaucoup plus de gens qui s'appliquent à la Musique qu'en France: or parmi un plus grand nombre d'Artistes, il est naturel, même toutes choses étant égales, [-33-] qu'il y ait aussi un plus grand nombre de gens qui réussissent.

Il me reste à parler des décorations et des machines: les Italiens me paroissent encore supérieurs à nous à cet égard. Premiérement leurs Théâtres sont infiniment plus vastes et plus magnifiques que les nôtres, les Loges sont plus profondes, plus ouvertes, et mieux distribuées: nos Salles de Spectacles ne peuvent entrer en comparaison avec les leurs. En second lieu les décorations d'Italie sont plus variées, plus élégantes, plus riches, et plus conformes aux regles de la perspective et du dessein que celles qu'on fait en France. On y voit des morceaux d'Architecture d'un goût et d'une magnificence dont rien n'approche: les Italiens y représentent assez ordinairement des édifices antiques, dont les précieux restes subsistent encore, comme le Colisée, ou Amphithéâtre de Vespasien, l'Arc de Tite, et d'autres monumens de cette nature: en sorte que ces décorations sont communément aussi instructives qu'agréables.

Quant aux Machines, comme le [-34-] Merveilleux est banni des Opera d'Italie, on n'y voit ni vols, ni chars, ni Démons aîlés qui traversent le Théâtre, ni d'autres miracles de cette nature. Mais les Italiens y suppléent par des inventions, dont l'artifice n'est pas moins admirable. Sans parler des cavalcades, des combats de Mer, et des autres représentations de ce genre qui s'exécutent au naturel sur certains Théâtres, on y voit quelquefois des Machines d'une structure fort particuliere. Un jour on fit paroître à Venise un Eléphant d'une prodigieuse grosseur: un instant après cette machine s'ouvrit, et l'on vit sortir de son sein une troupe de gens armez. Tous les soldats par le seul arrangement de leur boucliers avoient formé la représentation de cet Elephant, qui paroissoit peint au naturel. J'ai vû à Rome en 1698 un grand phantôme, entouré de gardes, s'avancer sur le Théâtre de Capranica: Ce phantome étendit les bras, et développa ses habits: il s'en forma un vaste palais, composé de plusieurs corps de logis, le tout d'une très-belle architecture. Les gardes ne firent que piquer leurs [-35-] hallebardes sur le Théâtre, et elles furent aussi-tôt changées en jets d'eau, et en arbres, qui formerent un jardin charmant au-devant de ce palais: tous ces changemens se firent avec une vîtesse et une précision merveilleuse.

C'étoit le Chevalier Acciaioli, frere du Cardinal de ce nom, qui avoit donné le dessein de cette ingénieuse machine: et rien n'est plus ordinaire en Italie que de voir des personnes du premier rang, qui se font un plaisir de procurer au public ces sortes de spectacles.

[>] Reprenons * en peu de mots les principes établis dans ce Parallele, ou plutôt hâtons-nous de le terminer par quelques Réflexions, qui concernent uniquement notre Musique.

L'Opéra Françoise, considéré par rapport à la multitude des Acteurs, à la richesse des habits, à l'appareil des Danses, est sans contredit un des plus beaux Spectacles qu'il y ait en Europe. Si on le considére du côté de l'élégance, de la justesse, et de la perfection des Poëmes, c'est encore un [-36-] Spectacle admirable sous ce point de vûë. Mais toutes ces choses, je veux dire les danses, les habits, les paroles mêmes, ne sont que le matériel de l'Opéra: la Musique en est l'ame: cette partie, la plus essentielle de toutes, est celle que les François ont le plus négligée, et il faut convenir qu'à cet égard notre Spectacle lyrique auroit grand besoin d'une réforme. Mais ne faisons point le mal plus grand qu'il ne l'est, et gardons-nous de sapper les fondemens de la Musique Françoise, sous prétexte de la vouloir réformer.

Lulli, assez heureux pour rencontrer des Poëmes pleins de volupté et de sentiment, a imaginé un Récitatif doux, mélodieux, assorti aux paroles délicates de Quinault, au génie de notre Langue, et à la complexion sensible des François. Conservons ce chant, puisqu'il est fait pour nous, puisqu'il flatte nos oreilles, puiqu'il a tant de charmes pour la nation. Après tout il a ses agrémens: les Italiens ont beau en médire: notre Plainchant vaut encore mieux que leur Psalmodie. Mais tâchons de rendre ce même Récitatif moins monotone, de le faire marcher [-37-] d'un pas plus ferme, de l'égayer de tems en tems par des accompagnemens vifs, d'y ménager quelques surprises, quelques chutes imprévûës.

Conservons les Choeurs, qui font un si grand effet dans notre Musique: mais cherchons moins à y entasser les notes, qu'à les distribuer avec une judicieuse oeconomie: évitons le fracas, les clameurs: faisons contraster plus sensiblement les parties.

Fixons-nous au genre d'Ariette dont Monsieur Rameau a enrichi notre Musique: n'allons pas plus loin: l'indocilité de notre Langue ne nous permet pas de prendre le vol hardi des Italiens. Mais donnons un libre essor à notre génie dans les Ouvertures, dans les airs de violon, et dans les autres morceaux de symphonie. Sortons du cercle étroit dans lequel Lulli, et ses froids imitateurs, ont renfermé notre Musique.

Il y a quelques années qu'on proposa aux Directeurs de l'Opera un projet, dont ils tireroient un grand avantage, s'ils prenoient des moyens efficaces pour en procurer l'exécution. [-38-] Ce projet consistoit à reprendre sous oeuvre la plûpart de nos anciens Opera: c'est Monsieur Rameau qu'on devoit charger de ce travail, et il est certain qu'on ne pouvoit s'adresser mieux. Cette réforme seroit nécessaire à plusieurs égards: il n'y a personne qui n'en convienne. Lulli, né pour exceller dans toutes les parties de la Composition, s'il eût voulu les embrasser, s'est borné en quelque sorte à la seule partie du Chant: il a négligé presque toutes les autres. Les défauts de sa Musique étoient moins sensibles dans le tems des Thevenards, des Muraires, des Antiers, et des Le Maures: leur voix, leur jeu inimitable séduisoit les Spectateurs, et couvroit les négligences du Musicien. Aujourd'hui que la séduction est beaucoup moindre, on juge de ces grands Opéra avec plus de liberté d'esprit: on admire toujours Quinault, mais on sent que Lulli pouvoit mieux faire. On trouve ses Ouvertures séches, monotones: ses airs de violon maigres, et peu travaillez: ses ariettes mesquines et triviales. Le canevas de ses Trio et de ses [-39-] Choeurs est assez riche: mais les accompagnemens sont foibles, et tout cela péche du côté du remplissage.

Tant que nos anciens Opéra resteront dans cet état d'imperfection, il ne faut pas espérer qu'on puisse les remettre au Théâtre avec succès, surtout si l'on considere que nous n'avons presque plus d'Acteurs capables de suppléer par leurs talens à la foiblesse originaire de notre Musique. Il arrive de là que la plûpart des anciennes Piéces tombent dans l'oubli. Que sont devenus Isis, Amadis, Cadmus, Alceste, Atys? Le canevas de ces Opéra est très-bon, le Récitatif est admirable, il y a même d'excellens morceaux de symphonie. Pourquoi se priver d'un si riche fond? Pourquoi renoncer à un héritage, qu'on pourroit recueillir, et même amplifier à peu de frais? Pourquoi surtout, pourquoi laisser tomber dans l'oubli tant de Poëmes admirables, qui auront nécessairement la même destinée que la Musique? Cette derniere perte est d'autant plus affligeante, que nous sommes aujourd'hui dans une grande disette [-40-] de bons Poëmes. On remédieroit à tous ces inconvéniens par le projet dont j'ai parlé, on enrichiroit le fond de l'Opéra, on réveilleroit l'attention et la curiosité du Public, enfin l'on préserveroit notre ancienne Musique de la chute prochaine dont elle est menacée.

FIN.

[Footnotes]

* [cf. p.7] Il faut excepter de cette critique premier quelques anciennes Piéces, composées par des Ecrivains de réputation, tels que Stampiglia, Apostolozen, Pariati, et cetera. Deuxiéme Tous les Poëmes modernes de Metastasio, qui peuvent passer pour d'excellens Drames, et qui ont même beaucoup plus l'air de Tragédies que les Opéra de Quinault.

* [cf. p.10] Les choses ont beaucoup changé en Italie à cet égard: on a supprimé, presque partout, ces plats intermédes: on a introduit les Choeurs et les Danses, dont l'usage est aujourd'hui très commun.

** [cf. p.10] Des personnes dignes de foi m'ont assuré qu'à cet égard on poussoit aussi loin la magnificence à Naple qu'à Paris.

* [cf. p.21] Lulli étoit l'Idole de nos Peres: il a encore beaucoup d'Adorateurs, et il en mérite: Mais que jamais Musicien n'ait paru en France avec tant de talent, c'est une chose devenue problématique depuis les succès éclattans de Monsieur Rameau.

* [cf. p.22] Préjugé ridicule que Monsieur Rameau a eu tant de peine à combattre, et qui nuit depuis tant d'années aux progrès de notre Musique.

* [cf. p.30] Dans le tems que notre Auteur écrivoit, l'Orchestre de l'Opera étoit très-foible. Il peut passer aujourd'hui pour un des meilleurs de l'Europe. Tout le monde sçait que nous sommes redevables de ses progrès à Monsieur Rameau, dont la Musique pleine de science et de travail a exercé et formé la main de nos Artistes.

Messieurs Le Clerc, Guignon, Mondonville, Cupis, ont aussi contribué beaucoup à perfectionner notre Musique Instrumentale, soit par leurs compositions sçavantes, soit par leur talent admirable pour le Violon. Messieurs Gavinié et Pagin se signalent aujourd'hui dans la même carriere: l'Italie s'efforceroit envain de nous opposer des hommes plus célébres. Combien d'autres Artistes illustres n'avons-nous pas dans tous les genres, un Blavet, un Bertaut, un d'Aquin, et tant d'autres.

* [cf. p.32] Il seroit à souhaiter que nos fameux Artistes imitassent en cela les Italiens, et que de petites v<..>s de vanité ou d'intérêt ne les éloignassent pas de nôtre Orchestre. Monsieur Blavet, le premier homme du monde pour la Flute, n'a point crû se dégrader en jouant à l'Opéra. Après un tel exemple, il n'est point d'Artiste célébre qui ne doive ambitionner une place dans notre Orchestre.

* [cf. p.35] C'est ici que commencent les courtes additions, annoncées dans l'Avertissement.


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