TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE

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Author: Serre, Jean-Adam
Title: Observations sur les principes de l'harmonie, Seconde partie
Source: Observations sur les Principes de l'Harmonie, Occasionnées Par quelques Ecrits modernes sur ce sujet, et particuliérement par L'Article Fondamental de Monsieur d'Alembert dans l'Encyclopédie, Le Traité de Théorie musicale de Monsieur Tartini, Et le Guide Harmonique de Monsieur Geminiani (Geneve: Henri-Albert Gosse et Jean Gosse, 1763; reprint ed. New York: Broude Brothers, 1967), I-XVI, 109-173.
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[-109-] OBSERVATIONS SUR LES PRINCIPES DE L'HARMONIE.

SECONDE PARTIE.

Analyse critique de l'ouvrage de Monsieur Tartini, intitulé Traité de Musique selon la vraie science de l'Harmonie, de 175 pages in-quarto 1754.

Occasion et dessein du Traité de Musique de Monsieur Tartini.

218. CE Traité de Monsieur Tartini est écrit en forme de lettre et addressé à Monsieur le Comte Décius Augustin Trento. Ce Seigneur, dans un Avertissement qu'il a mis à la tête de l'ouvrage, nous aprend que c'est lui-même qui le publie, malgré les oppositions qu'apportoit à cette publication l'extrême modestie de l'Auteur. Cette Préface est suivie d'une espéce d'épitre dédicatoire que cet Artiste [-110-] addresse à ce même Seigneur. On y voit que la matiére traitée dans l'ouvrage avoit souvent été celle de leurs conversations, que Monsieur le Comte Trento ayant en diverses occasions opposé aux idées de l'illustre Arriste de fortes objections, celui-ci, vû la difficulté de les resoudre dans des conversations souvent interrompues, et où d'ailleurs il ne sauroit jamais régner assez d'ordre, s'est vû obligé, pour répondre aux desirs de son ami, de mettre ses idées par écrit, afin que les différentes parties de son système étant présentées de suite et dans l'ordre le plus convenable, ce sistême pût paroitre dans tout son jour. Il ajoute que son dessein a été de se borner à une Théorie philosophique de l'harmonie, sans entrer dans les détails de la Pratique et des régles du Contrepoint.

Division générale de l'ouvrage.

219. L'ouvrage même est divisé en six Chapitres précédés d'un petit Traité ou Discours préliminaire, et suivis d'un court appendice sous le titre de Conclusion.

Discours préliminaire.

120. Il seroit difficile de donner une idée exacte du Discours préliminaire sans le traduire en entier. Je me contenterai de dire qu'il y explique la nature des diverses espéces de Proportions, et qu'il tâche d'y justifier la methode qu'il suit quelquefois dans ses calculs de substituer à un terme irrationel le nombre qui [-111-] en approche le plus. On fait que l'Arithmétique ne peut pas fournir un nombre qui soit exactement le terme moyen géométrique proportionnel de deux nombres quelconques dont l'un est double de l'autre.

221. Dans ce cas Monsieur Tartini se croit autorisé à prendre celui qui approche de plus près de ce terme moyen irrationel. Il pense donc qu'en fait de calculs rélatifs à l'harmonie le nombre 7, par exemple, peut être pris pour terme moyen géometrique des deux extrêmes 5 et 10, quoiqu'il soit démontré que cela n'est pas exactement vrai; que pareillement, et à plus forte raison, le nombre 17 peut dans ce cas passer pour le terme moyen géométrique proportionnel des deux extrêmes 12 et 24 et ainsi du reste. Il fait remarquer que plus les nombres qui expriment ce même rapport de 1 à 2. sont grands, plus le nombre substitué au moyen irrationel approche de ce terme moyen, qui, comme on fait, est la racine quarrée du nombre produit en multipliant l'un par l'autre les deux nombres en questions.

222. Ce petit Traité préliminaire n'annonce déja que trop l'obscurité dont le sistème de l'Auteur est enveloppé, ou du moins les difficultés qu'il y a à surmonter pour en obtenir une parfaite intelligence.

223. Mais la solidité et l'utilité de ce sistême balanceront-elles la peine d'en suivre attentivement les idées et les preuves? La suite de cet Extrait pourra suggérer la réponse qu'on peut faire à cette question.

[-112-] Division du corps de l'ouvrage.

224. Voici les Titres des Chapitres qu'il contient.

Chapitre I. Des Phénomènes harmoniques, de leur nature et de leur usage.

Chapitre II. Du Cercle, de sa nature et de son usage.

Chapitre III. Du Sistème musical, des Consonnances, des Dissonnances, de leur nature, et leur définition.

Chapitre IV. De l'Echelle diatonique, et du genre musical pratique, de son origine, de son usage et des conséquences qui en résultent.

Chapitre V. Des Modes ou Tons anciens et modernes.

Chapitre VI. Des Intervalles et des Modulations particuliéres de la Musique moderne.

Premier chapitre.

225. Dans ce premier Chapitre Monsieur Tartini expose les divers phénoménes harmoniques sur lesquels il se propose de fonder son sistème. Il indique d'abord en peu de mots le phénomène de la résonnance du corps sonore dans laquelle il suppose qu'on ne distingue, outre le son principal, que sa douziéme et sa dix-septiéme majeure.

226. Mais je dois remarquer que dans la Conclusion de son Traité, Monsieur Tartini paroit ne pas rejetter absolument le sentiment de ceux qui pensent que l'octave et la double octave sont aussi contenues dans la résonnance, quoique plus difficiles à distinguer [-113-] à cause de leur ressemblance avec le son principal.

227. Monsieur Tartini passe ensuite aux phénomènes des sons harmoniques rendus par la trompette, le cor de chasse, et plus particuliérement à ceux de la trompette marine. Il se présente deux remarques sur ce qu'il dit à l'occasion des sons harmoniques rendus par la trompette marine.

228. Il suppose d'abord qu'il est impossible d'imiter sur le violoncelle ou sur le violon ce qu'on fait sur cette trompette; il paroit avoir ignoré entiérement ce qui depuis quelque tems se pratique à cet égard assez communément sur ces deux instrumens.

229. En second lieu il allégue comme un fait, et il tâche de prouver par un raisonnement physique, qu'on ne peut tirer un son harmonique, qui soit la dix-septiéme majeure de la totalité de la corde, qu'en effleurant sur cette corde le premier des quatre points qui la divisent en cinq parties égales; il prétend en conséquence que si au lieu de poser le doigt sur ce premier point, on le porte sur le second, on ne réussira point à en tirer le même son harmonique: mais qu'à sa place on n'entendra qu'une espèce de bourdonnement produit par l'opposition qu'il y aura entre les deux sortes de vibrations, bourdonnement, ajoute-t-il, qui n'est, ni ne peut être physiquement un vrai son, che non è mai suono, perchè in tal caso è fisicamente impossibile, pour rapporter ses propres termes.

230. S'il est permis de juger de ce qui se peut faire sur la trompette marine par ce qu'on fait [-114-] aisément sur un violoncelle, Monsieur Tartini etoit, du moins lorsqu'il écrivoit, dans une erreur bien évidente: l'expérience démontre parfaitement qu'il est égal, lequel que ce soit des quatre points de la corde qu'on touche pour en tirer le son harmonique dont il s'agit.

231. Il ne sera peut-être pas hors de propos (ne fût-ce que pour donner un exemple de la maniére dont l'illustre Musicien de Padoue raisonne comme Physicien) d'expliquer d'après lui ce qu'il entend par l'opposition des deux différentes vibrations (il contrasto delle due diverse vibrazioni) qu'il conçoit devoir nécessairement (per necessità fisica) s'entre-détruire.

232. Voici son raisonnement. Supposez une corde sonore af

a b c d e f

. . . . . .

dont la longueur totale soit conçue divisée en cinq parties égales par les quatre points b, c, d, e: si l'on veut tirer de cette corde un son harmonique en touchant légérement le point c au lieu du point b, alors la partie ac que l'archet fait vibrer, et qui prend les 2/5 de la longueur totale de la corde, communiquera à la partie ce, qui lui est égale en longueur, une vibration semblable à la sienne, une vibration telle que cette longueur comporte; mais le mouvement vibratoire passant de là au reste ef, qui n'est qu'un 1/5 de la corde, il est physiquement impossible, dit notre Auteur, qu'il soit égal à celui des 2/5.

Il y aura donc en ef une vibration qui différera des deux prémieres, et cette vibration réagissant successivement sur les deux autres parties [-115-] cd et ac, elle en interrompra et en divisera les vibrations; d'où de nécessité physique résultera la destruction des vibrations de ces deux parties, et par conséquent celle du son qui en dépend immédiatement.

233. Il ne manquoit à ce raisonnement, pour qu'il fût d'accord avec l'Expérience, que de tirer de la réaction de la partie ef, une conséquence directement opposée à celle que Monsieur Tartini a crû devoir en déduire; si cette réaction doit diviser, comme il le dit lui-même, les vibrations des parties ce, et ac, il étoit naturel d'imaginer qu'il se seroit au milieu de ces deux parties, savoir en b, et en d, des points fixes, et qu'alors toutes les vibrations se faisant également par des 1/5 de la corde, elles concourroient toutes à faire entendre le même son harmonique, la même dixseptiéme majeure.

234. Monsieur Tartini va plus loin. De ce prétendu fait que la corde ne peut rendre de son harmonique, lors qu'on la touche au point c, c'est-à-dire à un point qui divise la corde en deux parties, dont aucune ne se trouve partie aliquote de la totalité de la corde, il se croit en droit d'en conclure en général qu'on ne peut tirer d'une corde sonore aucune sorte de son harmonique, qu'autant que la partie interceptée entre le point touché et l'extrémité de la corde se trouve exactement partie aliquote de la totalité, qu'autant que cette partie répond exactement à un des termes de la suite harmonique

1/2 1/3 1/4 1/5 1/6 1/7 et cetera

[-116-] rélativement à cette totalité désignée par 1.

235. La considération que tous les termes de cette progression fractionnaire ont nécessairement chacun l'unité pour numérateur, lui paroit extrêmement importante: "Je sai, dit-il, qu'ordinairement on désigne ces différens termes par le nom de parties aliquotes; mais, ajoute-t-il, je n'ai pas besoin d'une telle dénomination, qui ne fait point comprendre ce que je conçois dans cette suite de fractions. J'y considére démonstrativement et physiquement leur caractère essentiel d'unité, comme on le verra encore mieux dans la suite de cet ouvrage. A cet égard le nom de partie aliquote ne veut rien dire; le nom d'unité dit tout: Nulla significa il nome di parte aliquota: tutto significa il nome di unità." Je laisse au Lecteur à estimer, comme il jugera à propos, un langage aussi emphatique.

236. Monsieur Tartini passe tout de suite aux phénomènes de l'orgue; il remarque que dans cet instrument une suite de tuyaux dont les sons répondent à ceux que rendroient les six cordes sonores qui seroient entre elles comme

1. 1/2. 1/3. 1/4. 1/5. 1/6

ne font entendre, lorsqu'ils résonnent ensemble, que le seul son le plus grave, celui qui répond à l'unité. "Donc, conclut-il, dans ce phénomène la diversité est réduite à l'identité, la multiplicité à unité par la force de la suite harmonique, in forza della serie armonica.

237. Le paragraphe suivant paroit singulier; [-117-] j'en donne ici la traduction aussi litterale (a) qu'il m'est possible.

"Etant donnée, dit-il, une suite de cordes sonores d'égale grosseur, suspendues par un de leurs bouts et disposées dans leur longueur comme les quarrés des fractions (b),

1, 1/4, 1/9, 1/16, et cetera

si l'on adapte à chaque corde (c) un poids toujours égal, les sons desdites cordes sont en notes musicales

(prises en montant) comme  ut, ut, sol, ut, mi, sol,
et en nombres comme        60, 30, 20,  15, 12, 10,

qui forment une progression harmonique (d): Les oscillations des dites cordes sont simultanées [-118-] (equitemporanee) avec cette loi, que pendant que la corde 1 fait une oscillation, la corde 1/4 en fait deux, la corde 1/9 trois, la corde 1/16 quatre, et cetera et elles se rencontrent au même instant, lors qu'on les met toutes en mouvement en même tems."

238. Il me semble que Monsieur Tartini confond ici deux choses très différentes, les oscillations muettes d'un pendule dont le bout inférieur, auquel est attaché le poids, décrit des arcs de cercle, avec les vibrations d'une corde sonore: il est bien démontré tant par le fait que par le raisonnement, que le nombre dés oscillations de pendules de différentes longueurs, toutes choses d'ailleurs égales, est en raison inverse de la racine quarrée de leur longueur: mais il n'est pas moins démontré que le nombre des vibrations de cordes sonores de différentes longueurs, tendues par une force égale, est simplement en raison inverse de ces longueurs. Il semble, dans le passage que je viens de rapporter, que Monsieur Tartini prétende au contraire que le 1/4 d'une corde sonore fasse entendre l'octave simple, le 1/9 de cette corde, la douziéme du son de la totalité de cette corde; mais il seroit peut-être injuste de supposer que Monsieur Tartini ait pu réellement tomber dans une erreur aussi sensible: il est donc naturel de penser qu'il y a quelque méprise dans la maniére dont il s'est exprimé.

239. La conséquence que Monsieur Tartini tire des phénomènes harmoniques qu'il a rapportés, quoique peu exactement, ne laisse pas d'être très vraie; voici comme il l'exprime.

[-119-] "Donc l'unité considérée à tous égards est inséparable du système harmonique; le système harmonique lui-même rentre dans l'unité comme dans son principe."

Il passe ensuite au phénomène du troisiéme son, dont nous avons déja eu occasion de parler. "On a découvert, dit-il, un nouveau phenomène harmonique qui prouve admirablement la même chose, et beaucoup plus."

240. Ce beaucoup plus il le trouve dans la supposition que le troisiéme son rendu par un intervalle quelconque est toujours le terme 1/2, c'est-à-dire une octave plus haut que l'unité, premier principe des deux sons qui forment cet intervalle; de sorte que selon cet Artiste, on ne pourroit pas dire à l'égard de ce phénomène, ce qu'il vient de dire à l'égard des autres, que le sistème harmonique rentre dans l'unité, (si risolve nella unità). Il faudroit, pour pouvoir le dire, reconnoitre que le troisiéme son en question rend toujours l'unité, ainsi que je l'ai supposé dans mes Essais et cetera.

241. Le célébre Artiste de Padoue termine ce prémier chapitre de son Traité en faisant remarquer au Lecteur combien le phénomène du troisiéme son est merveilleux (a), et combien peu on auroit pu s'attendre à découvrir, à l'aide d'aucune des sciences connues, un phénomène [-120-] qui a, dit-il, pour loi physique une proprieté de quantité tout-à-fait nouvelle, savoir que des deux termes donnés 1/2, 1/3 ou 1/3, 1/4 ou 1/20, 1/21 ou 1/100, 1/101 et cetera il en résulte toujours 1/2.

Voila donc, ajoute-t-il, le terme 1/2 physiquement établi pour racine physique du sistême harmonique.

242. Il est fâcheux que cette conclusion en faveur du terme 1/2, à l'exclusion du premier terme 1, soit fondée sur une détermination aussi délicate et aussi sujette à caution que l'est celle dont il s'agit, de l'aveu même de Monsieur Tartini, ainsi que je l'ai rapporté dans la premiere Partie de cet Ecrit, (Articles 182 et 183).

243. J'ai tâché dans cet abregé du premier chapitre du livre de Monsieur Tartini, de donner le moins obscurément qu'il m'a été possible la substance de ce qu'il contient; parce que c'est sur les propositions bien ou mal prouvées, sur les faits vrais ou prétendus, exposés dans ce chapitre, qu'est fondé le systême qu'il veut établir dans le reste de l'ouvrage.

Second Chapitre.

244. Il s'agit dans le second Chapitre de mettre à profit en faveur de la Théorie harmonique les proprietés du Cercle, et en particulier celles du Cercle consideré comme inscrit dans un quarré. C'est à l'aide de divers rapports qu'il trouve, ou qu'il imagine entre les proprietés de ces deux figures ainsi réunies et les proprietés de la progression harmonique, qu'il [-121-] espére de rendre plus lumineuses les Propositions les plus essentielles de son système.

245. Je ne sai s'il s'est trouvé aucun Lecteur qui ait pu soutenir la lecture entiére de ce chapitre, où l'on trouve d'abord plusieurs assertions précaires ou fondées sur des rapports arbitraires, ou très abstraits, et par conséquent peu propres à engager un Lecteur un peu économe de sa tête et de son tems à suivre l'Auteur dans un labyrinthe de calculs arithmétiques rélatifs à ces assertions et à ces rapports.

246. D'ailleurs Monsieur Tartini reconnoit lui-même sur la fin de ce chapitre que les spéculations qui y sont contenues ne sont pas absolument nécessaires pour l'intelligence de son système musical. On ne s'attendra donc pas que j'en donne ici l'analyse: je me contenterai d'en extraire un morceau qui pourra paroitre assez singulier aux Géomètres, et qui servira à faire comprendre si l'on a lieu de conter plus surement sur la solidité des raisonnemens de ce grand Artiste, que sur son exactitude dans l'observation des faits.

247. Monsieur Tartini reconnoit qu'il est démontré, tant par l'algébre, qu'il dit n'entendre pas, que par l'arithmétique qu'il posséde, que si les trois termes 1, 2, x sont supposés former une proportion harmonique, le troisiéme terme x désigne une grandeur infinie par raport aux deux premiers termes. "Reste à savoir, ajoute-t-il, quelle est la figure géométrique qui démontre cette proposition." Il la trouve cette démonstration dans le cercle, dans lequel le rayon représentant le [-122-] premier terme 1, et le diamétre le second terme 2; La circonférence doit, selon lui, exprimer le troisiéme terme x. Et là-dessus il lâche l'exclamation suivante: O quali e quante consequenze da tal vista, s'è vera!

248. Mais tout de suite il reconnoit l'absurdité qu'il y auroit à prétendre que cette circonference soit dans ce cas-ci une grandeur égale à x, c'est-à-dire une grandeur infinie.

249. Il a cependant démontré auparavant, dit-il, que la circonference du cercle doit être le troisiéme terme d'une proportion harmonique dont le rayon et le diamétre sont les deux premiers. "Puis donc, ajoute-t-il, que mes démonstrations et la démonstration opposée sont également sans replique, la conséquence légitime qui suit de cette opposition, c'est que le terme indéfini x (a) peut et doit s'entendre en deux sens différens, dans le sens ordinaire (b), et dans le sens qui m'est particulier (c). Les Géométres savent bien, ajoute-t-il, que ce n'est pas ici le seul cas, où l'on démontre deux propositions contradictoires. Je dis cependant par anticipation que dans ce cas-ci les deux propositions ne sont pas autrement [-123-] contradictoires, comme cela paroitra en son lieu."

250. Il paroit que la dialectique de Monsieur Tartini se trouveroit ici reduite à une fâcheuse alternative si les Gèométres ne vouloient pas convenir, ni de l'idée qu'il leur attribue sur les propositions contradictoires, ni de la possibilité de concilier en aucun sens celles dont il est ici question.

251. Monsieur Tartini, quoique très versé dans les premiers Elémens de la Géométrie, paroit ignorer qu'il y a une figure, une courbe géométrique, l'hyperbole considerée entre ses asymptotes, qui renferme exactement la condition qu'il demande, mais qui peut-être n'auroit pas bien quadré avec son système.

252. Les Géométres savent que la nature de cette courbe est telle que les abscisses étant prises sur une des deux asymptotes en proportion ou progression arithmétique croissante, les ordonnées correspondantes seront en proportion ou progression harmonique décroissante, et réciproquement; et que par conséquent si trois abscisses sont comme 1, 1/2, 0, proportion arithmétique décroissante, les trois ordonnées correspondantes formeront la proportion harmonique croissante 1, 2, 1/0 dans laquelle le troisiéme terme 1/0 exprime, comme on sait, une ligne infiniment grande, et qui coincide avec l'autre asymptote.

253. Pareillement si l'on suppose une suite infinie d'abscisses prises sur une des asymptotes qui croissent comme la suite naturelle des nombres

1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, et cetera

et qui désignent une suite infinie de sons relativement [-124-] aux nombres de leurs vibrations, les ordonnées correspondantes donneront en progression harmonique les nombres

1, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6, 1/7, et cetera

qui expriment les longueurs des cordes propres à former ces mêmes sons.

254. Après avoir démontré à sa façon que la figure du Cercle est intrinséquement harmonique, Monsieur Tartini fait cette reflexion remarquable (a): "Vous vous étonnerez sans doute, Monsieur le Comte, que je me sois donné la peine de prouver ma proposition de telle façon que vous ne soyez pas seulement convaincu, mais encore accablé par le poids des raisons. Outre que cette proposition, ajoute-t-il, est le principal fondement de mon système, je vous prie de croire qu'elle est en elle-même, et indépendamment du sistème musical, d'une si grande importance, que je suis assuré qu'il n'y en a aucune dans toutes les sciences humaines connues qui l'égale. Soyez même persuadé que ce que j'en dis ici est au dessous de ce qu'on en pourroit dire: mais cela se rapporte à une autre science.

[-125-] 255. Il paroit que les idées de Monsieur Tartini ne le cedent guéres en prétention dans cette occasion à celles de l'illustre Musicien François qui trouve dans le corps sonore le principe de la géométrie et même de la plupart de nos connoissances.

Troisiéme Chapitre.

256. C'est dans le troisiéme Chapitre que Monsieur Tartini, à l'aide de nouveaux calculs, déduit des spéculations précédentes son systême Musical, et en tire la nature et la définition des Consonnances et des Dissonnances. Ce systême se réduit à neuf Propositions pratiques, ou comme il les apelle à neuf Canons Musicaux que je vais rapporter en italien avec une Traduction, soit Paraphrase aussi intelligible qu'il me sera possible.

257. Premier Canon musical.

Che le parti cantanti, e suonanti si dispongano piucchè sia possibile in armonica proporzione tra loro.

"Que les parties vocales et instrumentales soient arrangées autant qu'il se pourra, de maniére qu'elles forment entre elles une proportion harmonique."

258. Il ne faloit pas beaucoup de calcul pour etablir le fondement de cette régle; elle ne prescrit autre chose sinon que les parties doivent, autant qu'il est possible, se conformer à l'arrangement naturel qu'on observe entre les divers sons contenus dans la résonnance d'un corps sonore.

259. Second Canon musical.

Che nelle parti integrali della sestupla armonica

1, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6,

[-126-] non si pongano insieme questi tre termini 1, 1/2, 1/4, benche contenuti nella sestupla.

"Que dans un accord parfait on ne joigne pas ensemble les deux octaves 1/2 et 1/4 avec le son principal 1, quoiqu'elles soient contenues dans les six premiers termes de la progression harmonique

1, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6."

260. La raison que Monsieur Tartini donne de ce singulier Canon me paroit trop obscure et trop alambiquée pour que j'entreprenne de l'expliquer; ce que j'y trouve de plus intelligible se réduit à ceci.

C'est que dans le cas qu'on mît ensemble les trois sons 1, 1/2, 1/4, ces nombres formeroient une proportion géométrique: or cette proportion est le principe des dissonnances. Il est vrai qu'excepté l'octave tout intervalle consonnant étant ajouté à lui-même forme une dissonnance, et que les trois termes numeriques qui expriment une telle addition forment toujours une proportion géométrique, ainsi que cela paroit par exemple dans l'addition d'une douziéme à une autre douziéme

[Serre, Observations, 126,1; text: 1, 1/3, 1/9, ut, sol, re.] [SEROBS2 01GF]

ou en désignant les mêmes sons par les rapports de leurs vibrations

[Serre, Observations, 126,2; text: 1, 3, 9, ut, sol, re.] [SEROBS2 01GF]

et de même dans l'addition d'une simple quinte à une simple quinte

[-127-] [Serre, Observations, 127; text: 4, 6, 9, ut, sol, re.] [SEROBS2 01GF]

261. Troisiéme Canon musical.

Che la sestupla armonica estensione integrale del sistema, si può dilatare in grave, e in acuto moltiplicando per dupla i termini integranti la sestupla.

"Qu'on peut à l'aide des octaves porter au grave ou à l'aigu les sons désignés par les six premiers termes de la progression harmonique au-delà de l'étendue naturelle de cette progression."

262. Cette régle, qui accorde aux sons musicaux l'étendue de cinq octaves et au-delà, que lui donne la pratique, et qui est environ le double de celle qui seroit renfermée entre les deux termes extrêmes 1 et 1/6 de la progression harmonique

1, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 9/1.

Cette régle, dis-je, n'a comme on voit d'autre fondement que l'extrême ressemblance d'un son avec son octave.

263. Quatriéme Canon musical.

Che gli intervalli di ottava, quinta, quarta, terza maggiore, e terza minore, come parti integranti del sestuplo armonico sistema, ch'è la perfettissima consonanza integrate, sono tutti consonanti, perchè sono della natura del suo tutto, o sia della sua unità integrale, ch'è la sestupla armonica.

"Que les intervalles d'octave, de quinte, de quarte, de tierce majeure et de tierce mineure, comme parties essentielles du sistème ou de la [-128-] résonnance harmonique, sistème ou résonnance qui forme la consonnance la plus parfaite et la plus complette, sont tous consonnans, parce qu'ils sont de la nature de leur tout, ou de leur unité complette, laquelle embrasse les six premiers termes de la progression harmonique."

264. Cette idée purement spéculative n'est pas bien différente de celle de Monsieur d'Alembert qui juge que les intervalles consonnans ne sont point tels en vertu des rapports de leurs vibrations; mais seulement parce qu'ils sont contenus dans la resonnance du corps sonore. Mais ne seroit-il pas plus naturel de prendre le revers de cette idée, et de penser que si les consonnances existent dans cette resonnance plutôt que les intervalles dissonnans, dont les rapports sont moins simples, c'est précisément en vertu de la nature de ces rapports, c'est parce que dans l'ordre naturel des choses les rapports simples précédent, et l'emportent sur les rapports composés.

265. Il importe de remarquer ici que Monsieur Tartini ne nomme pas les sixtes dans l'énumération des consonnances qu'il donne dans ce quatriéme canon. Est-ce à dessein ou sans dessein qu'il les omet? Je l'ignore; mais on verra bientôt qu'il lui convenoit assez de n'en pas faire mention. Cette omission me fournit l'occasion de faire observer un défaut essentiel du système et de la Théorie de ce célébre Musicien.

266. Tous ses calculs, toutes ses speculations sur le cercle inscrit dans un quarré ont abouti [-129-] jusqu'à présent à nous faire regarder les six termes de la progression harmonique

1, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6,

comme représentant un Tout complet harmonique, un tout qui contient en lui-même toutes les consonnances; c'est selon son expression énergique la perfettissima consonanza integrale, la réunion consonnante de toutes les consonnances, qui même ne sont telles que parce qu'elles entrent dans ce Tout harmonique, qu'elles en sont les parties intégrantes.

267. De cette idée il s'ensuit que tout intervalle qui ne se trouvera pas dans ce Tout, qui n'en est point partie intégrante, ne doit pas être un intervalle consonnant. Ce Tout harmonique contient en effet, selon la maniére dont Monsieur Tartini indique les rapports des intervalles (a),

les trois octaves,      1,   1/2;  1/2, 1/4;  1/3, 1/6.
la double octave        1,   1/4.
les deux douziémes      1,   1/3;  1/2, 1/6.
les deux quintes        1/2, 1/3;
la dix-neuviéme         1,   1/6.
la quarte               1/3, 1/4.
la dix-septiéme majeure 1,   1/5.
la dixiéme majeure      1/2, 1/5.
la tierce majeure       1/4, 1/5.
la tierce mineure       1/5, 1/6.
et la sixte majeure     1/3, 1/5.

[-130-] 268. Mais malheureusement pour le sistême la sixte mineure, intervalle auquel aucun Musicien, ni Monsieur Tartini lui-même, ne refusera le titre de consonnance, ne se trouve point dans ce Tout. Pour qu'elle y fut comprise il faudroit pousser plus loin la progression harmonique, et aux six termes

1, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1,

ajouter les deux suivans 1/7, 1/8. Ce n'est qu'alors que cette progression pourra nous donner la sixte mineure qui ne peut être désignée que par les deux termes 1/5 et 1/8: Mais il est fâcheux que la progression ne puisse arriver à ce dernier terme qu'en passant par le terme 1/7, qui jettera dans le tout sept dissonnances, c'est-à-dire autant de dissonnances qu'il y a de termes avec lesquels il peut être comparé.

269. Que si pour éluder la difficulté Monsieur Tartini alléguoit que le terme 1/8 n'indique que l'octave du terme 1/4 et qu'ainsi il doit être censé représenté dans ce terme, je répondrois qu'en ce cas il n'étoit point nécessaire de pousser la progression harmonique jusqu'au terme 1/6, que ce terme étant représenté par 1/3 dont il est l'octave, se trouve être aussi superflu que le terme 1/8. Par la même raison je pourrois rejetter les termes 1/2 et 1/4 comme superflus, puisqu'ils sont censés [-131-] contenus dans le premier terme 1, en sorte qu'alors la progression harmonique, au lieu de six termes, n'en auroit plus que trois, et se trouveroit ainsi reduite à la simple proportion harmonique 1, 1/3, 1/5.

270. Je conclus donc de deux choses l'une, ou que le prétendu Tout harmonique de Monsieur Tartini péche par défaut, ou qu'il péche par excès, et que par conséquent les raisonnemens et les calculs qui l'ont conduit à regarder les six premiers termes de la progression harmonique

1, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6.

comme formant un Tout harmonique parfait, un Tout auquel il n'y a rien à retrancher ni à ajouter, sont des calculs et des raisonnemens en pure perte.

271. Cinquiéme Canon musical.

Che in genere qualunque accordo musicale sar à dissonante, se vi saranno nell' accordo due intervalli simili di specie diversa eccettuata (più per uso che per ragione) la ottava.

"Qu'en général tout accord musical sera dissonnant s'il y a dans l'accord deux intervalles de différente espéce, excepté (plus par usage que par raison) l'intervalle de l'octave."

272. Monsieur Tartini explique ce qu'il entend par intervalles de différente espéce, expression assez impropre dans le sens qu'il lui donne ici: Il nomme donc intervalles de différente espéce deux quintes également justes, mais dans lesquelles le son grave de l'une n'est pas à l'unisson ou à l'octave [-132-] du son grave de l'autre; soit que le son grave de cette seconde quinte se trouve être le même que le son aigu de la premiére, soit autrement: Ainsi selon cette définition l'accord dissonnant ut, sol, re, contient deux quintes égales, mais d'une espéce différente parce qu'elles ne sont pas formées des mêmes notes; par la même raison raison l'accord ut, mi, sol, si contient aussi deux quintes ut sol, et mi si, et deux tierces majeures ut mi, et sol si, d'espéce différente, c'est-à-dire formées de notes différentes; mais l'accord ut, sol, ut, sol, dans lequel les deux derniéres notes sont à l'octave des deux premiéres, les deux quintes sont censées de la même espéce, étant formées par des notes de même dénomination, et par conséquent l'accord est consonnant.

273. Selon cette définition, qui est de Monsieur Tartini lui-même, l'octave n'a point besoin de l'exception qu'il fait en sa faveur, et l'accord

1   1/2  1/4  où le second ut est la simple octave,
ut, ut,  ut,

et le troisiéme ut la double octave du premier ut, ne contient nullement ce qu'il appelle deux intervalles de différente espéce, quoiqu'il renferme une octave ajoutée à une autre octave par le moyen d'un son commun aux deux octaves. Ce n'est donc pas simplement l'usage, c'est encore la raison, c'est ce cinquiéme canon lui-même, qui place l'octave redoublée dans le rang des accords consonnans.

274. Et quant à la raison qu'il allégue que les nombres

1, 1/2, 1/4,

[-133-] qui expriment cet accord forment une proportion géométrique, principe selon lui des dissonnances; cette même raison condanneroit l'accord

1,  2/3, 1/2, 1/3
ut, sol, ut,  sol.

dont nous venons de parler à être dissonnant, puisque les quatre nombres qui l'expriment ne forment pas moins une proportion géométrique

1 : 2/3 :: 1/2 : 1/3.

et que selon sa propre remarque une proportion géométrique discrete ou de quatre termes produit le même effet qu'une proportion continue ou de trois termes. Nous verrons bien-tôt encore, à l'occasion du septiéme canon, que la sixte majeure juste, la quinte et l'octave même devroient selon ce même principe être mises au rang des intervalles dissonnans.

275. Sixiéme Canon musical.

Che de' due intervalli simili di specie diversa sarà il consonante quello, che intrinsecamente appartiene al sistema armonico o aritmetico. Sarà il dissonante quello, che in niun modo appartiene, nè può appartenere a' due suddetti sistemi.

"Que de deux intervalles semblables, mais de différente espèce, celui-là sera consonnant lequel appartient au sistème harmonique ou arithmétique; et que celui qui n'appartient ni ne peut appartenir à aucun de ces deux sistèmes sera dissonnant."

C'est-à-dire que de deux intervalles semblables, mais dont l'un est à sa place naturelle à l'égard du son fondamental, et l'autre hors de [-134-] cette place, le premier sera consonnant et le second dissonnant.

276. Dans l'accord parfait formé par la réunion de tous les sons désignés par les six termes de la progression harmonique

1   1/2 1/3  1/4 1/5 1/6
ut, ut, sol, ut, mi, sol,

chaque intervalle que cet accord renferme n'est consonnant qu'autant qu'il est dans la place que lui assigne cette progression, place qu'on peut en conséquence appeller sa place naturelle.

Mais si à l'un de ces différens sons on ajoute un intervalle consonnant, c'est-à-dire semblable à un des intervalles compris dans cet accord parfait, cet intervalle deviendra dissonnant, si la place qu'il occupe est différente de sa place naturelle.

277. La quinte et la tierce majeure sont dans leur place naturelle, lors que ces deux intervalles sont harmoniques, c'est-à-dire lorsqu'ils sont quinte ou tierce majeure du son

fondamental 1                      1/2    1/4.
            ut, ou de ses octaves  ut  ou ut

Au contraire la quarte et la sixte majeure ne sont dans leur place naturelle, que lors qu'elles sont quarte ou sixte majeure de sol quinte du son fondamental ut.

Pareillement la tierce mineure, s'il s'agit d'un accord majeur, n'est à sa place naturelle que lors qu'elle est tierce mineure de mi tierce majeure du son fondamental ut; ou bien que lorsqu'elle est tierce mineure du son fondamental, [-135-] quand il est question d'un accord parfait mineur.

278. Dans toute autre position ces mêmes intervalles deviennent dissonnans à l'égard du son fondamental. Ainsi par exemple la quinte ou la tierce majeure du son, qui est lui-même quinte ou tierce majeure de la note fondamentale, forment des intervalles dissonnans à l'égard de cette derniere note. Par consequent un intervalle formé de deux quintes, de deux tierces ou de deux sixtes majeures, de deux tierces ou de deux sixtes mineures est un intervalle dissonnant, et même dans les principes de Monsieur Tartini, comme nous l'avons vû, la double octave devroit être rangée dans la classe des dissonnances, comme étant composée de deux intervalles égaux.

279. Septiéme Canon musical.

Che non si dà, ne può darsi posizione alcuna dissonante, se non fondata sopra la posizione consonante.

"Qu'il n'y a, ni ne peut y avoir aucun accord dissonnant qui ne soit fondé sur un accord consonnant."

Le sens de ce Canon dans l'esprit de Monsieur Tartini revient à ceci, qu'un accord dissonnant n'est tel qu'autant qu'on ajoute à un des sons de son harmonie naturelle un intervalle consonnant en lui-même, mais rendu dissonnant par la place qu'il occupe dans cet accord. On voit que ce septiéme Canon différe très peu du sixiéme.

[-136-] 280. Pour prouver et éclaircir ce Canon Monsieur Tartini en fait l'application à la septiéme mineure que porte l'accord sensible de la dominante, et à la sixte majeure que porte celui de la soudominante.

Il établit donc premiérement que dans l'accord sol si re fa c'est toujours le fa qui en est la dissonnance, sous quelque face qu'on présente cet accord, et lors même que le fa étant dans la basse forme l'accord de seconde fa sol si re; il rejette en conséquence le langage ordinaire des Musiciens qui dans ce dernier cas attribuent la qualité de dissonnance, non au fa, mais aux trois sons de l'accord parfait sol si re. Pour démontrer que dans toutes les faces de l'accord en question, c'est le fa qui en est la dissonnance, il a recours à la supposition peu juste que dans l'accord sol, si, re, fa, il y a deux tierces mineures semblables si re et re fa.

281. Mais s'il est démontré (comme il l'est en effet, et cela par Monsieur Tartini lui-même (a), que la premiére de ces deux tierces est juste, et que l'autre ne l'est pas, que celle-ci est foible et fausse d'un comma, cette preuve de Monsieur Tartini se trouvera peu convaincante.

Ajoutez à cela que dans l'ordre naturel et direct des sons, dans celui qui est indiqué par la situation des divers sons harmoniques du corps sonore, l'intervalle de sol 1/9 à fa 1/8 est un intervalle renversé de l'intervalle direct de neuviéme de fa 1/4 à sol 1/9, qui est la somme de deux quintes justes; d'où il résulteroit, suivant le septiéme [-137-] Canon, que dans l'intervalle direct de fa à sol, ce seroit plutôt le sol et non le fa qui en formeroit la dissonnance; conclusion directement opposée à celle de Monsieur Tartini.

282. La maniére dont il veut prouver ensuite que dans l'accord dissonnant ut mi sol la, qui est l'accord de la soudominante dans le mode de sol, la sixte majeure le la est une dissonnance n'est pas plus exacte.

Il suppose que cette sixte est la vraie sixte majeure, celle qui est dans le rapport de 1/3 à 1/5, ce qui n'est pas juste, puis qu'il est démontré qu'elle est dans le rapport moins simple de 1/16 à 1/27 c'est-à-dire qu'elle est d'un comma plus forte que la vraie sixte majeure, et par conséquent fausse d'autant.

283. Dans cette supposition que la sixte de ut à la est la sixte majeure juste, il observe que dans l'accord en question, qu'il exprime ainsi ut sol ut mi la, il se trouve deux quartes sol ut, et mi la; d'où il conclut par le cinquiéme Canon qu'il y a dissonnance dans cet accord, et par le sixiéme que la premiére quarte sol ut est consonnante et la seconde mi la dissonnante, et que par conséquent c'est le la qui est la note dissonnante.

284. Il est clair que tout ce raisonnement n'est point concluant, puis qu'il porte sur la supposition fausse que les deux quartes sont semblables.

D'ailleurs par le même raisonnement on pourroit prouver que dans l'accord de onziéme sol, ut, re, sol, le second sol est la note dissonnante, [-138-] car du premier sol à re, il y a exactement la même quinte que de l'ut au second sol.

285. De tout cela on est sans toute en droit de conclure que la maniére dont Monsieur Tartini prétend expliquer l'origine des dissonnances est aussi peu naturelle qu'elle est peu exacte.

286. Huitiéme Canon musical.

Che la dissonanza sia apparecchiata da nota consonante unisona, e sia risoluta in nota consonante, che a ragguaglio della dissonanza discenda per tuono, o semituono.

"Que la dissonnance doit être préparée par une note consonnante sur le même degré, et être sauvée par une note consonnante, qui soit un ton ou demiton plus bas que la dissonnance."

287. Monsieur Tartini prétend, à la faveur des principes qu'il conte avoir bien établis, donner une raison démonstrative de la maniére usitée de préparer et de sauver les dissonnances. C'est dommage que ces principes n'aient pas toute la solidité qu'il leur suppose: cette consideration me dispense de le suivre dans les raisonnemens et les analogies peu concluantes qu'il en tire pour prouver, du moins en partie, l'accord de ces principes avec les régles de la pratique dans l'emploi des dissonnances.

288. Voici seulement en peu de mots sur quoi portent ces raisonnemens et ces analogies. On se souviendra que dans les idées de Monsieur Tartini la double octave est un intervalle dissonnant, sinon de fait, du moins de droit ou quant à la forme, et qu'en conséquence elle est à la tête [-139-] des autres dissonnances que la pratique admet comme telles. On doit remarquer ensuite l'ordre dans lequel se suivent les cinq consonnances représentées dans la progression harmonique des six termes

1   1/2 1/3  1/4 1/5 1/6
ut, ut, sol, ut, mi, sol, 

lors qu'on compare chaque terme avec le terme qui suit immédiatement; on voit qu'elles se succédent dans cet ordre:

L'octave, la quinte, la quarte, la tierce majeure et la tierce mineure.

289. Cela étant, Monsieur Tartini remarque que chacune de ces consonnaces prépare l'intervalle dissonnant qui seroit formé par l'addition d'une semblable consonnance au dessous

d'elle-même, et qu'ainsi,

Premier. La simple octave 1/2, 1/4 peut préparer la double octave 1, 1/4, à la considérer comme dissonnante.

Deuxiéme. la quinte peut de même préparer une double quinte, c'est-à-dire, une neuviéme.

Troisiéme. la quarte consonnante pareillement pourra préparer une double quarte, c'est-à-dire une septiéme mineure.

Quatriéme. la tierce majeure de même pourra servir à préparer une double tierce majeure, c'est-à-dire une quinte superflue.

Et cinquiéme. enfin la tierce mineure sera la préparation d'une septiéme mineure, qui selon le calcul peu juste de Monsieur Tartini (a) n'est dissonnante [-140-] que parce qu'il entre dans l'accord sensible de septiéme mineure deux tierces mineures égales.

290. Je remarque que selon l'analogie que suit ici notre Auteur, c'est moins la septiéme mineure que la fausse quinte, (qui selon lui est la somme de deux tierces mineures égales) qui auroit dû être préparée d'une simple tierce mineure.

291. Après avoir ainsi indiqué le fondement de la préparation des dissonnances, Monsieur Tartini passe à celui qui détermine la maniére usitée de les sauver. Ce fondement est encore selon lui une analogie tirée de l'ordre dans lequel nous avons déja remarqué que les consonnances se suivent dans la progression harmonique de six termes.

292. En conséquence Premier. la dissonnance qui résulte de deux quintes, c'est-à-dire, la neuviéme, doit se sauver sur la consonnance qui vient après la quinte, c'est-à-dire sur la quarte consonnante. Deuxiéme. La dissonnance qui est la somme de deux quartes, c'est-à-dire la septiéme mineure (b) doit se sauver sur la consonnance qui suit la quarte, c'est-à-dire, sur la tierce majeure. Troisiéme. La quinte superflue somme de deux tierces majeures doit pareillement se sauver sur la tierce mineure, qui dans l'ordre indiqué suit la tierce majeure. [-141-] Où l'on voit que de ces trois dissonnances la premiére se sauve en descendant d'un ton, la seconde en descendant d'un demi-ton majeur, et la troisiéme d'un demi-ton mineur.

293. Monsieur Tartini remarque ensuite que si la double octave étoit traitée en dissonnance actuelle, elle seroit censée se sauver en descendant de quarte sur la douziéme.

294. J'ajouterai qu'il parle de l'intervalle de quinte superflue, comme d'une dissonnance inconnue dans la pratique, et il ajoute que lors qu'on l'employera, elle devra être sauvée en descendant d'un demi-ton mineur sur une tierce mineure: Ces deux assertions pourront avec raison paroitre très-singuliéres.

295. Voila en abrégé sur quoi Monsieur Tartini fonde la démonstration de son huitiéme Canon musical. Le neuviéme qui traite des notes discordantes, c'est-à-dire, des notes qui ne forment point harmonie, se trouve dans le quatriéme chapitre.

296. Sur la fin de ce troisiéme Chapitre il établit les rapports et les différences qu'il conçoit entre la modulation majeure et la modulation mineure. Ce qu'il en dit n'est pas à l'avantage de celle-ci: mais ses raisonnemens étant uniquement fondés sur sa maniére de comparer les sons et d'en estimer les rapports d'après ceux des corcordes qui les rendent, il seroit aisé, en suivant la méthode plus naturelle, celle d'établir les rapports des sons sur ceux des nombres de leurs vibrations, il seroit, dis-je, aisé de prouver par ces mêmes raisonnemens que le mode mineur devroit être censé plus parfait que le mode majeur; [-142-] puisque dans ce cas-ci la progression harmonique

1, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6;

exprimeroit l'harmonie du genre mineur, et que celle du genre majeur seroit désignée par la progression arithmétique

1, 2, 3, 4, 5, 6.

Quatriéme Chapitre.

297. Je passe au quatriéme Chapitre qui traite de l Echelle diatonique et des divers Genres de musique, de leur origine, de leur usage et des conséquences qui peuvent en être déduites.

Il reconnoit que l'échelle ou la Gamme ordinaire

ut, re, mi, fa, sol, la, si, ut;

a son fondement dans les trois accords parfaits majeurs

ut, mi, sol; sol, si, re; et fa, la, ut;

et que par conséquent elle n'a naturellement pour Basse fondamentale que les trois sons ut, sol, et fa.

298. Il examine ensuite la nature des différens intervalles que peuvent former entr'eux les divers sons de cette Gamme pris deux à deux; il fait remarquer le défaut de la tierce mineure du re au fa, et ce qui en est une suite, celui de la quinte du re au la; tierce mineure, et quinte qui, comme il le remarque expressément, sont également foibles d'un comma.

[-143-] 299. Il fait à cette occasion quelques réflexions sur la nécessité du temperament pour les instrumens à touches: il pense qu'aucun tempérament particulier n'est susceptible de démonstration; il ne paroit pas porté à admettre le temperament uniforme, celui qui rendroit tous les demi-tons égaux.

"J'approuve infiniment, dit-il, le sentiment du Pere Vallotti notre Maître, comme le plus raisonnable. Il veut qu'on laisse aux touches blanches de l'orgue toute leur perfection naturelle, soit parce qu'elles appartiennent naturellement au genre diatonique, soit parce que ce sont celles dont on fait le plus d'usage dans le service de l'Eglise, et en conséquence il veut qu'on laisse tomber la plus grande imperfection sur les touches noires, qui s'écartent le plus du genre diatonique, et sont de peu d'usage. Le Pere Vallotti, ajoute Monsieur Tartini, qui a touché l'orgue supérieurement, et qui est aujourdhui excellent Compositeur, remarque que dans cette sorte de tempérament la comparaison des différens degrés de perfection des accords selon les diverses modulations, fait un effet fort agréable; au lieu que si le tempérament étoit uniforme ou à peu près, il ne s'y trouveroit pas ce clair-obscur qui fait un si bon effet dans la pratique."

On peut voir dans la Génération harmonique les observations de Monsieur Rameau en faveur du temperament uniforme, qui valent bien, ce me semble, celles de Monsieur Tartini, ou du Pere Vallotti.

300. Il traite ensuite des conséquences qui résultent de la nature du mode, dont les différens [-144-] sons entonnés diatoniquement composent la Gamme: Il fait voir comment les trois sons fondamentaux ou générateurs de cette Gamme offrent trois sortes de cadences, Premier. la cadence harmonique, sol, ut, celle qui passe de la dominante à la tonique; elle a été nommée cadence harmonique, dit notre Auteur, parce que dans le langage musical la quinte est le terme moyen qui divise harmoniquement l'octave: Deuxiéme. la cadence arithmétique, celle qui va de la soudominante à la tonique, et qui a été ainsi désignée parce que la quarte est le terme moyen qui divise arithemetiquement l'octave: enfin la troisiéme cadence, celle qu'il appelle cadence mixte, est celle qui passe de la soudominante à la dominante (a).

301. Monsieur Tartini fait remarquer ensuite que la Basse fondamentale de l'octave diatonique

ut, re, mi, fa, sol, la, si, ut;

nous présente ces trois sortes de cadence dans l'ordre même de leur perfection, cette basse étant

ut, sol, ut, fa, ut, fa, sol, ut.

premiére. seconde. troisiéme.

302. Il examine la maniére dont on peut chiffrer les diverses notes de la Gamme placée dans la Basse, pour en former ce qu'on appelle la Régle de l'octave. Il remarque que selon la maniere la plus ordinaire de chiffrer la Gamme

ut, re, mi, fa, sol, la, si, ut,

on chiffre d'un 6 les quatre notes, re, mi, la, [-145-] et si; les trois au res, ut, fa, et sol, portant l'accord parfait.

303. Il observe à cette occasion avec raison, que la Gamme, considérée comme une Partie, n'est point naturellement une partie de Basse, mais un Dessus, qui suppose essentiellement la Basse fondamentale dont il est derivé, et que par conséquent, lorsque l'art place cette Gamme dans la Basse, la maniére la plus naturelle de la chiffrer est celle qui indique exactement l'harmonie ou les accords que porte naturellement cette Basse fondamentale, et cela de la maniére suivante,

[Serre, Observations, 145; text: 6, 4, A. ut, re, mi, fa, sol, la, si] [SEROBS2 01GF]

304. On voit ici clairement que Monsieur Tartini n'est point dans les idées de Monsieur Rameau adoptées par Monsieur d'Alembert, tant sur la nécessité supposée de concevoir dans l'intonation de la Gamme un repos sur le sol, un repos qui introduise un changement de mode, que sur le vice prétendu de la progression fondamentale de fa à sol; deux idées qui paroissent n'avoir eu d'autre fondement que le besoin de preuves propres à donner de l'importance à l'invention du double emploi.

Monsieur Tartini dit encore un peu plus loin (page 131) que dans la succession de deux accords parfaits où l'accord fa, la, ut est immédiatement suivi de l'accord sol, si, re, la fausse relation du triton, qui se trouve entre le fa du premier accord et le si du second, n'empêche point que cette succession ne soit excellente, ottima. La raison qu'il [-146-] en donne est à la vérité plus métaphysique que physique: Le fa, dit-il, étant le moyen arithmétique entre les deux termes de l'octave d'ut à ut, en est le moyen imparfait; au lieu que le sol qui en est le moyen harmonique, en est le moyen parfait: Il y a donc dans la succession fondamentale de fa à sol le progrès qu'exige la nature en toute occasion, le progrès de l'imperfection à la perfection.

305. Voici une autre maniére de chiffrer la même Gamme prise pour basse, et que Monsieur Tartini regarde comme excellente:

           6                6
B. ut, re, mi, fa, sol, la, si, ut. 

et dont selon lui la Basse fondamentale doit être

   ut, re, ut, fa, sol, la, sol, ut. 

Voici ce qu'il en dit.

"L'effet de l'harmonie de cette échelle dans sa modulation ne peut qu'être très bon, parce qu'elle renferme les deux genres d'harmonie, le majeur et le mineur. La premiére Echelle A, qui est toute dans le genre majeur, aura véritablement plus de force; mais l'autre, qui est mêlée des deux genres, aura plus de varieté et plus de douceur. Celui, ajoute-t-il, qui saura faire un bon usage de l'une ou de l'autre de ces deux échelles, ou de leur réunion selon la nature du sujet, obtiendra l'effet qu'il pourra desirer. Je conclus que soit à l'égard de l'harmonie, soit à l'égard de la modulation, je ne reconnois pour premiers principes et pour loix universelles, dans notre Musique moderne, que ces deux échelles. Toute [-147-] autre qui en différera, si elle se trouve bonne et réguliére, sera un produît de l'art, mais ne sera jamais principe ni loi."

306. On peut mettre en question si la vraie basse fondamentale de la seconde gamme B n'est pas celle-ci

[Serre, Observations, 147; text: 6, 5, ut, fa, sol] [SEROBS2 01GF]

si l'on suppose que les deux accords mineur, que portent le re et le la de cette gamme sont dérivés des accords de soudominante fa, la, ut, re, et ut, mi, sol, la, ou de leurs renversemens re, fa, la, ut, et la, ut, mi, sol, dont on a ôté l'ut de l'un et le sol de l'autre, pour donner à ces deux accords une forme consonnante. La question seroit aisément décidée, si l'on admettoit que dans la seconde Gamme le la n'est plus la tierce majeure du fa, mais la quinte du re, et que ce re y conserve son intonation naturelle, celle d'un ton majeur au dessus d'ut. C'est sur quoi Monsieur Tartini ne dit rien.

307. Il fait ensuite plusieurs réflexions sur la mesure, et sur la place qu'y occupent naturellement les cadences, les notes qui forment harmonie, et celles qui sont discordantes, c'est-à-dire qui ne sont que de passage. C'est de ces réflexions qu'il tire son neuviéme et dernier Canon, où il s'agit de l'emploi des notes de passage.

308. Neuviéme Canon musical.

In maggior restrizione di mezza battuta quanto si vuole; in maggior dilatazione di mezza battuta non mai.

[-148-] "Qu'on peut (dans la mesure à quatre tems) mettre autant de notes de passage qu'on voudra, pourvû qu'elles ne remplissent pas une demi-mesure, et sur-tout qu'elles ne l'excèdent jamais."

309. Il est bien entendu par les réflexions qui précédent ce Canon que le premier et le troisiéme tems de chaque mesure doit commencer par une note formant harmonie. Il remarque cependant ensuite que cette Régle est sujette à quelques exceptions, qui sont comme autant de licences que le goût moderne a introduites, et à la faveur desquelles on se permet de placer des notes discordantes au commencement du premier ou du troisiéme tems de la mesure.

310. Ce que Monsieur Tartini dit après cela de l'origine des différentes Clefs, qui sont en usage dans la pratique de la musique, ne contient rien qui mérite de nous arrêter.

311. Il traite ensuite de l'origine ou du fondement de l'enharmonique des anciens Grecs, qu'il trouve dans une progression très simple de basse fondamentale. Je remarquerai que ce fondement de l'enharmonique des Anciens est précisément le même que je lui ai assigné dans mes Essais page 45.

312. Mais suivons le raisonnement de Monsieur Tartini. Il rappelle l'expérience du troisiéme son, dont il a été question dans le premier Chapitre de son ouvrage: il est prouvé par cette expérience, que l'intervalle formé par deux sons dans le rapport de 6 à 7 donne pour troisiéme son [-149-] le même son grave que produisent les intervalles dans le rapport de 2 à 3, de 2 à 4, ou de 5 à 6. Il ajoute, conformément à ce qu'il en avoit dit dans le même chapitre, que cet intervalle est d'une intonation très aisée sur le violon, qu'il est physiquement harmonique, puisque la Trompette, le cor de chasse et la trompette marine le donnent naturellement, et que ce son ajouté dans l'octave diatonique du mode d'ut se trouve placé au dessus du la, et au dessous du si b, duquel si b il différe au moins d'un comma et demi.

313. Monsieur Tartini trouve à propos de le considérer et de le noter comme un si doublement bémol, ce qui à mon sens n'est point plus naturel que de le considérer et de le noter comme la [x], dont il ne différe guéres que d'un 1/3 de comma, ainsi que je l'ai prouvé ci-devant dans la premiére Partie (Article 77): mais peu importe le nom ou le signe, pourvû qu'il ne détruise pas l'idée de la chose.

Le tetracorde enharmonique des Grecs étant donc noté par Monsieur Tartini (a),

[Serre, Observations, 149,1; text: re, si b, en montant, en descendant] [SEROBS2 01GF]

il aura selon lui pour Basse fondamentale

[Serre, Observations, 149,2; text: 7, b, ut, fa, sol] [SEROBS2 01GF]

314. En conséquence de cette idée Monsieur Tartini a formé et exécuté avec une grande précision [-150-] d'intonation le petit trio de l'exemple cijoint, dans lequel le petit b italique indique un demi-bémol, et fait comprendre que la note à laquelle il est joint, tient le milieu entre un fa naturel et un fa bémol.

[Serre, Observations, 150; text: Premier Dessus, Second, Basse, ut, re, mi, fa, sol, 7, et cetera] [SEROBS2 01GF]

Monsieur Tartini assure que l'exécution de ce petit trio lui a parfaitement bien réussi, et que l'effet en est on ne peut pas plus agréable; l'effetto, dit-il, è talmente grato che nulla più.

Je crains fort qu'il ne se trouve qu'un bien petit nombre de Musiciens qui réussissent à faire cette expérience avec le même succès.

315. "La plupart des Musiciens, ajoute-t-il, (exceptez en toujours notre ami Vallotti) prétendront qu'il y a dans cet exemple un solécisme musical, parce qu'il y a sur la seconde note de la basse une septiéme, laquelle non seulement n'est point sauvée comme celle de la penultiéme note; mais même qui monte, ce qui est bien pire, et qui va contre toute regle musicale. J'ajoute, qu'elle n'est pas même préparée, et cependant elle fait parfaitement bien, parce qu'il est prouvé démonstrativement et physiquement qu'elle est dans cet exemple ce qu'elle doit y être."

316. Je remarquerai à ce sujet que l'objection que se propose Monsieur Tartini n'est pas précisément [-151-] celle qu'un Musicien lui pourroit faire, s'il jugeoit de l'intervalle en question par son oreille et non par ses yeux; puis que, comme je l'ai prouvé, c'est une sixte superflue, un mi [x], que le premier dessus doit faite entendre sur le sol de la basse, bien plutôt qu'une septiéme mineure: d'où il suit que selon les régles ordinaires cette note devoit non seulement monter, mais elle devoit monter au fa [x], et non pas au fa naturel.

317. On voit donc que l'objection, supposée faite par la plupart des Musiciens, n'auroit d'autre fondement que l'improprieté du signe ou de la note que Monsieur Tartini emploie pour représenter l'intervalle en question. On voit encore que le Musicien qui prendra cet intervalle pour une sixte superflue verra dans le passage de l'accord de la penultiéme note à l'accord de la derniére, non une septiéme mineure qui se sauve sur la tierce, mais un mouvement chromatique de mi [x] à mi naturel.

318. On voit encore que Monsieur Tartini est fort éloigné de penser que l'intervalle désigné par le rapport de 6 à 7, qui a lieu entre les deux re du second dessus et les deux fa [rob] du premier dessus dans l'Exemple précédent, soit une dissonnance affreuse et doive écorcher l'oreille, comme s'exprime Monsieur Rousseau dans l'endroit de l'Encyclopédie que j'ai rapporté ci-devant (146).

319. Continuons de suivre le raisonnement de Monsieur Tartini. "La progression harmonique sextuple nous donne le genre diatonique; mais dès [-152-] qu'elle passe le sixiéme terme, elle produit le genre enharmonique. L'Expérience du troisiéme son démontre que tous les intervalles de l'accord sol, si, re, fa [rob] (a) représenté par les nombres 1/4, 1/5, 1/6, 1/7, donnent également le même troisiéme son, qui en est par conséquent la basse fondamentale. Donc une telle septiéme (b) est consonnante (c), et non pas dissonnante; donc elle n'a pas besoin d'être ni préparée ni sauvée; elle peut également monter ou descendre, pourvû que l'intonation en soit juste."

320. Il conclut de là que la Trompette ordinaire, la trompette marine, et les Cors de chasse, qui donnent naturellement cette note, peuvent en faire un très bon usage.

321. Il va plus loin, il pense que, si dans l'accord ordinaire de septiéme mineure sol, si, re, fa, l'on est dispensé de préparer la septiéme, c'est que vû le peu de différence d'intonation qu'il [-153-] y a entre le fa naturel de cet accord et le fa demi-bémol; ce fa naturel, au jugement de l'oreille, ne paroit point changer le fond de l'harmonie de l'accord parfait sol, si, re; et n'en altére que peu ou point le bon effet; nulla, o poco disturba l'ottimo effetto dell' armonia.

322. Mais comme cette septiéme consonnant, ajoute Monsieur Tartini, n'appartient point au genre diatonique, le seul genre parfait, vû qu'elle n'est point contenue dans la Progression sextuple, il s'ensuit qu'elle ne doit jamais être ajoutée à l'accord de la tonique, traitée comme tonique; ni à l'accord parfait d'aucune autre note qui termine un sens musical.

323. Il finit ce quatriéme Chapitre par une réflexion qui paroit juste, savoir, que c'est dans le genre diatonique que se trouve la substance du sistème harmonique, que c'est le seul genre parfait, le seul qui puisse se passer des deux autres; et qu'au contraire les deux autres, le chromatique et l'enharmonique, ne sont que des modifications de ce premier genre, et ne peuvent exister qu'autant qu'elles y tiennent.

Cinquiéme Chapitre.

324. Le Chapitre cinquiéme traite des modes musicaux anciens et modernes.

Je ne m'arrêterai point à expliquer d'après Monsieur Tartini ce qu'étoient les modes chez les anciens Grecs: Mais je crois devoir rapporter en abregé ses conjectures sur la nature de leur musique ou de leurs chants.

[-154-] 325. Monsieur Tartini pense que la musique des anciens Grecs étoit à plusieurs égards extrêmement différente de la notre.

Selon lui il est probable qu'ils conservoient bien dans leurs chants la distinction des syllabes longues et breves; mais non pas de façon à leur donner toujours la même longueur ou la même brèveté; qu'ils allongeoient les longues, ou racourcissoint les bréves plus ou moins, selon que l'expression l'exigeoit: il pense qu'à cet égard leurs chants pouvoient ressembler beaucoup au recitatif italien, dans lequel on apperçoit à peine la mesure; ce genre de chant étant une imitation plus juste de la marche des passions, dont le mouvement n'est, et ne sauroit être aussi compassé que l'est celui de nos airs.

326. A l'égard de la question, qui a été fort agitée de nos jours, savoir si les Anciens avoient connoissance et faisoient usage de l'harmonie dans le sens que nous l'entendons: Monsieur Tartini laisse indécise la premiére partie de cette question; mais quant à l'emploi de l'harmonie, ou de différentes parties simultanées, il conjecture que, quelque connoissance qu'ils ayent pû avoir de ce genre de musique, ils ne pouvoient, ni ne devoient point en faire usage, pour arriver au but qu'ils se proposoient, qu'ils ne devoient par conséquent employer que le genre purement mélodique.

327. Cette idée Monsieur Tartini la fonde sur les considérations suivantes, que chaque passion a des mouvemens et des intonations qui lui sont propres: la gaieté est rapide dans sa marche, [-155-] et ses tons se portent volontiers à l'aigu; la tristesse au contraire est lente et elle tombe naturellement dans le grave. Cela étant, est-il probable, ajoute notre Auteur, que les Grecs, grands imitateurs de la nature, ayent voulu composer comme nous à quatre Parties, où l'on entend en même tems le grave et l'aigu, où l'effet de l'un qui tend à la gaieté est en opposition avec l'effet de l'autre qui tend à la tristesse. Dira-t-on qu'on rémédie à ce défaut par le mouvement, en donnant à la Partie supérieure la vitesse qu'exigera l'expression? Fort bien, dit Monsieur Tartini, pour cette Partie; mais le tout n'en sera pas mieux, tant que l'effet des sons graves de la Basse sera en opposition avec l'effet des sons aigus du Dessus.

328. C'est là, selon lui, la raison qui fait que nos meilleures compositions modernes excitent bien en nous une sorte d'émotion, une sorte de mouvement vers une certaine passion; mais cette émotion, ce mouvement n'ayant pas une direction assez déterminée, l'effet n'est jamais complet, l'impression reste toujours trop vague.

329. Ajoutez à cela l'effet différent des intervalles que forme le chant des différentes Parties: On sait que chaque intervalle a son expression propre. Supposez donc que la partie superieure procéde par les intervalles les plus propres à la joye, c'est une nécessité dans notre musique qu'une ou plusieurs des autres parties procédent par des intervalles qui ne conviennent point à cette passion. Il y a donc entre ces différentes parties une opposition d'expression qui [-156-] doit détruire, ou du moins affoiblir extrêmement l'effet désiré.

330. Il est raisonnable de penser que les Anciens, comme anciens et comme inventeurs de l'art, ont dû se porter au genre de musique le plus simple et le moins artificiel. Le genre purement mélodique, étant sans doute plus naturel, a dû certainement être cultivé avant le genre harmonique; mais plus le genre auquel on se borne est simple, plus il est aisé de le porter à la perfection dont il est susceptible.

331. Voici en quoi a pû consister, du moins en partie, celle du chant des anciens Grecs. Ils observoient, non servilement, mais avec goût, la longueur des sillabes; ils choisissoient le genre de voix le plus convenable; c'est-a-dire qu'ils faisoient éxécuter leur chant par une voix de Dessus, de Haute-contre, de Taille ou de Basse selon la nature du sujet: ils faisoient accompagner ce chant à l'unisson par l'instrument le plus propre à en augmenter l'effet: la mélodie de leurs chants étoit formée des intervalles les plus convenables à cet effet, et cetera.

332. Ajoutez à cela que les Compositeurs étoient en même tems philosophes, poëtes et musiciens: d'où il résultoit que leurs compositions bien éxécutées, offrant en même tems aux auditeurs un chef-d'oeuvre de poësie, de déclamation et de musique, pouvoient produire les effets étonnans que l'histoire leur attribue. On voit donc que dans un tel genre de musique tout tendoit à remuer l'ame, au lieu que notre musique moderne plus artificielle, plus compassée, [-157-] plus chargée de sons et de petits agrémens, est presque toute subordonnée à la sensation de l'oreille, et passe rarement jusqu'au coeur.

333. Après avoir ainsi proposé ses idées sur la nature de la Musique des Anciens Grecs, Monsieur Tartini propose quelques réflexions sur l'effet qu'elle feroit aujourd'hui sur nous, s'il nous étoit possible d'en entendre quelques morceaux: il juge que les circonstances où nous nous trouvons aujourd'hui, relativemeat à la musique, sont trop différentes de celles où se trouvoient les Grecs, pour que leur musique pût nous affecter comme elle les affectoit.

334. Il reconnoit cependant qu'il se rencontre quelquefois, mais comme par hazard, dans la musique moderne des passages dont l'effet merveilleux prouve sufisamment la possibilité de celui que les Anciens racontent de leur musique. Il rapporte à cette occasion l'impression singuliére que fit sur tous les Auditeurs une ligne de recitatif d'un Opéra qu'on représentoit à Ancone en 1714.

Le trouble et l'effroi que ce morceau de recitatif jettoit dans l'ame et qui sembloit glacer le sang des spectateurs, musiciens ou non musiciens, les fit tout changer de couleur et s'entreregarder les uns les autres. Cet opéra représenté treize fois de suite produisit treize fois le même effet. C'est grand dommage que Monsieur Tartini n'ait pas conservé une copie de ce merveilleux passage; il témoigne lui-même un vif regret de ne l'avoir pas fait.

335. Monsieur Tartini propose ensuite ce qu'il [-158-] pense sur le choix des intervalles dans la mélodie, et sur celui de la mesure, relativement au sentiment ou à la passion que le Musicien veut exprimer. Ce qu'il dit à cette occasion ne me paroissant ni fort nouveau ni assez bien raisonné, je renvoie à l'ouvrage même ceux qui seroient curieux de savoir ce qu'il pense sur cette matiére.

Sixiéme Chapitre.

336. Nous voici arrivés au dernier Chapitre qui traite des Intervalles et des modulations particuliéres à la Musique moderne. Il réduit ces intervalles à trois, la seconde superflue, la tierce diminuée, et la quarte diminuée, qui par leur renversement donnent la septiéme diminuée, la sixte superflue, et la quinte superflue. Dans l'indication qu'il donne de l'usage ordinaire de ces intervalles, je remarque que Monsieur Tartini ne pense pas, comme plusieurs Musiciens, que la quarte diminuée soit entiérement bannie de l'harmonie; il donne un exemple, où selon lui elle se pratique entre le premier et le second dessus: voici l'exemple.

[Serre, Observations, 158; text: Premier Dessus, Second, Basse, ut, re, mi, fa, sol, la, si, b, 6] [SEROBS2 01GF]

337. Monsieur Tartini passe ensuite à la formation [-159-] (a) d'une Gamme particuliére, d'une Gamme diatonique chromatique et enharmonique dans laquelle se rencontrent les trois sortes d'intervalles qui selon notre Auteur sont propres à la Musique modern. Voici cette Gamme:

la, si, ut, re [x], mi, fa, sol [x], la.

338. On peut y remarquer avec Monsieur Tartini deux tetracordes semblables conjoints, le premier si, ut, re [x], mi, et le second mi, fa, sol [x], la. Il ne se trouve dans cette gamme que trois notes, le la, le mi et le sf, qui puissent à l'aide des seuls sons qu'elle contient porter un accord parfait majeur ou mineur; le la, tonique de cette espéce de mode mineur, forme avec l'ut et le mi un accord parfait mineur; mais le mi, accompagné du sol [x] et du si, et le fa, accompagné du la et de l'ut, portent chacun un accord parfait majeur. Ces trois notes la, mi et fa, seront dont les seules qui puissent entrer dans la basse fondamentale de ce mode ou de cette modulation.

339. Monsieur Tartini pense qu'on peut former un trés bon genre de musique, dans lequel il n'entre que les sons de cette échelle, et qui n'ait d'autres sons fondamentaux que ceux qui viennent d'être indiqués. Il nous assure que ceux qui ont entendu sans prévention quelques essais [-160-] de cette modulation, sont convenus qu'elle produisoit un très bon effet. Mais pour mettre le Lecteur musicien en état d'en juger, il en donne un Exemple à quatre Parties d'une vingtaine de mesures.

340. On voit par cet exemple que dans cette sorte de modulation le fa porte souvent la sixte superflue re [x] ajoutée à l'accord parfait. Or comme cette sixte approche extrêmement de la juste intonation du son qui répond au terme 1/7 de la progression harmonique, ainsi que nous l'avons déja observé, il s'ensuit que dans la pratique la même note le re [x] peut désigner également l'un ou l'autre de ces deux sons: mais le son qui répond au terme 1/7 est un des sons physiquement harmoniques du fa fondamental 1, 1/2 ou 1/4; donc, conclut Monsieur Tartini, l'addition du re [x] à l'accord parfait fa la ut, n'en détruit point la forme consonnante, donc l'accord fa la ut re [x] est un accord tout consonnant.

341. On peut conclure de là quelle doit être dans les idées de Monsieur Tartini la Basse fondamentale de cette Gamme; ce ne peut être que la suivante,

Gamme   la, si, ut, re [x], mi, fa, sol [x], la.
B. Fle. la  mi  la  fa      mi  fa  mi       la.

Mais on pensera avec assez de raison que la Basse Fondamentale du re [x] devroit être un si, et que celle du fa pourroit être un re naturel (a). Cette Basse Fondamentale paroitra même alors tout-à-fait réguliére, surtout si l'on imagine un [-161-] repos sur le mi, et qu'en conséquence on lui donne une double fonction, premiérement celle de tonique, et ensuite celle de quinte de la. En ce cas la Gamme et sa Basse Fondamentale seroient conçues de la maniére suivante.

Gamme   la si ut re [x] mi, mi fa sol [x] la.
B. Fle. la mi la si     mi, la re mi      la.

342. Cette Basse fondamentale est, comme on voit, très naturelle et très réguliére, elle est même très conséquente et très analogue à l'idée des deux tetracordes semblables que Monsieur Tartini reconnoit lui-même dans cette Gamme; puis qu'alors ces deux tetracordes sont comme calqués l'un sur l'autre, et sont traités exactement de la même maniére; au lieu qu'en n'admettant avec Monsieur Tartini pour sons fondamentaux que les trois sons la, mi, et fa, ces deux tetracordes sont nécessairement traités d'une maniére fort différente. Mais en admettant la Basse fondamentale que je viens de proposer, le chant

la si ut re [x] mi fa sol [x] la,

ne seroit plus la Gamme d'un seul mode; puis qu'il tient alors nécessairement à deux modes, à celui de la comme principal, et à celui de sa quinte mi comme adjoint.

341. Quelque juste et naturelle que soit cette maniere d'énvisager ce chant, elle nous éloigneroit de la modulation que Monsieur Tartini en veut tirer: dans cette modulation le re [x], selon cet Auteur, ne se présente jamais que comme une extension de l'harmonie naturelle ou consonnante [-162-] de fa. On ne peut donc, en suivant cette idée, éviter d'attribuer à ce fa la qualité de son fondamental unique de l'accord entier fa, la, ut, re [x], pris pour accord consonnant.

344. Mais il n'est pas moins naturel, il l'est même beaucoup plus, de regarder le re [x] comme une vraie sixte superflue, comme tierce majeure juste de si dominante de mi: dans une Basse fondamentale la progression la si mi, est bien plus réguliére (le la y étant considéré comme tonique rendue soudominante) que la progression la fa mi, que suppose l'idée de Monsieur Tartini; et cela d'autant mieux que ce re [x] étant ici note sensible de mi, du moins pour le moment, ne peut l'être, qu'autant qu'il est tierce majeure d'un si fondamental, d'un si dominante dans le Ton de la note mi qui suit immédiatement le re [x] comme tonique dans cet instant, mais qui peut sur le champ être rendue dominante tonique du la, tonique principale.

345. Il se présente encore une autre route assez naturelle pour arriver à la même conclusion au sujet du fondement ou de l'origine de l'accord de sixte superflue. On peut fort bien le considérer comme un accord par substitution, comme un accord substitué à celui de soudominante re, fa, la, si, qui succéderoit très naturellement à l'accord la, ut, mi, de la tonique la, et seroit aussi très naturellement suivi de l'accord de sa dominante mi, sol [x], si, ou mi, sol [x], si, re. Suivant cettte idée l'omission du re fondamental dans l'accord re, fa, la, si, permet l'addition d'une tierce au dessus du si, et [-163-] d'une tierce qui ne peut être que majeure, qu'un re [x], vû qu'une tierce mineure, un re naturel, ne produiroit qu'un simple renversement, et non pas une substitution. Or comme dans une tierce majeure juste, le son grave est toujours censé fondamental de l'aigu, il s'ensuit que dans l'accord substitué fa, la, si, re [x], où les deux tierces majeures fa la, et si re [x] sont justes, le fa est fondamental du la, comme le si l'est du re [x].

346. On n'est pas moins en droit de considérer l'autre accord de sixte superflue fa, la, ut, re [x], comme un accord substitué à l'accord re, fa, la, ut, accord de soudominante dans le mode mineur de la (45), qui ne differe de l'accord re, fa, la, si, qu'en ce que l'ut septiéme mineure forte du re n'existe dans l'accord re, fa, la, ut, que par la suspension du si: par conséquent l'accord re, fa, la, ut ne différe point, quant à son fondement, de l'accord re, fa, la, si: de sorte que la substitution, qui peut être reçue pour ce dernier accord, peut également avoir lieu pour l'autre.

347. Remarquons cependant en passant que s'il étoit vrai que dans un accord parfait mineur, tel que l'accord re, fa, la, on ne dût reconnoitre pour son fondamental que le seul re, il en faudroit conclure qu'à regarder les deux accords fa, la, ut, re [x], et fa, la, si, re [x], comme accords par substitution, ces deux accords devroient être censés avoir un re au lieu du fa pour principal fondement. Mais comme il est évident (Article 4.) que l'accord parfait mineur re [-164-] fa la porte sur un double fondement, que le fa y est fondamental aussi bien que le re, on comprendra aisément que, quoiqu'on puisse accorder dans un bon sens, dans un sens étendu, que re soit le fondement des deux accords de sixte superflue dont-il s'agit ici (a), il sera toujours vrai que fa est le son fondamental immédiat de la tierce majeure fa la, ou de l'accord parfait fa, la, ut, et que le si est aussi le fondement immédiat de l'autre tierce majeure si re [x], ou du seul re [x], lorsque l'admission de l'ut suspend celle du si.

348. De ces considérations je crois pouvoir inférer que c'est avec raison que je regarde les deux sons fa et si comme étant le vrai fondement commun des deux accords fa, la, si, re [x], et fa, la, ut, re [x].

349. Je laisse à ceux qui voudront comparer l'origine que Monsieur Tartini donne à la modulation, et à la Gamme qu'il propose, avec celle que je lui attribue, à juger laquelle de ces deux origines est la plus simple et la plus naturelle.

350. J'ajouterai que s'il est un cas où l'admission d'un double fondement pour un accord soit légitime, c'est sans doute à l'égard des deux accords de sixte superflue, de deux accords qui portent évidemment sur deux modes, vû qu'il n'y a aucun mode qui renferme en même tems un fa natural et un re [x].

[-165-] 351. Mais si ces deux accords de sixte superflue, et particuliérement l'accord fa, la, si, re [x], portent évidemment sur le double fondement de fa et de si que je leur assigne, on comprendra que la contestation qui s'est élevée depuis quelque tems entre Monsieur Rameau et Monsieur d'Alembert sur le fondement ou l'origine de cet accord, a dû paroitre à ceux qui ont reconnu la justesse du double fondement que je lui ai attribue, une contestation peu digne de leur célébrité.

352. Monsieur Rameau refuse à cet accord la qualité d'accord fondamental: il va même plus loin, et selon lui ce n'est pas même un accord (a). Quant à Monsieur d'Alembert, il prétend bien que cet accord est un accord fondamental; mais la raison qu'il allégue en faveur de cette assertion me paroit assez singuliére: "Soit qu'on assigne, dit-il, une origine à cet accord, soit qu'on ne lui en assigne point, il est certain qu'on doit le regarder comme un accord fondamental, puisqu'il n'a point de Basse fondamentale."

353. Il paroit cependant que Monsieur d'Alembert a longtems présumé que cet accord pouvoit bien n'être pas dépourvû de sa Basse fondamentale; vû que dans la Note e de sa réponse à la lettre de Monsieur Rameau, il avoue ingenûment que dès l'année 1752, où parut la premiére édition de ses Elémens de Musique, jusqu'à l'année 1762, qu'il a publié cette réponse, il a cherché, mais inutilement, la Basse fondamentale de cet accord.

[-166-] Ce n'est pas ma faute si dès le commencement de l'année 1753, qu'il a pu voir ce que j'ai dit sur ce sujet dans mes Essais page 60, il n'a peut-être fait aucune attention au fondement que je donne à cet accord.

354. D'ailleurs je ne conçois pas quelle raison a pû empêcher Monsieur d'Alembert de regarder le fa comme le son fondamental de cet accord, vû sur-tout que cet accord n'est guéres susceptible de renversement. Seroit-ce parce que ce fa s'y trouve accompagné de deux dissonnances pour une tierce majeure juste qu'il porte? Mais dans les principes de Monsieur Rameau l'accord si, re, fa, la, n'a-t-il pas le si pour Basse fondamentale? et ce si ne porte-t-il pas aussi deux dissonnances, une fausse quinte et une septiéme mineure, pour une seule tierce mineure, qui même n'est pas juste, qui est foible d'un comma, si la modulation est dans le mode mineur? Ou bien seroit-ce parce que dans les principes de Monsieur Rameau tout accord dissonnant doit être un accord de septiéme, ou un renversement d'un accord de septiéme? Mais Monsieur d'Alembert accordera-t-il cet à illustre Artiste le droit de prescrire à l'harmonie des bornes que la Nature n'a point établies? C'est assurément ce que je ne présume pas.

355. Revenons à Monsieur Tartini: Il se propose une objection qu'il pense qu'on pourroit lui faire sur le fondement de l'accord fa, la, ut, re [x], en le prenant pour un renversement de l'accord de septiéme diminuée re [x], fa, la, ut. Après avoir donné quelques raisons pour prouver le [-167-] peu de justesse de cette idée, il en appelle au jugement même de l'oreille pour décider laquelle de ces deux formes est la plus naturelle et la mieux sonnante, soit qu'on les considére comme formant un chant, soit qu'on les prenne comme formant un accord. Il avertit encore que c'est à dessein que dans l'exemple qu'il donne, il a employé l'accord dont il s'agit sous différentes formes, afin qu'on puisse d'autant mieux reconnoitre la maniére la plus avantageuse de le pratiquer.

356. Il remarque ensuite que plusieurs des modulations, qui ne sont en usage que depuis quelque tems, sont fondées sur les intervalles particuliers à sa nouvelle Gamme. Les modulations dont il veut parler sont,

Premier. Celles en général où, à la faveur de la ressemblance apparente de quelques accords qui différent dans le fond, on se prévaut de cette ressemblance pour les substituer l'un à l'autre, et passer ainsi contre l'attente de l'oreille, d'un mode établi à un autre mode qui ne lui est pas relatif.

357. Deuxiéme. Celles en particulier où, à l'exemple du clavecin, on confond un bémol avec le diéze voisin. Cette deception acoustique se pratique communément, comme on fait, sur l'accord par substitution, c'est-à-dire sur l'accord de septiéme diminuée ou sur ses dérivés. On voit que les deux notes sol [x] et fa, qui forment l'intervalle de septiéme diminuée ou de seconde superflue, sont contenues dans la nouvelle Gamme qu'il propose.

358. Mais Troisiéme. l'accord de sixte superflue, ajoute-t-il, ne fournit pas moins l'occasion de pratiquer [-168-] de parells paralogismes enharmoniques; la proximité du re [x] au mi b, dont l'un forme la sixte superflue et l'autre la septiéme mineure de fa, offre le moyen de faire succéder à l'accord fa, la, ut, re [x] ce qui suivroit naturellement l'accord de septiéme fa, la, ut, mi b, et réciproquement de passer de ce dernier accord à ce qui succéderoit naturellement à l'accord de sixte superflue.

359. Monsieur Tartini termine ce dernier Chapitre de son Traité par quelques réflexions sur les occasions et sur la maniére de faire un bon usage de ces diverses sortes de transitions. C'est principalement dans les récitatifs d'un Opéra, d'un Oratorio, ou d'autres pareilles compositions, qu'il pense que ces licences enharmoniques peuvent trouver leur place; et cela, ou pour préparer l'oreille à entendre un air dans un mode peu relatif à celui qui précéde, ou pour exprimer certains sentimens, qui peut-être ne pourroient être bien rendus que par de tels changement inopinés de la modulation.

360. A ces remarques de Monsieur Tartini je crois pouvoir ajouter qu'un des meilleurs usages qu'on puisse faire, soit en général des transitions d'un mode à un autre mode peu rélatif, soit en particulier des transitions enharmoniques, c'est de s'en servir pour rentrer promptement, et même avec une agréable surprise, dans le mode principal, lorsque par un enchainement régulier de modes relatifs, on s'en est insensiblement fort écarté.

[-169-] Conclusion du Traité.

361. Il me reste à donner en peu de mots une idée de la Conclusion de cet ouvrage. Elle est destinée à répondre à quelques difficultés qu'on pourroit faire contre le sistème de Monsieur Tartini.

Les deux premieres regardent les phénomènes exposés dans le premier Chapitre. "J'ai assuré, dit Monsieur Tartini, "que la corde sonore ne produit que trois sons dans les rapports 1, 1/3, 1/5, d'autres prétendent qu'elle en produit plusieurs autres, savoir premiérement 1/2, 1/4 qu'on ne peut observer qu'avec peine à cause qu'ils ne sont que les octaves du son principal, et en second lieu ceux qui viennent après 1/5, savoir 1/6 1/7 et cetera mais qui sont presque insensibles parce qu'ils sont trop aigus (a). Je veux bien accorder que cela soit ainsi; mais il me suffit, pour le fond du sistème, que tout le monde convienne qu'ils sont en proportion harmonique."

362. La seconde objection tombe sur les Expériences du troisiéme son. J'ai déja rapporté cette [-170-] objection ci-devant avec l'aveu de Monsieur Tartini sur sa validité (183).

363. Il reconnoit ensuite que le second Chapitre, entiérement destiné à prouver que la forme du Cercle est harmonique, contient plusieurs raisonnemens difficiles à bien entendre, et même divers principes qui semblent s'entredétruire, et qui peuvent par conséquent fort embarrasser le Lecteur. Mais, ajoute Monsieur Tartini, le reméde est aisé; il ne s'agit que de choisir et de réunir ensemble les seules propositions qui se trouvent démontrées. Il indique ensuite, et expose encore assez au long les propositions qu'il juge telles, et qu'il réduit au nombre de trois ou quatre, que je crois pouvoir me dispenser de rapporter ici.

364. On peut encore, selon Monsieur Tartini, proposer deux difficultés contre le troisiéme Chapitre relativement à son sistème: la premiere est un doute, si le cercle est image, ou modèle; la seconde est une question savoir si le sistème ne s'étend que jusqu'au sixiéme terme de la progression harmonique, ou s'il s'étend au-dela. Ces deux difficultés, ajoute-t-il, sont résolues dans ce chapitre d'une maniére qui ne souffre aucune replique. Il ajoute cependant ici quelque chose pour achever de résoudre la seconde de ces deux difficultés.

J'ai moi-même proposé dans l'endroit une objection qui me paroit encore dans toute sa force: Aussi ce n'est point celle à laquelle Monsieur Tartini répond ici, et qu'il énonce de la maniére suivante.

[-171-] 365. "A l'égard, dit-il, de la seconde difficulté, il est vrai que pour prouver que la progression sextuple renferme tout le sistème harmonique, je fais usage du phénomene de la corde sonore d'un monocorde comme ne rendant que trois sons; mais si elle en produit davantage, si elle rend les sons 1/6, 1/7 et cetera la preuve n'a certainement plus lieu. Mais, continue-t-il, cette preuve n'étant qu'une preuve surabondante, et la principale étant une démonstration tirée de la nature du cercle qui montre évidemment que le sistème harmonique ne peut outrepasser le 1/6, qu'il ne se convertisse en sistème géométrique (a), cette preuve principale se trouve sans replique." Il faut avouer que cela n'est pas encore fort clair, ni fort susceptible de le devenir.

366. La derniére difficulté qu'il se propose, et qu'il envisage comme la plus forte, attaque ce qu'il dit, sur la fin de ce troisiéme chapitre, de la nature des consonnances et des dissonnances. Il reconnoit "qu'il a avancé à cette occasion, des propositions extrêmement opposées aux idées reçues. Mais, ajoute-t-il, ce n'est pas moi qui m'oppose à ces idées, ce sont les phénomènes qui me forcent à penser comme je fais; et qui doivent forcer tout autre à penser de même. Je ne fais que suivre aveuglément les loix de la nature, et ce n'est pas à moi, mais à la nature même de l'harmonie (alla fisico-armonica natura) qu'il faut s'opposer.

[-172-] 367. "Comme je ne prévois point, continue-t-il, d'autres difficultés essentielles, je me flatte d'avoir établi dans les trois premiers Chapitres tout le sistème avec toute l'évidence possible, ainsi que je m'y suis engagé dès le commencement."

368. Il reconnoit ensuite qu'il reste encore beaucoup à faire pour tirer du sistème toutes les conséquences qui s'en peuvent déduire; et qu'il seroit fort à souhaiter qu'un habile homme entreprit de traiter à fond la science et l'art du Contrepoint, vû, ajoute-t-il, qu'il ne s'est encore trouvé personne qui en ait démontré les régles par les vrais principes de l'harmonie.

369. Il témoigne qu'il ne peut assez admirer les progrès que les Musiciens ont fait dans l'art musical, n'ayant pour tout guide dans la pratique que le sentiment de l'oreille: mais il pense cependant que pour porter cet art à sa perfection, il importe extrémement de réunir la Théorie avec la Pratique, la Science avec le Sentiment.

370. Il espère que si cette Science, qu'il appelle physico-harmonique, vient à être plus cultivée, on pourra découvrir un jour qu'elle s'étend bien au delà de ce que nous pouvons présumer; la Théorie musicale n'en étant qu'une petite partie. Il ne doute point que si des hommes de génie se livroient avec zèle à l'étude de cette science, ils ne parvinssent à y faire des découvertes de la plus grande importance.

371. Enfin s'addressant à son ami Monsieur le Comte Trento, il lui témoigne la confiance qu'il a qu'après [-173-] qu'il se sera convaincu par un examen rigoureux de la vérité du sistême, il lui sera facile d'en tirer lui-même toutes les conséquences importantes qui peuvent s'en déduire, et qu'il y trouvera en particulier les raisons des Régles du Contrepoint à l'égard des Octaves et des Quintes consécutives, celles de la préference du mouvement contraire au mouvement semblable, de la formation des fugues, et cetera.

372. Je laisse au Lecteur le soin de faire sur cette Conclusion les remarques qu'il jugera à propos: je me contenterai d'observer qu'il est permis de douter qu'on puisse trouver dans les seuls principes physico-mathématiques de l'harmonie les raisons, et moins encore les démonstrations des Règles du Contrepoint. Il paroit, ainsi que j'ai déja eu occasion de le remarquer ci-devant, que ces Régles dépendent, du moins en bonne partie, d'un autre genre de Principes, de Principes communs à tous les beaux arts, à tous les Arts soumis à l'empire du Goût.

[Footnotes]

(a) [cf. p. 117] Voici le texte: "Data una serie di corde pendole sonore supposte di egual grossezza, e disposte nella loro longuezza come i quadrati delle frazioni 1, 1/4, 1/9, 1/16, et cetera, adattato a ciascuna corda un peso sompre eguale, i suoni delle corde suddette sono in note musicali, come ut, ut, sol, ut, mi, sol, e in numero, come 60, 30, 20, 15, 12, 10. Le oscillazioni delle suddette corde sono equitemporanee con questa legge, che mentre la corda 1 oscilla una volta, la corda 1/4 oscilla due volte, la corda 1/9 tre, la corda 1/16 quatro et cetera, e s'incontrano nello stesso punto, quando gli si dia il moto a ragguaglio.

(b) [cf. p. 117] Il a sans doute voulu dire comme les quarrés 1/1, 1/4, 1/9, 1/16, et cetera, des fractions 1/1, 1/2, 1/3, 1/4, et cetera.

(c) [cf. p. 117] C'est-à-dire sans doute à l'autre bout de chaque corde.

(d) [cf. p. 117] Cette progression répond exactement à celle ci

1, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6.

(a) [cf. p. 119] L'explication de ce phénomène, telle que je l'ai proposée dans mes Essais, prouve assez clairement, ce me semble, que Monsieur Tartini imagine beaucoup de merveilleux où il y en a fort peu.

(a) [cf. p. 122] L'épithète d'indéfini est ici de trop; elle suppose ce qui est en question. C'est celle d'infini qu'il faloit y substituer, vû la suite du raisonnement.

(b) [cf. p. 122] C'est-à-dire dans le sens qui donne au terme x une grandeur infinie à la rigueur.

(c) [cf. p. 122] Et selon lequel le terme x désigne seulement une grande indifinie, ou plutôt une grandeur dont on n'a pas une expression numerique parfaitement exacte.

(a) [cf. p. 124] Ella Signore Conte si maraviglierà, che io mi sia data la pena di provar la mia proposizione in si fatto modo, che si resti non solamente convinto, ma oppresso dal peso delle ragioni. Oltre che questa proposizione è il fondamento principale del mio sistema, si degni di credermi, che la proposizione è per se, e indipendentemente dal sistema musicale di tal, e tanta importanza, che son sicuro non esservi la eguale in tutte le note umane scienze. Anzi sappia, che qui ho detto il meno di quanto si può dire: il più appartiene ad altra scienza.

(a) [cf. p. 129] Je me trouve obligé, dans cette analyse du Traité de Monsieur Tartini, de me conformer à sa maniére d'exprimer les [-130-] rapports des sons par ceux des cordes qui peuvent les rendre, bien que cette méthode soit moins naturelle et moins simple que celle qui les tire du nombre des vibrations.

(a) [cf. p. 136] Page 100.

(a) [cf. p. 139] Voyez ci-devant les Articles 280 et 281, et ci-après l'Article 198.

(b) [cf. p. 140] Monsieur Tartini ne dit pas dans cette occasion que la septiéme mineure soit la somme de deux quartes; cela ne s'accorderoit pas tout à fait avec ce qu'il en a dit auparavant, il se contente de dire qu'il faut suivre la méthode qu'indique l'analogie.

(a) [cf. p. 144] Nous avons vû dans la premiére partie de cet écrit que cette espèce de cadence est fort usitée dans le mode mineur.

(a) [cf. p. 149] Le caractère grec [signum] indique le double bémol que Monsieur Tartini conçoit sur le si.

(a) [cf. p. 152] Je me conforme à l'expression de Monsieur Tartini; mais on peut très-bien concevoir ici un mi [x] au lieu d'un fa demi-bémol.

(b) [cf. p. 152] Il est plus naturel de l'appeller sixte superflue, ou si l'on veut sixte enharmonique, comme étant environ d'un quart de ton plus forte qu'une sixte majeure.

(c) [cf. p. 152] On doit prendre ici l'epithete de consonnante dans un sens un peu plus étendu qu'il n'a dans la pratique, et cela parce qu'il ne se trouve pas de terme qui exprime la nuance de cet intervalle relativement aux intervalles de quinte et de tierce. Le son dont il s'agit tient aux consonnances par la nature de son origine, il tient aux dissonnances par sa dureté: On a déja établi deux sortes de consonnances, les parfaites et les imparfaites; l'intervalle dont il s'agit formeroit une troisiéme sorte qu'on pourroit nommer consonnance impropre.

(a) [cf. p. 159] Il seroit difficile de donner en peu de mots une idée exacte de la route par laquelle Monsieur Tartini arrive à la formation de cette Gamme; d'ailleurs la maniere dont il la déduit des principes qu'il a tâché d'établir auparavant, n'est à mon sens nullement à l'abri d'une juste critique; je me borne donc à donner le résultat de sa recherche.

(a) [cf. p. 160] Dans le sens ordinaire qui admet que le son grave d'un accord parfait mineur est le fondement de la tierce mineure, aussi bien que de la quinte de cet accord.

(a) [cf. p. 164] On pourroit nommer son radical un s'on qui n'est pas immédîatement le son fondamental d'un accord, qui ne l'est que dans le sens que l'est le re à l'égard des deux accords en question. Plus on analyse les objets de nos réflexions, plus on sent le besoin de mots et d'épithétes propres à distinguer les différentes idées que cette analyse présente à l'esprit.

(a) [cf. p. 165] Réponse de Monsieur d'Alembert à une lettre de Monsieur Rameau, page 221. de la nouvelle Edition de ses Elémens de Musique.

(a) [cf. p. 169] C'est bien plutot parce qu'ils sont trop foibles: lors, par exemple, que la corde sonore est à l'unisson du bourdon d'un Violoncelle, le 1/6 est un sol, septiéme mineure de la chanterelle; et le 1/7 est un la [x], octave superflue de cette même chanterelle. Ces deux notes sont bien éloignées de se trouver dans le cas d'être trop aigues pour être entendues.

(a) [cf. p. 171] Celui qui contient les consonnances et les dissonnances dans les principes de Monsieur Tartini.


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